ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION
du D^ Toulouse, Directeur de Laboratoire à l'École des Hautes-Etudes.
Secrétaire général : H. PiÉRON, Agrégé de l'Université.
BIBLIOTHÈQUE D'ANTHROPOLOGIE
Directeur : D-^ G. Papillault
Professeur à l'École d'Anthropologie de Paris,
Directeur adjoint du Laboratoire d'Anthropologie à l'École des Hautes-Études.
LE PAGANISME CONTEMPORAIN
CHEZ LES PEUPLES CELTO-LATINS
PRINCIPAUX OUVRAGES DU lYlÈME AUTEUR
Contes populaires de la Haute-Bretagne; Coules des j^aysans
et des pécheurs ; Contes des marins. (Bihliotlièque Cliarpentier). '
3 iu-18. Chaque volume 3 50
Contes des Landes et des Grèves. Rennes, H. Caillièie,
petit in-S" 5 »
Contes de terre et de mer. Charpentier, in-8° illustré (épuisé).
Littérature orale de la Haute -Bretagne. Maisonneuve,
in-12 elzévir 5 »
Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne. Maison-
neuve, 2 in-12 elzévlr 10 »
Coutumes populaires de la Haute-Bretagne. Maisonneuve,
in-12 elzévir 5
Petite légende dorée de la Haute-Bretagne. Nantes. (Collec-
tion des Bibliophiles bretons), in-18 illustré 5 »
Légendes locales de la Haute-Bretagne, t. I. Le Monde
physique ; t. II. Le ])euple rt Thistuire. (Collection des
Bibliophiles bretons), 2 in-18 7 »
Gargantua dans les traditions populaires. Maisonneuve.
in-12 elzévir .... : 5 »
Le Blason populaire de la France (en eollaburation avec-
Henri Gaiduz). L. Cerf, in-18 3 50
Contes des provinces de France. L. Cerf, in-18 3 50
Littérature orale de l'Auvergne. Maisonneuve, in-12 elzévir. 5 »
Légendes, croyances et superstitions de la Mer. (Biblio-
thèque Charpentier). 2 in-18 7 »
Le Folk-Lore des pécheurs. iMaisonneuve, in-12 elzévir. . 5 »
Les Coquillages de mer. Maisonneuve, in-12 elzévir. ... 3 50
Les Travaux publics et les Mines. Roths^child, in-S», illustré. 40 »
Légendes et curiosités des métiers. Flammarion. in-8°,
illustré 12 ))
Le Folk-Lore de France, t. I. Le Ciel et la Terre ; t.. II. La
Mer et les Eaux: t. III. La Faune et la Flore; t. IV. Le Peuple
et l'Histoire. Guihnoto, 4 vol. in-8°, 16 fr. le vol, le t. III. . 18 »
Tous droits réservés.
LE PAGANISME
CONTEMPORAIN
CHEZ LES PEUPLES CELTO-LATLNS
PAR
Paul SÉBILLOT
Ancien Président de la Société d'Anthropologie,
Directeur de la Revue des Traditions populaires.
PARIS
O C T A V E JDOllSr, ÉDITEUR
S, PLACE DE l'oDÉOX, 8
1908
Tous droits réservés.
INTRODUCTION
L'étude des idées cosmogoniques ou religieuses des
peuples qu'on a désignés par le vocable de non
civilisés, a commencé dès les années qui suivirent
la découverte du Nouveau Monde. Plusieurs compa
gnons des conquistadores nous ont laissé de précieuses
et sincères notices sur les indigènes et sur les civi-
lisations que les Espagnols éteignirent si brutalement.
Plus tard les colonisateurs de la Nouvelle-Angleterre
étudièrent les mœurs des Peaux-Rouges, en même temps
que ceux de la Nouvelle-France enregistraient les usages
et les croyances des indigènes du Canada. Madagascar,
la Guinée et d'autres jDarties jusqu'alors ignorées de
l'Afrique étaient eriquêtées par des conducteurs d'expé-
ditions comme Flacourt, ou par des voyageurs avisés,
tels que Bosman et quelques autres. L'exploration de ces
pays ne s'est pas ralentie ; de plus les peuplades du Paci-
fique, ce second Nouveau Monde, dont Cook et Bougain-
ville avaient tracé d'excellentes esquisses, ont été l'objet
d'enquêtes systématiques, très bien conduites, et de
nos jours la curiosité des ethnographes australiens et
zélandais s'est attachée à noter les moindi'es détails de la
vie indigène. Cet ensemble considérable d'études
d'après nature a permis de rédiger de précieux ouvrages
de civilisation primitive comparée, et de reconstituer,
XVI INTRODUCTION
peut-être avec un peu de systématisation, la psycho-
logie sociale ou religieuse des groupes extra-européens,
les uns parvenus à un stade d'évolution relativement
avancé, les autres n'ayant pas dépassé la culture rudi-
mentaire des premiers âges de l'humanité.
Les paganismes de l'ancien monde et de l'Europe
occidentale en particulier nous sont bien moins connus,
soit dans leur période rétrospective, soit à l'époque
actuelle.
Si les écrivains grecs et latins nous ont transmis des
notions précises sur les pratiques des religions officielles,
ils nous renseignent beaucoup moins sur les cultes rus-
tiques, sur les superstitions des paysans de la Grèce, de
l'Italie, et aussi sur les idées des peuples que les Romains
subjugèrent successivement. Les écrivains les plus curieux
ne décrivent guère que les cultes organisés et les pra-
tiques qui se font en public ; rarement ils se préoccupent
des idées cultuelles ou superstitieuses des classes popu-
laires rurales. Elles ne figurent que par hasard, pour
ainsi dire, chez la plupart des prosateurs, et c'est peut-
être aux poètes que nous devons le plus de renseignements
sur ces actes dont le pittoresque les séduisait. Nous
connaissons sans doute par quelques passages, d'ordi-
naire peu détaillés, quelques-uns des hommages rendus
aux forces de la nature et en particulier aux arbres et
aux fontaines ou aux divinités rustiques qui y prési-
daient. Pour d'autres cultes, celui des pierres brutes, par
exemple, si l'on ne relevait parfois des allusions assez
peu précises à des offrandes, on serait presque tenté de
croire qu'il n'existait pas, même en Gaule et en Bretagne
où, à l'aurore même du vingtième siècle, il est loin d'être
éteint.
INTRODUCTION XVII
Lorsque les missionnaires chrétiens furent en commu-
nication suivie avec les paysans, ils ne tardèrent pas à
observer qu'àcôté de la religion officielle qui, en beaucoup
de pays, était celle des conquérants, existait une sorte
de sous-religion, beaucoup plus ancienne, et qui s'adres-
sait à des divinités locales ou aux forces de la nature.
Les nouveaux chrétiens qui avaient accepté sans trop
de difficulté le changement de culte principal, toléré la
destruction des idoles, et en nombre de cas la substitu-
tion d'un saint à un petit dieu local, ne renonçaient pas
à des croyances et à des pratiques séculaires. Leur persis-
tance est attestée par les conciles et par des défenses de
l'autorité civile qui se renouvellent jusqu'à l'époque
carlovingienne. Comme le célèbre sermon de saint Eloi,
qui catalogue les principales dévotions populaires de
la Gaule au VIF siècle, ils n'entrent pas d'ordinaire dans
des détails suffisants pour nous permettre de connaître
au juste comment se pratiquaient la plupart de celles
qui y sont signalées. La collection des décrets de Bur-
cliard de Worms (+1024), qui résume les prohibitions
antérieures, contient une centaine d'actes de paganisme
formellement interdits, et s'ils sont énoncés parfois très
succinctement, comme ceux qui visent les hommages
rendus aux pierres, aux arbres et aux fontaines, il en est
d'autres qui sont décrits d'une façon assez précise.
Les paganismes et les superstitions rurales ne figurent
qu'à titre épisodique chez les écrivains du moyen-âge;
presque toujours, il s'agit d'allusions plutôt que de
mentions assez précises pour permettre une reconstitu-
tion exacte. C'est seulement vers la fin du XV^ siècle,
au moment où la Renaissance commence à poindre,
que furent composés les Evangiles des Quenouilles,
XVin ENTRODUCTIO^r
ce petit livre incomparable pour l'étude du folk-lore,
non pas des paysans, mais des gens de métier et de
la petite bourgeoisie. Les commères qui y dialoguent
d'une façon si naturelle et si plaisante, parlent aussi des
pratiques païennes, qu'elles commentent parfois avec
un pittoresque qui n'exclut pas la précision.
Les écrivains de la Renaissance ne furent pas très
curieux des choses populaires, et bien que j^lusieurs,
comme l'auteur de V Apologie pour Hérodote Henri
Estienne, aient enregistré nombre de traits, ils ne nous
renseignent que faiblement sur la mentalité des pay-
sans au point de vue spécial qui nous occupe.
Le XVII® siècle est plus riche en documents : lorsque
de 1614 à 1620 le célèbre missionnaire Michel Le Nobletz
parcourut la partie de la Bretagne qui correspond au
département du Finistère, il y rencontra des groupes
chez lesquels existaient des idées et des pratiques pure-
ment païennes : un de ses biographes a relaté les plus
saillantes de celles qui y étaient d'un usage courant et
public, et sans doute sa liste est incomplète puisque le
culte des pierres y est totalement omis. En 1679, J.-B.
Thiers, curé de Champrond, dans la Beauce, écrit le
Traité des supers titio7is, livre très précieux au point de vue
indiqué par son titre, mais qui ne donne qu'un nombre
relativement restreint de faits se rapportant aux obser-
vances cultuells des rustiques; il parle sans doute à
plusieurs reprises des visites aux fontaines, des pratiques
en relation avec les arbres, mais il entre assez rarement
dans les détails ; lui aussi semble à peu près ignorer les
hommages rendus aux pierres, ce qui est d'autant plus
singulier que la paroisse où il exerçait son ministère
est voisine d'une région où les mégalithes devaient être
INTRODUCTION XIX
nombreux, puisque maintenant encore il en subsiste
beaucoup, et que plusieurs sont, de nos jours, l'objet de
pratiques qui ne sont pas toutes clandestines.
Un petit livre populaire, Mother^s Bunch Closet (1685)
décrit sous une forme liumourist'que le détail des pro-
cédés magiques auxquels les jeunes Anglaises avaient
recours pour connaître leur futur époux ou pour se
procurer des amoureux. En 1686 Aubrey relève dans les
Bemaines of gentilismc and judaïsme, les idées et les
pratiques païennes de l'Angleterre, parfois avec la
précision d'un folkloriste contemporain.
Les Encyclopédistes ne firent pas entrer dans le cycle
de leurs recherches l'étude des superstitions et de la
mythologie rustique ; au reste le XVIIP siècle est. en
France du moins, jusque vers l'époque révolutionnaire,
bien plus pauvre au point de vue du folk-lore que ceux
qui l'ont précédé.
L'importance de l'étude des traditions et de la psy-
chologie populaires, s'gnalée déjà par quelques savants,
ne commence à être comprise que vers le début du
siècle dernier. Le mouvement, d'abord restreint, s'étend
peu à peu, le programme des recherches devient plus
vaste, les méthodes plus scientifiques ; vers 1850 l'en-
quête s'accentue, et dans les trente dernières années elle
est, un peu partout, en pleine activité.
C'est par centa'nes que les explorateurs se mettent à
l'œuvre, et plusieurs étudient avec une véritable passion,
serve par des procédés scientifiques rigoureux, par une
patience méritoire, la littérature orale et l'ethnographie
traditionnelle des diverses contrées de l'Europe. Pour
ne parler que des pays celto-latins, on peut citer quelques
a.
XX INTRODUCTION
douzaines d'auteurs qui, se bornant à enquêter de leur
mieux leur province natale, ont composé des monogra-
phies qui, faites d'après nature, sans autre préoccupation
que la recherche de la vérité, constituent des tableaux
fidèles, sinon complets, du Folk-lore d'un groupe déter-
miné. Grâce à eux, et aussi à des enquêteurs secondaires,
nous commençons à connaître passablement les légendes,
la littérature orale, les coutumes et les superstitions
courantes des paysans et des classes peu cultivées qui,
même dans les contrées les plus civilisées, forment la
grande masse de la population.
Cette enquête présente cependant plusieurs lacunes,
et certaines s'appliquent à des sujets intéressants au
premier chef. C'est ainsi que nous ne sommes renseignés
que d'une façon incomplète sur d'antiques croyances,
des pratiques quasi-cultuelles qui ne sont pas d'ordinaire
l'objet de manifestations publiques , mais dont les
racines sont si profondes que dix-huit siècles de prédi-
cation chrétienne n'ont pu faire disparaître ces survi-
vances des religions successives, depuis les plus rudi-
mentaires jusqu'aux mieux organisées, qui ont été domi-
nantes dans les diverses contrées de l'Europe ; la vitalité
de ces antiques idées populaires est encore assez grande
pour faire subir, en dépit des efforts des clergés, des défor-
mations aux cultes actuels les plus hiérarchisés. C'est en
réalité une sorte de Paganisme, qui nous est moins connu
que celui des races inférieures ou extra-européennes.
Cette infériorité dans l'information tient à plusieurs
causes : la curiosité des voyageurs d'espr!t cultivé est
facilement éveillée parle milieu dans lequel ils se trouvent
transportés, et qui diffère totalement de celui de leur
propre pays, et ils y remarquent aisément des pratiques
INTRODUCTION XXI
dont certaines ne sont pourtant pas plus étranges que
celles dont ils ont été témoins depuis leur enfance, s'ils
ont vécu à la campagne, et que l'accoutumance les em-
pêche d'observer autrement que pour en sourire.
Chez les primitifs des pays étrangers la séparation
entre les classes est, au point de vue cultuel, moins
tranchée qu'en Europe : il y a aussi des pratiques secrètes,
un plus grand nombr? de celles qui tiennent aux vieux
cultes s'accomplissent publiquement, et les indigènes
en parlent plus volontiers que nos paysans. Ceux-ci
craignent qu'on ne se moque de leur simplicité, et c'est
une des raisons pour lesquelles il est difficile de les
bien connaître; ce n'est souvent que par hasard ou
par des moyens détournés, par des diplomaties d'in-
terrogatoire, que l'on arrive à être renseigné sur les plus
curieuses et les plus anciennes de ces survivances. On
peut ajouter qu'une des difficultés vient de ce que les
rustiques craignent aussi qu'elles ne parviennent aux
oreilles des prêtres.
Il semblerait que ceux-ci devraient être mieux in-
formés que les laïques sur ces sous-religions populaires,
dont les manifestations plus ou moins secrètes se font
souvent à une petite distance des églises. Par leiu" origine,
beaucouj) se rattachent à ceux qui les pratiquent, et ils
en ont été témoins dans leur enfance ; mais les études
ecclésiastiques les ont séparés de bonne heure de leur
ancien milieu, avant l'âge où l'on observe; plus tard, ils
vivent dans une sorte d'atmosphère spéciale, et leur
éducation les porte peu aux observations exactes.
Lorsqu'ils sont devenus conducteurs d'âmes, ils ne sont
guère plus renseignés, parce que les pratiques se font à
leur insu, et que la confession elle-même ne leur en révèle
XXri INTEODUCTION
que fort peu. Beaucoup de leurs paroissiens sont en
effet des « païens innocent ; » qui ne considèrent pas
comme damnables des usages transmis par les anciens,
et qu'ils regardent comme se rattachant à une sorte de
religion supplémentaire, et licite après tout. Les con-
fesseurs ne leur posent guère de questions à ce sujet, à
moins que n'éclate quelque scandale dans la région,
parce que les traités de théologie sont très sobres au
sujet des vaines observances et des superstitions qui
n'ont pas de rapport direct avec les sacrements. J'ai
été assez surpris, en lisant les plus détaillés, de constater
que lorsqu'ils arrivent à parler de cultes indus, ils se
tiennent presque toujours dans le vague des généralités.
Quoique au cours d'une vie déjà longue, j'aie été en
rapi^orts constants, pendant plusieurs mois chaque
année, avec les paysans et les pêcheurs, dans un pays
qui est le mien, et dont je connais bien le patois, je n'avais
entendu parler que d'un petit nombre de faits pouvant se
rattacher au paganisme, jusqu'au moment où, il y aune
trentaine d'années, je commençai à recueillir les contes
et les légendes de la Haute-Bretagne, et peu à peu à'
enquêter les diverses parties du Folk-Lore. Je ne tardai
pas, quoique je ne me sois pas d'abord attaché particu-
lièrement aux idées religieuses de mes compatriotes, à
noter un assez grand nombre de vestiges des cultes natu-
ralistes que je n'avais pas jusqu'alors soujDÇonnés ;
en 1882, ils occupaient une quarantaine de pages dans
les Traditions et superstitions de la Haute- Bretagne.
Beaucoup de faits nouveaux sont venus depuis à ma
connaissance, et dans la Bévue des Traditions populaires
quelques-uns de mes collaborateurs ont répondu aux
INTRODUCTION XXIII
enquêtes que je m'efforçais de provoquer. Pendant les
lectures que j'ai faites pour réunir les matériaux du
Folk-Lore de France, et qui ont jjorté, sinon sur la
totalité, tout au moins sur la plus grande partie de
ce qui a été écrit sur ce sujet dans les divers pays de
langue française, j'ai trouvé de nombreuses traces de
paganisme plus ou moins caractérisé.
Une grande partie a trouvé place dans les divers cha-
pitres de ce gros ouvrage, et la plupart contiennent une
section où ils figurent. D'autres qui ne rentraient pas
dans le plan an Folk-Lore de France, formaient un dossier
respectable que je me proposais d'utiliser dans un nouvel
ouvrage, lorsqu'on me demanda de collaborer à l'Ency-
clopédie scientifique.
Après avoir pensé aux divers sujets d'intérêt général
qui pouvaient être traités dans sa section ethnogra-
phique, je songeai que l'on n'avait pas jusqu'ici tracé
un tableau des traditions et des croyances, qui se tra-
duisent dans la pratique par des rites, des gestes et des
formules, débris de cultes naturalistes ou déformat'ons
de religions plus avancées, qui survivent encore chez les
peuples civilisés, et à l'ensemble desquels on peut donner
le titre de Paganisme contemporain, et je me suis mis à
examiner les matériaux qui pouvaient y entrer. Aux
notes déjà prises dans les livres et les périodiques fran-
çais ou étrangers, je joignis celles provenant de lectures
nouvelles dans d'autres ouvrages, que je consultais pour
la première fois, ou que je n'avais pas envisagés à ce point
de vue, et, du dépouillement des œuvres de ceux qui, dans
les pa3'S celto-latins, avaient le mieux enquêté leur
région, résulta une conclusion à peu près identique à
celle que j'avais tirée pour la France, à savoir que, bien
XXIV INTRODUCTION
que nulle part l'enquête n'eût été systématique et
poussée à fond, les faits constatés étaient assez nom-
breux et assez concordants pour permettre d'affirmer
qu'à l'aurore du vingtième siècle, le paganisme était
loin d'avoir disparu du monde occidental, et qu'il était
encore associé à une foule de circonstances de la vie
du peuple.
De la naissance à la mort, qu'il s'agisse d'amour ou
de liaine, d'heur ou de malheur, on rencontre des actes
où tantôt il est conservé presque sans atténuation,
tantôt recouvert d'un vernis chrétien assez transparent,
tantôt assez altéré pour qu'à première vue il ne soit pas
toujours aisé de discerner le point par lequel il s'y
rattache. Les uns et les autres appartiennent à une sorte
de sous-religion, qui n'ayant pas de représentants officiels
n'est pas systématisée, mais qui a dans le peuple de si
profondes racines qu'on y retrouve encore la plupart des
observances anathématisées aux premiers siècles du
christianisme, en même temps que d'autres, tout aussi
anciennes, dont les missionnaires et les conciles ne parlent
pas. Leur pratique, qu'elle soit secrète ou qu'elle se passe
au grand jour, semble en plusieurs cas aussi utile que
les rites orthodoxes, dont elle paraît quelquefois le
complément nécessaire, ou qu'elle surpasse même en
puissance, puisqu'on n'y a recours qu'en dernier ressort.
Ces actes sont aussi associés, non plus à l'individu
lui-même, mais au milieu dans lequel il se meut, aux
constructions qui l'abritent, à ses bêtes domestiques, et
enfin aux opérations de culture ou d'arboriculture des-
tinées à subvenir à ses besoins matériels.
Les forces de la nature jouent un rôle considérable
dans les préoccupations de l'homme : elles interviennent
INTRODUCTION XXV
comme agents implorés ou actifs dans les diverses phases
de sa vie sociologique; en dehors de cet ordre d'idées, il
en est qui sont l'objet de sa crainte, de son respect et de
ses vœux, et autour desquels gravitent des cultes ou des
observances plus caractérisés que ceux qui ont trait à la
vie humaine proprement dite.
Dans nombre de chapitres figurent des déformations
de cultes orthodoxes ou des actes qui ont pour théâtre
les abords des temples des religions officielles, ou ces
temples eux-mêmes. Il en est d'autres qui n'ont pu logi-
quement trouver place' dans les trois grandes cU visions
de ce livre. Je les ai réunis dans un appendice : Le
Paganisme dans les églises, qui n'est pas très long,
parce que ce sujet n'a pas été jusqu'ici étudié autant qu'il
serait désirable.
Ce Hvre a été composé sans parti pris, et il n'est aucun
de ses paragraphes qui ne s'appuie sur un ensemble de
preuves, relevées dans des pays variés, par des obser-
vateurs qui les ont décrites d'après nature, de bonne foi,
et sans connaître souvent les faits connexes déjà enre-
gistrés ailleurs. J'ai essayé d'y tracer un parallèle,
aussi exact que possible, de nos connaissances actuelles
sur les croyances d'origine antique et sur les supersti-
tions qui se traduisent par des actes dans lesquels on
peut reconnaître des vestiges de cultes qui, parfois,
remontent aux premiers âges de l'humanité, et dont on
retrouve aussi des similaires chez les peuplades sauvages.
Si nous étions aussi bien renseignés sur les idées et les
observances de nos propres pays que nous le sommes
sur les groupes extra-européens, si nous savions quel a
XXVI INTRODUCTION
été leur rôle aux diverses époques, nous verrions sans
doute que le Paganisme contemporain ne diffère pas
souvent dans ses grandes lignes, de celui qui était prati-
qué, il y a des milliers d'années, et que cette sous-religion
actuelle, que nous sommes loin de connaître à fond, n'a
pas été entamée sensiblement, dans ses parties ensen-
tielles, par les religions plus savantes et plus raffinées qui
se sont succédé, avec un caractère officiel, dans les diverses
contrées de l'Europe celto-lâtine. En ce qui concerne les
époques relativement modernes, on peut constater que
l'on retrouve encore de nos jours la presque totalité des
paganismes qui ont été relevés depuis les écrits des pre-
miers apôtres jusqu'à l'époque antérieure au XIX^ siècle;
le nombre seul de ceux qui les observent a diminué, et le
caractère clandestin des pratiques s'est accentué en raison
du changement opéré par la plus grande facilité des
communications, par suite des échanges d'idées, un peu
aussi grâce à la diffusion de l'instruction, à la presse, au
service militaire obligatoire. Toutefois, même en laissant
de côté les superstitions proprement dites, qui sont
innombrables, le vieux fond de la crédulité populaire
qui se traduit par des actes de paganisme plus ou moins
apparent, subsiste toujours, et l'on pourrait presque
emprunter, pour figurer par une image la mentalité de
la masse des paysans, un dessin qui illustre la nouvelle
édition des Vies des Saints de Bretagne (Quimper 1901,
in-4t') avec ce titre : « Catholique et breton toujours, »
et qui montre un Breton appuyé assez mollement sur
une croix enfoncée dans un dolmen, alors que ses pieds
sont solidement plantés sur la table fruste de l'antique
monument.
LE PAGANISME CONTEMPORAIN
PREMIÈRE PARTIE
LA VIE HUMAINE
CHAPITRE PREMIER
La fécondité.
1. Pratiques avant la consommation du mariage. — 2. Pendant la
période qui la suit. — 3. En cas de stérilité manifeste. — 4. La
transmission de la fécondité.— 5. La stérilité volontaire. — 6. La
protection des femmes enceintes. — 7. Pèlerinages et consulta-
tions. — 8. Les tabous de la grossesse.
1. Beaucoup des nombreuses pratiques destinées à
assurer ou à rendre la fécondité présentent encore des
circonstances qui permettent de les considérer comme
des vestiges d'anciens cultes naturalistes.
Quelques-unes, que l'on peut appeler préventives,
précèdent la consommation, et parfois même la célé-
bration du mariage. C'est ainsi qu'en Haute-Ecosse,
la fiancée se rendait, le matin du jour où il devait avoir
lieu, à la Fontaine de la Mariée, accompagnée de ses
LE PAGANISME CON'TEMrORAI.N 1
Z LA VIE HUMAINE
filles d'honneur, qui lui lavaient les pieds et le haut du
corps avec les eaux sacrées, pour qu'elle devînt féconde.
Elles déposaient ensuite dans la source des morceaux
de pain, afin que ses enfants à venir ne fussent jamais
dans le besoin (1). Vers le milieu du XIX^ siècle, à
Yarrow, dans le comté d'York, la mariée s'asseyait, si-
tôt après la cérémonie, dans un antique fauteuil placé
dans la sacristie, avec l'espoir que cet acte lui ferait
avoir beaucoup d'enfants ; certaines, aux mêmes inten-
tions, en détachaient des fragments (2), que peut-être
elles mêlaient à un breuvage, ainsi que cela se fait en
d'autres pays où l'on attribue des vertus prolifiques
aux poussières des rochers. Cette double observ^ance,
assez fréquente dans les cultes mégalithiques, avait
vraissmblablement été, dans un but de christianisatioii,
transportée à ce fauteuil après la destruction de pierres
du voisinage sur lesquelles ce rite aurait été pratiqué.
On rencontre en France des exemples plus carac-
térisés de survivances de cérémonies anciennes. En
quelques endroits du Puy-de-Dôme les nouveaux mariés
dansent autour d'un menhir ou d'une croix qui a été
érigée à sa place ; parfois, pendant que les invités for-
maient une ronde, les époux en faisaient trois fois le
tour, en dansant, pour que leur union fût féconde. A
Grancey, près de Niort, les mariées allaient baiser un
certain noj'^er, pour être bonnes nourrices ; l'époux
l'embrassait aussi, probablement pour lui demander
une progéniture, et les gens de la noce faisaient ensuite
une ronde autour de l'arbre. Dans plusieurs communes
(1) Folk-Lore, III (1893), p. 68.
(2) Dkxham, 1. p. 110-111 ; II, p. 67.
LA FECONDITE à
du Poitou, les mariées, pour être assurées de devenir
mères, trempaient leurs souliers dans des sources ;
lorsqu'elles ne s'y prêtaient pas de bonne grâce, les
assistants les contraignaient à mettre un pied dans
l'eau, et alors ils s'écriaient en employant une formule
traditionnelle :
« La mariée a botté.
Elle aura un poupon dans l'année. »
On fait aussi le marié et la mariée franchir ensemble
le bassin d'une petite source, et les garçons et les filles
les aspergent au passage, en s'efforçant de leur jeter
de l'eau entre les jambes. Cette circonstance permet de
supposer qu'à des périodes anciennes, la lustration ne
différait peut-être guère de celle qui consiste, lors de
certains pèlerinages, à arroser les parties génitales des
étalons et des juments avec l'eau de la source sacrée (1).
Des amulettes destinées à assurer la fécondité, et
peut-être à prévenir le nouement d'aiguillette, sont
mises dans la couche nuptiale : en Haute-Bretagne,
l'homme qui désire avoir beaucoup d'enfants doit, le
jour du mariage, et sans que l'épousée le sache, placer
dans le Ht un fer à cheval ayant servi, un bouquet de
verveine et un liard (2) ; il est vraisemblable que cette
pièce avait autrefois l'empreinte d'une croix, comme
celles qui sont ordinairement associées aux talismans
non chrétiens. Dans le pays de Liège on cache, sous le
traversin des époux, aux mêmes intentions, un morceau
de fer, de préférence une clé (3).
(1) SÉKiLLOT, 1, IV, p. 61 ; II, p. 232 ; III, p. 79.
(2) Revue des Trad. pop. XIX (1904), p. 114.
(3) Wallonln, III (1895\ p. 168.
4 LA VIE HUMAINE
2. — Des actes d'un naturalisme beaucoup plus accen-
tué sont accomplis par les époux pendant la période
comprise entre la consommation du mariage et l'époque
où normalement doivent se manifester des symptômes
de fécondité. On a relevé sur divers points de la France
une douzaine d'exemples de la friction sur le fétiche
des parties voisines des organes sexuels qui, autrefois,
jouaient vraisemblablement le principal rôle dans cette
sorte de sacrifice et qui le jouent peut-être même parfois
encore. Il n'est pas en e£fet certain que les auteurs qui
ont rapporté les plus curieuses des pratiques actuelles ne
les aient pas gazées un peu; il en est aussi, ainsi qu'on
le verra, qui ont évolué dans le sens de l'atténuation.
Quelle que soit la forme réelle de l'usage, il est encore
observé, avec une impudeur ingénue, par ceux qui ont
foi en son efficacité. Le plus habituellement ils s'adressent
à des pierres sur lesquelles on remarque des protubé-
rances, parfois nettement phalliformes, et c'est cette
particularité qui leur attira à l'origine les hommages
qu'on leur rend encore. Deux mégaHthes du Finistère
sont visités par les nouveaux époux ; l'un est le beau
menhir de Plouarzel, dans le nord du département, qui
présente sur deux de ses faces opposées, à un mètre
environ du sol, une bosse ronde. Suivant l'usage, déjà
signalé il y a plus d'un siècle par Cambry, ils se dévêtent
en partie, et la femme d'un côté, le mari de l'autre, se
frottent le ventre sur une de ces bosses, le mari pour
avoir des enfants mâles, la femme pour être maîtresse
au logis ; un menhir de Moelan, dans le sud du Finistère,
qui n'a qu'une bosse, est l'objet de la même observance.
Les femmes seules se frottent le ventre à nu sur une
aspérité de la Pierre de Chantecocq, en Eure-et-Loir,
LA FECONDITE 5
qui représente assez grossièrement un phallus (1). Une
saillie sur le menhir de Simandre dans l'Ain, à un mètre
environ du sol, est visitée par les deux époux qui s'y fric-
tionnent ; une cavité a été creusée auprès par les pèlerins
qui en enlèvent la poussière et l'avalent. (2).
En Provence, les jeunes mariées s'adressent à des
arbres; à Collobrières (Var) elles allaient glisser sur les
grosses racines d'un châtaignier séculaire, dont le tronc
porte deux bosselures globuleuses. A Aix, jusqu'à ces
dernières années, le jour de la fête champêtre, elles
heurtaient par trois fois avec leur derrière le tronc d'un
gros oHvier (3).
La friction à nu se fait aussi sur des mégahthes
dépourvus de protubérance. Elle avait lieu dans les
Landes sur la Pierre Longue de Dax, en Saône-et-Loire
sur une pierre levée voisine de Saint-Laurent-lès-Mâcon,
dans le pays de Ludion sur un menliir de la montagne
du Bourg d'Oueil, que les femmes embrassaient en outre
avec ferveui'. A Saint-Ronan (Finistère) les nouvelles
mariées se frottaient, tout récemment encore, sur un
gros bloc appelé la Jument de pierre ; à l'Ubayette,
dans les Basses- Alpes, elles se laissaient glisser sur une
ancienne roche sacrée (4).
Plusieurs sources renommées pour leur vertu proH-
fîque sont visitées par les jeunes femmes, qui se conten-
tent ordinairement d'y boire, en adressant une prière
au patron de la fontaine. Les pratiques^ accessoires
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 56-57.
(2) Revue des Trad. pop. XVIII (1903), p. 501.
(3) Bérenger-Féraud, II, p. 176-177.
(4) SÉBILLOT, 1, IV, p. 57 ; I, p. 336.
6 LA VIE HUMAINE
semblent rares ; la plus curieuse est celle qui se fait à
Locminé (Morbihan) : après avoir bu un peu d'eau à
l'une des sept fontaines de l'église Saint-Nicodème, la
pèlerine monte dans le clocher, sans se retourner, et
s'assied pendant quelques secondes dans un vieux
fauteuil (1).
Le pèlerinage que les nouveaux époux font ensemble
à la Sainte-Baume (Var) est accompagné d'actes qui
sont peut-être des survivances lointaines du culte des
arbres et des pierres ; ils embrassent en entrant dans
la forêt le premier gros chêne qu'ils rencontrent, en
demandant à sainte Madeleine de leur donner une pro-
géniture. Ils accumulent aussi dans l'endroit le plus
inaccessible et le plus solitaire autant de pierres qu'ils
désirent d'enfants (2).
La caractéristique de quelques pratiques qui ont
lieu près des temples et même dans l'intérieur, est le
contact avec un objet réputé puissant, mais difficile à
atteindre. Les jeunes femmes essayaient, le jour de la
fête patronale, de toucher avec la main, en s'élevant sur
la pointe du pied ou en sautant, une pierre saillante qui
se trouve dans le mur de la petite chapelle de Saint Roch
à Solliès-Pont (Var). Jusqu'à l'incendie de l'église
d'Aubervilliers près Paris , les nouveaux mariés tou-
chaient la corde de la cloche ; dans une chapelle du
Morbihan, ils doivent la saisir ensemble (3).
3. — La femme sans enfants est l'objet d'une sorte de
défaveur : à Venise, on la compare à l'arbre stérile qui
(1) Sébillot, 1, II, p. 232-233.
(2) Bérenger-Féraud, II, p, 182-183.
(3) Sébillot, 1, IV, p. 138, 145.
LA FECONDITE /
doit être coupé et jeté au feu. Eu Haute-Bretague et
dans le pays de Valdèse, elle est traitée de mule (1) ;
elle est aussi en butte à des quolibets qui s'adressent à
son mari, et le taxent d'impuissance.
Celles qui désirent faire cesser cet état qui leur est
pénible à bien d'autres points de vue, ont recours à de
nombreuses observances traditionnelles. Plusieurs se
rattachent, plus étroitement que celles du début du
mariage, au culte des forces de la nature, et certaines
présentent un caractère phallique encore plus accentué.
La friction à nu est pratiquée par les épouses stériles,
et certaines pierres semblent être affectées à son accom-
plissement, comme l'étaient à la fin du XVIIP siècle
deux rochers à Locronan (Finistère) sur lesquels on
montrait l'empreinte des roues de la charrette qui avait
transporté le corps d'un saint (2) ; à Saint-Etienne en
Coglès (Ille-et-Vilaine) les femmes se frottent à une
sorte de champignon, au flanc d'un rocher au sommet
duquel on voit un superbe bassin (3). Il est probable
que, comme au Lite au Roi près de Cressey en Bugey,
011 l'usage n'a cessé que depuis peu (4), elles mettaient
leur ventre en contact avec la pierre, comme le faisaient
aussi vraisemblablement celles qui, vers 1840, passaient
et repassaient sur le Rouquet de saint Xicoulas à Sar-
rance (Basses-Pyrénées). Ce rite a été transféré de la
campagne aux églises : à Mende, les femmes se frottent
le ventre sur un énorme battant de cloche, placé comme
(1) Bernoni, p. 143. Archtvio, XIV (1895), p. 94.
(2) Cambry, p. 278.
(3) SÉBILLOT, 1 , I, p. 404.
(4) Revue des Trad. pop. XVIII (1903), p. 499.
8 LA VIE HUMAINE
un menhir près de la cathédrale ; à la chapelle d'Orcival
(Puy-de-Dôme), la suppliante faisait trois fois le tour
d'un des piliers, auquel naguère encore elle se fric-
tionnait à nu (1). Il y a une cinquantaine d'années, le
jour du pardon, des paysannes, soulevant à tour de
rôle leurs jupes, se frottaient le ventre sur un saint
Nicolas vermoulu qui se balançait au bout d'une corde
jetée en travers d'une poutre au fond d'une chapelle
des environs de Pleubian (Côtes-du-Nord) (2). En Poitou
une statue très mutilée d'un ancien couvent de Corde-
liers reçoit le même hommage; le mari, qui est d'ordi-
naire présent, engage sa femme à se trémousser vigou-
reusement (3).
Le simple contact de la suppliante avec l'objet de sa
dévotion suffit parfois pour que son vœu soit exaucé.
Quelques années avant la Révolution, le Fauteuil de
saint Fiacre, dans la chapelle d'une petite ville qui
portait le nom du saint, rendait féconde la femme qui
s'asseyait dessus, pourvu qu'aucun vêtement ne se
trouvât entre son corps et la pierre (4) ; un siège de pierre
que l'on voyait, à une époque antérieure à la Réforme,
dans le prieuré de Finchal, comté de Durham, faisait
cesser la stériHté de toute femme qui, après avoir accom-
pH certaines cérémonies, s'y asseyait en souhaitant avec
ferveur un enfant (5). Dans les deux cas c'était proba-
(1) SÊBiLLOT, 1, I, p. 338 ; IV, p. 145, 158.
(2) LiÉGARD, p. 18. Cette scène a été décrite à l'auteur par une dame
qui en avait été témoin dans sa jeunesse.
(3) Revue des Trad. pop., XIII (1898), p. 266-267.
(4) DuLAURE, p. 286-287.
(5) Denham, II, p. 109.
LA FÉCONDITÉ 9
blement la cliristianisation d'un rite '^païen, qui est
encore usité sur des dépressions en forme de fauteuils
renommées pour leurs propriétés.
Le Lit de Darby et de Grane en Irlande, creux
sur un mégalithe qui doit son nom à deux amants
légendaires, guérissait la stérilité de la femme qui le
visitait en compagnie de son mari (1). Le rite obligatoire
n'est pas décrit, mais il est vraisemblable que la postu-
lante s'étendait dessus, et la présence du mari peut
suggérer l'hypothèse qu'il servait en réalité de couche
nuptiale, le lieu étant désert et entouré de buissons.
En Portugal, les épouses s'étendent sur une pierre qui
émerge du sol dans la montagne de S. Domingos (2).
Au XVP siècle une statue de saint Greluchon, gisante
de plat dans une abbaye de la ville de Bourg-Dieu en
Vendômois, rendait la fécondité à celles qui s'éten-
daient dessus (3) ; naguère, à Saint-Ronan (Finistère),
elles se couchaient sur un rocher naturel colossal; à
Decines (Rhône) elles s'accroupissaient sur un mono-
lithe au lieu dit Pierre Frite (4).
L'application du pied sur les empreintes merveilleuses
a été et est encore pratiquée à Spa (Belgique) par les
femmes qui posent leur chaussure sm- le Pas de saint
Remacle (5). Le nom du bienheureux a servi à christia-
niser un usage peut-être antique dont on trouve un
parallèle dans l'égHse de Pontigné (Yonne) où il fallait
(1) BORLASE, p. 846.
(2)Leite, l,p. 91.
(3) ESTIENNE, I, ch. 38.
(4) SÉsn-LOT, 1, 1, p. 339-340.
(5) SÉBILLOT, 1, 1, p. 404.
10 LA VIE HUMAINE
marcher sur un carreau rond en marbre vert qui formait
le centre du pavé (1). Dans la Creuse la femme passait
sous le dolmen de Cressac (2).
La poussière des statues de saints dont le nom indique
la spécialité, a aussi le privilège de rendre la fécondité ;
au XVP siècle, les pèlerines, après s'être étendues sur
celle de saint Greluchon, la grattaient pour en mélanger
la poudre à leur breuvage ; un fragment de dolmen à
Noliant-Vic, sanctifié sous le même nom, fut jusqu'à
la Révolution l'objet de la même pratique (3), et main-
tenant encore les intéressées mélangent aux eaux de
la fontaine de Saint Plotat à Saint-Sernin des Bois
(Saône-et-Loire) la poussière qu'elles ont grattée sur
la statue de saint Frelucliot (4).
C'est un des rares exemples de circonstances acces-
soires accompagnant les visites faites aux sources par
les femmes stériles (5). D'après ceux qui en ont parlé,
elles se bornent à y boire, en récitant quelque prière,
et en répétant la pratique neuf matins de suite, comme
à la fontaine de sainte Eustelle à Saintes (6) ; on n'a
jusqu'ici relevé en France, ni conjuration, ni acte
(1) MOISET, p. 150.
(2) Revue Archéologique (1881), p. 44.
(3) SÊBiLLOT, 1, 1, p. 340 ; IV, p. 66.
(4) Lex, p. 40.
(5) En Grèce elles s'adressaient à la source thespienne sur l'Hélicon,
à une fontaine du mont Hymette, voisine d'un temple d'Aphrodite, à
la rivière Elatus en Arcadie, et à quelques fontaines de Baïa près de
Pompéi. (Folk-Lore. XVIIl (1907), p. 271). Cet article signale aussi
quelques parallèles asiatiques ou africains, sans indiquer les rites.
(6) SÉBU.LOT, 1, II, p. 234.
LA FÉCONDITÉ 11
superstitieux ou singulier, ni offrande spéciale ; les
bains que prennent parfois les prlerines, la lotion de
leurs seins avec l'eau sacrée ne paraissent pas non plus
accompagnés d'observances ; peut-être se font-elles
d'une façon assez secrète pour avoir échappé aux obser-
_vateurs. A l'étranger, où existe aussi la croyance au
pouvoir fécondant des eaux, on a rarement noté, pro-
bablement pour la même raison, les pratiques accomplies
par les croyantes ; dans le nord de l'Angleterre, où une
fontaine était visitée vers l'époque du solstice, la sup-
pliante se contentait de prier auprès, ou d'exprimer
mentalement le vœu d'avoir des enfants, qui était
exaucé dans les douze mois si elle avait la foi parfaite (1).
En Serbie les femmes stériles offrent à une eau courante
du vin et un gâteau qu'elles ont boulangé (2) ; en Por-
tugal, elles se rendent sur deux des ponts de la rivière
d'Ave, et demandent à la première personne qui passe
de les arroser avec un peu de son eau en prononçant les
paroles du baptême (3). C'est une sorte de magie imi-
tative dont on rencontre un autre exemple dans le
Morbihan : la pèlerine par procuration de l'épouse sans
enfants s'agenouillait sur la margelle de la fontaine de
Notre-Dame de Quelven, y puisait quelques gouttes
d'eau dans ses deux mains et en aspergeait le sol tout
(1) Denham, II, p. 155.
(2) Folk-Lore, XVIII (1907), p. 271.
(3) Pedroso, 1, n'ôiS.
En Italie et en Espagne on est allé autrelois demander la fécondité
aux eaux; au XVII« siècle, un des bains de Palicarro.prèsdeViterbe,
avait la vertu de faire concevoir. (Archiuio, XVI (1897), p. 467; àSéville,
les femmes s'abreuvaient, il y a une centaine d'années, au Pozzo Santo.
(LfMBROSO, p. 11).
12 LA VIE HUMAINE
autour en murmurant de vagues prières (1). Aux îles
Shetland la femme stérile se lavait les pieds dans une
eau courante, après y avoir mis un caillou de quartz en
forme d'œuf, qui devait probablement à cette circons-
tance la vertu qu'on lui attribuait (2).
Bien que l'on accorde aux arbres de l'influence sur
la génération (p. 2, 5), il est rare que les femmes
s'adressent à eux pour faire cesser la stérilité ; cependant
à Marlieux-en-Dombes, elles vont secouer un cerisier
placé au milieu d'un bois (3), et dans le Morbihan,
certaines mangent les feuilles d'un arbre auquel a été
pendue une martyre (4).
Plusieurs pratiques sont en relation avec les églises.
Vers 1820, la femme qui tardait à être féconde allait
en dévotion soit à l'abbaye de Brantôme, soit à quelques
chapelles du Périgord, et toutes celles qui étaient dans
le même cas s'invitaient à assister à la messe ; après la
cérémonie, elles prenaient le verrou de la porte et le
faisaient aller et venir jusqu'à ce que leurs maris les
ramènent chez elles par la main. A Rocamadour dans
le Rouergue, elles se contentaient de baiser le verrou (5).
Il est possible que, suivant l'hypothèse de Dulaure, les
prêtres catholiques aient substitué à un culte priapique
des objets qui blessaient moins la décence (6).
D'autres actes semblent avoir pour but d'appeler,
(1) SÉBILLOT, 1, II, p. 234.
(2) Black, 1, p. 151-152.
(3) Revue des Trad. pop. XVIII (1903). p. 503.
(4) SÉBILLOT, 1, III, p. 433.
(5) SÉBILLOT, 1, IV, p. 139.
(6) Dulaure, p. 286.
LA FÉCONDITÉ 13
par un procédé matériel, l'attention de la divinité-mère
.sur la suppliante. En Provence elle va remuer pieuse-
ment le berceau dit de sainte Anne à Apt, dont la vertu
fécondante est constatée par un proverbe (l). Le sanc-
tuaire que cette sainte possède près d'Auray est aussi
réputé pour la cessation de la stérilité ; on raconte qu'une
fermière des environs de Dinan y accomplit un pèleri-
nage en traînant derrière elle un berceau.
Il est possible que l'acte qui consiste à employer des
procédés violents pour contraindre la divinité à accorder
la grâce demandée, ait été usité en matière de fécondité.
Un parallèle atténué était observé au XVIIP siècle,
près de Cardiff ; la femme stérile se rendait le lundi de
Pâques dans le cimetière ^e la paroisse avec deux dou-
zaines de balles de paume, une douzaine recouverte de
cuir blanc, l'autre douzaine de cuir noir ; elle devait
les lancer par dessus l'église et les gens du village se
disputaient les balles aussitôt tombées à terre ; l'opéra-
tion se répétait tous les ans jusqu'à ce que la pèlerine
vît enfin ses vœux accomplis (2).
4. — Suivant une croyance dont on ne connaît que peu
d'exemples, la femme qui a eu des enfants peut trans-
mettre sa fécondité à celle qui jusqu'alors en a été privée.
Un auteur du XVP siècle raconte qu'en Poitou une
femme stérile pria une accouchée de se baigner en même
eau après elle, disant qu'on lui avait affirmé que cela
servait pour avoir des enfants (3). En Italie, les épouses
infécondes empruntent à une amie déjà plusieurs fois
(1) Bérenger-Féraud, II, p. 183.
(2) Mélusine, VI, (1892), col. 258.
(3) BoucHET, II, 23.
14 LA VIE HUMAINE
mère une de ses chemises, qu'elles endossent avant de
coucher avec leur mari (1). Cette idée de la possibilité
d'une transmission se retrouve, avec un caractère
moins direct, en Anjou, où la première femme qui
visite une accouchée aura, elle aussi, un enfant dans
l'année (2), et en Italie où l'épouse à laquelle une sage-
femme fait un salut ou un compliment ne tardera pas
à devenir enceinte (3). En Allemagne, à la fin du XVIIP
siècle, on jetait sur celle qui était stérile la nappe qui
avait servi à un repas de baptême (4).
Suivant une superstition de la Basse-Bretagne, la
violation d'une défense, proba.blement antique, peut
rendre grosses, même sans aucun rapport sexuel, celles
qui ont osé la commettre. La jeune fille ou la jeune
femme qui, sortant le soir pour uriner, se tourne vers
la Lune risque fort de concevoir par la vertu de cet
astre, et de donner naissance à un être monstrueux (5).
5. — La stérilité volontaire est punie en Bretagne par
des pénitences posthumes ; la femme mariée qui con-
trarie l'augmentation de la famille revient sur terre
sous la forme d'une truie accompagnée d'autant de petits
cochons qu'elle aurait eu d'enfants en suivant la loi
(1) Zanetti, p. 104. Cet auteur rapproche cette pratique de celle
rapportée par Egede : les Groenlandais croyant les Européens plus
prolifiques qu'eux, se procuraient pour les faire porter à leurs femmes,
des morceaux de vieux habits.
(2) Fraysse, p. 94.
(3) Zanetti, p. 105.
(4) Grimm, IV, p. 1795, n» 479.
(5) SÉBiLLOT, 1, I, p. 41, cf. aussi III, p. 15, les conceptions pro-
duites par le contact du hérisson.
LA FÉCONDITÉ 15
naturelle (I). Je ne crois pas que l'on ait noté dans ce
pays des procédés ayant pour but de « pécher sans
concevoir ». Aucune des innombrables visites que l'on
y £ait aux sources sacrées ne semble inspirée par ce
désir ; si la pratique existe, elle est tellement clandestine
qu'elle a échappé jusqu'ici aux observateurs les plus
avisés. EUe paraît avoir été usitée en Saintonge : vers
1840 des femmes venaient demander à sainte Eustelle
de mettre un terme à leur fécondité, et c'est à cette
intention expresse qu'elles buvaient l'eau d'une fontaine
dédiée à cette bienheureuse dans le voisinage immédiat
des arènes de Saintes. D'après une enquête récente, on
ne conserve même plus le souvenir de ce singulier
pèlerinage (2).
Les procédés auxquels les femmes ont recours pour
ne pas être exposées à concevoir ont été surtout rele-
vés en Italie; le plus ordinairement elles portent, pen-
dant le coït, des amulettes de diverses natures; cer-
taines mettent sur leur poitrine un récipient rempli de
mercure ; d'autres se munissent d'un sachet contenant
du lait pris à une chèvre avant que le chevreau ne l'ait
tétée, d'un fragment de peau de cerf trempée dans du
vin, d'un peu de rognure de sabot de mule ou de limure
d'acier (3) ; en France, au XVI^ siècle, la fiente de
lièvre était considérée comme efficace (4). En SicUe,
la femme qui absorbe à jeun trois matins de suite un
(1) Le Men, p. 420.
(2) SÉBiLLOT, 1, H, p. 234. Dans la PjTrhée un fleuve nommé
Aphrodisius causait la stérilité (Pline, XXXI, 7).
(3) Zanetti, p. 105.
(4) Maison rustique (1597), 1. VII, c. 35.
15 LA \IE HUMAINE
peu de poussière de sèche se croit assurée d'être infé
conde (1). Une autre pratique italienne, destinée à em-
pêcher que la conception ne se produise trop tôt après
l'accouchement, consiste à éteindre des charbons, en
récitant une conjuration, avec le sang qui coule à la
suite de l'extraction du placenta (2).
A SéviUe, au commencement du XIX^ siècle, les
femmes qui craignaient les désagréments d'une précoce
fécondité, buvaient les eaux du Pozzo Santo (3).
6. — Les pratiques qui se rattachent à des cultes
naturalistes, fréquentes lorsqu'il s'agit d'obtenir la fécon-
dité sont plus rares et moins caractéristiques après
qu'ehe s'est manifestée par des signes évidents.
Les femmes enceintes, dans l'espoir de se procurer
une heureuse déUvrance, se laissaient glisser du sommet
d'une pierr plate fortement inclinée que l'on voyait, il
y a cinquante ans, à Saint-Alban, dans l'Ain (4). Celles
qui étaient près de leur terme s'asseyaient dans la dépres-
sion en forme de fauteuil d'un bloc de granit, situé en
Ecosse, dont le nom gaélique signifie la Pierre des femmes,
et qui avait aussi le pouvoir de procurer un mari (5).
En Touraine beaucoup de femmes grosses vont boire
à la fontaine d'Aiguevives ; l'intéressée peut se faire
remplacer ; l'eau qu'elle boit, et qu'elle emploie parfois
pour ses ablutions, est utile à l'enfant qu'elle porte dans
son sein. Dans les Côtes-du-Nord des femmes se baignent
(1) Castelli, p. 34.
(2) Zanetti, 1. c.
(3) LUMBROSO, p. 11.
(4) SÉBILLOT, 1. I, p. 338.
<5) Gregor, 1, p, 42.
LA FÉCONDITÉ 17
dans une fontaine de saint Eutrope, et l'on va tremper
leur linge de corps dans une source dédiée à sainte
Thouine. La pratique de plonger la ceinture de la
femme enceinte dans les fontaines sacrées, signalée
dans le Finistère à la fin du XVIIP siècle, est encore
en usage en Basse-Bretagne, où celles qui se sont
entouré deux ou trois fois les reins avec un ruban qui a
été l'objet de cette consécration, se croient sûres d'ac-
coucher à terme et sans danger d'un enfant robuste (1).
Les amulettes spéciales à la grossesse sont surtout
portées dans l'Europe méridionale : en Italie plusieurs
se nomment Pietra gravida, pierre de la grossesse. L'une
d'elles est une limonite argileuse en forme de boule qui
a à l'intérieur des parties détachées de la masse. Lors-
qu'on la secoue on entend comme un léger bruit : ces
parties détachées sont considérées comme de petites
pierres, filles de la pierre mère, qui les a dans son sein.
C'est en raison de cette particularité, et aussi de la
forme qui a quelque analogie avec celle de l'utériis, que
cette pierre est regardée comme l'amulette de la gros-
sesse. On croit qu'elle en assure le cours réguHer, et elle
est portée, liée ou suspendue au bras gauche pendant
le temps de la gestation (2). En Portugal des femmes
placent sur leur sein un sachet contenant de la poussière
raclée sur une pierre (3) ; en Italie, une bandelette
formée de la peau d'un veau mort-né, dont la mère est
crevée pendant l'opération césarienne, prévient l'avor-
(1) SÉBiLLOT, 1, II, p. 234-235. La source du Linus en Arcadie,
maintenait le fœtus et empêchait les avortements (Pline, XXXII, 7).
(2) Bellucci, 1, p. .48.
(3) Leite, 1, p. 91.
18 LA VIE HUMAINE
tement (1). Les Ursulines de Quintin (Côtes-du-Xord)
envoient à leurs anciennes élèves, dès qu'elles sont
enceintes, un ruban de soie blanche sur lequel est écrit :
N. D. de Délivrance, protégez-nous. Et la jeune femme
le met autour de son corps pour avoir des couches
heureuses (2).
En Sicile, où le principal protecteur des femmes
grosses est saint François de Paule, celles qui se recom-
mandent à lui se rendent chaque vendredi à son église,
et, la première fois qu'elles y entrent, elles se font bénir
sur le dos le cordon du saint, après avoir fait une
aumône, et donné deux fèves bénies, des liosties et une
petite chandelle de cire. Elles se ceignent du cordon,
et mangent par dévotion les fèves et les hosties (3).
7. — Quelques pèlerinages de la Somme sont fréquentés
par les femmes pour obtenir un accouchement facile ;
à celui de Saint Vincent à Gamache, elles font toucher
à la statue du saint la petite chemise destinée à l'enfant
qui va naître, et un ruban de soie dont la moitié est
suspendue au bras du saint, en guise de mémento ;
l'enfant sitôt né est revêtu de cette chemise, et quand,
au bout de neuf jours sa mère la lui retire, elle lui passe
le ruban autour du cou, et le laisse aussi pendant neuf
jours (4).
La plupart des nombreux moyens aestinés à comiaître
le sexe de l'enfant à venir rentrent dans la catégorie
des menues superstitions. En Portugal, on se sert quel-
(1) Zanetti, p. 252.
(2) Bull. Soc. d'Anthropologie (1886), p. 754.
(3) PiTRÈ, 1. II, p. 127-128.
(4) Revue des Trad. pop., XVI (1901), p. 210.
LA FÉCONDITÉ 19
quefois de la consultation par le lancement numérique :
La femme qui désire savoir si elle aura un garçon ou
une fille va jeter trois petites pierres dans une lucarne
qui se trouve au sommet du portail sud de l'église de
St. Miguel de Castello, où l'on révère une sainte Margue-
rite protectrice des accouchements ; si l'une d'elles rentre
dans la lucarne, la femme aura un garçon, si elle ne
réussit pas, elle doit s'attendre à la naissance d'une fille (1).
En Basse-Bretagne on pose sur l'eau d'une fontaine une
chemise de garçon et une chemise de fille : celle qui surna-
gera le plus longtemps donne la réponse. Dans le Morvan
en y plongeant les langes de l'enfant à venir, on sait le
sort qui lui est réservé ; pour qu'il soit de bonne venue,
il faut qu'ils en sortent sans être souillés par la vase (2).
Suivant des croyances assez rarement constatées,
les femmes sont, pendant leur grossesse, exposées aux
entreprises des génies ou des êtres malfaisants ; on
disait autrefois en Ecosse que les fairies les enlevaient (3).
En Normandie, vers le commencement du siècle der-
nier, elles évitaient d'aller dehors après le crépuscule,
de peur que le diable ne s'empare de leur fruit ; en Ille-
et-Vilairie elles peuvent, entre l'Angélus du soir et celui
du matin, être foulées par de grandes bêtes noires. En
Haute-Bretagne, elles ne doivent jamais sortir pour
uriner le soir, et on menace de la vengeance de la lune
celle qu'on voit se diriger vers la porte ; en Basse-Bre-
(1) Leite, 1, p, 91.
(2) SÉBiLLOT, 1, II, p. 242-243.
(3) Stewart, p. 121. Les» fairies > des îles britanniques sont mâles
et femelles, et non des femmes surnaturelles comme les fées de la plu-
part des pays de France.
20 LA VIE HUMAINE
tagne on leur interdit seulement de se tovirner vers la
lune (1).
Des actes involontaires ou des rencontres exercent
sur la femme enceinte ou sur son fruit une influence
fâcheuse, qu'elle peut cependant neutraliser en obser-
vant les rites prescrits ; c'est ainsi qu'en Danemark
elle aura une délivrance pénible si elle ne crache pas
trois fois lorsqu'il lui arrive de marcher sur un endroit
où est posé un couteau (2) ; en Irlande, celle qui foule
une tombe accouchera d'un enfant ayant un pied bot,
à moins qu'elle ne s'agenouille aussitôt en récitant une
prière, et qu'elle ne fasse trois signes de croix sur la terre
avec la semelle de son soulier (3). Dans le comté écossais
de Fife celle qui s'asseyait sur un endroit où un Hèvre
s'était couché pouvait accoucher d'un enfant ayant
un bec de lièvre (4). Le même malheur menace en Irlande
celle qu'un lièvre a effrayée (5) ; dans le Suffolk, elle n'y est
exposée que si elle retourne sur ses pas ; elle en est in-
demme si elle le laisse passer (6). Aux environs de Naples,
celle qui regarde un lapin ou un lièvre peut avoir un
enfant à longues oreiUes, ou déformé par un bec de
lièvre (7). Dans le Connaught elle évite le mauvais
augure du lièvre ou du lapin en coupant un morceau de
sa chemise et en le lançant à l'animal (8).
(1) SÉBiLi.oT, 1, I, p. 161-162,42.
(2) Thorpe, II, p. 276.
(3) Wilde, p. 205.
(4) Folk-Lore, IX (1898), p. 286.
(5) Folk-Lore Journal, II (1884), p. 258.
(6) GURDON, p. 9.
(7) Amalfi, p. 1.
(8) Folk-Lore, VII (1896), p. 300.
LA FÉCONDITÉ 21
8. — Il existe toute une série d'interdictions dont' la
violation entraîne de graves conséquences pour l'enfant;
en voici quelques-unes. En Catalogne, en Andalousie,
la femme grosse ne doit pas filer ; car autant de tours
elle donne à son éclieveau, autant elle fait s'enrouler'le
cordon ombilical autour du cou du fœtus (1) ; pour la
même raison, il lui est interdit, dans la Gironde et en
Espagne de dévider, en Anjou, dans la Gironde, à Naples
de placer autour de son cou le fil qui lui reste après
qu'elle a enfilé son aiguille (2) ; à Modène de passer sous
une corde ou sous le cou d'un cheval ; ou de traverser
une corde, sous peine d'un accouchement difficile (3).
En Espagne si elle passe sous un échafaud, son enfant
se retournera dans son sein (4). Dans la Gironde elle ne
doit pas se peser, ou son enfant ne vivra pas ; il en est
de même en Portugal si elle respire des fleurs (5) ;
et en ce pa^^s on doit s'abstenir de coudre sur la tête
d'une femme enceinte, parce que son enfant naîtrait
estropié (6). Dans la Gironde si on se serre le cou en
sa présence, comme quelqu'un qui s'étrangle, on risque
d'étrangler le fœtus. (7).
(1) CORTILS, p. 76. GUICHOT, p. 248.
(2) Mensignac, 1, p. 9. Olavarria, 2, p. 264. Fraysse, p. 74.
Amalfi, p. 3.
(3) RiccARDi, p. 57.
(4) Olavarria, 1. c.
(5) Mensignac, 1. c. Leite, 1, p. 201.
(6) Pedroso, 1, n" 448.
(7) Mensignac, 1. c.
CHAPITRE II
La naissance.
9. Précautions avant ou après l'accouchement. — 10. Actes qui le
suivent. — 11. Le placenta et le cordon ombilical. — 12. Avant
et après les relevailles. — 13. Actes favorables au nouveau-né :
le premier bain. — 14. Pratiques protectrices. — 15. L'allaite-
ment et l'abondance du lait. — 16. Le berceau. — l7. L'enfant
non baptisé. — 18. Le baptême. — 19. Le retour à la maison.
9. — Les êtres malveillants qui ont essayé de nuire
à la femme durant sa grossesse se montrent particuliè-
rement aotifs pendant la période de l'accouchement.
Quelques-uns semblent s'efforcer d'empêcher l'arrivée
de la sage-femTie ou du médecin ; celui qui va les cher-
cher est exposé, s'il est seul, à des apparitions comme
en Haute- Bretagne ou comme en Hainaut à de mauvais
tours des esprits malins (1). Le paysan modénois qui
ne peut se faire accompagner prend deux pains « pour
avoir avec soi la grâce de Dieu », et se garantir du diable
qui pourrait survenir au miheu du chemin (2) ; en Ba-
vière le 5 méchants esprits viennent à la rencontre de
la sage-femme pour lai barrer la route (3). Celle du pays
(1) SÊBiLLOT, 5, I, p. 20(5. Harou, p."75.
(2) RiccARDi, p. 53.
(3) Revue des Trad. pop. VI (1<Î31), p. 35.
LA NAISSANCE 23
de Liège met ses bas ou ses jupons à l'env^ers pour s'en
préserver (1).
Il est utile de prendre à la maison les précautions tra-
ditionnelles destinées à rendre vaines leurs tentatives.
En Bavière, on place derrière la porte, en attendant l'ar-
rivée de la sage-femme, un vieux balai et une fourche,
les manches en bas et croisés, pour empêcher la sorcière
d'y pénétrer; dans la Hesse c'est une hache et un balai en
croix, en Suisse une fourchette et un couteau en croix; en
beaucoup de pays, on enfonce un couteau dans la porte (2).
La présence dans la maison de la parturiente de
certains animaux ou de certaines personnes peut lui
être funeste. En Sicile où, comme en d'autres pays, on
croit que des êtres méchants peuvent emprunter la
forme de chats, on a soin de les éloigner, et l'on raconte
que la parente d'une femme qui avait avorté la nuit,
ayant eu besoin d'aller à la cuisine, y vit une chatte
monstrueuse qu'elle essaya en vain de chasser ; elle
revint peu après avec une autre personne qui conjura
la bête au nom de Dieu, et il leur parut qu'elle ressem-
blait à une vieille voisine, réputée sorcière (3).
On croyait en Limousin au commencement du XIX^
siècle que si une veuve entrait dans la chambre où une
femme était en travail, elle empêchait l'accouchement ;
en Lorraine la veuve de l'année avait seule ce fâcheux
privilège, et la délivrance ne se faisait que lorsqu'elle
(1) MONSEUR, p. 4.
(2) Revue des Trad. pop. t. V. (1890), p. 390.
Silvan s'efforce de tuer Taccouchée et son enfant ; on se défend de
lui avec le balai, la hache et la massue à mortier. (Saint-Augustin.
De cite Del, VI, 9.)
(3) Castelli, p. 16.
24 LA VIE HUMAINE
était sortie ( 1 ) . En Sicile elle est retardée par l'arrivée d'une
personne de mauvaise vie, par le geste que fait une femme
en portant la main à la tête et en se la serrant avec
force ; pour rendre vaines les fascinations de tout ordre,
on retourne toutes les chaussures, on crache par la fenêtre,
ou l'on place une paire de ciseaux sous le matelas (2).
Quelques actes sont rigoureusement interdits : en
Sicile, on défend de toucher au coton, jDarce que s'il
venait à être tordu, l'enfant naîtrait avec le cordon
ombilical enroulé autour du cou (3). En Irlande, il ne
faut rien emporter de la maison, mais il faut surtout
éviter, sous peine d'exposer la femme à de graves incon-
vénients, sinon à la mort, d'y prendre un charbon
ardent; en Allemagne, la défense s'apphque surtout au
pain et au sel (4). A Menton, la femme ne doit, sous
aucun prétexte, répondre à qui l'appelle au dehors (5).
Les femmes enceintes portent pendant plusieurs mois
les amulettes protectrices de la grossesse ; celles dont
la spéciaHté est de favoriser les accouchements ne leur
sont mises qu'au moment où des symptômes évidents
en annoncent l'approche ; elles sont parfois prêtées par
leurs possesseurs, comme l'était une agate veinée et
cornée retenue dans une monture d'argent, qui, dans
la Lozère, était réputée pour sa propriété de favoriser
la délivrance (6). Elle était mise au cou, comme l'est
(1) Juge, p. 135. Richard, p. 223.
(2) PiTRÊ, 1, II, p. 135-136.
(3) PiTRÈ, 1, II, p. 136.
(4) Foîk-Lore Journal II, (1884), p. 257. Grimm, IV, p. 1798, n" 538.
(5) Revue des Trad. pop. IX (1894), p. 111.
(6) Cartailhac, p. 98.
LA NAISSANCE 25"
en Catalogne la fève de St Jaunie, nom donné à l'opercule
de l'escargot de mer, que l'on place^dans un sachet
en forme de scapulaire avec une image du saint et la
tige d'une plante marine (1). Ces talismans sont parfois
plus christianisés, comme dans les Ardennes le coUier de
fragments du cierge pascal, et les médailles et médail-
lons dans la Gironde (2).
C'est sur le corps même, et spécialement sur le siège
de la douleur, que l'on met les objets protecteurs;
dans plusieurs communes de Lorraine on plaçait Jdes
reliques sur le ventre des femmes en travail ; à Modica
en Sicile, on l'entoure de la chaîne en argent de la madone
de la Catena. réputée pour cette spécialité (3), qui était
attribuée au XVIP siècle à la ceinture Sainte Marguerite
de Saint-Germain des Prés, que de grandes dames
envoyaient chercher dans les moments difficiles (4) ;
en Berry, dans les paroisses dont cette sainte était la
patronne, on passait autour du corps de la parturiente
la ceinture de sa statue ; (5) dans les Vosges la ceinture
de noces de la femme, après avoir été mise en croix sur
le Ht, lui entoure le corps (6). En Loir-et-Cher, après
avoir lu une prière soi-disant trouvée en 1505 dans le
sépulcre de Notre-Seigneur, on pose le papier sur le sein
gauche de la gisante, en le couvrant pour qu'elle ne le
voie pas, et on ne le retire que pour le placer sur le sein
(1) CORTILS, p. 83.
(2) Meyrac, p. 173. Daleau, p. 43. Mensignac, 1, p. 24.
(3) Richard, p. 255. Pitre, 1, II, p. 137.
(4) Tallemant, Historiettes, 1840, iii-12, III, p. 251.
(5) Laisnel, II, p. 5.
(6) Sauvé, p. 220.
26 LA VIE HUMAINE
droit du nouveau-né qu'elle préservera d'un grand nom-
bre d'accidents (1).
En Anjou la femme qui a fait bénir par une tierce
personne deux de ses chemises dans une église où se
trouve la statue d'une sainte invoquée pour les accou-
chements, en revêt une aux premières douleurs ; l'autre
servira à envelopper l'enfant dès qu'il sera né (2). Quel-
quefois, les saintes images sont apportées à la maison :
à Palerme, où cet usage existe, lorsque les femmes juives
souffrent beaucoup, elles envoient chercher la statuette
de la Madone pour obtenir la grâce d'être promptement
déhvrées ; elles disent : « Entre, Marie ! » mais à peine
sont-elles accouchées qu'elles la font sortir de la maison
en disant : « Dehors, Marie ! » (3).
On attribue aux objets préhistoriques une influence sur
les couches difficiles ; à Ratzwiller en Alsace, on frotte
légèrement le ventre avec des haches de pierre, et aux
environs de la Réole avec une hache en jadéite, dont on
ne doit pas payer le prêt en argent. En Suède on la
plaçait jadis dans le ht (4). En Sicile, un galet ramassé
dans la mer adoucit les douleurs (5) ; en Angleterre un
morceau de fer garantissait des fairies (6). Autrefois
en Ecosse on plaçait une Bible sous l'oreiller, à Liège
un petit livre intitulé le Tréj^as (7). Aux îles d'Aran
(1) Revue des Trad. pop. XV (1900), p. 369.
(2) Fraysse, p. 94.
(3) PiTRÈ, 1, IV, p. 461.
(4) Sébillot, 1, IV, p. 74. Cahtailhac, p. 21.
(5) PiTBÈ, 1, II, p. 135.
(6) Black, 2, p. 178.
(7) Gregop, 4, p. 477. Hock, p. 164.
LA NAISSANCE 27
(Irlande) on met sur le lit neuf objets appartenant au
mari, disposés en trois groupes, au nom des trois person-
nes de la Trinité (1).
Certains des actes accomplis en dehors de la demeure
de la parturiente sont en rapport direct avec les églises.
L'un des plus fréquents consiste à faire résonner les
cloches, peut-être pour avertir les saints protecteurs
que leur interv^ention est désirée. Autrefois on Uait à
la cloche de l'égUse paroissiale la ceinture même de la
femme, et on en sonnait trois coups ; en Saintonge,
on récitait alors certaines prières ou même des paroles
mystérieuses qui avaient la vertu d'éloigner tout malé-
fice ou toute influence diabolique (2). En Portugal
neuf filles du nom de IVIarie, toutes les neuf vierges,
font résonner neuf fois la cloche en tirant la corde avec
les dents (3) ; en Sicile on fait sonner trois fois la cloche
d'une église où se trouve l'image de sainte Anne ou de
sainte Monique, en invoquant leur aide ; à NajDles le
mari est souvent chargé de cet office (4) ; en Portugal
c'est parfois un parent, qui doit en outre réciter une orai-
son ; le nombre de coups est assez habituellement de
neuf, et si c'est le mari, il doit toucher la corde avec les
dents (5).
Pendant les douleurs de l'enfantement, des personnes
de la famille faisaient naguère trois fois le tour de la
cathédrale de Saint Lambert, et les pèlerines par procu-
(1) Folk-Lore, VII (1896), p. 300.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 145.
(3) Leite, 1, p. 201.
(4) Castelli, p. 17. Amalfi, p. 7.
(5) Pedroso, 1, n"' 616, 113, 114.
28 LA VIE HUMAINE
ration celui de Téglise Saint-Paul, à Liège (1) ; en Portu-
gal, lorsque l'accouchement est difficile, il faut tourner
une tuile d'une église ou d'une chapelle, et parfois c'est
au mari que ce soin incombe (2). A Bordeaux, l'un des
plus proches parents de la femme juive va à la synagogue
et ouvre la porte du tabernacle c^ui doit rester dans cet
état jusqu'au dénouement, et il en rapporte la clé, qu'il
place sous le lit de la malade (3). A Chartrené (Maine-et-
Loire) neuf femmes mariées se rendent à l'église, et celle
qui dirige la neuvaine allume un petit cierge devant une
ancienne statue de sainte Edwige qui porte le nom de
N.-D. de la Déhvrance ; chacune des autres tient une
petite bougie et récite des prières tant que dwce la
flamme (4).
La raison de certaines pratiques n'est pas toujours
aisée à déterminer, et elle semble oubliée ou avoir échap-
pée aux auteurs qui les ont notées. En Irlande, dès qu'une
femme ressent les premières douleurs, on ouvre tous les
tiroirs et toutes les armoires (5) ; en Ecosse aucune
serrure ne doit rester fermée (6). Cette même coutume,
observée plus fréquemment lors de l'agonie, et qui a pour
but de facihter la sortie de l'âme, est peut-être ici des-
tinée à aider son entrée dans le monde. D'autres actes
ont pu être motivés par une analogie assez lointaine
entre eux et les phases de l'accouchement ; c'est ainsi
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 135.
(2) Leite, 1, p. 201.
(3) SÉBILLOT, 1, IV, p. 154.
(4) Fraysse, p. 94.
(5) Wilde, p. 202.
(6) Gregor, 1, p. 4.
LA NAISSANCE 29
qu'à Naples on arrache parfois les entrailles à une poule
encore vivante ( I ) ; dans le pays de Modène on fend en
quatre une poule noire et on en coiffe la parturiente (2),
10. — Lorsque la délivrance est arriv^ée, la mère
et l'enfant ont besoin d'être préservés des entreprises
des esprits. En Irlande, on se hâte de fermer les armoires
que l'on avait ouvertes au commencement de l'opération,
de peur que les fairies ne s'y cachent, pour épier l'occa-
sion d'enlever l'enfant et de lui substituer un de leurs
rejetons (3). Dans les îles du nord de l'Ecosse, on pro-
menait jadis un flambeau allumé autour de la mère et
du nouveau-né. (4) En Portugal, il est utile d'étendi'e du
sel moulu sur le sommet de la toiture, afin que les sor-
cières, occupées à le ramasser, ne viennent pas téter
l'accouchée (5). On ne dit pas comment on peut se garan-
tir d'un lutin appelé Gripet en Bas Languedoc, qui se
tient sous le lit des femmes en couches et mord les
moUets de celles qui les soignent (6). Dans les Vosges,
une personne de la maison reste auprès de l'accouchée
pendant les premières heures qui suivent la déhvrance,
pour la surveiller en récitant des prières ; c'est au mo-
ment où elle est alors prise de sommeil qu'elle est le
plus exposée à subir l'influence des mauvais esprits (7).
Dans les Asturies, on la préserve des douleurs internes
(1) Amalfi, p. 14.
(2) RicCARDi, p. 58.
(3) Wilde, p. 202.
(4)Brand, II, p. 78.
(5) Pedroso, 1, n" 528.
(6) Revue des Trad. pop. II (1887), p. 432.
(7) Sauvé, p. 225.
30 LA VIE HUMAINE
en plaçant sous son matelas, sans qu'elle le sache, des
ciseaux en forme de croix (1).
11. — On croit en beaucoup de pays à une relation
sympathique entre la délivre ou le cordon ombilical et
le corps dont ils ont fait partie (2), et c'est poiu- mettre
l'enfant à l'abri des influences funestes que l'on a soin
de les protéger de l'atteinte des bêtes ou des esprits. En
Espagne, on doit se garder de jeter la moindre partie
du placenta, car s'il était mangé par un animal, l'enfant
aurait toutes les mauvaises quahtés de celui-ci (3). En
Irlande, il doit être brûlé pour préserver le nouveau-
né des fairies (4).
En Portugal, on conserve avec soin le cordon ombiU-
cal ; si les rats venaient à le dévorer, l'enfant deviendrait
voleur ; en Toscane, on le cache sous une pierre parce
qu'il aurait le même vice si un chat le mangeait (5).
En Anjou, on ne le brûle pas, car l'enfant périrait par
le feu ; et il serait exposé à se noyer plus tard si on le
jetait à l'eau. En Haute-Bretagne, où cette prohibition
est motivée par les mêmes craintes, on le brûle parfois
lorsqu'il tombe, pour empêcher l'enfant de devenir
voleur ou tout au moins de pisser au ht (6). Dans le
Mentonnais, on se hâte de le détruire, car le nouveau-né
souÉfrirait s'il venait à être mangé par quelque bête (7).
(1) Olavabria, 2, p. 267.
(2) Frazeb, I, p. 54-58.
(3) Olavabria, 2, p. 268. Arivau, p. 472.
(4) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 104.
(5) Pedroso, 1, n" 122. Gubernatis, 1, p. 32.
(6) Fraysse, p. 78. Sébillot, 3, p. 20.
(7) Revue des Trad. pop. IX, (1894), p. 111.
LA NAISSANCE 31
En Portugal, il est bon de le jeter au feu lorsqu'il se
détache, et d'exposer les mains de l'enfant à la fumée,
en disant : « Sois habile et heureux (1). »
12. — Plusieurs précautions traditionnelles ont pour
but d'éviter des inconvénients surnaturels à l'accouchée
qui est assez bien pour quitter le lit. Dans les villages du
comté de Banff, les femmes pour éloigner les maléfices
des puissances des ténèbres, promènent ordinairement
trois fois une petite torche allumée autour de l'apparte-
ment (2) ; à l'île de Lewis (Ecosse) on faisait le matin et
avant la nuit, le tour de la femme qui n'avait pas été
relevée en tenant à la main un tison enflammé (3).
Jusqu'à ce que la cérémonie des relevailles ait été
accomphe, la femme est exposée et elle expose les autres
à de nombreux inconvénients : chez elle, elle est consi-
dérée comme impure, et en Berry elle mange à part, elle
ne doit pas travailler ou son enfant sera voleur, ni
toucher à quoi que ce soit, ou à qui que ce soit (4).
Dans le nord de l'Angleterre, celle qui entre dans une
maison y apporte la mauvaise chance ; si rencontrée, elle
reçoit des insultes ou des coups, elle n'a, assure-t-on,
aucun recours légal (5). En France où l'on est pas aussi
rigoureux, on croit cependant que si elle va chez une nour-
rice, elle fait tarir son lait, que son entrée empêche le
linge de blanchir, qu'elle fait aigrir le vin, et que l'eau
des puits ou des fontaines où elle puise devient trouble
(1) Pedboso, 1, n» 159.
(2) Revue des Trad. pop., II (1887). p. 463.
(3) Brand, II, p. 486.
(4) Laisnel, II, p. 14.
(5) Henderson, p. 16.
32 LA VIE HUMAINE
OU se change en sang (1). A Menton, elle est tourmentée
par les mauvais esprits si elle outrepasse les délais ordi-
naires (2).
Bien des femmes du Northumberland n'osaient quit-
ter leur logis sans avoir mis un morceau de charbon
sur le linteau de la porte (3). En Irlande, où il est plus
encore rigoureusement prescrit à celles qui n'ont pas
été relevées de garder la maison, elles en sortent impu-
nément, à la condition de mettre sur leur tête un frag-
ment de leur toit, brique ou bois ; elles peuvent ainsi
affirmer au prêtre qu'elles ne sont pas sorties de dessous
leur toit (4). Les paysannes de plusieurs communes de
la Gironde emploient le même procédé : eUes portent,
sur la tête, une tuile qui a été enlevée par le mari à la
toiture même de la maison, et qui représente pour l'ac-
couchée l'habitation elle-même (5).
Parmi les assez nombreuses observances qui accom-
pagnent les relevailles, quelques-unes sont vraisembla-
blement anciennes ; en Bavière et en Ukraine, la mère
doit enjamber une hache ou un couteau mis sur le seuil
de la maison au moment où elle part (6) ; dans plusieurs
pays du nord, on jette après elle un tison enflammé,
pour empêcher les esprits de l'enlever ou de l'ensorce-
ler (7) ; dans la Flandre française des femmes lancent un
(1) NoGUÊs, p. 25. Daleau, p. 31. Sébillot, 1, II, p. 213, 314.
(2) Revue des Trad. pnp. IX (1894), p. 112.
(3) Balfour, p. 91.
(4) Henderson, p. 16.
(5) Mensignac, 1, p. 37.
(6) Revue des Trad. pop. VI, (1891), p. 37.
(7) T-ÏXOR, II, p. 254.
LA NAISSANCE 33
paquet de sel derrière elles, afin que leurs couches n'aient
pas de suites fâcheuses (1).
13. — Plusieurs des actes traditionnels qui accueillent
l'enfant à son entrée dans le monde ont pour but de le
mettre à l'abri des mauvaises influences ou de lui assu-
rer la chance dans l'avenir. La sage-femme irlandaise
qui crache sur lui, dès qu'il est né, accomplit un rite
qui était usité chez les Romains contre la fascination,
et qui dans le Haut-Ogôué est destiné à préserver le
nouveau-né des sortilèges (2). Dans le Galway (Irlande
de l'ouest) c'est parfois le père lui-même qui est chargé
de ce soin (3).
Les observances qui suivent sont basées sur l'idée
"qu'elles peuvent influer sur le bonheur de l'enfant. En
Sussex, il doit, sitôt né, être porté en haut de l'escalier,
ou il ne sera pas riche ou puissant ; à défaut d'escalier,
on monte sur une chaise (4). En Ecosse, on l'enve-
loppe dans un vêtement de femme si c'est un garçon,
dans celui d'un homme si c'est une fille, sans cela il ne
connaîtrait pas les joies du mariage (5). Dans quelques
communes du Béarn, on jetait par la fenêtre du fro-
ment et des pièces de monnaie, et l'on croyait que
(1) Desrousseaux, II, p. 288.
(2) Folk-Lore Journal, II (1884), p.'257.
Perse, Satire II, v. 31-34 : La grand'mère ôtait l'enfant du
berceau, et le purifiait avec de la salive lustrale, préservatif certain
contre le mauvais regard. La pratique africaine consiste à cracher
sur le nouveau-né des herbes mâchées. (C. de Mensignac. Le Crachat et
lasalive,p. 51-54.)
(3) Folk-Lore, IV (1893), p. 357.
(4) GURDON, p. 10.
(5) Gregor, 1, p. 7.
34 LA VIE HUMAINE
cette offrande serait favorable au petit être (1). Dans le
nord de l'Angleterre, on distribue du pain et du fromage
ou l'enfant ne sera j)as beau (2).
Le premier lavage du nouveau-né est l'objet de
pratiques qui montrent l'importance que l'on attache
à cet acte pré-baptismal. En Portugal, on met des
aiguilles dans le fond du vase, et l'on y puise de l'eau
pour faire un signe de croix en récitant cette formule :
L'eau à laver, le Seigneur à la bénir, l'eau à courir,
et l'enfant à croître» (3), Dans le nord de l'Ecosse, en
plusieurs parties de l'Angleterre et de l'Allemagne, on
y plonge un charbon ardent ou un poker rougi (4). En
Portugal, en Suède, on y jette une pièce de monnaie
pour assurer le bonheur de l'enfant (5) ; dans le nord*
de l'Ecosse c'est de l'argent, et plus grosse est
la somme plus il sera chanceux (6). En Ecosse on avait
grand soin de ne pas laisser l'eau toucher la paume des
mains, pour ne pas lui enlever la jouissance des biens
de ce monde ; dans le nord et l'ouest de l'Angleterre
cette défense ne s'apphque qu'à la main droite (7).
L'eau qui la première a été en contact avec le corps
du nouveau-né emprunte à cette circonstance un carac-
tère particuher, et elle semble être en connexion magi-
que avec lui ; aussi ne la traite-t-on pas comme une eau
(1) NoRE, p. 122.
(2) Henderson, p. 11.
<3) Leite, 2, II, p. 111.
(4) Gregor, 1, p. 7. Folk-Lore, XII (1901), p. 472.
(5) CoELHo, p. 563. Thorpe, II, p. 109.
<6) Folk-Lore Journal, VI (1888) p. 235,
<7) Gregob, 1, p. 7. Henderson, p. 16.
LA NAISSANCE 35
ordinaire, dans la croyance que l'on peut s'en servir
pour nuire à l'enfant, ou pour lui procurer des avantages;
elle est l'objet des mêmes traitements que le placenta et
le cordon ombilical (p. 30) et que le bonnet de baptême.
En Wallonie, on la renverse dans le feu, pour éviter les
maléfices que pom-rait subir l'enfant si elle venait à
être emploj^ée par des sorcières (1) ; en Estlionie, j)our
la même raison, on la versait sur le gazon, à l'écart du
chemin (2). En Ecosse, si on la répand sur les fondations
d'un édifice, elle le met à l'abri de l'incendie et l'enfant
est à l'avenir préservé de toute brûlure (3). Dans les
Highlands elle communique sa vertu à la corde de
paille qui a entouré le corps du nouveau-né à la fin
de l'opération; ses morceaux le garantissent, sa vie
durant, de l'épilepsie et de plusieurs autres maladies (4).
En Portugal son rôle est purement symbolique : on la
jette dehors si celui qui vient d'y être lavé est un
garçon, dans la maison si c'est une fille, parce que le
bonheur de l'homme est au dehors, et celui de la femme
au logis (5).
En Ecosse, lorsque la nourrice avait fini de mettre
à l'enfant ses premiers vêtements, elle le tournait trois
fois dans ses bras, sens dessus dessous, le bénissait, et
le faisait choquer trois fois la tête en bas. Ces cérémonies
tenaient les fairies à distance et le préservaient des
frayeurs nocturnes et du rachitisme. On les répétait
(1) MONSEUR, p. 37.
(2) Grimm, IV, p. 1844, n« 28.
(3) Gregor, 1, p. 7.
(4) Campbell, 2, p. 27.
(5) Leite, 2, II, p. 98.
36 LA VIE HUMAINE
d'ailleurs chaque fois qu'on l'habillait (1). Dans les
Highlands on avait soin de lui mettre la tête en bas en
faisant sa toilette le matin, ce qui constituait une
excellente garantie contre toute espèce de fascination (2).
14. — La plupart des amulettes destinées à préserver
les enfants des mauvais esprits, des sorcières et des
maladies qui tiennent à des causes surnaturelles leur
sont mises aussitôt après leur naissance. En Basse-
Bretagne, vers 1840, on introduisait dans la manche
du premier vêtement du nouveau-né un morceau de
pain de seigle grillé sur des charbons ; grâce à ce talis-
man, les sorcières, les envieux qui jettent des sorts et
soufflent de mauvais vents ne pouvaient lui nuire ;
le pain absorbait les maléfices, mais il fallait avoir soin
de le changer tous les jours (3). En Sicile on lui suspend
au cou des rubans et des amulettes qui consistent en une
ou plusieurs petites cornes, en une petite main de corail
qui forme la corne contre le mauvais œil, une coquille
de mer percée, ou des médailles de saints ou des sachets
où sont enfermées leurs images, parfois avec d'autres
objets (4). En Galice, on lui attache au cou une branche
de corail et au poignet une médaille de saint Benoît (5).
Dans le Finistère, la pierre de coadri (staurotide) le
préserve parce qu'elle porte en relief l'image de la
croix (6), En Ecosse, vers 1820, un ruban rouge autour
(1) Gregor, 1, p. 7.
(2) Stewart, p. 114.
(3) BouET, I, p. 60.
(4) PiTRÈ, 1, II, p. 177-179.
(5) Arivau, p. 258.
(6) BouET, 1, c.
LA NAISSANCE 37
du COU, une croix en sautoir étaient efficaces contre le
mauvais œil, les méchants esprits, et les divers inconvé-
nients ; maintenant on y met le commencement de l'évan-
gile de Saint Jean, un clou recourbé de fer à cheval ou
un morceau de peau de loup (1). Dans les Apennins,
sept fragments de corail pris aux colliers de sept jeunes
filles nommées Marie, enfilés dans un cordon de soie
rouge attaché au bras gauche de l'enfant, constituent
un antidote souverain contre l'envie (2). Comme pré-
servatif du mauvais œil, on suspend souvent au cou des
petits enfants itaUens des poils de blaireau montés en
argent (3) ; en Portugal, pour que les sorcières ne puis-
sent s'emparer de ceux qui ne sont pas encore baptisés,
on leur attache au bras les culottes de leur père (4) ;
en Saintonge, elles étaient placées près du ht avec
un rameau de buis, et dès lors ces femmes ne pou-
vaient substituer au joli poupon un petit monstre né
d'elles (5).
Le fer, métal odieux aux esprits et aux suppôts du
diable, est d'un usage fréquent. Dans le comté d'York
on préservait le sommeil des nouveau-nés non encore
baptisés, qui sont alors à la merci des fairies, en suspen-
dant vers la tête du berceau un couteau à découper
dont la pointe était voisine de la face de l'enfant (6).
En Suède on place dans le berceau un couteau ou tout
(1) Stewart, p. 114. Black, 2, p. 154.
(2) Mélusine, VIII (1896-7), col. 20.
(3) Bellucci, l,p, 69.
(4)Leite, l,p. 202.
(5) NoGUÈs, p. 21.
(6) Brand, II, p. 80.
LE PAGANISME CONTEMPORAIN 3
38 • LA VIE HUMAINE
autre instrument de fer (1); en Portugal, on met sous le
traversin des ciseaux ouverts en croix, auxquels on
ajoute parfois de la rue ; ils sont souverains contre les
sorcières, de même que l'était, en Saintonge, le morceau
de fer placé auprès de l'enfant non baptisé (2). Dans
le Northumberland, des pierres trouées sont souvent
mises sur le berceau ; en Ecosse c'est une Bible (3).
En Irlande, un peu de sel caché dans les vêtements de
l'enfant constitue la meilleure sauvegarde contre
l'enlèvement par les fairies (4). En Portugal, on empêche
le nouveau-né d'être fasciné en enfonçant une aiguille
dans le sol (5).
Le feu et la lumière figurent parmi les sauvegardes
efficaces. Dans l'île de Lewis on promenait matin et soir
autour des enfants, jusqu'à ce qu'ils eussent été baptisés,
un tison enflammé pour les préserver des mauvais es-
prits qui, à ce moment, sont prêts à leur faire du mal et
à les enlever pour leur substituer leurs malingres
rejetons. Dans les îles de l'ouest de l'Ecosse, une femme
balançait dans le même but l'enfant trois ou quatre
fois au dessus d'une flamme (6). En Suède, pour effrayer
les Trolls et prévenir le changeling, il doit y avoir jour
et nuit du feu dans le foyer ou des lumières dans la
chambre. Dans le nord de l'Allemagne, c'était pour proté-
ger les enfants des femmes blanches qui se plaisaient
(1) Thorpe, II, p. 82,
(2) Pf.droso, 2, p. 15. NoGUÊs, p. 21.
(3) Balfour, p. 51. Gregor, 4, p. 477.
<4) Wilde, p. 204.
(5)Leite,1,p. 100.
(6) Brand, II, p. 486, 77.
LA NAISSANCE S9
autrefois à les enlever, qu'on allumait, sitôt après la
naissance, un feu qui devait brûler constamment
jusqu'après le baptême (1). En Portugal, c'est comme
préservatif contre la puissance des sorcières qu'on tient
une lumière jour et nuit dans la chambre (2).
En Béarn pour empêcher le démon de venir avant le
lever du soleil s'emparer de l'enfant, une femme qui se
sent la force de ne pas dormir de toute la nuit fait allu-
mer à ses côtés deux cierges bénits, couche le nouveau-né
sur ses genoux et le berce sans cesse en prononçant ces
paroles « Dors, dors tranquille, joU petit. — Tu es bien
gardé par le petit ange. — Demain nous te donnerons
un saint nom — » (3). Dans la Bigorre, de peur que les
sorciers ne profitent pour jeter un sort au nouveau-né
du moment où la matrone se serait endormie, on place
du pain, de l'ail et du sel sur une table recouverte d'une
serviette (4). En Irlande, l'enfant né à minuit doit être
chaque nuit aspergé d'eau bénite et veillé sept jours, sinon
il est exposé à être changé par les « bonnes gens » (5).
15. — Plusieurs des pratiques destinées à assurer
l'abondance du lait sont antérieures à la maternité, et
elles s'accomplissent en même temps que celles qui ont
pour but la fécondité. C'est pour obtenir cette double
faveur que les nouveaux mariés de quelques villages
d'Auvergne font trois fois en dansant le tour des pierres,
et que des paysannes allaient naguère la nuit, dépouillées
(1) Thorpe, II, p. 76; III, p. 71.
(2) Pedroso, 2, p. 15.
(3) Barthety, p. 11.
(4) ROSAPELLY, p. 5.
(5) Folk-Lore Journal, II (1884), p. 257.
40 LA VIE HUMAINE
de tout vêtement jusqu'à la ceinture, se frotter les seins
et le ventre contre une pierre levée des environs de
Mâcon (1).
Les amulettes augmentent la sécrétion du lait ;
l'usage de la, piètre del latte est général dans les campagnes
d'Italie ; ce sont des fragments d'agate, des calcédoines
de diverses couleurs, des grains de sélénite ou de corail
blanc que les nourrices suspendent à leur cou ou lient
sur le corset (2). En Portugal, elles portent au cou une
petite pierre appelée leituario ou un grain nommé conta
leiteiria (3). Dans les Vosges, on se sert d'une graine
en albâtre de forme ovoïde, dit gland de saint Anselme (4).
Les nourrices ombriennes s'assurent un lait abondant
ou le font revenir en s' attachant au cou un sachet
rempli de terre prise dans une petite chapelle voisine
d'Umbertide, où l'on vénère une statue de la vierge
appelée 31 adonna délie latte (5). Dans les Asturies, et
dans le nord du Portugal, un coquillage nommé cuento
de la lèche, grain de lait, qui doit avoir été ramassé
dans la mer, est suspendu par un cordon au cou de la
nourrice (6). A Venise, on lui met un hippocampe sur le
sein ou sur la chemise (7) ; dans la Haute-Garonne, les
nourrices se préservent d'un mal qui vient au sein par
suite du mauvais œil, en portant au cou une pierre percée
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 61, 57.
(2) Zanetti, p. 153. Bellucci, 1, p. 35.
(3) Leite, 1, p. 92.
(4) SAtrvÉ, p. 114.
(5) Zanetti, p. 74, 146.
(6) SÉBILLOT, 2, I, p. 276.
(7) Bernoni, p. 146.
LA NAISSANCE 41
nommée Gar do-lait {l). Les Gougadpatereu du MorhihsLn,
colliers composés d'objets provenant des sépultures
préhistoriques, empêchent la disparition du lait ou le
font revenir (2). Les femmes qui vont en pèlerinage à
la Vierge d'Aillas-le- Vieux, dans la Gironde, y font bénir
des boules de verroterie dites graines de lait (3).
Des analogies d'aspect ont motivé des visites à plu-
sieurs jeux de nature : les femmes portugaises qui n'ont
pas de lait font trois fois le tour d'un rocher appelé
Pedra leital, et elles sucent les protubérances en forme
de mamelles qui se trouvent sur une de ses faces (4). Il y
a de semblables aspérités dans la grotte de Sos (Landes)
où coule la fontaine de Las poupettes, dont l'eau rend le
lait aux nourrices qui la boivent après une offrande
et une prière à la Vierge ; le linge trempé dans celle qui
dégoutte d'un rocher des environs de la Réole (Gironde),
dont les concrétions pierreuses ressemblent à des ma-
melles allongées, est aussi appliqué sur le sein pour aug-
menter le lait (5).
Les nourrices qui s'adressent à un grand nombre
de fontaines de France réputées pour leur vertu lactifère
boivent le plus ordinairement un peu de leur eau, en
accomplissant quelques rites accessoires. Ces visites
paraissent plus rares à l'étranger ; cependant en Por-
tugal, la femme qui n'a pas de lait va boire à la Fonto do
leite, et fait ensuite à l'eau une offrande de pain, de lin,
(1) Mélusine, VII, (1894) col. 213.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 77.
(3) Daleau, p. 39.
(4) Leite. 1, p. 92.
(5) SÉBILLOT, 1, II, p. 236 ; I, p. 341.
42 LA VIE HUMAINE
de vin, etc., qui peut être ramassée par la première per-
sonne qui passe. (1)
L'eau est parfois prise en breuvage et appliquée à la
lotion des seins ; lorsque les nourrices ont lavé les
leurs à la fontaine Moriane près d'Uchon (Saône-et-
Loire), elles puisent de l'eau dans un vase, le font toucher
avant de boire à une statue vénérée, et emportent le
reste à la maison pour continuer le traitement. Les ablu-
tions sont aussi associées à d'autres rites : à Gouézec
(Finistère) les pèlerines doivent faire trois fois, le corsage
déboutonné, le tour de la chapelle de Notre-Dame de
Treguron, se laver les seins à la fontaine après chaque
tour, puis rentrer à l'église, réciter cinq Pater et cinq Ave
et mettre quelque monnaie dans le tronc. L'ofirande
seule peut suffire, comme à la fontaine de Notre-Dame
de Treguron en Edern, où la suppliante laisse choir
dans l'eau une à une, en se signant à chaque fois, trois
épingles de son corsage. (2)
Deux pratiques bretonnes ont pu être inspirées par
des idées d'analogisme ou de magie sympaUiique : A
Saint-Gilles-PHgeaux (Côtes-du-Nord), la pèlerine vide
une fontaine à l'aide d'une écuelle, se rend à l'église, dit
un chapelet et retourne à la maison ; pendant que la fon-
taine se remplit, les seins de la femme se gonflent d'un lait
excellent (3). Près de Tregueux (Côtes-du-Nord), les jeunes
mères tirent, comme si elles trayaient une vache, sur les
branches d'un gros genêt placé au bord d'un ruisseau (4).
(1) Leite, 1, p. 73.
(2> Sébillot, 1, II, p. 236.
(3) SÉBILLOT, 1, II, p. 236.
(4) Revue des Trad. pop. XVIII (1903), p. 531.
LA NAISSANCE 43
Un procédé employé en Portugal pour faire revenir le
lait est peut-être fondé sur la croyance au pouvoir de
la rosée. Il consiste à exposer un corset au serein nocturne
trois nuits de suite, à le frapper chaque fois à plusieurs
reprises, puis à revêtir, avant le lever du soleil, ce corset
imprégné de rosée (1).
Les nourrices dont les seins sont malades ou taris
font, en invoquant sainte Agathe, sept fois le tour de la
chapelle qui lui est dédiée à Langon (Ille-et- Vilaine) (2).
Les femmes croient aussi utile de s'assurer par des
présents la protection des puissances célestes. Celles qui
n'ont pas de lait vont en pèlerinage à la statue de saint
Christovan, aux environs d'Elva (Portugal), et lui pro-
mettent un bol de lait et cinq petits pains. Lorsque son
vœu a été exaucé, la suppliante vient, accompagnée
de cinq petites filles, appelées Marie, portant le lait et les
petits pains, qui doivent avoir été mendiés ; les Maries
mêlent le pain avec le lait et le mangent ; la femme assiste
à cet acte ; mais ne mange pas (3). Les nourrices de
la Dordogne font des offrandes en nature d'un carac-
tère particulier ; elles déposent sur l'autel de la Vierge à
Saint-Pardoux-la-Rivière un fromage fait de leur propre
lait ; à BusseroUes, elles se contentent d'y déposer une
fiole de lait et un morceau de pain (4).
Des actes accomplis par autrui ou par la femme en
violation de certaines défenses peuvent amener la dis-
parition du lait. Dans les Vosges, en brûlant des coques
(I)Leite. l,p. 202.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 136.
(3) Revista lus'tana, VIII (1905), p. 277.
(4) Revue des Trad. pop. X (1895), p. 229.
44 i^A VIE HUMAINE
d'œufs on tarit infailliblement le sein de la nourrice
qui allaite dans la maison ou qui y entre (1). En Portugal
si l'on y porte une branche de figuier, le lait de la mère
séchera et le nourrisson sera ensorcelé. La femme qui
allaite ne doit pas faire boire son lait à un chat ou à un
chien, ou l'enfant en pâtit ; il devient arthritique ou
épileptique si on lui donne le sein entre l'élévation de
l'hostie et celle du calice (2).
Quelques actes s'appliquent au nourrisson lui-même ;
dans la Suisse romande, pour qu'un nouveau-né prenne
le sein avec facilité et profit, on lui fait faire trois fois
le tour de la crémaillère la tête en bas (3). En Provence
lorsqu'un enfant, par la suite d'un sort, prend mal
le sein, il faut le destarrar, c'est-à-dire le faire sortir
des limites de la commune ; une femme de la famille
le prend dans ses bras, et est accompagnée d'un parent
qui porte du pain ; dès qu'ils sont arrivés dans la
commune voisine, le pain est offert à la première per-
sonne que l'on rencontre ; si elle l'accepte avec empresse-
ment, et y goûte sans retard, l'enfant est guéri, et il
prend aussitôt le sein qu'on lui présente (4).
Les observances pratiquées au moment du sevrage
touchent parfois à la magie. En France, au XVP siècle,
la femme qui voulait faire passer son lait devait sauter
trois ou quatre matins de suite sur de la sauge dans le
jardin d'un prêtre (5) ; en Portugal, on mélange un peu
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 232.
(2) Pedroso, 1, n»» 251, 252, 62.
(3) Ceresole. p. 329.
(4) Bérenger-Féraud, V, p. 14.
(5) SÉBILLOT, 1, III, p. 496.
LA NAISSANCE 45
de lait avec de l'argile que l'on met en dehors de la porte ;
à mesure que ce mortier sèche, le lait sèche aussi (1).
En Allemagne on mettait dans le cercueil de l'enfant
mort avant d'avoir été sevré une bouteille remplie du
lait de sa mère ; quand il se desséchait celui de la mère
séchait sans lui occasionner de douleur (2). A Modène
la femme qui sèvre n'éprouve aucun inconvénient
si elle jette dans un puits une poignée de sel de cuisine,
en ayant soin de se sauver assez vite pour ne pas l'enten-
dre tomber (3). Dans les Ardennes l'enfant ne souffre
pas si on le fait sortir de la maison le dos en avant,
au moment où l'on attache au cou de la mère un collier
de douze bouchons de liège (4), bois auquel on attribue
en beaucoup de pays le privilège de faire disparaître
le lait.
16. — Le berceau est, ainsi qu'on l'a vu, orné d'amu-
lettes protectrices ; il est aussi l'objet de plusieurs actes
qui ont pour but de préserver de divers inconvénients
le fragile petit être qui l'occupe. En Ecosse lorsqu'on
l'y place pour la première fois,, on promène autour de
lui une petite torche allumée, en prononçant quelques
paroles de bénédiction, et on la promène aussi, ordinaire-
ment trois fois, autour de l'appartement (5).
L'interdiction, assez générale, de balancer un berceau
vide est motivée par des raisons variées : à Marseille le
diable vient s'y mettre, car il prend, dès qu'il le peut
(I)COELHO, p. 563.
(2) Grimm, IV, p. 1819, n» 974.
(3) RicCARDi, p. 58.
(4) Meyrac, p. 190.
(5) Revue des Trad. pop. II (1887), p. 464.
46 LA VIE HUMAINE
la place des anges, et les esprits aiment à être bercés (1) ;
dans les Vosges, il serait capable de faire mourir l'enfant
pour ne pas la lui rendre (2). En Andalousie le nourrisson
mourrait de bonne heure (3); en Hollande cet acte est pour
lui un présage de mort (4). En Sicile, il risquera de mourir
ou aura, comme à Marseille et dans le Finistère des co-
liques ou des tranchées (5) ; en Portugal, il ne deviendra
ni vigoureux, ni brave (6) ; en Suède, il sera pleurard
et criard (7). Dans le nord de l'Angleterre, il sera
exjîosé à des disgrâces (8) ; en Cornouaille et en Sussex,
celui qui balance le berceau aura une nombreuse fa-
mille (9).
En Ecosse lorsqu'on en transporte un, il est nécessaire
qu'il y ait quelque chose dedans, et on y met parfois
de petits gâteaux (10); suivant les paysans du Finistère,
il doit être recouvert d'un tablier ou d'un drap, ou bien
quelque chose de si effrayant qu'on n'ose le dire, pour-
rait venir prendre la place inoccupée (11). En Portugal,
il faut le faire sortir par la tête et non par les pieds (12),
(1) Régis, p. 276.
(2) Sauvé, p. 225.
(3) GuiCHOT, p. 289.
(4) Henderson, p. 18.
(5) PiTRÈ, 1, II, p. 178. Mélusine, III (1886), col. 375.
(6) Pedroso, 1, n° 15.
(7) Thorpe, II, p. 110.
(8) Denham, II, p. 49.
(9) Folk-Lore Journal, V(1887), p. 210. Latham, p. 11.
(10) Gregor, 2, p. 26.
(11) Mélusine, III (1886), col. 375.
(12) COELHO, p. 560.
LA NAISSANCE 47
vraisemblablement parce que c'est ainsi que les cadavres
sont transportés hors de la maison.
17. — Plusieiu-s actes, en outre de ceux qui suivent
immédiatement la naissance, ont pour but de garantir
de tout inconvénient les enfants pendant la période qui
précède le baptême ; dans les îles écossaisses de Lewis,
lorsqu'il était différé plus que de coutume, on appelait
le garçon Maoldonuich, c'est-à-dire dévoué à Saint
Dominique, et la fille Creudach, l'enfant du Credo, ce
qui signifiait que dès lors, il était sous la protection de
l'église (1) ; dans les Algarves les gens du peuple donnent
le nom d'Ignacio et d'Ignacia aux nouveau-nés pour
que les sorcières n'aient aucun pouvoir sur eux (2).
Autrefois en Haute-Écosse, s'il y avait à faire un
long trajet pour transporter l'enfant à l'église, on répan-
dait sur lui du sel de cuisine, dans la croyance qu'il
était dès lors, quoique non régénéré, à l'abri de tout
dommage (3). En Irlande et en Ecosse, on met du pain
et du fromage dans ses vêtements (4) ; à la fin du XVIII^
siècle, un morceau de pain noir attaché au cou de l'en-
fant breton le préservait des mauvais sorts, et c'est
dans le même but qu'on en place un dans sa man-
che (5). Autrefois en Allemagne on passait par la
fenêtre celui qu'on portait baptiser, afin qu'il devînt
grand et fort (6).
(1) Folk-Lore, XI (1900), p. 444.
(2) Pedboso, 2, p. 15.
(3) Black, 1, p. 131.
(4) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 333. Gregor, 4, p. 477.
(5) Cambry, p. 346. Mélusine, III (1886), col. 374.
(6) Grimm, IV, p. 1788, n» 265.
48 LA VIE HUMAINE
Le trajet de la maison à l'église est l'objet de plusieurs
pratiques traditionnelles. Dans la Cornouaille, une per-
sonne, ordinairement une femme, précède le cortège
tenant un morceau de pain qu'elle donne au premier
passant rencontré sur la route, peut-être avec l'idée que
le mauvais œil qui pourrait tomber sur l'enfant serait
détourné par ce présent ( 1 ) ; cet usage était aussi observé
en Béarn vers 1840 ; mais le pain était placé sur le nour-
risson lui-même (2).
En Béarn lorsque la femme qui porte l'enfant a com-
mis une seule fois l'imprudence de regarder en arrière,
il pleurerait d'une façon désolante pendant la première
année si l'on ne se hâtait, dès le retour à la maison, de
le passer au milieu de la litière de la loge aux porcs, sur
un râteau à neuf pointes ; après l'avoir laissé pleurer
pendant quelques secondes, on le retire en pronon-
çant une incantation traditionnelle (3) ; dans l'Albret,
si la porteuse se retourne, l'enfant sera fourbe et
menteur (4). En quelques parties de la Haute-Bretagne,
le parrain doit le prendre dans ses bras et le faire passer
par dessus un ruisseau, pour qu'il ne se noie pas dans
la suite (5).
18. — On rencontre dans le comté d'York une rémi-
niscence du sacrifice usité au temps du paganisme pour
la consécration d'un édifice neuf, et l'on prétend que le
(1) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 209.
(2) NoRE, p. 122.
(3) Barthety, p. 11-12.
(4) Dardy, II, p. 255.
(5) Sébillot, 3, p. 17.
LA NAISSANCE 49
premier enfant baptisé sur des fonts nouveaux est
assuré de mourir à bref délai. (1)
Les assistants observent, pour en tirer des augures,
les gestes de l'enfant pendant la cérémonie : En Por-
tugal s'il ne crie pas, il mourra avant un an ; à
Marseille, à Menton et dans le Sufïolk, il ne vivra
guère (2). Dans le nord derAngleterre,enCornouaille,eten
Sussex, on dit que le diable n'est pas sorti de son corps
et on le pince pour le faire crier (3). Dans le Cantal,
l'enfant qui ne pleure pas sera bon ; dans le Val
d'Aoste il sera un peu indolent, et n'aura pas grande
intelligence (4). En Sussex et dans l'Angleterre du
nord, si l'enfant crie, le mauvais esprit s'en va ; c'est
aussi, comme à Marseille, le présage d'une bonne consti-
tution ; mais dans cette ville quelques-uns disent qu'il sera
absolu et colère, à Liège qu'il aura mauvais caractère ;
en Allemagne, il ne devait pas vivre vieux (5).
En Saintonge, l'enfant qui recevait le sel de mau-
vaise grâce était exposé à des inconvénients multiples (6);
en Wallonie s'il remue alors la langue, il sera intelligent
et deviendra prêtre ou religieuse (7). En Andalousie et
en Castille plus le curé met de sel à l'enfant, plus il sera
(1) Henderson, p. 121.
(2) Pèdroso, 1, n" 180. Régis, p. 264. Revue des Trad. pop. IX (1894),
p. 112.GURD0N, p. 12.
(3) Henderson, p. 16. Folk-Lore.lV, (1893), p. 338. Lath.\m, p. 11.
(4) Revue des Trad. pop. V (1890), p. 536. Christillin, p. 283.
(5) Régis, 1. c. Monseur, p. 38. Grimât, IV, p. 1778, n" 30.
(6) NoGUÈs, p. 23.
(7) Monseur, p. 38.
50 LA VIE HUMAINE
heureux. (1) Autrefois, en Esthonie, on croyait que s'il se
tenait la tête droite, il était destiné à une longue vie,
alors qu'elle devait être courte s'il la laissait tomber (2).
Dans le pays de Naples, il faut avoir soin de bien
réciter toutes les paroles du Credo, ou l'enfant en gran-
dissant sera tourmenté continuellement par les esprits
et les follets (3). A Menton, il sera bègue si c'est le parrain
qui se trompe ; dans les Côtes-du-Nord, que ce soit le
parrain ou la marraine, il sera débile (4). En Corse il
suffit d'une erreur d'un seul mot pour que le filleul
devienne stregho, strega (sorcier ou sorcière) ou mor-
tolaio ; en ce cas, il voit tout ce que font les revenants
dans leurs courses nocturnes (5).
On croit dans une commune de la Gironde qu'un en-
fant devient lebroun ou lebrette (loup-garou mâle ou
femelle) suivant que c'est un garçon ou une fille, si le curé
qui a fait le baf)tême l'a baptisé avant d'avoir dit sa
messe. S'il n'était pas en état de grâce, l'enfant commen-
cera à courir la ganipaute à l'âge de sept ans et continue-
ra jusqu'à ce qu'il ait été rebaptisé ; mais il faut que son
parrain et sa marraine primitifs soient encore vivants (6).
Dans la Cornouaille, où l'on se sert pour le baptême
des eaux de plusieurs fontaines sacrées, celles de Saint
Euny, de Ludgvan ou de Saint Ruth confèrent à l'en-
fant le privilège de ne pouvoir être pendu par une corde
(1) GuiCHOT, p. 287.
(2) Grimm, IV, p. 1845, n» 45.
(3) Amalfi, p. 17.
(4) Revue des Trad. pop. IX (1894), p. 112. Sébillot, 3, p. 17.
(5) Revue des Trad. pop. IX (1894), p. 465.
(6) Mensignac, 1, p. 68. Daleau, p. 38.
LA NAISSANCE 51
de chanvre (1). Avant la Réforme une de celles d'Ecosse
préservait de la peste toute personne qui avait été
baptisée avec son eau (2).
L'eau de la cuve baptismale était naguère si réputée
en Cornouaille pour* ses vertus, que l'on fermait à clef
les baptistères pour empêcher les gens de venir la
prendre. Les pm'itains d'Ecosse la regardaient comme
curative de beaucoup de maladies; elle préservait
aussi de la sorcellerie, et les yeux qui en avaient été
baignés ne voyaient jamais de fantômes (3).
A Menton, pour éviter les sorcières, il faut après le
baptême, sortir par une autre porte et retourner par
un autre chemin (4). Dans la vallée d'Aoste, on donne
au parrain une chandelle allumée, qu'il doit porter jus-
qu'à la maison ; si elle s'éteint vite, l'enfant ne vivra
pas longtemps (5).
19. — A Fouvent, dans la Haute-Saône, les parents
de celui qui venait d'être baptisé le passaient par l'ou-
verture de la Pierre percée ; c'était le baptême de la
pierre, qui devait le préserver de toutes sortes de mala-
dies et lui porter bonheur pendant tout le cours de son
existence. Les villageois de la Saintonge faisaient
passer les nouveau-nés par les trous de la table de cer-
tains dolmens ; à AUaines (Eure-et-Loir) cette pra-
tique qui avait pour but de les préserver des maléfices.
(1) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 92.
(2) Brand, II, p. 373.
(3) HuNT, p. 288, 300. Black. 2, p. 89.
(4) Revue des Trad. pop. IX (1894), p. 112.
(5) Christillin, p. 284.
52 LA VIE HUMAINE
a eu lieu jusqu'à la destruction du dolmen (1). Les pierres
ne possèdent pas seules le pouvoir de conférer des
privilèges ; il s'étend à d'autres objets, ordinairement
percés ; autrefois les protestants picards qui avaient
fondé le village de Friedrichsdorf, près de Hambourg,
avaient coutume de faire passer trois fois à travers l'ou-
verture ronde d'un chêne qui se trouvait sur la route de
Hambourg les enfants qu'ils y portaient pour les faire
baptiser (2). En Sussex, ceux que l'on a passés à travers
les branches d'un érable sont assurés d'une longue
vie (3). Autrefois à Oxford, on creusait un fromage au
milieu de façon à en faire un grand anneau que l'on
faisait traverser à l'enfant le jour de son baptême (4).
Les actes accomplis au logis après la cérémonie ont
été rarement relevés, et ils ne présentent pas des circons-
tances aussi curieuses que celles qu'on observait en
Ecosse il y a un peu plus de cent ans. Dans le
Perthshire lorsqu'un enfant avait été baptisé à la
maison, on le mettait dans un panier propre, garni
de linge sur lequel on avait disposé du pain et du
fromage, et on lui faisait faire trois fois de suite le tour
de la crémaillère. Cet acte avait pour but de prévenir
les entreprises que les sorcières et les mauvais esprits
étaient supposés faire contre les nouveau-nés. Autrefois
en Ecosse dès qu'un enfant était revenu de l'église,
une femme le balançait doucement trois ou quatre fois
au-dessus d'une flamme en disant : « Que la flamme te
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 59.
(2) Gaidoz, p. 11-12.
(3) Lathiam, p. 43.
(4) Brand, II, p. 71.
LA NAISSANCE 53
consume maintenant ou jamais (1). En Franche-Comté
on suspend au lit de la mère, quand on rentre à la mai-
son, la couronne de fleur et le bouquet que l'enfant
avait portés au baptême et on a soin de les placer très
haut pour qu'un autre nouveau-né ne survienne pas
bientôt (2). En Allemagne la femme qui avait porté
l'enfant le posait sur la table, afin qu'il devînt grand
et fort, puis son père le prenait et le passait à la mère (3).
Le bonnet de dessous que l'enfant a revêtu au bap-
tême est dans quelques pays l'objet de préoccupations
analogues à celles qui s'attachent au placenta et au
cordon ombilical (p. 30). Dans les Vosges, s'il venait à
être perdu ou volé, l'enfant sur la tête duquel il aurait
passé serait exposé aux plus grands maUieurs (4) ; en
Haute-Bretagne, on doit le brûler, et non le jeter, parce
que les devins et les sorcières pourraient s'en servir
pour leurs maléfices ; en lUe-et- Vilaine, il a le privilège
de procurer un bon numéro au conscrit (5).
(1) Brand, II, p. 79, 77.
(2) Mélusine, I (1878), col. 370.
(3) Grimm, IV, p. 1785, n" 192.
(4) Sauvé, p. 224.
(5) SÉBILLOT, 3. p. 19.
CHAPITRE III
L'enfance.
20. Les ennemis des enfants. — 21. La première sortie. — 22. L'évo-
volution : la croissance favorisée ou retardée. — 23. La marche, les
dents et la p'irole. — 24. Le rachitisme guéri par les eaux ou les
pierres. — 2."). Les maladies et les procédés magiques. — 26. La
coqueluche et les animaux guérisseurs; le passage à travers l'arbre
et les mégalithes, — 27. Les fontaines.
20. — Le baptême ne garantit pas d'une façon absolue
les petits chrétiens des entreprises des esprits. Ceux-ci
peuvent, si on ne surveille pas les enfants, venir les prendre
à la maison et mettre à leur place dans les berceaux
leurs rejetons à l'air vieillot qui ne grandissent pas, bien
qu'ils mangent comme quatre. La croyance à cette
substitution, qui forme un épisode si fréquent dans les
récits populaires, existe encore dans nombre de pays.
On en cite même des exemples récents : Le Men avait
rencontré au milieu du XIX^ siècle, des vieillards du
Finistère qui affirmaient avoir été enlevés par les cor-
rigans (1) ; en 1882 et en 1883, on parla à M. Rhys, sur
plusieurs points du pays de Galles, de gens qui avaient
été emportés par les fairies, et on lui cita des personnes
qui étaient de leur race (2). Il y a une quarantaine
(1) Le Men, p. 230.
(2) Rhys, I, p. 100, 194, 199.
l'enfance 55
d'années, dans les Côtes-du-Nord, une femme de grande
taille mariée à un gendarme qui avait été cuirassier,
disait en parlant de son fils, une espèce de nain noir
de visage, qu'on le lui avait changé, et dans le voisi-
nage des grottes des Margot-la-Fée et des houles du
littoral, qui passent pour avoir été habitées jusqu'à
une époque récente par des tribus de fées voleuses
d'enfants, on dit encore couramment de ceux qui sont
noirâtres et rabougris, que ce sont des enfants des
fées (1).
Dans cette région et dans les autres parties de la
France où l'on a redouté ces enlèvements presque
jusqu'à nos jours, on a perdu la mémoire des moyens
de préservation spéciale qui y étaient vraisemblable-
ment usités jadis. On en retrouve quelques-uns à l'étran-
ger ; en Sicile les mères et les nourrices qui laissent seuls
les enfants, répandent sur eux, pour empêcher les fées
de les enlever, un peu de lait en disant : «Ici sa mère
l'a fait, comme elle l'a fait, elle l'a couché» (2). En Ecosse
elles posent près d'eux une Bible ouverte, qui les garan-
tira des fairies (3), dans la Cornouaille anglaise, elles
mettent parfois sous l'oreiller, comme un charme contre
les Pixies, un livre de prières (4).
Lorsqu'on supposait qu'en dépit de toutes les précau-
tions l'échange avait été fait, on avait recours à des
procédés traditionnels destinés à connaître si réellement
le berceau contenait un intrus. L'un des plus ordinaires
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 442 ; II, p. 109.
(2) Castelli, p. 15.
(3) Black, 1, p. 165.
(4) Folk- Lore Journal. V (1887), p. 182.
56 LA VIE HUMAINE
consiste à le faire parler en excitant son étonnement
par un acte insolite : l'eau mise à bouillir devant le feu
dans des coques d'œufs ou des coquillages déliait la lan-
gue des rejetons des fées. On faisait alors mine de le
battre, ou on le frappait réellement, parfois près de la
grotte où les « bonnes gens » avaient leur résidence ;
ou bien on le privait de nourriture ; les fées accouraient
à ses cris et restituaient l'enfant qu'elles avaient
dérobé (1). Dans les Higlilands où l'on a cru plus longtemps
qu'ailleurs à ces échanges, le changeling était porté le
soir au confluent de trois rivières à la limite de trois
comtés, et on l'y laissait seul ; si réellement les« fairies»
avaient volé l'enfant véritable, elles le rapportaient la
nuit, et emportaient le leur (2).
Les ennemis des enfants semblent parfois leur faire
du mal uniquement par plaisir : en Sicile les méchantes
fées les ôtent de leur berceau pendant leur sommeil, et
on les retouve le matin étendus sur la terre froide (3),
Dans ce pays, jusqu'au quarante - neuvième jour
après leur naissance, la sorcière peut leur nuire ; on la
dépeint comme une chatte monstrueuse avec une longue
queue ; c'est un voisin ou une vieille qui a pris cette
forme ; elle déchire et gâte les enfants non baptisés, et
ceux qui n'ont pas cinquante jours. Pour les garantir,
les parents ont soin de tenir une lumière dans la chambre,
d'attacher à la porte l'image d'un saint, un linge effilé,
un vase rempli de sel ; la sorcière est obhgée de compter
tous les grains de sel, tous les fils de la toile, et cette
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 440-442.
(2) Stewart, p. 115.
(3) Grisanti, p. 136.
l'enfance 57
occupation n'est pas finie quand le jour arrive (1). En
d'autres parties de l'Italie, on l'écarté en attachant aux
cheveux des enfants quelques fragments du cierge pas-
cal, en mettant à leur cou, une staurotide, de l'ambre,
la pierre de sorcière (schiste chloritique), une petite
croix en bois de sorcier [Ilex agrifolium), une peau
de blaireau, ou un os de la queue de cet animal (2) ; en
AUemagne, une clé près de lui était efficace (3) ; en
Portugal, on pose sous l'oreiller des enfants qui
dorment, des ciseaux ouverts en forme de croix ; quel-
quefois, on y ajoute des branches de romarin et de rue;
qui empêchent les sorcières de venir sucer leur sang (4).
Suivant une croyance portugaise les âmes de l'autre
monde sont parfois aussi dangereuses que les adeptes
de la sorcellerie. On vend vers l'époque de la fête des
morts des petits gâteaux appelés Sanctorios, que l'on
place sous l'oreiller des enfants, pour que les morts ne
viennent pas leur manger les oreilles (5).
Les sorcières et les fasciniers sont plus redoutés que
les fées, et on croit encore actuellement à leur puissance.
En Portugal, si l'on veut savoir si un enfant est v^ic-
time d'un sort jeté, on répand du sel sur le feu, et on
le passe trois fois par dessus ; si le sel éclate il n'y a pas
(1) Castelli, p. 16.
(2) Zanetti, p. 255.
(3) Grimm, IV, 1798, n» 484.
(4) Pedroso, 2, p. 15.
(5) Pedroso, 3, p. 20.
Dans le Grand Duché de Luxembourg, un esprit, « berce les enfants
à mort » pendant la nuit de Noël {Revue des Trad. pop. XXII (1907)
p. 366).
58 LA VIE HUMAINE
de sorcellerie (1). Dans la Cornouaille lorsqu'on supposait
qu'un enfant avait été ensorcelé, son père et deux com-
pagnons se rendaient au logis de la sorcière, et l'atta-
chaient sur le plancher. Le père prenait dans le feu deux
tisons enflammés et les plaçait l'un sur l'autre en
dehors de la porte ; il forçait l'enfant à passer trois
fois sur ce feu, signifiant ainsi qu'il devenait un être nou-
veau sur lequel la sorcière n'avait plus de pouvoir (2).
En Ecosse on préserve l'enfant de la fascination en
le passant trois fois à travers la chemise ou la jupe que
sa mère portait lors de son accouchement (3) ; en Por-
tugal, on le délivre du sort jeté en le faisant traverser
trois fois un écheveau de fil, ou en lui mettant au cou
un cordon de soie dans lequel on a enfilé trois deniers
d'argent volé, une dent de loup, une demi-lune (4). En
Suisse le charme disparaît quand on a placé une Bible
sous son oreiller (5).
21. — En Irlande, de vieilles femmes crachaient
parfois par terre tout autour de l'enfant qui était en
promenade avec sa nourrice pour le préserver des fai-
ries (6). En Portugal, pendant sa première année, l'enfant
que l'on sort la nuit est exposé aux entrei^rises des sor-
cières, mais il en est indemme, s'il a au cou un peu de
pain, et sa mère peut le garantir en ayant sur elle du
pain ou du sel (7). Dans le comté de Wexford, on enve-
(1) Pedro so, l,n<'234.
(2) HuNT, p. 236-237.
(3) Gregor, 1, p. 8.
(4) Pedroso, 1, n" 108, 314.
(5) Folk-Lore Journal, VI (1888), p. 380.
(6) Folk-Lore. IV (1893), p. 358.
(7) Pedroso, 1, n" 620.
l'enfance 59
loppe un morceau de pain dans un des vêtements du
bébé (1). Au commencement du XIX^ siècle, en Norman-
die, une femme ne devait jamais sortir seule ayant sur
les bras un enfant de moins d'un an ou un nourrisson
non sevré ; le diable aurait pu lui tordre le col, lui aplatir
la tête ou l'emporter ; jusqu'à sept ans révolus, dès
que le soleil était couché, les enfants couraient le risque
d'être enlevés par des sorciers ou des vieillards qui les
mangeaient ensuite (2).
En Sicile, les femmes qui vont glaner laissent souvent
sur la terre nue leurs enfants encore au maillot, et croient
les garantir de tout mal en lançant tout autour du lait
de leur propre sein ; elles sont persuadées qu'elles peu-
vent ensuite s'éloigner, et que ni les serj^ents ni les vi-
pères ni aucune bête venimeuse ne jDOurront franchir
cette mystérieuse barrière (3). Les glaneuses des comtés
voisins de l'Ecosse mettaient le berceau sur le haut
bout, de peur que leur marmot ne fût remplacé par un
nourrisson des fées (4).
22. — En dehors des visites aux sanctuaires et aux
fontaines, qui ne sont pas accompagnées de circons-
tances bien jDarticulières, on rencontre peu de pratiques
ayant pour but d'assurer le développement de l'enfant
dont la croissance est normale. La plus intéressante est
celle du Finistère où, pour qu'il devienne grand et fort,
après l'avoir balancé neuf fois en le tenant par les bras
devant un feu de la Saint-Jean, on le soulève au dessus
(1) Folk-Lore, V (1894), p. 83.
(2)SÉBILLOT, 1, I, p. 161.
(3) PiTRÈ. 1, IV, p. 477.'
(4) Denham. II, p. 138.
60 LA VIE HUMAINE
du brasier en criant : « Dieu le fasse croître ! » (1)
Beaucoup plus nombreux sont les procédés de fasci-
nation ou de magie destinés à nuire à sa croissance.
Celui qui consiste à passer la jambe par dessus la tête
de l'enfant est très répandu ; il était courant en France
au XV^ siècle {Evangiles des Quenouilles, I. 24), et il est
encore pratiqué parfois par plaisanterie, mais aussi
sérieusement, surtout par les enfants. En plusieurs paj^s
il figure parmi les actes interdits, et l'on y dit com-
munément qu'il empêche de grandir celui qui en a été
l'objet. Ceux qui contreviennent à la défense accom-
pagnent parfois l'enjambement d'une formule par
laquelle ils expriment leurs désirs ; dans le Montferrat,
la victime ne doit plus grandir d'ici cent ans (2). En
Gascogne on dit : « Je t'étête, crapaud, jamais tu
ne viendras plus haut » (3). Les enfants dans leurs
f ormulettes indiquent très explicitement la fascination ;
c'est ainsi que ceux de la Haute-Bretagne disent : « Faîne,
faîne, — Dans la râ (raie) du chêne — Tu n'grandiras
p'us jamais d'autre » (4) et que ceux du Portugal
commencent la leur par : « Je te porte malheur » (5).
L'effet de la conjuration peut être détruit si celui
qui l'a faite repasse, comme en Portugal, une première
fois par dessus l'enfant, puis une seconde en sens
inverse (6). Ce moyen, employé au XV^ siècle en France
(1) Mélusine, III (1886), col. 375.
(2) Grimm, IV, p. 1779, n» 45. Ferraro, p. 20.
(3) Bladé, p. 112.
(4) Revue des Trad. pop. XX (1905), p. 299.
(5) Leite, 1, p. 159.
(6) Pedroso, 1, n" 220.
l'enfance 61
{Evangiles des Quenouilles I. 24) est encore usité en
plusieurs régions, notamment en Vivarais (1). En
Haute-Bretagne, l'enfant jette une pierre sur la tête
de son camarade en prononçant cette conjuration : « Je
vais te faîner (fasciner), tu ne grandiras plus » (2). En
Portugal, si on place une lumière sur la tête d'un
enfant, il ne croît plus ; en Wallonie il suffit de lui
poser la main sur la tête (3). En Suède on défend de
marcher autour de celui qui est assis sur le plancher
ou qui est dans- son chariot (4).
23. — Plusieurs des pratiques destinées à faire mar-
cher les enfants ressemblent à celles qui ont pour but
d'assurer la fécondité. Dans les Landes, on leur fait
faire neuf fois le tour de la Pierre de Gribère près de Dax,
ou on les porte à la Pierre de Grimann, voisine de Sabres,
sur laquelle on dépose une offrande (5). Ce rite des neuf
tours a été christiaj;iisé ; à Berven (Finistère) il est ac-
compli, trois lundis de suit-e, autour d'une chapelle (6) ; à
Trensacq dans la Gironde, autour de l'autel de Saint
Eutrope ; à Bordeaux, vers 1830, il avait lieu autour
du tombeau de Saint Fort, dans l'église de Saint-Seurin,
et les nourrices passaient à chaque fois l'enfant débile
sur la pierre sépulcrale. La spéciaUté de ce saint,
comme celle attribuée à saint Samson dans une chapelle
voisine de Lannion, tient vraisemblablement à son nom :
(1) Vaschalde, p. 16.
(2) Revue des Trad. pop. XX (1905), p. 29.
(3) Pedroso, 1, n" 226. Monseur, p. 39.
(4) Thorpe, II, p. 110.
(5) SÉBILLOT, 1, IV, p. 62. CUSACQ, p. 28.
(6) SÉBILLOT, 1, IV, p. 136.
62 LA VIE HUMAINE
on y frictionne l'enfant en retard sur une pierre de la
longueiir d'un homme, qui fut peut-être un menhir,
et on lui en fait faire trois fois le tour en récitant des
oraisons (1).
Les dépressions sur les rochers, auxquelles on assigne
souvent une origine légendaire, sont visitées par les
mères dont les enfants tardent à marcher ; dans le Mor-
bihan, elles posent leurs petits pieds sur les pas de per-
sonnages sacrés, ailleurs, sur ceux de leurs montures ; .
une pierre à écuelles du Beaujolais est l'objet d'une
singulière offrande ; les enfants urinent dans sa cavité,
les mères y déposent une pièce de monnaie dans certai-
nes empreintes (2). Dans la chapelle de Sainte Avoye
(Morbihan) on place, les fesses nues, les enfants des deux
sexes sur le creux d'une belle meule primitive, qui servit
de bateau à la sainte j^our venir en Bretagne (3). A
Pluzunet (Côtes-du-Nord) on assied le petit retarda-
taire dans le ht de Saint Idunet, et après l'avoir main-
tenu de force tant que dure l'oraison de circonstance,
on puise de l'eau dans le creux de la main, on l'en arrose
trois fois, puis on lui frictionne les reins et on secoue
trois gouttes sur le sol environnant. L'immersion p!us
ou moins complète, dont le curé Thiers signalait l'usage
aux environs de Chartres au XVIP siècle, est encore
fréquemment pratiquée (4).
On emploie en Allemagne une sorte de procédé magi-
que : lorsqu'un enfant grandit mal, ou qu'il ne marche
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 158-159.
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 404-406.
(3) Revue des Trad. pop., XXII (1907), p. 370.
(4) SÉBILLOT, 1, I, p. 4(;0 ; II, p. 27">-276.
l'enfance 63
point, on le place, la veille de la Saint-Jean, tout nu
sur le gazon, et on sème du lin sui' le sol, et sur l'enfant
même ; dès que le lin poussera, l'enfant doit aussi pous-
ser et marcher (1).
Il est plus malaisé de déterminer la raison de ces
pratiques portugaises : On obtient qu'un enfant marche
de bonne heure en le mettant tous les jours à l'angle
d'une porte, tout en récitant VAve Maria, et quand il
est en retard, on lui pose le pied sur un angle au mo-
ment où somie TAngélus en répétant trois fois : « l'An-
gélus sonne, que mon poupon se mette à marcher» (2);
en Espagne, on chausse dans une église le petit retarda-
taire (3).
Le choix de plusieurs des amulettes destinées à facili-
ter l'évolution dentaire a été motivé à l'origine par des
idées analogiques, et Ton y voit souvent figurer des dents
de mammifères connus pour la soUdité et la blancheur
de leur dentition. En ItaUe, elles se composent de dents
de sanglier, de loup, de chien, d'ours, ou d'une dent
taillée, ayant appartenu à un autre enfant (4). Dans
l'Oise et en Haute- Bretagne, on prend quelquefois cette
dent parmi celles du cimetière (5). Les paysans du centre
de la France, et ceux de l'Italie, suspendent au cou des
nourrissons, comme au temps de Phne (XXXVIII, 78)
une dent de loup (6). En Forez on leur en met un colher
(1) GUBERNATIS, 2, II, p. 199.
(2) Pedroso, 1, n° 20, 215.
(3) Olavarria. 2, p. 270.
(4) Zanetti, p. 254.
(5) L'Homme, III (1883), p. 430-431.
(6) Belluci, 1, p. 64.
64 LA VIE HUMAINE
tout entier ; et dans la Suisse romande, il est composé
de dents de renard (1); en Espagne, la dent" de chien a
la même efficacité que celle du loup. (2)
En Alsace, les celts combattent les convulsions
occasiormées par la pousse des dents ; dans le Morbihan,
on emploie des colliers dits Gougad patereu pour les
faire sortir (3) ; en Sussex, des colliers de racines de
pivoine (4) ; dans le Loiret, ils sont faits avec les graines
de cette plante, dans la Gironde, avec des racines de
lierre en nombre impair ; en beaucoup de pays de
France on apphque sur l'enfant, ou l'on met dans un
sachet, divers fragments de taupe (5).
Aux environs de Saint-Méen, (Ille-et-Vilaine) quand
les gencives sont dures et ne laissent pas percer les dents,
on les incise trois fois par jour, le matin, à midi, et le
soir avec la pointe d'une dent de loup abattu par un
temps de neige. Lorsque les enfants dont les dents sont
en retard vont en pèlerinage à la chaj)elle de Saint Eloi
en Plouaret, on leur promène sur les gencives un mor-
ceau de fer à cheval trouvé dans le cimetière qui l'en-
toure. (6)
Les dents de lait ne doivent pas être jetées sous peine
d'inconvénients; en GaUce, si l'une d'elle venait à être
avalée par une poule, il n'en repousserait pas à l'enfant.
En Poitou, on l'enterre, parce qu'il lui viendrait des
(1) SÉBU-LOT, 1, III, p. 50.
(2) Olavarria, 2, p. 260.
(3) Sébillot, 1, IV, p. 74; 77.
(4) Henderson, p. 21.
(5) Sébillot; 1, III, p. 489, 411, 50.
(6) L'Homme, III (1883), p. 432-433.
l'enfance 65
dents de chien si elle était mangée par cet animal ;
dans le Jma on évite cette substitution en la jetant au
feu, que l'on conjure de la rendre dans un mois blanche
comme l'argent : cet usage est observé en Suisse, en
Grande-Bretagne, en Suède et dans les Abruzzes, où
l'on adjure le feu de la rendi-e en la faisant repousser
bien droit. En Espagne et au Brésil, les enfants la lan-
cent sur le toit, en exprimant dans des formulettes
rimées le vœu d'en avoir une meilleure. Dans c^uelques
pays, la dent est mise dans un trou; les enfants siciliens
en l'y cachant, disent à saint Nicolas qu'ils lui donnent
une vieille pioche et lui en demandent une nouvelle ;
en Lorraine et en Limousin, ils les mettent dans un
trou de souris, ou de rat, dans la croyance que ces bes-
tioles viendront les prendre et leur donneront en échange
de jolies petites dents. Les enfants juifs font de même
en disant à la souris de faire ce remplacement, et les
enfants annamites conjiu^ent le rat de consentir à cet
échange. (1)
Plusieurs procédés magiques ont pour but de faire
parler les enfants qui sont en retard. En Portugal, la
marraine met son filleul dans un sac, et le porte dans
trois maisons, trois jours de suite, en demandant l'aumône,
et l'enfant doit manger ce c[u"on lui donne ; ou elle se
présente avec lui dans sejjt ou neuf maisons, goûte ce
qui lui est offert et met le reste dans la bouche de l'en-
fant ; ailleurs, c'est la mère qui fait cette tournée, et elle
ne doit pas sorth" par la porte par laquelle elle est entrée.
A Braga, l'enfant tenant à la main un sac de dragées,
passe sous le brancard de saint Louis, le jour de sa fête.
(1) L'Homme, III (1883), p. 435-438.
66 LA VIE HUMAINE
et la personne qui le conduit récite um formulette à
saint Louis roi de France (1). En Basse-Bretagne, les
petits pains consacrés à saint Claude délient la langue
des enfants, et la roue à clochette conservée à Mahallon
près Pont-Croix guérit ceux qui sont bègues (2). En
Limousin IsiFoun sewtoCag'mto, la fontaine de lasaintequi
caqueté, est visitée par ceux qui ne parlent pas de bonne
heure (3).
24. — Dans les Flandres, le rachitisme s'appelle
vulgairement de Oude Man , le vieillard ; c'est un
mauvais esprit qui a établi son séjour dans le corps
de l'enfant et le fait dépérir rapidement (4). En
Norwège, où l'on admet plusieurs espèces de cet
état morbide, lorqu'on veut savoir au juste celle dont
un enfant est atteint, on fait fondre dans l'eau prise à
un ruisseau qui coule au nord, un morceau de plomb
dérobé à la fenêtre d'une église après le coucher du
soleil (5).
On connaît en France un assez grand nombre de fon-
taines auxquelles on s'adresse pour la guérison de la
faiblesse ou du rachitisme des enfants ; mais ceux qui
en ont parlé se contentent d'ordinaire de dire qu'on
leur fait boire de l'eau prise à la source sacrée, ou qu'on
les y plonge jusqu'au cou. Il est vraisemblable qu'il y a
pourtant des pratiques accessoires apparentées à celles
usitées à une fontaine de Saint- Vizia, dans le Finistère :
(1) Pedroso, 1, n° 120, 620, 628, 636, 199. Leite, 1, p. 207.
(2) LiÉGARD, p. 36-37.
(3) SÉBILLOT, 1, II, p. 269.
(4) Revue des Trad. pop.' ÎI (1887), p. 160.
(5) Thorpe, II, p. 47.
l'enfance 67
pendant trois lundis consécutifs, les enfants y sont plon-
gés, on leur asperge la tête avec son eau, et on leur en
fait couler dans les manches et dans le dos, on leur
fait faire ensuite trois fois le tour de la chapelle, puis on
les roule sur la pierre d'autel (1).
Nous, sommes mieux renseignés sur les traitements
en usage dans les parties celtiques de la Grande-Bretagne.
Dans plusieurs districts de la Cornouaille, les petits
rachitiques et ceux qui souffrent des maladies mésen-
tériques sont plongés trois fois, les trois premiers mer-
credis de mai, dans ime fontaine, tournés vers le soleil,
puis traînés trois fois, toujours dans la direction du
soleil, sur le gazon qui avoisine la source. Dans l'ouest
du même pays, avant le lever du soleil, les trois premiers
dimanches de mai, les enfants sont conduits à plusieurs
fontaines réputées. Ils y sont plongés trois fois tout nus
par leurs parents, qui font face au soleil, puis les pro-
mènent neuf fois, de l'ouest à l'est, autour de la source.
Lorsqu'ils ont été rhabillés, on les met à dormir auprès ;
s'ils reposent bien et que l'eau bouillonne, le présage
est excellent ; sous peine de rompre le charme, on ne doit
pas dire un seul mot pendant toute cette opération.
Un petit morceau de vêtement de l'enfant, arraché
et non coupé, est suspendu à une épine qui a poussé
près de la chapelle de saint Madron, voisine de la plus
fréquentée de ces sources (2). Autrefois on baignait les
(1) SÉBiLLOT, 1, II, p. 269, 275-277.
(2) HuNT, p. 297-298. Foîk-Lore Journal, IV (1886), p. 228-229.
Quelquefois on laissait quelques morceaux de leurs vêtements sur les
buissons pour se rendre favorables les Pixies. (Folk-Lore Journal, V,
(1887) p. 211).
68 LA VIE HUMAINE
enfants dans une fontaine située au pied des monts
Cheviot près de Wooler, après avoir crié : « Hey, how ! «
puis on y laissait comme offrande un morceau de pain
et du fromage (1).
L'usage de tremper dans une fontaine sacrée la che-
mise de l'enfant malade etde l'en revêtir ensuite est assez
répandu en France (2). On le retrouve moins à l'étranger;
cependant il est usité dans la Valteline à la fontaine
de saint Luigi qui a la réputation de guérir ceux qui
souffrent à la suite d'un sort jeté. (3) Vers 1850, dans
la Cornouaille on baignait l'enfant maladif le premier
mai sur le gazon imprégné de rosée, et l'opération pour
être efficace devait être renouvelée les deux jours sui-
vants (4).
A Trie dans l'Oise, suivant un usage constaté au
commencement du XIX^ siècle, et qui subsiste encore,
on jaasse les enfants dans le trou de la pierre de fond
du dolmen, de dedans en dedans (5). AMinchin Hampton
(Gloucester), on les passait à travers une pierre trouée
qui avait été un menhir ou une dalle de dolmen, pour
les préserver ou les guérir de la rougeole, de la coque-
luche et des diverses maladies enfantiles (6) ; la même pra-
tique avait lieu près de Whitby dans le Yorkshire, afin
de faire cesser leur rachitisme (7).
(1) Denham, II, p. 152.
(2) SÉBiLLOT, 1, II, p. 278-^-79.
(3) Archivio, XVII (1898), p. 416.
(4) Folk-Lore Journal, IV, (1886) p. 230.
(5) SÉBILLOT, 1, IV, p. 59.
(6) Hartland, p. 41.
(7) Folk-Lore Journal, V, (1887). Gutch, p. 15.
l'enfance 69
En Cornouaille, les parents contraignaient leurs en-
fants faibles des reins à marcher à quatre pattes, et en
allant de l'est à l'ouest, autour de la pierre trouée de
Madron, et s'ils étaient assez minces, les passaient par
l'ouverture ; il fallait, pour que l'opération fût efficace,
que deux personnes de sexe différent se trouvent de
chaque côté de la pierre ; si l'enfant était mâle, il devait
d'abord être passé par une femme, et toujours de gauche
à droite. Au village de Lanyon, aussi dans la Cornouaille,
après le triple passage à travers la pierre percée voisine
du village des enfants scrofuleux, qui doivent être tout
nus, on les traînait trois fois sur le sol au rebours du
soleil (1).
Les mères portent au rocher de saint Maurice dans le
bois de Griseyre (Haute-Loire), les enfants dont les jam-
bes sont arquées ou faibles ; elles s'agenouillent, placent
l'enfant dans une anfractuosité du roc, et répètent par
trois fois : « Saint Mam'ice, ayez pitié, guérissez-le. »
Elles glissent sous le rocher une offrande, et gravent
une croix sur l'écorce d'un pin du voisinage ; pour que
la guérison s'opère, il faut que le premier passant prenne
l'offrande, s'agenouille à son tour et fasse une prière.
Lorsqu'on a assis l'enfant dans le trou de la grosse pierre
de Saint Benoît près de Poitiers, on doit y jeter quelques
pièces de monnaie en nombre impair (2).
A Nancleadra près de Saint-Ives (Cornouaille),
il y avait autrefois une pierre branlante que l'on ne
pouvait remuer qu'à minuit, et les enfants rachitiques
que l'on posait dessus à cette heure étaient guéris ;
(1) HUNT, p. 176.
<2) SÉBiLLOT, 1, I, p. 340-341.
70 LA VIE HUMAINE
mais le roc demeurait immobile s'ils étaient illégitimes ( 1 ).
A Saint-Sernin-des-Bois (Saône-et-Loire), on raclait la
statue de saint Plotat, et on en faisait boire la poussière
délayée dans l'eau d'une fontaine aux petits rachitiques(2).
25. — Les maladies enfantiles qui se manifestent
par des convulsions ou des accès sont assez fréquemment
attribuées à la fascination ou à la sorcellerie. Les parents
connaissent plusieurs moyens d'être renseignés à cet
égard. En Ecosse lorsqu'on soupçonne quelque ensor-
cellement, on fait tourner trois fois autour de la crémail-
lère un shilling neuf, puis on le dépose au fond d'un plat
de bois que l'on remplit d'eau, et on la jette immédiate-
ment ; si la pièce sort avec elle, l'enfant n'a pas été
ensorcelé. On prend aussi dans un ruisseau coulant vers
le sud, et formant la limite de deux domaines, trois
pierres, l'une ronde qui représente la tête, une autre
qui se rapproche de la forme d'un corps, et une troisième
de celle des jambes. Lorsqu'elles ont été chauffées au
rou^e, on les met dans un vase contenant un peu d'eau
que l'on jette sur un shilhng neuf mis au fond d'un plat
de bois; l'eau est ensuite transvasée, et si le shilling
adhère au fond de l'écuelle, la maladie est due à la sor-
cellerie (3).
En France plusieurs épreuves ont pour but de con-
naître la fontaine propice à la guérison ; en Limousin,
on jette dans un vase plein d'eau les charbons de ba-
guettes de coudrier cueiUies la veille de la Saint-Jean ;
comme chaque parcelle représente une fontaine, la
(1) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 96.
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 345.
(3) Gregor, 1, p. 8.
l'enfance 71
première qui tombe au fond indique celle à laquelle
il faut se rendre. Les matrones allument aussi aux
quatre coins du berceau quatre bougies au nom de
quatre saints présumés favorables à la guérison de la
maladie ; la première consumée donne la réponse.
Elles font aussi brûler une tige de fusain ou de noise-
tier en récitant le nom des saints qui président aux fon-
taines du pays ; le nom de celui qui est prononcé au
moment où le feu s'éteint indique le lieu où doit être
fait le pèlerinage. On s'adresse aussi aux fontaines elles-
mêmes ; dans la Meuse on jette sur l'eau de quelque
source une chemise de l'enfant ; si elle surnage, il est
condamné comme ne « tenant pas du Saint », si elle coule
tout entière il tient du joatron de la fontaine et sa guéri-
son est assurée ; si une partie seulement est immergée,
la partie correspondante du corps est seule atteinte ;
en Hainaut, celle qui se mouille en premier lieu indique
le siège de la maladie. Les Bretons posent aussi sur
la surface de plusieurs fontaines la chemise de leur petit
malade : suivant qu'elle s'enfonce par le haut ou par le
bas, ils en tirent le présage de la guérison ou de la
mort ; si elle surnage, l'affection est bénigne ; si elle
descend au fond, les jours du j^etit être sont comptés;
quand elle flotte entre deux eaux, la maladie est grave,
la guérison incertaine, et il faut se hâter de revêtir
l'enfant du linge trempé dans la source sacrée (1).
Ces ordahes se font aussi dans les éghses. A Saint-
Broladre (Ille-et- Vilaine) on mettait la tête de l'enfant
malade depuis longtemps dans un trou de la muraille
de la chapelle de Saint-Guinefort « qui donne la vie ou
(1) SÉBILLOT, 1, II, p. 270, 247, 246.
72 LA VIE HUMAINE
la mort » s'il la redressait, c'était signe de vie, s'il la
laissait tomber, c'était une réponse de mort (1). En
Portugal, on place le petit malade sur l'autel de sainte
Auta; s'il pleure, il mourra, s'il se tait, il guérira (2).
En Sicile, les femmes coupent un chou, et après
l'avoir arrosé avec l'eau encore chaude qui a servi à
baigner le petit malade, elles le jettent sur le toit de la
maison ; si dans l'espace de trois jours il jaunit, l'enfant
mourra sûrement (3).
26. — Parmi les maladies du premier âge,il n'en est guère
dont la thérapeutique populaire présente autant de
circonstances curieuses que la coqueluche. L'une des
pratiques du noi-d de l'Angleterre s'adresse même à une
sorte d'être surnaturel qui a f>u remplacer une divinité à
laquelle cette spécialité était attribuée autrefois. Les
parents conduisaient le petit malade à la caverne de
Hob,au bord delà mer, jDrèsd'Hartlepool, résidence d'un
esprit applé Hob, et quand ils y étaient entrés ils mur-
muraient à voix basse une incantation pour le prier de le
guérir (4). En Basse-Bretagne, c'est saint André qui est
invoqué le plus souvent pour cette affection ; les mères
couchent les petits coquelucheux sur son tombeau, que la
chapelle de Lomarc'h en Crac'h (Finistère) prétend con-
server; à Plounevez Lochrist on fait l'enfant embrasser
sa statue, puis on lui introduit dans la nuque un peu
d'une poignée de terre prise sous la niche, le reste est
mis dans sa chaussure et y demeure jusqu'à la guérison,
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 157.
(2) Pedro so, 1, n" 335.
(3) Castelli, p. 29.
(4) Henderson, p. 264.
l'enfance 73
après laquelle on revêt le saint du bonnet et d'une des che-
mises du petit malade. Les eaux d'un certain nombre
de fontaines sont efficaces pour la coqueluche ; dans
celle de N. -D. du Pen-drew, à Belle - Isle - en - Terre
(Côtes-du-Nord), on trempe la chemise de l'enfant le
premier jour du mois, et l'on offre à la Vierge un bonnet
rempli de grains ou d'étoupes (1).
En Cornouaille, il faut prendre dans un ruisseau,
et sans en interrompre le cours, neuf cailloux, y puiser
de l'eau dans la direction du courant, les faire rougir au
feu, et les jeter dans l'eau. Mélangée à un verre de vin,
celle-ci est administrée neuf matins de suite à l'enfant (2).
Dans les Abruzzes on lance de l'eau courante à la figure
de celui qui est atteint de rougeole, en disant : « Loup,
louveteau, tu es sorti de la grotte ; eau courante, éteins
le feu ardent. » Pour la guérison du mauvais œil et de
toutes sortes de maladies, une des plus proches parentes
du patient se couvre d'un manteau noir, et, au lever
du soleil, elle va éteindre un tison enflammé dans le
cours d'eau le plus voisin, en ayant soin de ne pas se
retourner et de ne parler à personne ; ce rite est répété
trois fois (3).
En Serbie, la mère de l'enfant qui pleure constam-
ment, parce qu'il souffre d'un mal appelé Wriska, le
porte sur le bord d'un lac ou d'une rivière, et lorsqu'elle
a aperçu un feu sur l'autre rive, elle le plonge dans l'eau ;
une autre personne tient un plat et un tison enflammé,
que la mère éteint dans l'eau, en adressant trois fois à
(1) LlÉGARD,"p. 37-38.
(2) HuNT, p. 416.
(3) NiNO, p. 17, 6.
LE PAGANISME COMEMPORAIX 5
74 LA VIE HUMAINE
la fée aquatique cette conjuration : « La Wila marie son
fils et a invité mon enfant à sa noce, mais je ne peux
l'y envoyer, parce qu'il est trop criard. » Elle fait ensuite
boire à l'enfant autant d'eau qu'elle le peut (1).
Les animaux interviennent comme guérisseurs de la
coqueluche ; en Provence on fait passer le petit malade
sept fois sous le ventre d'un âne en allant de droite à
gauche, jamais de gâïïclie à droite ; car si l'on oubliait
cette précaution, les passages en sens inverse se neutraH-
sant, on n'obtiendrait pas le résultat désiré ; dans cer-
tains villages, il y a des ânes plus ou moins réputés pour
leur vertu curative (2). Dans la partie gaéhque de
l'Irlande, et en Ecosse, la mère passe trois fois le petit
coquelucheux dessus et dessous un âne, au nom de la
Trinité. Parfois on donne à l'animal un morceau de pain,
et les miettes qui tombent sont mises dans le bouillon
du patient (3). En Cornouaille, c'est un homme qui le
passe à une femme, à neuf reprises (4). L'usage de faire
passer le petit malade sous le cou d'un âne est encore
fréquent dans le nord de l'Angleterre, et l'on observe aussi
les chiffres de neuf et de trois ; dans le comté deWorcester,
l'animal sur le dos duquel on a mis l'enfant tourne neuf
fois autour d'un poteau; en Sussex, le patient doit porter
un sachet contenant des poils coupés sur la partie en
croix de l'échiné de sa monture. Parmi les recettes usitées
dans cette région qui, à ce point de vue, est privilégiée,
il en est qui sont basées sur la croyance à la transmission
(1) Folk-Lore, XVIII (1907), p. 256.
(2) Bull. Soc. anthrop. 1890, p. 897.
(3)MooNEY, p. 162.
(4) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 211.
l'enfance 75
du mal à une bête ; on suspend à un arbre des cheveux
coupés sur le sommet de la tête de l'enfant, dans la
persuasion que les oiseaux en les emportant pour leurs
nids y emportent aussi le mal ; des cheveux avalés
par un chien dans une boulette le lui transmettent,
une truite, mise dans la bouche du patient l'en débarrasse,
et il passe à la chenille poilue que l'on a enfermée dans
un sachet pendu au cou de l'enfant (1). Dans le
Galway la mère du malade va trouver le propriétaire
d'un cheval blanc, et lui dit : « Compagnon du che-
val blanc, que faut-il pour guérir la coqueluche? »
Il répond ordinairement : « Une tasse de thé et un
morceau de pain, » et l'on donne à l'enfant ce qu'il a
indiqué (2).
Dans le Finistère on fait « moudre la coqueluche » ;
pour cela on assied le petit malade sur la trémie, et
aussitôt que la meule a été mise en mouvement, la
personne qui a apporté l'enfant reçoit du meunier
l'ordre de faire neuf fois de suite le tour extérieur de
la maison. Elle s'incline et sort en se signant ; chaque
fois qu'elle passe devant la porte ou devant la fenêtre
du moulin, elle s'arrête et dit : « Qu'y a-t-il à moudre
ici? — La coqueluche, répond le meunier. — Se moud-
elle bien? — EUe se moud bien. » Quand le neuvième
tour est achevé le meunier déclare que la coqueluche
est moulue tout net, et la guérison est faite ou doit se
faire à bref délai (3).
Un usage d'Ecosse est fondé sur l'idée que l'eau
(1) Hendersox, p. 140-143.
(2) MooNEY, p. 162.
(3) Méliisine, III (1886), col. 381.
76 LA VIE HUMAINE
forme une barrière infranchissable aux maladies ; on
portait l'enfant dans une autre paroisse en ayant
soin de franchir un ruisseau (1).
Le passage à travers un arbre troué, qui emprunte à
cette circonstance une vertu analogue à celle que l'on
attribue aux pierres percées, est réputé efficace pour la
guérison de la coqueluche, de diverses maladies, et plus
souvent encore de la hernie. Les exemples modernes
de ce rite accompli sur des arbres présentant par un
lustis naturœ un trou accidentel ne sont pas très nom-
breux. Il est vraisemblable que ce rite est le plus ancien
et Etienne de Bourbon a donné une description détaillée
de la façon dont il était pratiqué au XIIP siècle (2) ;
au XVIII*^ siècle à Selborne (Hantshire) on faisait
passer trois fois les enfants coquelucheux à travers un
frêne, et plus récemment dans l'ouverture d'une aubé-
pine près d'Oxford (3). Un frêne antique dans le parc
de Richmond (Surrey) qui présentait aussi une ouverture
naturelle, a été visité jusque vers 1853 par les mères
dont les enfants étaient ensorcelés , malades de la
coqueluche ou d'autres affections ; l'acte pour réussir
devait être accompli avant le lever du soleil, et aucun
étranger ne devait en être témoin. La mère du petit
malade était accompagnée d'une espèce de sorcière qui
indiquait la marche à suivre ; il y avait des incan-
tations à prononcer, puis la commère passait neuf fois
l'enfant tout doucement au-dessus et au-dessous de
la barre qui formait un des côtés de l'ouverture, en
(1) Folk-Lore Journal, VI (1888) p. 264.
(2) Sébillot, 1, III, p. 417.
(3) Gaidoz, p. 13-14.
LENFANCE 77
murmurant des charmes ou en récitant des vers tradi-
tionnels (1).
L'acte qui consiste à faire passer les enfants atteints
de hernie à travers un arbre, ordinau'ement fendu pour
la circonstance, est plus répandu, Il a été constaté
plusieurs fois en France depuis le V^ siècle où le méde-
cin Marcellus Empiricus de Bordeaux le conseillait et
en donnait la recette (2). On en connaît quelques exem-
ples contemj)orains, dont le plus récent a été relevé en
Provence en 1890 : on fend dans toute sa longueur un
jeune arbre d'apparence vigoureuse, sans l'arracher
ni pousser la fente jusqu'aux racines, puis, écartant les
deux parties, on fait passer entre elles, à trois ou sept
reprises différentes, le petit hernieux ; les deux portions
de la tige sont ensu'te rapprochées très exactement,
et maintenues en contact à l'aide d'un Uen fortement
serré ; si elles se recollent bien et que l'année d'après
l'arbre ait repris la soUdité de sa tige, l'enfant est guéri ;
s'il ne se ressoude pas, on peut prédire qu'il restera
hernieux toute sa vie (3). En Sicile c'est à travers un
jeune chêne que s'effectue trois fois le passage, et on tire
les mêmes présages de son aspect au bout d'un an (4).
En Angleterre la pratique a été fréquente et elle sub-
siste encore : en Sussex, l'enfant est passé à travers un
frêne fendu avec une hache, que le propriétaire a aban-
dormé aux parents pour que le mal ne retombe pas sur
lui. L'opération est faite de bon matin, neuf jours de
(1) Folk-Lore, VIII (1898), p. 335-337.
(2) Gaidoz, p. 14.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 417-418.
(4) PiTRÈ, 2, p. 399-400.
78 LA VIE HUMAINE
suite, et le petit hernieux doit être accompagné de neuf
personnes, dont chacune le passe à travers la fente en
allant de l'ouest à Test ; le neuvième matin, on attache
étroitement l'arbre avec une corde : à mesure que la
fente se bouche, l'enfant doit guérir; parfois il était nu,
et après l'opération on frictionnait la partie souffrante
de l'arbre avec de la terre glaise (1).
On croyait parfois à une véritable relation entre le
malade et le médium employé pour sa guérison : En
1804, non loin de Birmingham, le propriétaire d'un
arbre à travers la fente duquel il avait été passé
étant enfant, ne souffrait pas qu'on en coupe aucune
branche, croyant que la vie de celui qui avait subi cette
opération était liée à celle de l'arbre (2).
Dans la province de Minho, l'enfant hernieux se rend
avec trois Maries, qui portent une quenouille, et trois
Josephs , la nuit de la Saint- Jean à minuit , dans une
oseraie; un des Josephs fend un osier, et les deux
autres passent l'enfant aux Maries à travers l'ouver-
ture ; les Josephs disent : « Que faites- vous ici ? » Les
trois Maries répondent : « Nous filons du hn pour
attacher l'osier, parce que l'enfant a la hernie. » Après
que cette formule a été répétée trois fois, l'osier est
rattaché; s'il se ressoude, l'enfant guérit. A Porto, le
parrain tend l'enfant à la marraine à travers un
chêne fendu, en prononçant une formule à laquelle
la marraine répond (3). En Catalogne, c'est au coup
de minuit de la Saint-Jean qu'il doit être passé
(1) Black, 2, p. 67. Gurdon, p. 27-28. Latham, p. 40-41.
(2)Brand, III, p. 289.
(3) Leite. 1, p. 112-113.
l'enfance 79
à travers un jonc par deux personnes qui s'appellent
Jean et Marie (l).En Allemagne ceux qui président à cette
pratique doivent aussi se nommer Jean (2).
Le passage à travers l'arbre est le procédé le plus
usité ; on a relevé en Seine-et-Oise une pratique beau-
coup plus rare, et dont le caractère quasi rituel peut
faire présumer l'antiquité : il y a une trentaine d'années,
on portait sous un chêne l'enfant atteint de hernie,
et des femmes dansaient autour en murmurant des
conjurations (3).
Des pierres érigées de main d'homme ou qui présen-
tent des particularités remarquables sont réputées
efficaces pour les enfants en retard (cf. p. 68) ; on y
a plus rarement recours en cas de maladies caractérisées.
Dans la Cornouaille, on portait au bord de la mer les
petits malades et on les passait à travers la fente d'un
rocher assez voisin de la fontaine de Perran (4). Dans le
Nortliumberland, on les passait sur un rocher appelé
le Drake Stone, près duquel se trouve une pierre à
bassin (5). On gratte un menliir de Saint-Cenery (Orne)
pom- en faire boire la poussière mélangée à l'eau aux
enfants qui ont des cohques (6). Dans la Bigorre cer-
taines maladies infantiles sont guéries par le toucher
ou le port d'un vêtement frotté à des pierres sa-
crées (7).
(l)GoMis, 3, p. 100.
(2) Gaidoz, p. 16-17
(3) Mélusinc, I (1877-78), col. 32.
(4) HuNT, p. 300.
(5) Balfour, p. 1.
(6) SÉBILLOT, 1, IV, p. 66.
(7) ROSAPELLY, p. 36.
80 LA VIE HUMAINE
27. — L'immersion des petits malades dans les fontaines
est assez fréquente en France (1), mais elle n'est pas
accompagnée de rites aussi caractérisés que ceux qui
étaient naguère observés dans les pays celtiques de l'au-
tre côté du détroit. Il y a une cinquantaine d'années
les femmes du voisinage de la fontaine de Madron
(CornouaiUe) y apportaient leurs enfants pour les guérir
du zona, des dartres et d'autres maladies, aussi bien que
pour les garantir de la sorcellerie ou du mauvais œil.
Une vieille femme se tenait, au mois de mai, aux
environs de la fontaine, et elle gagnait de quoi vivre
en enseignant aux gens du haut pays la façon dont ils
devaient pratiquer le rite. Il fallait que l'enfant fût
complètement nu; on le plongeait trois fois dans l'eau
au rebours du soleil, puis on lui faisait faire rapidement
neuf fois le tour de la source, de l'est à l'ouest, ou en
suivant le cours du soleil ; il était ensuite rhabillé,
roulé dans quelque chose de chaud, et couché près de
la source ; s'il dormait, et si beaucoup de bulles s'éle-
vaient au-dessus de l'eau, c'était bon signe. Aucune
parole ne devait, sous peine de rompre le charme, être
prononcée pendant cette opération. Pour assurer la
cliance, un morceau arraché, et non coupé, des vête-
ments de l'enfant était laissé près de la fontaine ; ordi-
nairement on le mettait entre les pierres bordant le
ruisselet, ou on le suspendait à une épine qui avait
poussé dans le mur de la chapelle. Lorsque d'autres
personnes survenaient pendant que s'accomphssaient
ces rites, elles restaient en dehors de la barrière, parce
qu'aucune parole ne devait alors être prononcée devant
(1) SÉBiLLOT, 1, II. p. 276-277.
l'enfance 81
la fontaine. On payait la vieille femme en nature, jamais
en argent, et l'on déposait les présents qui lui étaient
destinés en dehors de l'enceinte de la fontaine (1*).
La fontaine du Dimanche dans le comté d'Antrim
(Irlande) était visitée le dimanche pour les maladies
des enfants ; on y jetait des petits cailloux, et on laissait
à côté une épingle piquée dans un morceau du vêtement
du malade (2).
(1) BOTTRELL, I, p. 240-241.
(2) Folk-Lore Journal, VI (1888), p. 55.
CHAPITRE IV
La jeunesse et les amours.
28. La première communion. — 29. Le tirage au sort. — 30. Conju-
rations et pratiques pour savoir si on se mariera. — 31. Pour
connaître son futur époux. — 32. Pour se faire aimer. — d3 En-
voûtement des insensibles ou des infidèles.
28. — Les traces, même légères, d'observances
païennes paraissent peu nombreuses dans la période
entre l'enfance et la puberté. Quelques-unes, pratiquées
le jour de la première communion, sont presque toujours
augurales. Aux environs de Liège, si la flamme du cierge
de l'enfant brûle sans osciller, il suivra le droit chemin
dans la vie ; si elle vacille, il s'en écartera ; la petite
fille dont la couronne de fleurs d'oranger tombe à terre
ne tardera pas à j eter son bonnet par dessus les moulins ( 1 ) .
En 1871, on faisait passer les enfants qui venaient de rece-
voir le sacrement par le trou d'un cénotaphe placé au
miheu du chœur de l'éghse de Saint-Dizier (Haut-Rhin)
qui avait été pendant des siècles renommé pour la gué-
rison de la folie (2).
29. — Dans les pays où le recrutement se fait ou
se faisait par voie de tirage au sort, ceux qui y sont
(1) Revue des Trad. pop, XIX (1904) p 85.
(2) MéZusme; VIII (1896-1897), coL 248.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 83
soumis OU leurs parents accomplissent des pratiques
parallèles ou semblables à d'autres plus anciennes qui
sont usitées, avec un paganisme plus accentué, en d'au-
tres circonstances de la vie. La veille du tirage une
vieille femme se rendait à des fontaines spéciales, telles
que la Fontaine de Minuit, dans la vallée du Guindy,
ou à celle de Saint-Efflam à Plestin-les-Grèves (Côtes-
du-Nord), et elle y trempait, à minuit, deux serviettes
blanches qu'elle plaçait, toutes mouillées, sur la poitrine
du conscrit; vers 1850, c'était la mère qui lavait dans
une source sacrée le vêtement que son fils devait porter
le lendemain. Le jeune homme allait boire à la fon-
taine de Gisors (Eure) et dans la Loire- Inférieure il se lavait
les mains dans un ruisseau près de Saint-Père en Retz.
Les mères du Bocage normand vont déposer une bran-
che sur le dolmen de la pierre Dyâlan et en font neuf
fois le tour (1).
Les jeunes gens ont aussi recours à des talismans ;
ceux du pays de Luchon portaient sur eux une pierre
à tonnerre, ceux de la Haute-Bretagne une langue
arrachée à une couleuvre vivante, ceux de la
Gironde une peau de serpent (2). En Poitou, et en Hai-
naut, on regardait comme efficace un os de mort, ramassé
à minuit dans le cimetière. (3) Le bénitier sert à d'assez
nombreuses opérations propitiatoires : les garçons de
Basse-Normandie, en sortant de la messe dite pour eux
la veille du tirage, y enfonçaient le bras gauche jusqu'au
coude et faisaient un signe de croix avec cette main
(1) SÉBiLLOT, 1, II, p. 237, 238, 376 ; IV, p. 63.
(2) SÉBiLLOT ,1, IV, p. 75 ; III, p. 287.
(3) Souche, 1, p. 47. Revue des Trad. pop. II (1887), p. 400.
84 LA VIE HUMAINE
qu'ils plongeaient dans l'urne le lendemain ; en Wallonie
à la suite de chaque messe de neuvaine le conscrit laisse
tomber une pièce de monnaie dans le bénitier. En Sain-
tonge, on y baignait les trois pièces qui mises à l'insu
du jeune homme dans un de ses vêtements lui procu-
raient le bon numéro (1).
Quelques actes ont pour but de préserver des ma-
ladies ou de la mort le soldat qui part. Dans le sud du
Morbihan, l'aïeul ou ses parents le conduisent à une
fontaine sacrée et le soumettent à des ablutions qui doi-
vent le tirer à peu près sain et sauf des dangers (2).
Des recrues anglaises détachaient des fragments de
la plus grosse pierre d'un cercle mégahthique du
Warvickshire, pour être braves et avoir de la chance
(3). Aux environs de Lorient on dit que celui qui a
sur soi une pierre à tonnerre ne risque pas d'être tué
à la guerre. Un tahsman des Abruzzes qui a la même
vertu protectrice est aussi en connexion avec la foudre :
il consiste dans des feuilles d'un chêne cjui a été fou-
droyé (4).
30. > — Les pratiques augurales en relation avec
l'amour et le mariage sont faites non seulement par les
grandes personnes, mais par les enfants. Les uns et les
autres interrogent l'oracle pour savoir s'il est dans leur
destinée de se marier. En quelques pays de France on
dit en touchant successivement chacun des piquants de
la feuille de houx : « Fille, femme, veuve, religieuse. »
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 149.
(2) SÉBILLOT, 1, II, p. 237-238.
(3) Folk-Lore, VI (1895), p. 22-23.
(5) GUBERNATIS, 2. II, p. 67-68.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 85
Le mot que l'on prononce sur le dernier piquant indique
l'avenir. En Auvergne, on effeuille la fougère en disant
à chaque foliole enlevée : « Prêtre, marié, garçon ».
Les jeunes Picardes détachent en commençant par le
bas les feuilles de l'ivraie et disent : « M' marierai,
m'marierai point ! d (1)
Les consultations qui ont pour but de connaître
combien d'années séparent du mariage sont beaucoup
plus nombreuses ; l'une d'elle consiste à souffler sur des
aigrettes légères, comme celle du pissenlit ; le nombre
de celles qui restent donne la réponse. Dans le Sufïolk
et à Dublin, les amoureux récitent au mille-pertuis une
conjuration dans laquelle ils s'adressent à lui comme
à une personne capable de les entendre, et ils lui sou-
haitent le bonjour (2).
Les garçons et les jeunes fiUes qui consultent le coucou
emploient des formules rimées, d'un caractère tradi-
tionnel, dont il a été recueilU de nombreuses variantes
en France, en Italie, en Portugal, en Espagne, en Angle-
terre, en Allemagne et dans les pays Scandinaves (3).
Ordinairement après l'avoir récitée on observe l'endroit
où l'oiseau chante : autant de fois il répète son refrain,
autant d'années il 'faudra attendre. S'il reste muet,
celui qui l'a consulté ne se mariera jamais. En France
et en Wallonie on interroge en récitant une formulette,
(1) SÉBiLLOT, 1, III, p. 395, 503, 505.
(2) Folk-Lore Record, I (1878), p. 156.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 201. CiBELE, p. 57-58. Leite, 1, p. 146-
147- Arivau, p. 251. Swainson, p. 116-117. Grimm, III. p. 677.
Thorpe, II, p. 106.
86 LA VIE HUMAINE
la coccinelle, et le plus rarement le faucheux (1).
La consultation se fait aussi par le lancement d'un
objet avec lequel il faut toucher un but déterminé.
Le nom de Penedo de casamento, le rocher du mariage,
que porte un bloc du Portugal, indique sa spécialité et
probablement l'ancienneté de la pratique : suivant qu'il
est atteint par la première, la seconde, etc., des pierres
qu'on lui lance, le mariage du consultant aura Heu
dans le nombre d'années indiqué (2). En Catalogne,
où des mégalithes étaient peut-être jadis interrogés
de cette façon, c'est aux croix que l'on s'adresse,
et l'on voit souvent à leurs pieds les cailloux qui leur
ont été jetés ; près de Tarragone c'est dans une niche
d'une chapelle de la Vierge qu'il faut faire pénétrer une
pierre (3) ; le même usage a été relevé aux environs
de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) et en Wallonie (4).
A Tolède on lance des épingles dans la chapelle de la
Vierge aux épingles (5) ; au Croisic (Loire- Inférieure)
il fallait les faire passer par la fente d'un volet de la
chapelle de Saint Goustan ; à Echemiré (Maine-et-Loire)
on jette un sou à travers la porte d'une chapelle de la
Vierge dans la direction de l'autel ; il doit rester sur la
table, ou le mariage est retardé d'autant d'années qu'il
y a de pavés séparant le sou de l'autel (6). En Andalousie,
le jour de la fête de saint Antoine de Padoue, on lance des
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 322.
(2) Leite, 1, p. 90.
(3) GoMis, 3, p. 108.
(4) SÉBILLOT, 1, IV, p. 140.
(5) GoMis, 1. c.
(6) SÉBILLOT, 1, IV, p. 139-140.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 87
aiguilles à sa statue et celui qui l'atteint à un certain
endroit se marie dans l'année (1).
C'est aux sources que les amoureux, et surtout les
jeunes fiUes s'adressent le plus fréquemment pour con-
naître le sort qui leur est réservé. L'agent de consulta-
tion est d'ordinaire l'épingle : celle qui, posée sur l'eau,
surnage indique à l'intéressée que son mariage aura lieu,
et souvent dans l'année. Cette épreuve qui est courante
en Bretagne, se faisait à l'époque révolutionnaire, à
une fontaine près de Sens; elle a été depuis constatée
dans ce même pays, dans les Vosges, et« dans les Ar-'
dermes.
Dans une autre série de consultations, l'augure dépend
des circonstances qui accompagnent la submersion de
l'objet, ou de la place qu'il occupe quand il touche le
sol de la fontaine. En Poitou, dans les Vosges, en Haute-
Bretagne, il est favorable, si l'épingle descend sans faire
de tourbillons ; aux environs de Pont-l'Abbé, si elle
tourne sur elle-même avant de couler, dans le Morbihan
si elle descend la tête en bas (2). A Sefton dans leLancas-
hire, celles qui jettent une épingle dans une fontaine en
tirent des conclusions sur la fidélité de leurs amoureux et
la, date de leur mariage, suivant qu'elle se tourne vers
le nord ou vers un autre point de la boussole (3).
Les jeunes filles du Croisic qui naguère lançaient une
épingle dans la mer observaient la façon dont elles s'y
enfonçait et qui leur indiquait si elles se marieraient
ou non dans l'année. A Plumaudan (Côtes-du-Nord)
(1) GOMIS, 1. c.
(2) SÉBiLLOT, 1, II, p. 248-250.
(3) Henderson, p. 231.
88 LA VIE HUMAINE
autant de fois la consultante peut compter jusqu'à
trois, autant d'années la séparent du mariage. Le
nombre de bulles qui se montrent à la surface de
la fontaine de Saint- Derrien (Finistère) lorsqu'on l'in-
terroge, non plus avec des épingles, mais avec des mor-
ceaux de poteries, prédit à la jeune fille combien d'années
elle devra attendre un mari (1). Cette circonstance
préoccupe aussi les jeunes cornouaillaises qui, ^u mois
de mai, lancent dans les fontaines des paires d'épingles
recourbées ou des petits objets lourds ; s'ils restent en-
semble et forment le couple, elles sont destinées à se
marier, et le nombre de bulles qu'elles produisent
indique combien de temps doit s'écouler avant l'événe-
ment. Quelquefois cette divination se fait au moyen de
pailles fixées au milieu par une épingle' (2). Dans le sud-
ouest de la France, on tire des présages de la position
que les épingles occupent sur le sol de la fontaine où
elles sont lancées par paires, quelquefois par dessus
l'épaule gauche de la pèlerine, qui tourne le dos à la source ;
si elles tombent en croix, elle se mariera avant l'année
révolue (3). Lorsque, les matins d'été, les jeunes filles
venaient consulter la fontaine de Madron, dans la Cor-
nouaille, une vieille femme, qu'on ne devait jamais payer
en argent, leur indiquait le rite à suivre ; les épingles,
les cailloux, les menus objets lourds, recevaient des
noms ; mais il ne fallait en prononcer aucun pendant
qu'ils descendaient sous l'eau ; il suffisait de penser à
ceux qu'ils représentaient ; suivant que les épingles ou
(1) SÉBiLLOT, 1. II, p. 165, 250, 251.
(2) Folk-Lore Journal, IV, (1885). p. 229.
(3) SÉBILLOT, 1, II, p. 250.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 89
les cailloux restaient ensemble ou se séparaient, le
mariage était certain, ou il était impossible (1).
A Trigavou (Côtes-du-Nord) si le courant entraînait
la branche d'aubépine ou la croûte de pain jetée sur la
fontaine de Sainte Apolline, le mariage avait lieu. Le
jour de la Pentecôte les jeunes filles posent sur les eaux
d'une fontaine de la vallée du Gapeau, formée de deux
bassins superposés, une feuille d'arbre qui doit, pour don-
ner une réponse favorable, descendre sans encombre
dans le bassin inférieur. On place sur le canal de la fon-
taine de Saint-Efflam à Plestin (Côtes-du-Nord) deux
petits morceaux de pain dont l'un représente la jeune
fille et l'autre le garçon ; il faut, pour .que le mariage
soit prochain, que les deux morceaux, jusqu'à leur arrivée
au déversoir, conservent la distance qui les séparait au
début de la course. En Poitou, lorsque le courant
entraîne, sans les faire chavirer, les feuilles jetées dans
le ruisseau, le mariage aura lieu dans l'année ; cette
épreuve est fréquente en Provence où il est nécessaire
que la feuille surnage. Près de la fontaine de Virginie
(Calvados) la jeune fille va, seule, allumer une chandelle
neuve; si elle brûle jusqu'au bout, elle se mariera dans
l'année (2).
Les jeunes anglaises demandent à la lune des oracles
amoureux ; celles du Yorkshire en regardant à travers
un mouchoir de soie la première lune de l'année, lui
adressaient une formule rimée dont voici la traduction :
« Nouvelle lune, je te salue, sois gracieuse pour moi, —
Dis-moi si j'épouserai un homme. Montre-moi dans com-
(1) BOTTRELL, I, p. 241,
(2) SÉBiLLOT. 1, II, p. 251-253, 383.
90 LA VIE HUMAINE
bien d'années cela m'arrivera. » Quelquefois, le mou-
choir devait être noir et non lavé ; le nombre de lunes
qu'on voyait au travers indiquait les années qui sépa-
raient du mariage (1).
En Portugal, pour savoir si deux personnes sont des-
tinées à devenir mari et femme, on pose dans le feu, en
même temps et sans qu'ils se touchent, deux poupées
de filasse dont l'une représente le garçon, et l'autre
la fille ; le mariage aura lieu, si en brûlant, elles se tien-
nent l'une à côté de l'autre ou à peu de distance (2).
31. — Beaucoup d'autres procédés traditionnels sont em-
ployés par les jeunes filles désireuses de connaître la
profession de leur futur mari ; dans le nord du Piémont,
elles mettent sur la fenêtre ou sur le toit, la veille de
l'Epiphanie, une écuelle remplie d'eau ; le lendemain
à la pointe du jour, les empreintes sur la glace, qu'elles
attribuent aux trois Mages, indiquent par leur forme
le métier de celui qu'elles sont destinées à épouser (3) ;
la même épreuve est en usage ^ans les montagnes de
Modène à cette époque et la nuit de la Saint-Paul de
Segni ; si par hasard, la glace est parfaitement unie
le mari sera un homme riche (4). En Sicile la jeune fille
lance de l'eau de puits dans la rue, le jour Saint-Jean,
et elle augure de la profession de son futur d'après celle
de la première personne qui passe (5). La même indica-
tion est fournie par la forme que prennent les fragments
(1) Henderson, p. 115. Denham, II, p. 281.
(2) Leite, 1, p. 213.
(3) Giovanni, p. 26.
(4) RiccARDi, p. 83.
(5) Castelli, p. 49.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 91
du plomb fondu versé dans de l'eau froide la veille de
la Saint- Jean (1).
En Sicile le futur mari sera de la même condition que
le premier homme que verra, le jour Saint- Jean, la jeune
fille qui aura mis un anneau dans sa bouche, ou de celui
qui passe, à midi sonnant, sur un fil posé dans la rue
par elle ou par sa mère (2).
Ce mode de consultation n'est pas usité en France ;
mais on y pratiquait au quinzième siècle un parallèle
aujourd'hui oublié, mais qui a subsisté en Allemagne
jusqu'à une époque récente; il était destiné à obtenir un
renseignement encore plus précis. La fille désireuse
de savoir le nom de son mari à venir devait tendre de-
vant son huis, son premier fil, filé depuis le matin, et
demander son nom au premier homme qui passerait ;
c'était celui que devait avoir son mari (3). En Anda-
lousie, après avoir versé du haut de son balcon de l'eau
sur la rue, le soir de la Saint- Jean, elle demande son
nom au premier homme qui la franchit, et ce sera celui
de son éjjoux futur (4). A Venise elle s'adresse ainsi cette
même nuit à la lune : « Lune, lunaire, qui vas par
le monde, viens par ici, dis-moi le nom de mon futur
mari. » Celui qu'elle entend ensuite prononcer le pre-
mier sera celui de son époux à venir (5). A Liège, celle
qui chaque soir, pendant sept jours, a compté sept
(1) PiTRÈ, 1, II, p. 3. Amalfi, p. 23, MoiSET, p. 127. Remic des
Trad. pop. IX (1894), p. 19.
(2) Castelli, p. 49.
(3) Grimm, IV, p. 1781, n» 110. Evangiles des Quenouilles, I, 6.
(4) GuiCHOT, p, 254.
(5) GoMis, 4, p. 14.
92 LA VIE HUMAINE
étoiles, en recommençant si une seule fois des nuages
s'interposent, se croit destinée à épouser le premier
homme qui lui tendra la main ; ailleurs, comme à
Nivelles et dans la Creuse, le nombre prescrit est neuf,
et le futur est le premier garçon rencontré ensuite dans
la rue (1).
Les opérations destinées à faire voir en songe aux
jeunes filles celui qu'elles doivent épouser sont extrême-
ment nombreuses et variées. Les plus curieuses sont
ceUes par lesquelles elles s'adressent à la lune comme
à une véritable entité, en récitant des formules qui
montrent combien elles ont foi en son pouvoir. Presque
toutes celles que l'on récite en France sont purement
païennes, ce qui semble indiquer l'ancienneté de la
pratique ; la christianisation n'apparaît que dans des
actes accessoires, avant ou après l'invocation ; celle-ci
dont les variantes ont été recueillies par dizaines en
France, dans la Suisse romande et en Wallonie, se
compose habituellement de trois ou de six vers, les deux
derniers qui mentionnent la grâce sollicitée sont presque
partout les mêmes :
" Fais moi voir en mon dormant
Qui j'aurai en mon vivant. » (2)
En Angleterre où son usage est constaté par un livre
populaire, Mothers'' Bunch Closet p. 19, imprimé en 1685,
elle était prononcée les mains jointes et à trois reprises
différentes au moment de l'apparition de la lune après
son premier changement de l'année. En Yorkshire, à
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 54.
(2) SÉBILLOT, 1 , I, p. .57-.59.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 93
une époque plus récente, la jeune fille se plaçait sur
la porte et regardait l'astre en disant : « Tous mes saluts
à toi, Lune ; je te prie, bonne lune, de me révéler cette
nuit qui sera mon mari. » Dans le Sussex elle devait
être seule, et n'avoir fait part à personne de son inten-
tion ; dans le Yorkshire elle s'agenouillait parfois sur
une pierre adhérente au sol (1).
En Toscane, la jeune fille récite trois samedis de suite
avant de se coucher une prière traditionnelle à saint
Augustin, et elle voit en songe au pied de son lit trois
jeunes gens ; celui qui se trouve au milieu sera son
futur époux (2).
Les feuilles ou les fruits favorisent ces rêves : en Lor-
raine, la consultante mange en se couchant, la veille
de la Saint- André, et en récitant une formule, une pomme
mise dans sa iDOche à son insu; à Guernesey, la nuit de
la Saint-Thomas, ce fruit est percé de deux épingles en
croix et posé sous l'oreiller ; en Ille-et- Vilaine, on y
place une ou trois feuilles de laurier, la veille des Rois,
dans la Gironde, une des feuilles de la jonchée piétinée
par la mariée (3). Dans le nord de l'Angleterre des feuilles
de houx femelle cueillies le vendredi à minuit par une
personne qui, depuis cet acte jusqu'à l'aurore doit ob-
server un silence rigoureux, sont réunies dans un mouchoir
auquel elle fait trois nœuds, ou bien neuf feuilles sont
mises dans un mouchoir ayant un pareil nombre de nœuds
et placés sous l'oreilller (4). A Guernesey, la jeune fille
(1) Henderson, p. 115. Latham, p. 30. Denham, I, p. 281.
(2) GUBERNATIS, 1, p. 20.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 398.
(4) Denham, II, p. 284.
94 LA VIE HUMAENE
qui un jour de mariage, y aura déposé un fragment du
gâteau passé à travers la bague d'une femme mariée
rêvera neuf jours de suite, et son dernier songe lui mon-
trera sonfutur époux (1). En Poitou, elle se procure cette
vision en jettant sur une table, la veille de la Saint- André,
une poignée d'épingles dont eUe choisit les deux plus
éloignées pour les piquer sur sa camisole, ou en cachant
un miroir sous son oreiller (2); dans le Dorsetshire, elle
doit en se mettant au Ht, et en formulant son souhait,
déposer ses souhers à angle droit ; en Devonshire, elle
attache sa jarretière au pied du lit dans lequel elle
couche pour la première fois (3).
Les jeunes filles connaissent d'aussi nombreux procé-
dés pour voir la figure de leur mari à venir ; elle se mon-
tre à minuit de la Saint-Jean, à la jeune andalouse qui
regarde dans une terrine d'eau claire (4). Le procédé était
plus compliqué dans la région des Pjnrénées au commen-
cement du XIX^ siècle : la consultante levée avant le
jour, le premier mai, nettoyait un seau avec une branche
de romarin, puis allait s'agenouiller sur le bord d'une
fontaine solitaire, faisait une prière, plantait sa branche
dans un buisson, et remplissait son seau ; dès que le
soleil commençait à paraître, elle troublait l'eau avec
la main gauche en disant neuf fois : « Ami, rohi, vohi ».
Si elle avait fini avant que le soleil se montre entier, si
elle n'avait été vue de personne sur sa route, ni pendant
la cérémonie, l'image de son futur époux apparaissait
(1) Mac Culloch, p. 102.
(2) Souche, 1, p. 24.
(3)Denham, II, p. 279.
(4) GuiCHOT, p. 253.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 95
au fond du seau (1). Cette image se reflétait sur le cristal
même des fontaines, à minuit juste, le soir de la pleine
lune, à celle Barenton (Ille-et- Vilaine); en Berrj^ aux
premiers rayons du soleil de la Saint-Jean ; en Basse-
Bretagne, il faut aller à la fontaine Sainte-Brigitte au
crépuscule par trois lundis de mai et se pencher trois
fois, à Guernesey faire neuf matins de suite et à jeun
une visite à la source : la vision ne se montrait que le
neuvième jour (2).
Dans la Cornouaille et en Sussex, le soir de la Saint-
Jean à minuit, la jeune fille lave un de ses vêtements ;
et le met en silence à sécher sur une chaise devant le
feu de la cuisine, en laissant la porte ouverte, et elle
voit une personne qui le retourne, et qui sera son futur
époux (3). En Irlande, c'est la chemise qui sert à la même,
épreuve, le. soir de la Toussaint, après avoir été lavée
dans de l'eau courante en récitant des prières (4).
Les églises et leur pourtour sont aussi le théâtre
d'opérations amoureuses. Dans le Northumberland,
la jeune fille, qui, à minuit de la Saint-Jean, répand de
la graine de chanvre dans le cimetière en récitant une
incantation adressée à la graine pour la prier de faire
apparaître son amoureux, se mariera si elle eritend son
futur époux la ramasser derrière elle (5). A Kendal dans le
Westmoreland, celui qui, une certaine nuit, faisait
trois fois le tour de l'éghse, et s'asseyait ensuite sous le
(1) Mém. de VAcad. celtique, V (1810), p. 386.
(2) SÉBILLOT, 1, II, p. 252.
(3) HuNT, p. 384. Latham, p. 33.
(4) Folk-Lore, VII (1896), 300.
(5) BiLLSON, p. 32.
96 LA VIE HUMAINE
porche voyait passer devant lui l'image de la personne
qu'il était destiné à épouser (1). Dans le comté de Done-
gal (Irlande) après avoir tourné trois fois, à la Toussaint,
autour d'une meule de foin, on y enfonce un couteau à
manche noir, en prononçant le nom du diable ; la per-
sonne qui l'ôte se mariera avec celle qui l'y a enfoncé (2).
Les jeunes filles, jiour voir leur futur époux, passaient
la tête dans une des pierres percées du département de
l'Aisne. (3)
Plusieurs consultations ont pour but de connaître
les sentiments réels des personnes pour lesquelles on les
fait. Les jeunes filles de Roch en Cornouaille jettent, le
jour de l'Ascension et les deux dimanches suivants,
avant le lever du soleil, des épingles crochues et des cail-
loux dans une fontaine sacrée, et, d'après les bulles qui
s'élèvent à la surface, elles cherchent à savoir si leurs
amoureux sont sincères ou faux (4). Dans le pays de Gal-
les elles étendaient leur mouchoir sur les eaux de la
fontaine de Saint-Cybi ; s'il était poussé vers le sud, leur
galant était honnête et avait des intentions pures, s'il
était poussé vers le nord,eUes en tiraient des conclusions
opposées (5). En Sicile, le grain d'orge qui, après avoir
été dans la bouche de la jeune fille, est lancé à l'eau
le jour de la Saint- Jean lui présage un bon mariage
s'il flotte, un mauvais s'il coule (6).
(1) Denham, II, p. 284.
(2) Folk-Lore, VII (1896), p. 300.
(3) Sébillot, 1, IV, p. 58.
(4) Folk-Lore Journal, IV (1886), p. 221.
(5) Rhys, I, p. 365.
(6) Castelli, p. 15.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 97
Dans le Nortliumberland, la veille de la Toussaint
l'amoureux place dans le feu, côte à côte, deux noix,
dont l'une est sa propre représentation et l'autre celle
de la personne aimée. Si toutes deux brûlent ensemble
rapidement,c'est l'augure d'une vie heureuse en ménage,
si au contraire elles éclatent et se séparent, le présage
est mauvais (1) . Cette pratique est, dans le Sussex, pré-
cédée d'une incantation adressée au feu : « S'il m'aime,
brille et éclate; s'il me déteste, affaisse-toi et meurs» (2).
En Poitou, les jeunes filles déposaient le soir au pied
d'une croix, et d'une certaine façon, plusieurs pierres ;
si le matin, elles les retrouvaient dans le même ordre,
leur mariage devait être heureux, dans le cas contraire,
elles devaient se résoudre à rester célibataires, ou à être
battues, si elles se mariaient.
32. — Les pratiques emploj^ées pour exciter l'amour
sont dans leur ensemble, le parallèle à peu près exact de
celles qui ont pour but d'assiu-er ou de rendre la fécondité,
et l'on y retrouve aussi des vestiges apparents d'anciens
cultes naturalistes. Les blocs qui présentent des dépres-
sions en forme de sièges, les pierres à bassins, les méga-
lithes véritables sont de la part des amoureux des deux
sexes, mais surtout des femmes, l'objet d'observances
qui montrent que la foi en leur vertu est loin d'avoir
disparu. Elles sont surtout fréquentes dans les pays
celtiques : en Ecosse les filles à marier allaient s'asseoir
dans un creux en forme de fauteuil, dont le nom gaéUque
signifie la pierre des femmes (3) ; la « Chaire au diable » des
(1) Balfour, p. 56.
(2) Lath.\m, p. 30.
(3) Gregor, 1, p. 42.
98 LA VIE HUMAINE
environs de Fougères est, à une certaine période de l'année,
occupée pendant un temps déterminé par ceux qui dési-
rent être aimés d'une personne. A Carnac, c'est au
moment de la pleine lune que les jeunes filles s'asseyent,
après avoir relevé leur jupon, sur la table d'un dolmen
ruiné, qui porte le nom de Pierre chaude (1).
L'ascension sur le bloc, qui est souvent accompagnée
de circonstances accessoires, procure aussi l'amour et
le mariage à bref délai, ordinairement dans le cours de
l'année. Il suffisait pour cela de grimper sur le haut du
menhir de Saint-Samson près de Dinan ; la jeune fille
qui le jour de l'assemblée montait sur une pierre à bassin
des environs de Fougères et s'y tenait en équilibre était
certaine de trouver un épouseur. A Colombiers (Calvados)
il fallait, après y avoir déposé une pièce de monnaie,
sauter du haut de la pierre levée ; deux autres pierres
des environs de Bayeux, étaient, en 1840, l'objet de la
même observance. Les filles du Crocq dans la Creuse,
se précipitaient du sommet d'un dolmen. Plusieurs gros
blocs du nord de l'Ille-et- Vilaine, souvent parsemés
de cupules, portent le nom significatif de « roches
écriantes » parce que les jeunes filles se laissent
glisser, en patois écrier, du haut en bas ; elles ne
doivent être vues de personne, et laissent d'ordinaire
comme offrande, un morceau d'étoffe ou un ruban. En
Provence le secret n'était pas obligatoire pour celles
qui, le jour de la fête patronale de Bonduen, pratiquaient
Vescourencho, l'écorchade, probablement à nu, sur un
rocher formant un plan incliné derrière l'éghse, et qui
était devenu poH comme du marbre ; dans les Basses-
Ci) SÉBILLOT, 1, I, p. 404 ; IV, p. 58.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 99
Alpes, la glissade a lieu sur une ancienne roche sacrée.
A Loemariaker elle se faisait jadis sur le grand menhir
la nuit du premier mai ; le contact de la chair nue avec
la pierre était obligatoire, comme pour la glissade sur la
pente du plus gros des blocs de quartz de Lesmon en
Plouër (Côtes-du-Nord) (1). A Collobrières en Provence, le
même rite avait Ueu, non plus sur un rocher, mais sur les
énormes racines d'un châtaigner séculaire formant saillie
sur le sol (2).
La friction à nu sur les pierres, à laquelle on a encore
assez souvent recours pour avoir des enfants, est beau-
coup plus rarement employée par ceux qui désirent se
marier, et elle paraît en voie de disparition. Elle a été
pratiquée jusqu'à une époque assez récente, et presque
pubUquement à Carnac, où les jeunes filles se déshabil-
laient complètement et se frottaient le nombril à un
menhir spécialement consacré à cet usage, pendant que
les jeunes gens faisaient bonne garde à une distance
respectueuse. En Eure-et-Loir elles se contentaient de
retrousser leur jupon et de se frictionner le ventre, le soir,
contre une aspérité phalliforme de la Pierre de Chan-
tecoq. Une pratique qui semble une atténuation des
précédentes avait lieu aux environs de Grenoble : les filles
et les veuves qui désiraient un mari montaient à l'oratoire
de Brandes et restaient longtemps devant l'autel en
tenant entre leurs genoux une sorte de terme en pierre
appelé Pierre de Saint Nicolas (3),
(1) SÉBiLLOT, 1, IV, p. 58; 1, I, p. 407; 1, IV, p. 58 ; 1, I, p. 335, 336.
(2) SÉBILLOT, 1, III, p. 425.
(3) SÉBILLOT, 1, IV, p. 56, 159.
100 LA VIE HUMAINE
Le tour numérique de l'objet réputé puissant, pierre,
croix, ou arbre, dont on a de nombreux exemples, était
naguère pratiqué en Ille-et-Vilaine : les fiUes désireuses
de se marier devaient faire trois fois sans parler ni
sans rire celui d'une épine à trois branches située à
Miniac-sous-Bécherel (1). Les jeunes Bigoudennes dan-
sent des rondes, le jour du pardon, autour d'un menhir
de Plounéour (Finistère) pour trouver un mari (2). En
Portugal, le triple tour des pierres se faisait autrefois en
dansant (3).
Les eaux exercent aussi une influence sur le mariage
futur, et les croyants leur font des offrandes. Dans le
pays messin, le garçon qui a, le premier, suspendu des
rubans ou des œufs à la poutre du puits, à minuit, la
veille du jour de l'an, est sûr de se marier dans l'an-
née (4). A Wooler, dans le Nortliumberland, les amoureux
jettent, à minuit; une épingle courbée dans une fontaine
réputée, en formulant le vœu d'un prochain mariage ;
le nombre des épingles qui parsèment le fond atteste
la vitalité de la croyance. Autrefois on venait en proces-
sion, le premier mai, à la Fontaine de l'Ëpingle, où cha-
cun lançait une épingle recourbée, en exprimant un désir
que la fée ou le génie de la source devait réaliser avant la
fia de l'année. Maintenant encore, les amoureux s'y
rendent individuellement et accomphssent la même pra-
tique (5). Plusieurs fontaines de l'Anjou reçoivent aussi
(1) SÉBILLOT, 1. III, p. 436.
(2) Revue Celtique, XXVIII (1907), p. 128.
(3) Braga, I, p. 232.
(4) SÉBILLOT, 1, II, p. 322.
(5) Balfour, p. G .
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 101
des épingles ofifertes par des gens désireux de se marier
dans l'année (1).
C'est à la source elle-même, considérée comme une
sorte de divinité, que s'adressaient naguère dans la
Côte-d'Or les amantes qui n'étaient pas payées de retour ;
elles allaient de grand matin, à la fontaine de Tussy,
et s'agenouillaient en disant : «Je t'apporte mon malheur,
source, donne-moi ton bonheur ; » après s'être relevées,
elles jetaient en arrière dans l'eau un sou, une épingle,
ou un fromage ; mais il fallait que la pèlerine ne fût vue
par personne. Pour se marier à bref délai, il suffit de
boke un verre d'eau puisé dans les fontaines réputées
pour ce privilège, de tremper le pied gauche dans une
source des environs d'Apt (Vaucluse) ou de se baigner
les pieds à certains jom-s dans une fontaine de Nor-
mandie dédiée à saint Martin, en adressant une prière
à l'apôtre des Gaules (2).
En Allemagne celui qui désirait forcer une jeune fille
à l'aimer se procurait secrètement un de ses cheveux,
et une de ses épingles, enroulait ce cheveu autour de
l'épingle, et la jetait par derrière lui dans ime rivière (3).
Les jeunes filles qui invoquent si souvent la lune
pour savoir qui elles doivent épouser ou pour le voir en
songe, l'implorent beaucoup plus rarement pour la
réussite de leurs amours. Cependant en SicUe, elles font
une invocation rimée à la « belle lune du mardi » en
prononçant le nom de leur préféré (4). En Provence,
(1) Sébillot, 1, II, p. 295.
(2) SÉBILLOT, 1, II, p. 230, 231,
(3) Grimm, IV, p. 1023, n° 1059.
(4)PlTRÈ, 1, III, p. 26.
102 LA VIE HUMAINE
certaines se peignent au clair de lune pour trouver un
mari (1).
Plusieurs pratiques amoureuses sont en relation avec
l'extérieur ou même l'intérieur des églises. Les jeunes
filles essayaient d'atteindre avec la main, en s'élevant sur
la pointe des pieds, une tuile saillante placée'^sur le
mur de la chapelle Saint-Roch à Solliès-Pont (Var) ;
à Provins, elles remuaient le loquet de la porte de celle
de Saint-Nicolas, en adressant au patron une formule
pour lui demander de ne pas les oublier ; à Fumay près
de Rocroy, elles baisent un des clous de la serrure d'une
chapelle de Saint-Roch. Celles qui réussissaient à attraper
la corde, assez haut placée, de la chapelle du Fossé se
mariaient dans l'année (2). Une des dalles du pavé de
l'église de Saint-Nicolas du Port (Meurthe-et-Moselle)
assure la même grâce à la pèlerine qui met le pied dessus,
mais nul ne sait quelle est cette dalle merveilleuse (3).
En Portugal, on peut captiver l'amour de la persorme
que l'on a touchée avec un fragment de pierre d'autel
en récitant une formule (4).
La visite à la Sainte-Baume de Provence assure le
mariage aux jeunes filles qui ont observé tous les rites
nécessaires, dont l'un consiste à perdre, arrivées sur
le Saint-Pilon et dans certaines circonstances, leur jarre-
tière gauche ; celles qui ont commis une seule omission
restent sept ans avant d'avoir un épouseur (5). Lors
(1) SÉBILLOT, 1, I. p. 4G.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, 138, 139, 145.
(3) Revue celtique, XXVIII (1907), p. 128.
(4)Leite, 2, II. p. 109.
(5) BÊRKNGER-FÉRAUD, II, p. 181.
»
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 103
d'un pèlerinage fait à Saint- Junien-les-Combes dans
la Haute- Vienne, pour invoquer saint Eutrope, les
postulantes, après une longue procession, faisaient trois
fois le tour d'une croix, et y attachaient la jarretière
de laine de la jambe gauche (1).
Les effigies des saints auxquels s'adressent les jeunes
filles sont l'objet des mêmes traitements que si elles étaient
en chair et en os, capables de comprendre, de sentir, de
souffrir. La prière est asez souvent accompagnée de
menaces, qui sont suivies d'effet si la grâce implorée
n'est pas accordée à bref délai, et de procédés de mnémo-
technie qui constitueraient pour un être vivant une véri-
table torture. Dans le Minervois (Hérault), vers 1850, à
chaque nouveau mariage,les jeunes filles défilaient devant
la statue de saint Sicre, et levaient sur sa tête une
hachette en lui disant,avec une formule rimée, qu'elles l'en
frapperaient si, dans un an, elle ne leur avaient pas donné
un amoureux. Dans l'Ain, elles terminaient leur prière à
saint Biaise en le menaçant de le jeter dans le Rhône.
Les filles de Sorbey (Meuse) lapident saint Vildbrock,
s'il ne les a pas exaucées dans un délai déterminé (2).
En Portugal, celles qui, le mercredi, visitent un saint
Elysée placé dans une niche sur le mont Sainte-Lucie,
le tournent vers elles, et lui lancent une pierre en lui
disant qu'elles veulent être mariées (3). En plusieurs
pays de l'ouest de la France les statues des saints
réputés bons pour le mariage sont criblées d'épingles
qu'on enfonce surtout dans leurs pieds ou dans leurs
(1) NoRE, p. 169.
(2) SÉBiLLOT, 1, IV. p. 168, 167.
(3) Braga, II. p. 117.
104 LA VIE HUMAINE
genoux, et qui parfois sont retirées et conservées comme
talismans (1).
i-; A Lisbonne, les jeunes filles dont saint Antoine tarde
trop à exaucer les vœux mettent sa statuette dans un
puits ou même la brisent en morceaux. Dans les
Algarves, elles l'attachent et la jettent dans un puits,
la tête en bas, et elles ne la retirent que si elle leur donne
satisfaction. (2) En Andalousie, après avoir allumé
deux cierges en son honneur, elles font subir le même
traitement à son image (3).
Les jeunes filles de la Valteline vont gratter dévote-
ment la vitre qui recouvre la Madone de Primolo, persua-
dées qu'après cela elles ne peuvent manquer de trouver
un mari (4).
A Se ville, la suppliante doit dire, en s' adressant à
saint Cucufate, pendant quarante jours de suite, autant
de Pater qu'il s'est écoulé de jours depuis le premier
jour qu'elle a commencé à compter ; ainsi elle en récitera
un le premier jour, deux le second, et ainsi de suite ;
si elle manque de mémoire ou se trompe dans son compte,
elle n'obtiendra pas la grâce qu'elle sollicite (5).
Une pratique du pays de Galles est purement sym-
bolique et païenne. Un garçon tenant de la main gau-
che un twia, sorte de couteau composé d'une vieille
lame de rasoir emmanchée dans une corne de bélier
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 168.
(2) Annuarîo per os esludos de iradiciones. Porto, 1882, In-lS, p. 27.
Plusieurs refrains populaires font allusion à cet usage.
(3) GuiCHOT, p. 277.
(4) Archivio, XVII (1898), p. 416.
(5) GtncHOT, p. 248.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 105
OU de clièvre, fait sept fois le tour de l'église en disant :
((Voici la lame, je cherche le fourreau !» (1) D'après un
livre populaire anglais du XVIF siècle, le postulant
faisait, à minuit, neuf fois le tour de l'église, une épée
nue à la main, en récitant la même formule : au neu-
vième tour l'épouse qui lui était destinée devait se
présenter et lui donner un baiser (2).
33. — Les amoureux ont recours pour la réalisation de
leurs vœux au règne végétal. A l'époque de la Renaissance,
on pouvait contraindre une jeune fille à se marier en
lui faisant manger une pomme. En Picardie, celui qui
s'est frotté la main avec des feuilles d'arbre sur lesquelles
se sont formées des boules où nichent des insectes,
la fait toucher à celle d'une jeune fille qui, dès qu'elle
a porté la main à son visage, est forcée de l'aimer (3).
Certaines pratiques constituent une sorte d'en-
voûtement destiné à forcer la volonté de celui ou
de celle qui résiste à l'affection. Au XVI*^ siècle en
France, on brûlait un laurier, en souhaitant que l'amou-
reux s'enflamme et se consume d'amour comme lui (4).
Cette opération n'a pas été relevée de nos jours ; mais
on retrouve à l'étranger des conjurations parallèles.
En Portugal, l'amant qui est brouillé avec sa maîtresse
pique un citron, trois jours de suite, au moment de l'An-
gélus, avec une épingle; en disant : « Comme je pique ce
citron, je pique ton cœur. Puisses-tu ne manger, ni boire,
ni dormir, ni avoir de repos avant que tu ne sois venue
(1) Mémoires de la Soc. d'Anthropologie, IV (1873) p. 96.
(2) MoOier Bunch's Closet, p. 18.
(3) SÉBILLOT, 1,111, p. 392.
(4) Sébillot, 1. c.
106 LA VIE HUMAINE
me parler » (1). Dans le sud de l'Angleterre la jeune
fille jette dans le feu, la nuit, trois vendredis de suite,
une poignée de sel en répétant cette conjuration : « Ce
n'est pas ce sel que je souhaite qui brûle, mais c'est
le cœur de mon amoureux que je veux retourner ; qu'il
.ne puisse avoir ni repos, ni bonheur avant qu'il ne soit
revenu et ne m'ait parlé. » L'infidèle se montrait sûre-
ment la dernière nuit. (2)
La Napohtaine prive aussi de sommeil son amoureux
inconstant : avant de se coucher, elle se met presque nue,
elle prend la manche gauche de sa chemise, et après
avoir adressé une conjuration au diable, par laquelle
elle lui demande que l'amoureux ne puisse avoir de
repos avant d'être venu prendre sa chemise, elle la place
au miheu du lit, se tient au pied, met ses bras en croix
sur le lit et les tourne quatre fois en faisant en sorte
qu'à la dernière la paume de la main soit tournée en
haut; elle redite une autre conjuration où elle dit qu'elle
place au pied du lit de l'infidèle deux flambeaux, à son
chevet une tête de mort, au miheu deux épines du
Christ, et elle invoque le diable pour qu'il meure s'il
ne revient pas à elle. Il faut qu'elle entre dans le lit
sans parler, ou le maléfice tombera sur elle (3).
En Portugal, celui qui veut éloigner un rival met un
peu de sel à la porte de sa bien-aimée ; elle ne pourra
dès lors souffrir son autre galant, lors même qu'elle
en aurait été éperduement éprise (4). La Napohtaine
(1) Leite, 2, II, p. 109-110.
(2) Henderson, p. 176.
(3) Folk-Lore, VIII (1897), p. 6-7.
(4) Pedro so, 1, n"> 230.
LA JEUNESSE ET LES AMOURS 107
qui veut empêcher son amant de s'attacher à une
autre personne se tient devant un mur de façon que
son ombre tombe sur lui, et elle parle à l'ombre comme
si c'était son amoureux « Bonsoir, ma petite ombre,bon-
soir à toi, et aussi à moi; envoie à N... toutes les vilaines
figures de femme et fais-moi voir à lui, belle comme
une lune. « Quand elle parle d'elle, elle se touche la poi-
trine, l'ombre en parlant de son amoureux, sa figure
en disant : belle ; et le mur, quand elle mentionne la
lune (1).
En Andalousie et en Castille, pour que l'indifférence
d'une personne se change en amour, il faut répandre
dans le vestibule de sa maison le contenu d'un pot d'huile
dans lequel on aura mis du sel, avec trois clous de fer
attachés par la tête avec de la soie ; si la personne indif-
férente marche sur les clous, en traversant le vestibule,
on est sûr d'obtenir le résultat désiré (2).
(1) Folk-Lore, VIII (1897) p. 5.
(2) GuicHOT, p. 234.
CHAPITRE V
Le mariage
34. Les fiançailles et les procédés d'engagement. — 35. Les augures
de bonheur. — 36. Le jour du mariage : actes avant la cérémonie.
— 37. A l'église. — 38. Après la cérémonie.
34. — Parmi les pratiques qui précèdent le mariage,
il n'en est pas de plus curieuse que celle qui fait inter-
venir la salive, soit comme attestation d'amour, soit
comme confirmation d'engagement. Dans le sud de
l'Italie, lorsqu'un amoureux se présente à la fenêtre d'une
jeune fille, celle-ci se retire s'il ne lui plaît pas ; si au
contraire elle l'agrée, elle crache sur la tête de l'amant
fortuné (1). En France, le galant invite la jeune fille
à lui cracher dans la bouche et à lui dire qu'elle l'aime,
ce qui constitue une sorte d'engagement. Cet usage
naturaliste a été constaté en Aunis, en Saintonge, dans
la Gironde, les Deux-Sèvres, la Vendée, aux environs de
Rennes (Ille-et- Vilaine) et de Dinan (Côtes-du-Nord).
Parfois, l'acte est réciproque, comme dans la Charente,
où il est le gage d'une union certaine (2). A Plessala
dans la partie montagneuse des Côtes-du-Nord, il est
(l)GiGLi, p. 84.
(2) Mensignwc, 2, p. 19-20.
LE MARIAGE 109
précédé d'une petite cérémonie traditionnelle. Le garçon,
en arrivant à la maison dit à la fille : « Je viens pour
t'éclairer. » Elle ferme les yeux ; le galant lui remet un
peu d'argent et lui dit : « Y vois- tu ? — Eclaire cor (en-
core) un petit. — Y vois-tu ? demande-t-il après avoir
ajouté quelques pièces. — Éclaire cor un petit. —
Y vois-tu ? dit-il après un troisième présent. — Je
commence à y voir un petit, mais éclaire cor. » Alors le
galant jette une poignée d'argent, la fille ouvre les yeux
en disant:» J'y vois asteure (maintenant).» Le garçon
ajoute : « Copie mé (crache-moi) dans la goule (bouche),
je serons fiancés. » Parfois l'amoureux, pour mieux con-
firmer la promesse, rend la poHtesse à la jeune fille. Ce
prélude des fiançailles prend parfois la forme d'une sorte
de communion : dans quelques paroisses du pays de
Redon (Ille-et- Vilaine), celui qui va demander la fille en
mariage mord dans une pomme et lui dit : M'aimes-tu,
m'aimes-tu pas ? Si tu m'aimes, mords dans mon mias
(ma morsure) Si la fille accepte, le mariage est décidé (1).
Naguère encore, les fiancés de Braye-les-Pesmes
(Haute-Saône) trempaient dans l'eau d'une source sa-
crée, le jour de la Chandeleur, des gâteaux qui repré-
sentaient assez sommairement les attributs du sexe
de celui qui les portait ; quand ils les avaient mangés,
les fiançailles étaient consommées (2).
Dans une des îles Silly, les fiancés passaient leurs mains
à travers une pierre percée, et les joignaient pour engager
leur foi (3). En Touraine, le même usage a lieu au dolmen
(1) Reuue des Trad. pop. VII (1892) p. 98.
(2) SÉBILLOT, 1, II, p. 231.
(3) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 40.
LE PAGANISME COHTEMPORAIN 7
110 LA VIE HUMAINE
troué de Draclié, et il est regardé comme le plus irré-
vocable des engagements. Aux îles Orkneys, suivant une
coutume qui n'a cessé qu'après la destruction de la
Pierre d'Odin en 1814, ils joignaient les mains à travers
le trou dont elle était percée ; rompre la promesse d'Odin
était considéré comme une sorte de crime (1).
35. — - Les augures, si fréquents pendant la période
des amours, sont plus rares pendant celle qui précède le
mariage. En Sicile, lorsqu'il est à peu près fixé, la mère se
place derrière la porte d'une église éloignée de sa demeure,
et les paroles que prononcent les personnes qui les
premières viennent à passer la renseignent sur le bon
ou le mauvais succès de l'union projetée (2).
Il y a une cinquantaine d'années, les fiancés venaient,
quelques jours avant la cérémonie, tremper un doigt
dans la fontaine de saint Gengout à Chassericourt
(Aube) ; s'il en sortait mouillé, c'est que son possesseur
serait infidèle, s'il restait sec, sa fidélité était certaine (3).
Quelques interdictions s'attachent aux jours compris
entre les fiançailles et le mariage. En plusieurs pays de
France et en Espagne, les fiaticés ne doivent pas, sous
peine de disgrâces, entendre leurs bannies (4) ; en
Portugal, l'un d'eux mourra dans l'année, ou ils se sépa-
reront ; dans le nord de l'Angleterre, la fiancée court le
risque d'avoir des enfants sourds et muets ; mais elle
est préservée de ce malheur, si, quand elle se rend au
lit nuj)tial, ses filles d'honneur mettent ses bas en
(1) SÉBiLLOT, 1, IV, 58. Black 1, p. 2.
(2) Castelli, p. 49.
(3) SÉBILLOT, 1, II, p. 253. .
(4) GuiCHOT, p. 279.
LE MARIAGE 111
croix (1). En Anjou la fiancée qui montre ses bagues avant
la cérémonie s'expose à des disgrâces (2). En Ecosse le
marin qui est fiancé ne doit pas aller en mer pendant la
semaine qui précède le mariage ; il porte malheur au
bateau sur lequel il monte, et l'équipage le paie pour
qu'il n'y vienne pas (3).
36. — La plupart des innombrables observances
de la journée du mariage relèvent plutôt de la coutume
traditionnelle que de la superstition : un gros volume
ne suffirait pas à décrire, même succinctement, celles
qui sont encore en usage dans le seul pays de France.
Je ne noterai ici que les plus tj^iques de celles qui pré-
sentent des traits suj)erstitieux caractéristiques ou quel-
que relation avec le paganisme.
On croit en plusieurs régions que le sort de l'union
future peut être influencé par diverses circonstances
météorologiques, et beaucoup observent, pour en tirer
des présages, le temps qu'il fait. Dans le val d'Aoste,
s'il neige, c'est un signe de fortune, s'il pleut, l'augure
est mauvais, de même qu'en Portugal (4). En Poitou
et en Haute-Bretagne, la mariée sera battue, et elle
versera autant de larmes qu'il tombe de gouttes d'eau ;
en Wallonie, les époux auront toujours des motifs pour
pleurer ; dans le Nivernais, ils seront peu fortunés ; dans
la Gironde la mariée sera gourmande, dans le Maine,
eUe ne sera pas propre ; en Poitou, elle mourra la
première. A Marseille et en Anjou, la pluie est au con-
(1) Pedroso, 1, n° 523. Henderson, p. 42.
(2) Fraysse, p. 84.
(3)'Gregor. 1, p. 100. FoJk-Lore, XIV (1903), p. 304.
(4) Christillin, p. 284. Leite, 1, p. 224.
112 LA VIE HUMAINE
traire un présage d'abondance; en Savoie, la mariée
sera économe ; à Dinan, elle sera hem-euse ; en Portugal, les
deux époux auront du bonheur. Si la pluie est accompa-
gnée d'un rayon de soleil, c'est dans le Mentonnais, les
Vosges et l'IUe-et- Vilaine un présage de fécondité ( 1 ).Dans
la vaUée d'Aoste si le soleil luit, le ménage sera monotone.
Dans le nord de l'Angleterre et en Ecosse la mariée sera
heureuse. Dans la vaUée d'Aoste, le vent présage des
contrariétés, en Anjou, des disputes (2).
Les rencontres sur la route sont aussi l'objet de
préoccupations. Certains animaux portent malheur :
en Haute et en Basse-Bretagne le Uèvre, dans le
nord de l'Angleterre, le cochon qui passe devant
le cortège sont de funeste présage, de même qu'en
Poitou, et en Vendée, la pie qui traverse de gauche à
droite ; en Ecosse on considère comme de bon augure
la vue d'un cheval blanc. En Anjou, en Poitou, la ren-
contre d'une charrette attelée est funeste, à moins qu'elle
ne soit au repos ; si la charrette renversée contient du
foin, c'est encore pis (3).
En Saintonge, en Poitou et en Anjou, croiser un en-
terrement est d'un mauvais pronostic, en Anjou, deux
mariages qui se croisent (4).
En Ecosse, la fiancée ne doit pas regarder derrière
elle, sous peine d'éprouver de graves inconvénients dans
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 97. COELHO, p. 659.
(2) Christillin, p. 284. Henderson, p. 34. Gregor, 1, p. 90.
Fraysse, p. 84.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 23. Henderson, p. 34. Sébillot, 1, III,
p. 192. Gregor, 1, p. 91, 99. Fraysse, p. 35.
(4) Souche, 1, p. 23 ; 2, p. 28.
LE MARIAGE 113
son ménage; en Anjou l'acte n'est dangereux que dans
le trajet de la mairie à l'église (1).
Dans quelques communes des Côtes-du-Nord, on
observe encore une coutume qui fait songer au mariage
par capture. Non seulement la fiancée se cache, mais,
lorsque sur le trajet de la maison à l'église elle aperçoit
un chemin creux, elle quitte en courant le gros de la
noce, et s'enfuit par le chemin. C'est le garçon d'honneur
qui est chargé de la rattraper et de la ramener de force,
et alors, eUe revient la tête basse. Ces tentatives de
fuite ne cessent que lorsqu'on est arrivé en vue du
bom'g (2).
En Corse, lorsqu'il y a deux mariages dans la même
éghse, les deux couples doivent s'y rendre par deux
chemins différents, et entrer par des portes opposées
sans que l'un marche sur les pas de l'autre ; car en ce
cas, la première des épousées serait foulée par la seconde
et elle mourrait dans l'année. Elles succomberaient
toutes deux dans le même espace de temps, si elles se
croisaient en chemin, et si l'une marchait sur les traces
de l'autre (3). Dans une paroisse de Sicile, la mariée
entre à l'éghse par la petite porte, et en sort par la grande
en ayant soin de passer sous les cloches (4).
37. — De la manière dont se fait l'entrée dans l'église
on tire aussi des augures. En Sicile, ils sont mauvais, si la
mariée ou quelque personne trébuche (ô); en Anjou, la
(1) Gregor, 1, p. 91. Fr.wsse, p. 84.
(2) Sébillot, 3, p. 117.
(3) Revue des Trad. pop. I (1886), p. 18 .
(4)PlTRÈ, 1, II, p. 65.
(5) PiTRÈ, 1, II, p. 50.
114 LA VIE HUMAINE
mariée qui bute sur le seuil sera malheureuse ; si elle
accroche sa robe, elle accouchera difficilement, ses en-
fants mourront ou tourneront mal. En Lorraine, si
l'un des époux fait un faux pas en montant les degrés
du sanctuaire poiu- aller à l'autel, ou en les descendant, il
y aura des tiraillements dans le ménage, et il en sera de
même, si la robe ou l'iiabit se déchire pendant la céré-
monie (1).
La façon de s'agenouiller joue un rôle important dans
les observances de la messe de mariage. Dans les Hautes-
Alpes, l'époux avait soin de poser le genou sur le tabher
de l'épousée, comme pour indiquer une sorte de prise de
possession (2). Cet acte se lie ailleurs à la maîtrise dans
le ménage : en Berry, l'époux l'obtenait en mettant sans
préméditation le genou sur la robe (3); en Lorraine, il
le faisait exprès pour empêcher la mariée de se lever la
première et de devenir ainsi la maîtresse au logis. En
Basse-Normandie, il y a lutte, chacun s'efforçant de
s'agenouiller siu une partie du vêtement de l'autre (4).
En d'autres pays, l'épousée disposait un coin de sa robe
pour que son mari pût mettre le genou dessus : à
Marseille et dans les Landes, cet acte assurait une par-
faite union dans le ménage ; en Saintonge, il empê-
chait le prêtre de nouer l'aiguillette (5). Au XVIP siècle,
les assistants pour prévenir cet inconvénient, quel qu'en
fût l'auteur, frappaient avec des bâtons la tête et les
(1) Revue des Trad. pop. XVIII (1903), p. 286 ; X (1893), p. 281.
(2) NoRE, p. 7.
(3) Laisnel, II, p. 139.
(4) Richard, p. 201. Lecœur, II, p. 303.
(5) Régis, p. 262. Laporterie, p. 24. Noguès, p. 7.
LE MARIAGE 115
pieds des mariés agenouillés sous le poêle (1). Dans la
Beauce, les deux plus proches parents des deux époux
devaient, pour bannir la jalousie du ménage, frapper
avec un couteau trois petits coups sur les talons de l'un
et de l'autre (2).
Les augui'es que l'on tire des cierges sont très nom-
breux : dans le Morbihan, vers 1830, s'ils étaient difficiles
à allumer, un malheur attendait les mariés (3). En
Sicile, si l'un de ceux de l'autel tombe ou s'éteint, le
présage est funeste (4). Si les cierges des deux époux brû-
lent bien, il est d'ordinaire favorable; en plusieurs pays,
celui dont le cierge flambe le plus haut obtiendra la
maîtrise ; la lumière moins brillante indique en Basse-
Bretagne, comme en Sicile celui qui mourra le premier ;
en beaucoup d'autres pays, c'est celui dont le cierge
se consume le plus vite, alors que dans certaines par-
ties de la Basse-Bretagne il ne tardera pas à devenir
veuf (5). Dans la Beauce, pendant les formalités de la
sacristie, les invités éteignaient les cierges et les
mesuraient pour savoir quel serait celui des deux
époux qui mourrait le premier (6). Aux environs
de Liège, un rayon de soleil qui balaie l'éghse est regardé
comme un présage de bonheur ; dans le Luxembourg
belge, s'il cesse de briller au moment de la bénédiction
nuptiale, le pronostic est mauvais (7).
(1) Thiers, IV, p. 518.
(2) Chapiseau, II, p. 224.
(3) IvERAHDVEN, p. 156.
(4)PlTRÈ, 1, II, p. 50.
(5) Le Braz, I, p. 7. Pitre, 1, II, p. 06.
(6) Chapiseau, II, p. 224.
(7) Sébillot, 1, I, p. 54.
116 LA VIE HUMAINE
C'est pendant la messe de mariage que se font les
opérations magiques destinées à produire le nouement
d'aiguillette, jadis si redouté, et qui l'est encore en
certains pays. En Saintonge, les sorciers enfonçaient
une grosse cheville de bois pendant que somiait le
Sanctus, en murmurant un anatlième à chaque coup (1 ).
En Ille-et- Vilaine, on fait trois nœuds à une corde au
moment où les époux se donnent l'anneau, puis on la
place sous une pierre ou sous la terre : les jeunes époux
ne pourront se supj)orter quand ils se verront, et ils
souffriront de ne pas se voir quand ils seront séparés (2).
Dans la Gironde, où l'on attribue parfois ce maléfice
à des procédés employés par le curé pendant la messe,
l'épousée pour le rendre vain met du mil dans ses
souliers; en Provence l'époux en rempht sa poche :
les nouem's ne pourront oj)érer qu'après en avoir compté
les grains (3). En Ecosse le marié se préserve en ayant
uie bible dans son vêtement (4). Dans les Hautes-PjT"é-
nées, les époux, avant de se présenter à l'église, mettent
du sel dans leur poche gauche (5).
L'attitude des époux, pendant les diverses phases de
la cérémonie, est observée par les assistants. En
Sicile et en Corse, celui qui se lève le premier après
la bénédiction nuptiale est le premier à mourir, alors
que dans les Vosges il sera le maître de la maison, de
même qu'en Basse-Normandie, et dans le Maine celui
(1) NoGUÊs, p. 127.
(2) Revue des Trad. pop. XVIII (1903), p. 315.
(3) Sébillot, 1, III, -p. 486-487.
(4) Folk-Lore, X (1899), p. 500.
(5) Mélusine, VII (1894), col. 234.
LE MARIAGE 117
qui se levait le premier à l'évangile ; en Normandie,
lorsque tous deux se levaient en même temps, ils avaient
part égale dans le gouvernement. En Anjou, si la femme
se lève la première, son aîné sera un garçon (1).
Autrefois dans les Ardennes, à peine la messe termi-
née, les deux époux couraient à l'autel; le premier arrivé
baisait la nappe et avait dès lors le droit de « porter
culotte » pendant toute la durée du mariage ; dans le
village de Bièvre, ils buvaient un peu de vin dans le
même verre, que le mari lançait fortement à terre ; s'il
ne se brisait pas, c'était signe de malheur, au contraire
plus les morceaux étaient nombreux, plus le bonlieur
devait être grand (2).
38. — Quelques croyances se rattachent à la façon
dont s'opère le départ de l'église : en Auvergne si deux
filles se marient à la même messe, celle qui sort la pre-
mière est assurée d'avoir un garçon ; aussi il y a lutte
à qui devancera l'autre (3). En Irlande où celui des
deux époux qui franchirait le seuil le premier serait le
premier à mourir, ils sortent de front (4).
Il est permis de supposer, bien que nous n'en ayons
pas de preuves écrites, que plusieurs coutumes en
rapport avec les pierres sont des survivances d'antiques
cérémonies païennes. En certaines paroisses du Nor-
thumberland, on hisse la mariée sur une pierre placée à
(1) PiTRÈ, 1, II, p. 50. Revue des Trad. pop. IX (1894), p. 466.
Lecœur, II, p. 303. Perraudière, p. 2. Revue des Trad. pop. VIII
(1893), p. 286.
(2) Meyrac, p. 11.
(3) Le Siècle, 23 février 1861.
(4) Folk-Lore, IV (1893), p. 359.
118 LA VIE HUMAINE
la porte de l'église, mais elle peut, moyennant quelque
argent, éviter cette servitude (1). Jadis, à Holy Island
(Durham) elle montait sur une certaine pierre, et si eUe
ne pouvait rester dessus jusqu'à la fin du temps fixé par
l'usage, on disait que l'union ne serait pas heureuse (2).
Au village de Fours, dans les Basses-Alpes, le plus
proche parent du mari conduisait l'épouse à un rocher
de forme conique appelé Pierre des Épousées, et l'y
asseyait lui-même en lui faisant placer un pied dans un
petit creux ; c'est dans cette position qu'elle recevait
les embrassements de toutes les personnes de la noce (3).
A BeLfort (Northumberland), les époux et les invités
sautent par dessus une pierre placée sur leur passage,
et lorsque la mariée l'a franchie, elle doit, dit-on, laisser
derrière elle tous ses caprices (4).
Dans l'Aisne, on versait du vin sur deux larges et
profonds sillons naturels à la surface d'un immense
grès ; les deux époux devaient le boire à l'extrémité de
chaque rainure, et l'on tirait des pronostics de leur façon
d'opérer. Dans le Luxembourg belge, on les condui-
sait à la tombée de la nuit à la Pierre à Marier, où ils
s'asseyaient dos à dos, puis on les attelait à une
pierre ou à une souche qu'on les obligeait à traîner
jusqu'au village (5).
On tire des présages d'heur ou de malheur d'après les
actes des nouveaux époux pendant la nuit de noces. En
(1) Balfour, p. 96.
(2) Brand, II, p. 167.
(3) SÉBiLLOT, 1, I, p. 339.
(4) Hendersox, p. 38.
(5) SÉBILLOT, 1, I, p. 407, 339.
LE MARIAGE 119
Franche-Comté, en Haute-Bretagne, dans le nord de
l'Angleterre, celui qui se met au lit le premier sera le
premier à mourir (1) ; en Portugal, en Poitou, c'est
celui qui éteint la chandelle (2) ; en Ecosse celui qui s'en-
dort, et parfois celui qui s'éveille le premier (3). Dans le
Loir-et-Cher si la femme se couche la première, elle sera
la maîtresse (4). En Ecosse, le mari qui se lève avant
sa femme lui évite les douleurs de l'accouchement (5) ;
en Allemagne, celui qui sort le premier du lit le matin
sera le premier à mourir (6).
L'usage, si répandu, de tirer des coups de fusil ou
de pistolet a pour but dans le Puy-de-Dôme de rendre
la mariée bonne nourrice ; plus ils sont nombreux, plus
elle aura de lait (7).
Parmi les nombreuses farces faites aux nouveaux
mariés figure en Andalousie celle de semer du sel dans
le Ht nuptial, pour qu'il y ait beaucoup de disputes dans
le ménage (8). On a vu (p. 3) qu'on y met parfois des
amulettes, pour jDrocurer la fécondité.
La coutume de dresser des guets-apens la nuit de noces
et de fouetter les nouveaux époux dans leur lit avec des
cordes, avait pour but, dans la croyance des habitants
de la côte nord de la Cornouaille, d'assurer leur bonheur
(1) Perron, p. 29. Sébillot, 3, p. 133. Henderson, p. 49.
(2) Leite, 1, p. 224. Souche, 1, p. 23.
(3) Gregor, 1, p. 96.
(4) Revue des Trad. pop. XV (1900), p. 374.
(5) Gregor, 1, p. 96.
(6) Grimm, IV, p. 1796, n" 485.
(7) Revue des Trad. pop. XVIII (1903), p. 281.
(8) GuiCHOT, p. 280.
120 LA VIE HUMAINE
par ce rude traitement, et de leur procurer une nom-
breuse famille. (1)
Parmi les actes qui ont lieu le lendemain de la noce
il en est un dont la rudesse peut faire présumer l'ancien-
neté. Dans le département de la Marne, au com-
mencement tdu XIX^ siècle, les jeunes filles qui y
avaient assisté, asseyaient les mariés sur une herse dont
les dents étaient en l'air et les traînaient ensuite par
les chemins les plus raboteux et à travers les épines
les plus piquantes ; on battait celles qui n'allaient
pas assez vite ou l'on déchirait leurs vêtements (2).
(1) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 216.
(2) Ladoucette, p. 456.
CHAPITRE VI
Les maladies.
39. Guérison par les astres ou les météores. — 40. Par les eaux. —
41 . Par les pierres. — 42 Par le fou. — 43. Par les animaux. —
44. Pat les arbres. — 43. Pratiques en relation avec les églises.
Comme les maladies des enfants sont la plupart
du temps différentes de celles des adolescents et des
adultes, et que leur médication traditionnelle est pres-
que toujours spéciale, j'en ai parlé dans une section
du chapitre de l'Enfance.
Dans celui-ci, il ne sera question que de celles des
adultes : je les range, non pas dans l'ordre pathologique,
mais suivant la nature des agents qui servent à leur
traitement, et qui se rattachent à ce qu'un médecin
américain (1), a ingénieusement appelé la Mythologie
médicale. Plusieurs pratiques sont basées en effet
sur la puissance que l'on attribue, en raison d'idées
mythologiques, aux forces de la nature qui jadis furent
divinisées.
39. — Parfois, comme dans la médication magique par
les astres, ceux-ci sont invoqués comme des entités véri-
tables, susceptibles d'écouter et d'exaucer les supphants.
En Portugal, le Soleil est appelé à guérir le mal qu'il
a causé par l'ardeur de ses rayons ; dans l'Alemtejo, en
(1) MOONEY, p. 136.
122 LA VIE HUMAINE
cas d'insolation, on remplit d'eau fraîche un verre que
l'on recouvre d'un linge, on le retourne sans verser le
liquide, en faisant avec la main droite une croix sur le
fond, au nom des trois personnes de la Trinité, et l'on
dit : « Jésus, au nom de Jésus (ter), Dieu Soleil, Dieu
Lune, Dieu de tout et de clarté, que me soient en aide
les trois personnes de la très sainte Trinité. » Cette
opération doit être répétée trois fois entre onze heures
et midi, et l'on a soin de tourner le patient du côté du
soleil (1). Ailleurs c'est sur sa tête que l'on pose le verre,
et l'eau commence, dit-on, à chauffer dès qu'on a récité
les premiers vers d'une autre oraison ; une troisième,
accompagnée de la même pratique, est répétée sur un
pont au miheu du jour : « Soleil, prends mon mal, et que
l'eau me donne sa fraîcheur (2). » A Elvas, on applique
sur l'orgelet, en raison d'une analogie de forme, un
grain de raisin en disant : « Soleil, Soleil, prends cet
orgelet (3). » En Poméranie le malade atteint de fièvre
se tourne vers le soleil levant et répète trois fois : « Cher
Soleil, viens bien vite et enlève les soixante-dix sept
fièvres dont je souffre, au nom de Dieu le Père, etc. (4). »
Une conjiu-ation du Bourbonnais contre le chancre et
les ulcères se termine par : « Cliancre, par le Soleil et
par la Lune, sors d'ici (5). »
Il est parfois nécessaire, pour assurer la guérison,
d'observer des rites en rapport avec l'astre du jour ;
(1) Revista Lusitana, VIII (1905), p. 290.
(2) Leite, 2, p. 17-18 ; cf. 1, p. 14.
(3) Revista Lusitana, IX (1906), p. 116.
(4) Tylor, II, p. 384.
(5) SÉBILLOT, 1, I, p. 61.
LES MALADIES 123
dans la Cornouaille le malade était passé neuf fois, au
rebours du soleil, à travers une ronce (1). En Irlande
le charme pour la disparition des tumeurs doit être fait
au soleil levant (2), c'est à ce moment que dans la
Cornouaille on cueille à genoux la mousse guérissante,
et qu'en France, au XVIP siècle, les fiévreux s'ex-
posaient tout nus devant l'astre du jour en récitant
des prières (3).
En Portugal on s'adresse aux étoiles : on porte à
minuit près d'une fontaine l'enfant malade et on l'as-
perge d'eau en se tournant vers ces astres, et en récitant
une conjuration qui les supplie, ainsi que la lune, de
le guérir (4). Celui qui souffre d'une tumeur doit regarder
fixement une étoile et dire trois fois : « Étoile, je te dis
que tu sèches mon mal, et je te dis que tu le sèches et
que tu sois brillante ! (5) » Ceux qui ont des dartres aux
mains se tournent vers celle qui brille le plus, et récitent
trois fois, et sans reprendre haleine, une formulette de
cinq vers pour la prier de les sécher (6). Une oraison espa-
gnole à sainte Apolline pour la guérison du mal de
dents invoquait, en même temps que la sainte, l'étoile
de Vénus et le soleil couchant (7). Les étoiles filantes
ne paraissent plus réputées pour leur vertu thérapeu-
tique, comme au temps où le médecin Marcellus Empi-
(1) Folk-Lore Journal, Y (1887), p. 203.
(2) MooNEY, p. 158.
(3) Sébillot, 1, 1, p. 47.
(4)Leite, l,p. 29. *
(5) Pedroso, 1, n° 573.
(6) Leite, 1. c.
(7) Black, 2, p. 93.
124 LA VIE HUMAINE
ricus recommandait d'essuyer les boutons que l'on
avait avec un linge pendant que l'étoile filante traversait
le ciel ; ils disparaissaient en même temps que l'étoile,
mais il fallait se garder de les toucher avec la main nue,
car alors Us auraient passé à la main (1).
La lune, qui exerce une si grande influence sur les
hommes et sur les choses, intervient assez rarement
dans les pratiques médicales. Pour se guérir de l'épi-
lepsie, les habitants des Abruzzes récitent un Pater la
première fois qu'ils voient la nouvelle lune (2). En
Anjou, celui qui a des verrues peut s'en débarsasser
en se jetant à genoux le premier vendredi du crois-
sant quand il l'aperçoit pour la première fois ; il ne
doit pas le quitter des yeux, mais faire le signe de.
croix, et toujours en le regardant, ramasser de la terre
et en frotter ses verrues en commençant par les plus
anciennes (3). Dans les Deux-Sèvres, on peut les fric-
tionner avec un objet quelconque en disant par deux
fois : « Fis à la lune » (4). Dans l'ouest de l'Ecosse, le
patient, dès qu'il aperçoit la nouvelle lune, ramasse un
peu de terre sous son pied droit, et en fait un cataplasme
qu'il pose sur le mal, en l'enveloppant d'un hnge qu'il
doit garder ainsi jusqu'à la fin de la lune (5). En Basse-
Bretagne, on récite cette conjuration : « Salut, pleine lune.
— Emporte celles-ci (les verrues) avec toi, loin d'ici » (6).
(1) Frazer, I, p. 19.
(2) NiNo, p. 45.
(3) Revue des Trad. pop. XXI (1906), p. 305.
(4) Souche, 1, p. 19.
(5) Black, 2, p. 126-127.
(6) Sébillot, 1, I, p. 46.
LES MALADIES 125
En Sicile la personne qui souffre de la scrofule s'age-
nouille le dernier jour de la pleine lune, et frictionne le
point malade en la regardant et en répétant : « Ronde
pleine lune, — nettoie cette gorge, — nettoie-la tout
autour, — afin qu'à ton retour — tu ne trouves plus
les racines du mal (1). »
La rosée possède des vertus guérissantes lors de
certains jours privilégiés. Dans les Asturies elle débar-
rasse de la gale ceux qui, à minuit de la Saint- Jean, s'y
roulent tout nus (2) ; dans les Abruzzes elle est efficace,
dans les mêmes conditions, cette nuit et celle de l'As-
cension (3). En plusieurs paj^s de France, elle jouit de
cette propriété le matin de la Saint-Jean ; en Béarn,
le malade, comi^lètement dévêtu, commence à travers
un champ d'avoine et en divers sens, une promenade
pendant laquelle il doit dire et répéter sans interruption
une oraison en vers patois dont je traduis la partie
essentielle : « Nettoie-moi bien, fraîche rosée, — Sens
comme je suis galeux, — Veuille bien me débarrasser,
— Car si tu veux que bientôt je me guérisse, — Nuit
et jour, je veux te bénir (4). «
40. — Les rivières sont encore, dans la partie centrale de
la France entre la Saône et la Loire, l'objet de pratiques
qui s'adressent directement à elles, comme à des espèces
de divinités, pour la guérison des maladies et surtout
de la fièvre. Dans le Nivernais, le patient se rend,
avant le lever du soleil, sur le bord de la rivière, et,
(1) PiTRÈ, 2, p. 260-261.
(2) Arivau, p. 244.
(3) FiNAMOR , p. 142.
(4) Sébillot, 1, L p. 94-95.
126 LA VIE HUMAINE
s'étant agenouillé, il dit : « Bonjour, rivière, « en la dési-
gnant par son nom. Il s'accroupit et aspire une gorgée
d'eau qu'il rejette après s'en être rincé la bouché ; il
en prend ensuite une seconde qu'il avale, puis une
troisième qu'il rejette comme la première, en disant :
« Tiens, rivière, voilà ma fièvre, tu me la rendras quand
ton cours remontera. » La rivière d'Arroux, ses petits
affluents et aussi la Loire sont visités par les villageois
qui, trois jours de suite, avant le lever du soleil, lancent
chaque fois un sou dans l'eau, en prenant une gorgée
et la rejettent, puis ils disent : « Arroux, je t'apporte
mon malheur, donne-moi ton bonheur », ou « Bonjour,
Loire, donne-moi ton bonheur, je te donnerai mon
malheur ». Ils emploient aussi une conjuration analogue
à celle du Nivernais (1).
Quelques autres pratiques s'adressent moins direc-
tement à la rivière personnifiée ; mais elles supposent
qu'elle peut les débarrasser de leurs maux. A Swine-
munde (Poméranie) le fiévreux y tremioe le pied droit
en disant : « Je mets mon pied dans cette eau — J'adore
le sang du Clu-ist — Cette eau et le sang du Christ sont
bons pour la 77^ fièvre. » Il répète trois fois cette formule
au nom de Dieu en buvant à chaque fois à la rivière (2).
En Portugal celui qui souffre de la fièvre intermittente
va cueillir cinq feuilles dans un bois, s'approche d'un
ruisseau et les jette derrière lui en disant : n Avec ces
cinq feuilles cueillies, va-t-en, mon mal (3) ! »
Les pratiques guérissantes en relation avec la mer
(1) SÉBiLLOT, 1, II, p. 379-380.
(2) Thorpe, III, p. 164.
(3) Revista lusitana, VIII (1905), p. 277.
LES MALADIES 127
sont assez nombreuses, mais il est rare qu'elles présen-
tent des criconstances cultuelles ou magiques. On ne
peut guère noter dans cet ordre d'idées, et encore s'y
rattachent-ils d'une façon assez lointaine, que deux
ou trois faits. Sur le littoral breton et sur celui du
Pas-de-Calais, les lotions des yeux malades doivent
être faites sept ou huit fois de suite, le matin avant le
lever du soleil et le soir après son coucher (1). Aux îles
Shetland l'eau prise au sommet de trois vagues passait
pour guérir le mal de dents (2). Vers le miheu du XIX^
siècle, les Bretons du Morbihan qui récitaient la prière
à saint Laurent contre les brûlures, devaient se tourner
vers la mer en soufflant trois fois en croix sur le point
douloureux (3).
Le lac Monaren Ecosse est fréquenté en mai et en août
par une multituc^e de gens qui, à minuit, se plongent
trois fois dans ses eaux, en boivent une petite quantité et
jettent une pièce de monnaie comme offrande au génie qui
y préside. Ils doivent avoir soin d'être, avant le soleil levé,
hors de la vue du lac, ou leur pratique sera vaine (4V
Les eaux du lac Saint-Andéol (Lozère) guérissent de
tous les maux, le deuxième dimanche de juillet, ceux
qui s'y baignent après en avoir fait le tour le chapelet
à la main. Les dartreux y jettent leurs pantalons et
leurs chemises. Quelquefois les malades, ayant déposé
leurs vêtements sur le rivage, s'avancent aussi loin que
(1) Sébillot, 2, I, p. 96. cf. surles médications avec l'eau de mer, les
p. 94-104.
(2) Black, 1, p. 152.
(3) SÉBILLOT, 1, II, p. 171.
(4) Henderson, p. 164-165.
128 LA VIE HUMAINE
les pieds trouvent fond, et lancent des monnaies au
large ; d'autres y jettent des gâteaux, du fromage, du
pain et des objets de toute sorte (1).
Suivant des croyances constatées en plusieurs pays,
les fontaines sont encore la résidence d'êtres surna-
turels. C'est au génie même de la source que s'adressent
quelquefois les malades qui lui font des présents en lui
récitant des prières ou des conjurations. Trois fontaines
guérissantes du pays d'Aberdeen sont sous la garde
d'un esprit qui demeure dans leur voisinage sous une
large pierre ; aucune guérison ne se fait si elle n'a été
précédée d'une offrande en or, déposée dessus (2). Dans la
Nièvre, on se rend, pour se débarrasser de la fièvre, un
peu avant l'aube, près de la source, on s'agenouiUe sur
ses bords, et l'on dit : « Source, je t'apporte mon malheur,
donne-moi ton bonheur. » Et on jette une pièce de mon-
naie par-dessus son épaule, comme offrande à la divi-
nité ; mais il ne faut être vu par personne, sinon le
charme est rompu, et eUe rentre immédiatement dans
sa retraite. A la fontaine de Tussy, près de Saint-Honoré-
les-Bains, où l'invocation est sensiblement la même, et
où il est nécessaire de n'être aperçu par âme qui vive,
on devait, avant de lancer la pièce, faire plusieurs
signes de croix avec elle au-dessus des eaux (3). En
Portugal, le fiévreux, étant à jeun, porte trois bouchées
de pain sur la margelle d'une fontaine en disant :
« Manges-en, j'en ai déjà mangé (4) ».
(1) Sébillot, 1, II, p. -1:61.
(2) Folk-Lore, III (1892), p. 67-68.
(3) SÉBILLOT, 1, II, p. 284.
(4) Braga, II, p. 237.
LES MALADIES 129
En Irlande il faut ramasser, avant le lever du soleil,
neuf cailloux noirs et conduire le patient à la source
sacrée, sans proférer pendant tout ce temps une seule
parole. On y jette trois pierres au nom de Dieu, trois
au nom du Christ, trois au nom de Marie ; l'opération
doit être répétée trois matins (1). Le lancement des
cailloux est aussi usité à une autre fontaine irlandaise,
à Ballintubber, réputée efficace pour la guérison de toutes
sortes de maux le jour des fêtes Notre-Dame. Le pèlerin
s'agenouille devant, les pieds nus, récite des prières,
et prend parmi les pierres déposées à cet effet près de
la source neuf cailloux ; il en fait ensuite le tour, et
chaque fois qu'il est revenu à son point de départ, il
en jette un, s'agenouille de nouveau, récite des prières-
et continue sa promenade jusqu'à ce qu'il ait épuisé
sa provision (2).
L'usage de lancer des épingles dans les fontaines
guérissantes, très répandu en France, est aussi usité
dans le pays de Galles, notamment à la fontaine de
Pen-Rhys où le malade en jette une après s'y être
lavé (3).
Cette pratique ne constitue pas toujours une offrande
à la divinité bienfaisante ; l'épingle ou d'autres objets
pointus ont préalablement touché le mal, et il passe à
celui qui les ramasse (4). Les épingles qu'on lance dans
la plupart des fontaines du pays de Galles sont destinées
à débarrasser les mains du patient de ses verrues ; celle
(1) Wilde, p. 199.
(2) MooNEY, p,153.
(3) SÉBiLLOT, 1, II, 292-293. Rhys, I, p. 356.
(4) SÉBILLOT, 1, II, p. 293.
130 LA VIE HUMAINE
de Gwinwy était autrefois bien fournie d'épingles
crochues que personne ne devait toucher sous peine
d'attraper les verrues que l'on supposait y être atta-
chées. Parfois le nombre des épingles est égal à celui des
verrues du pèlerin. Celui qui se rendait à une fontaine
de la paroisse de Bryncross ne parlait à personne à
l'aller comme au retour, et ne se retournait pas ; il
lavait ses verrues avec un chiffon ou un clou graissé,
qu'il cachait soigneusement sous une pierre de la
margelle (1).
Les branches des arbres placés dans le voisinage
des fontaines miraculeuses reçoivent des offrandes qui
consistent quelquefois en médailles ou en rubans, plus
ordinairement en des vêtements ou du linge ayant appar-
tenu au pèlerin et ayant touché son mal (2). Dans le
pays de Galles les rhumatisants ne manquent pas,
après s'être lavés, de suspendre un chiffon à l'arbre qui
ombrage la fontaine, et qui est souvent une épine (3).
Il y a une cinquantaine d'années ceux qui, au mois de
juin, et avant le lever du soleil, s'étaient baignés dans une
fontaine du comté de Sutherland en Ecosse,réputée pour
la guérison de la migraine, ou avaient bu de ses eaux,
attachaient un ruban à l'un des arbres du voisinage (4).
Le fiévreux qui se rendait à la fontaine de Saint-Pierre-
ès Liens à Dosches (Aube) nouait un brin d'osier aux
poteaux qui supportent le toit de la source ou aux
(1)Rhys, I, p. 361,362.
(2)'SÉBiLLOT, 1, II, p. 301; III, p. 412-413.
(3) Rhys, I, p. 355-356.
(4) Folk-Lore Journal, VI (1888), p. 244.
LES MALADIES 131
saules voisins, pour lier sa fièvre et s'en débarrasser (1).
Plusieurs sources n'ont de vertu guérissante qu'à un
moment déterminé de l'année, qui coïncide le plus
habituellement avec le solstice d'été et en particulier
avec la Saint-Jean (2). En Sicile, c'est ce jour-là que,
pour se préserver de la teigne, on s'immerge la tête
trois fois de suite dans deux fontaines de Chiaramonte,
en répétant à chaque ablution une oraison au Précur-
seur (3).
En France, le bain ou la lotion sont très souvent pra-
tiqués avant le lever du soleil (4), et plusieurs exemples
montrent qu'il en est de même à l'étranger ; il y a une
cinquantaine d'années, ceux qui se baignaient, au mois
de juin, dans une fontaine du nord de l'Ecosse avaient
soin de le faire avant l'aurore (5), et c'est aussi la condi-
tion requise pour que l'eau d'une fontaine suKureuse,
près de la rivière Tamega en Portugal, garantisse de
toutes les maladies futures les pèlerins qui la boivent (6).
Plusieurs des observances qui accompagnent la visite
aux eaux sacrées de l'Irlande sont faites en suivant le
cours du soleil. Les centaines de personnes qui, le jour
de l'Ascension, se rendent pour la guérison des yeux
ou des maladies du cœur à une fontaine voisine de
Dundalk en font neuf fois le tour à genoux, toujours
dans la direction de l'ouest, boivent une coupe de ses
(1) Sébillot, 1, II. p. 301.
(2) SÉBILLOT, 1, II, p. 282-284, 274.
(3) PiTRÈ, 2, p. 240-241.
(4) SÉBILLOT, 1, II, p. 284.
(5) Folk-Lore Journal, VI (1888), p. 244.
(6) Leite, 1, p. 15.
132 LA VIE HUMAINE
eaux et sont non seulement guéris, mais aussi purs que
les anges du ciel (1). La pratique sanitaire au pèlerinage
du Lough Dearg consiste dans une immersion dans
l'eau, dans une douche, ou dans une friction avec l'eau ;
parfois on se contente de la boire ; l'opération est
d'ordinaire répétée trois fois, souvent pendant sept ou
neuf jours consécutifs ; la pratique religieuse consiste
dans la répétition d'un certain nombre de prières
pendant que le malade marche autour de la source, ou
est porté, toujours en suivant le cours du soleil ; le
circuit est fréquemment accompli sur les genoux (2).
L'eau qui séjourne dans les trous naturels des rochers
ou dans les cuvettes des grosses pierres ou des méga-
lithes, et qui passe assez souvent pour inépuisable,
a des vertus thérapeutiques analogues à celles des
fontaines. En plusieurs parties de l'Ecosse, on la
considère comme un excellent spécifique contre les
verrues (3). Dans le Galloway (Irlande) on les y baigne
en récitant une conjuration, qui s'adresse à l'eau elle-
même, et qui doit, sous peine de non réussite, déclarer
qu'on l'a trouvée sans la chercher (4). En France ces
eaux sont réputées pour la guérison de la fièvre, et
même en Bourbonnais, elles prévenaient les maléfices des
sorciers. Celui qui les boit dépose une offrande sur la
pierre, ou jette dans le bassin, sans être vu, une épingle
ou une pierre. La lotion faite pour les maladies cutanées
est aussi accompagnée d'un dépôt de monnaie, et ceUe
(1) Wilde, p. 203.
(2) MooNEY, p. 152.
(3) Folk-Lore, I (1890), p. 223.
(4) MooNEY, p. 159.
LES MALADIES 133
pour les maux d'yeux du jet d'une épingle, piquée dans
un morceau de vêtement du malade (1).
41. — La friction sur les mégalithes est pratiquée dans
le Finistère et dans la Loire-Inférieure par les rhuma-
tisants. Le privilège de guérir figure parmi ceux attribués
aux pierres percées d'une ouverture naturelle ou arti-
ficielle. Il suffisait, pour faire disparaître la colique, de
passer par le trou d'une pierre fichée que l'on voyait
à Courgenay dans la partie française du canton de
Berne (2). En Cornouaille le rachitique ou le rhuma-
tisant était passé neuf fois, au rebours du soleil, à travers
le trou de Mên-an-tol, à Lanyon, si c'était un homme,
et traîné neuf fois s'il s'agissait d'une femme (3).
Les paysans de Gouesnou (Finistère) qui ont un
membre affïigé ou blessé vont le plonger dans l'ouvertm-e
d'un gros bloc, autrefois dans un champ, et maintenant
dans une chapelle près du bourg (4).
En Cornouaille et en Devonshire, celui qui rampait
sous des pierres tombées les unes sur les autres en ne
laissant qu'un faible intervalle était guéri du rhuma-
tisme ; le charme, pour être complet, devait être répété
neuf fois (5). En France cette pratique se fait sous des
monuments dont quelques-uns semblent des mégahthes
clu-istianisés : pour que les pèlerins qui passent sous la
grosse pierre d'Ymare (Seine-Inférieure) soient guéris
du rhumatisme et même de la rage, il faut que leurs
(1) Sébillot, 1, L p. 408-409.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 59.
(3) HuNT, p. 415.
(4) SÉBILLOT., 1, IV, p. 59-60.
(5) HuNT, p. 176.
134 LA VIE HUMAINE
genoux ne portent pas sur la terre, et que leur dos ne
touche pas le bloc (1) ; cette dernière condition était
obligatoire pour le rhumatisant qui traversait la pierre
de Morva en Cornouaille (2). A Ai'dmore on se guérit
de tous ses maux en passant, le jour de la fête patronale,
sous la pierre de saint Declan, qui lui servit de bateau
pour venir en Irlande, et que supjDortent des rochers
qui laissent un faible espace entre elle et le sol (3). Ce
rite est aussi pratiqué, sans circonstances accessoires
notables, sous les tombeaux de plusieurs églises (4).
La guérison est aussi obtenue par l'intermédiah'e de
blocs présentant une certaine dépression, ordinairement
longitudinale, qui portent actuellement le nom d'un
saint et se lient à sa légende. Quelquefois il suffit de s'y
asseoir pour être soulagé ou guéri ; parfois comme sur
le lit de Saint-Secondel (Loire-Inférieure) et sur la pierre
de Saint-Samson (lUe-et- Vilaine) le patient doit s'éten-
dre (5) ; en Irlande, les paysans se couchent sur le ht
de pierre de Saint-Molush, comté de Fermanagh, en
faisant des prières (6). A Sciaccia, en Sicile, on se
débarrasse de la pustule mahgne en s'asseyant sur un
des sièges de saint Cologero, placés dans une caverne du
mont Cronio; il y en a vingt-deux, et chacun est
efficace pour une maladie spéciale (7).
(1) SÊQÎLLOT, 1, IV, p. Gl.
(2) HuNT, p. 177.
(3) Folk-Lore J»urnal,''\l (1888) p. 72.
(4) SÉBILLOT, 1, IV, p. 157-158.
(5) SÉBILLOT, 1, I, p. 405-406.
(6) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 333.
(7) PiTRÈ, 2, p. 264.
LES MALADIES 135
Les gens et les bêtes étaient guéris par l'eau avec
laquelle on avait lavé une pierre appelée Chariot de
saint Conval, sur laquelle ce bienheureux était venu
d'Irlande sur les bords de la Clyde (1). En Cornouaille
et en Irlande, les haches de pierre qui, en France, sont
aussi réputées pour leurs vertus guérissantes, débar-
rassent de plusieurs maladies ceux qui boivent l'eau dans
laquelle elles ont été trempées (2).
42. — Le feu intervient aussi dans la guérison de quel-
ques maladies : une vieille femme de la Cornouaille char-
mait les verrues en faisant passar au-dessus, en croix, tout
en murmurant certaines paroles, deux tisons pris dans
sa cheminée (3). En Portugal on se débarrasse de l'or-
gelet en allumant un feu dans une cuisine pourvue de
deux portes : on entre par l'une d'elles, on saute trois
fois par dessus le feu, en récitant une formule, et l'on
sort en courant par l'autre porte (4). Dans le Minho,
où l'érysipèle est causé par un diable logé dans le
corps du malade, on fait un brasier avec des choses
de rebut, et l'on saute trois fois par dessus, en disant :
« Mauvais esprit, je te conjure ! » (5)
43. — Les plus intéressantes des pratiques dont les
animaux sont l'objet, en tant que guérisseurs, s'appli-
quent aux maladies des enfants (cf p. 74) ; en ce qui
concerne celle des adultes, elles rentrent presque tou-
jours dans la catégorie des menues superstitions. La
(1) Black, 2, p. 104.
(2)HuNT, p. 427. MooNEY, p. 143. Sébillot, I, IV, p. 71.
(3) HUNT, p. 412.
(4) Leite, 2, II, p. 28.
(5) CoELHO, p. 573.
136 LA VIE HUMAINE
croyance aux vertus spéciales de la taupe, qui en est
souvent victime, est très répandue (1) ; en Portugal,
elle intervient dans une sorte d'opération magique
destinée à débarrasser les femmes de certains furoncles
attribués au venin de cet animal, et désignés le nom
de toupeiras. La malade doit tuer une taupe, et n'en
parler à personne pendant un an ; alors, elle bénit le
mal neuf jours de suite, en spécifiant dans une formule
consacrée, qu'elle a gardé le secret. Celui qui souffre
des oreillons se met sur le cou, en récitant une
conjuration, un joug à bœuf encore chaud (2). Les
reptiles entrent aussi dans la thérapeutique populaire,
surtout le crapaud et la grenouille auxquels on transmet
le cancer ou la fièvre (3). En Irlande celui qui a léché
trois fois le ventre d'un lézard, de la tête à la queue,
guérit les brûlures en appliquant la langue trois ou neuf
fois sur la partie malade (4). En France et en Wallonie,
le dépôt d'œufs fait dans les fourmilières par les fiévreux
ou les rhumatisants pour y laisser leur mal, est accom-
pagné de conjurations, et les pêcheurs du nord de
la France adressent aux vives qui les ont piqués avec
leur arête venimeuse, une oraison traditionnelle : « Petite
bête sans figure, ôtez-moi cette piqûre, etc. », qui doit
être répétée trois fois (5).
44. — La transmission des maladies aux arbres est
l'objet de nombreuses pratiques (cf. p. 76-79). Les adultes
, (1) Sébillot, 1, III, p. 129-131, 48-49.
(2)Leite, 1, p. 185,177.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 287-288.
(4) MOONEY, p. 161.
(5) SÉBILLOT, 1, III, p. 330, 351.
LES MALADIES 137
qui emploient la ligature pensent que l'arbre doit désor
mais éprouver tous les inconvénients qu'ils auraient eus
eux-mêmes s'ils n'avaient pas eu recours à ce procédé,
et cette idée est parfois clairement exprimée dans la
formule prononcée par le malade. A Modène, celui qui
souffre de la fièvre tierce se lie, à jeun, avec un fil en
disant :« Arbre, je t'embrasse, fièvre, je t'abandonne,
la fièvre t'a embrassé, et je te la laisse » (1). Vers 1830,
le paysan de la Brie allait, sans être vu de personne,
attacher son bras à un arbre avec un fil de soie,
récitait trois Pater, et trois Ave et répétait trois fois :
« Fièvre, fièvre, reste là, jusqu'à ce qu'on te cherchera. »
Si l'acte avait été fait en secret, le malade guérissait,
mais l'arbre se flétrissait et séchait sur pied (2).
La plantation du clou ou de l'épingle est fréquemment
emploj^ée en France et en Wallonie, sm:'tout pour la
guérison du mal de dents ; avant d'être jeté dans le
creux d'un arbre, ou d'être piqué dans son écorce, l'objet
pointu a été en contact avec le malade (3) ; en Sussex,
on plante dans un frêne les épingles qui ont préalable-
ment piqué les verrues ; le mal disparaît à mesure que
la végétation les recouvre (4). En Sicile, on guérit les
scrofules en mordant, la nuit de l'Ascension ou de la
Saint-Jean, l'écorce d'un pêcher, qui prend la mauvaise
humeiir de la gorge; s'il se dessèche et se flétrit, c'est
signe qu'il l'a absorbée et que le malade guérira (5).
(1) RiCCARDI, p. 59.
(2) SÉBILLOT, 1, III. p. 412.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 413-414.
(4) Latham, p. 41.
(5) PiTRÈ, 2, p. 260.
138 LA VIE HUMAINE
Au XVIP siècle, les fiévreux mordaient à jeun l'écorce
d'un arbre auquel ils avaient attaché un lien. Ce procédé
ne semble plus usité en France ; mais on inocule pour
ainsi dire le mal aux arbres en y creusant un trou dans
lequel on place les rognures d'ongles de celui qui est
atteint de la fièvre, et qui guérit parce qu'elle est enfer-
mée avec elles dans le trou soigneusement bouché. En
Ille-et- Vilaine on prescrivait au patient de monter dans
un tremble, d'entailler l'écorce avec un couteau, et de
sucer la sève en disant : « Tremble, tremble plus fort
que je ne tremble ! » (1)
En Portugal, le fébricitant met au pied d'un arbre
situé dans un lieu désert un peu de paille, un vieux
chifi^on, une goutte de vin dans un tesson, et des miettes
de pain, puis il dit trois fois : « Fièvre, fixe- toi à l'ombre
de cet arbre, au pied duquel j'ai mis de la paille pour
que tu te reposes, du pain pour que tu le manges, du
vin pour que tu le boives, et du linge pour que tu
t'essuies. » Il faut qu'il courre à sa maison sans parler
à personne; si quelqu'un s'empare de ces objets il prend
aussi la fièvre (2). Dans l'Albret, on va porter du pain
et du sel à une aubépine que l'on doit ainsi saluer :
« Adieu, buisson blanc, je te porte du pain et du sel
et la fièvre pour demain. » Le pain est piqué à une bran-
che fourchue, le sel répandu sur l'arbre ; l'opérateur
doit s'en aller par un chemin différent de celui par lequel
il est venu, et ne pas rentrer dans la maison par la même
porte (3)., En Allemagne, on se débarrasse de la fièvre
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 412, 414, 415.
(2) Leite, 1, p. 119-120.
(3) SÉBILLOT, 1, m, p. 415.
LES MALADIES 139
intermittente, de la goutte ou des verrues en les trans-
mettant à un pin, à un sureau, ou à ,un frêne, et en
prononçant certaines formules, telles que la suivante :
« Frêne, frêne, veuillez m' acheter cette verrue » (1). En
Ecosse vers 1820, celui qui souffrait de la jaunisse allait
trouver, de grand matin, une vieille femme qui se diri-
geait avec une certaine solennité vers un arbre, et elle
se livrait à de nombreuses incantations ; le patient mar-
chait en avant et en arrière autour de l'arbre dont on
jetait quelques branches dans la rivière pour y noyer la
maladie (2).
45. — Plusieurs pratiques médicales parallèles à
cellçs que l'on observe près des pierres ou des arbres
s'accomplissent autour des églises ou dans leur intérieur;
il est au reste vraisemblable que plusieurs de celles qui
s'y font actuellement y ont été transportées soit après
la destruction de mégalithes vénérés dans le voisinage,
soit après que des temples eurent été érigés sur leur
emplacement. Dans les Abruzzes les rhumatisants se
frottent sur la muraille de l'église dédiée à Saint-Pierre,
le jom- de sa fête (3). Vers 1860, on allait pour la gué-
rison des ophtalmies mettre le doigt dans un trou percé
dans le vantail gauche de la porte de Notre-Dame-du-
Blanc (Indre). Les fiévreux grattent avec un couteau le
mur de la chapelle Sainte-Barbe à Marolles-les-Buis
(Eure-et-Loir) et en avalent la poussière dans un verre
d'eau (4).
(1) Tylor, II, p. 195.
(2) Brand, III, p. 299.
(3) FiNAMORE, p. 171.
(4) SÉBILLOT, 1, IV, p. 139, 151.
140 LA VIE HUMAINE
Le rite antique de l'objet pointu enfoncé par celui
qui désire se débarrasser d'une maladie en la transmet-
tant à une chose, est parfois pratiqué sur les parties
extérieures des églises. Les femmes atteintes de névral-
gies faciales ou de maux â» tête vont ficher une de leurs
épingles à cheveux dans le plâtre de la muraille d'une
chapelle voisine de Nivelles (Brabant wallon) de cons-
truction récente et dédiée à N. D. de Lourdes ; à Fon-
tains-les-Guyon (Eure-et-Loir), c'est dans les portes de
la chapelle Saiat- Antoine que les pèlerins enfoncent
des épingles pour fixer le mal. En Bretagne où les
furoncles sont appelés clous, il est d'un fréquent
usage d'offrir au saint réputé pour les guérir, des clous
qui ne doivent être ni pesés ni comptés ; les patients
les déposent au pieds de sa statue, dans un trou du
mur, ou même sur l'autel, comme à la chapelle de Saint-
Laurent en Sion (Loire-Inférieure) ; lorsqu'elle était
fermée, ils jetaient leur offrande par les fentes de la
porte ou par les fenêtres (1).
Des fragments de parties d'églises constituent des
amulettes ; dans le Devonshire on portait pour la gué-
rison des maladies de poitrine un cœur fait d'un morceau
de plomb enlevé à la fenêtre de l'église (2) ; en Sicile, on
se met sur le dos pour être préservé de la rage, un
copeau détaché de la porte du sanctuaire de Saint-Vito
lo Capo. La déambulation numérique est aussi pratiquée
par les malades : jDour guérir la chorée appelée danse de
Saint-Vito, et qui est attribuée aux esprits, on faisait
le patient faire trois fois le tour de l'église de Saint -Léo-
Ci) SÉBILLOT, 1, IV, p. 138, 139.
(2) Black, 2, p. 90.
LES MALADIES 141
nard (1). Le triple tour est observé à l'église de Saint-
Georges près de Spa, par ceux qui souffrent des mots
d'oreilles, et avant de mettre ses membres dans les
trous guérissants voisins de la chapelle de Saint-Stapin
(Tarn) il fallait en faire neuf fois le tour. A Saint-Gilles
Pligeaux (Côtes-du-Nord), les malades font pendant la
messe le tour de l'église, les hommes portant un coq,
les femmes une poule, qui sont ensuite déposés comme
offrande (2). On promenait à minuit les épileptiques
autour de l'église de GodoKin, et on les amenait
ensuite devant l'autel (3).
L'observance qui consiste à entrer dans l'église par
une porte et à en sortir par une autre (cf. p. 113) semble
motivée, dans le sanctuaire sicilien de Saint-Vito, p'ar
une sorte d'animisme attribué au mal ; si après l'offrande
et la bénédiction d'usage, le pèlerin atteint de la rage
sort par la porte par laquelle il est entré, le mal qu'il a
laissé dans la chapelle le reprendra (4).
La corde de la cloche, dont le contact est utile en
matière d'amour ou de fécondité (cf. p. 6, 102), pré-
serve, dans les Abruzzes, de tout mal de dents ceux
qui la mordent pour la tirer (5).
Plusieurs opérations prophylactiques ou guérissantes
doivent être faites quand les cloches sonnent :
en Lusace, celui qui a des verrues s'en débarrasse en
les frottant au moment où il les entend, avec un objet
(1) PiTRÊ, 2, p. 304, 432.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 136, 137.
(3) Folk-Lore Record, V (1882), p. 177.
(4) PiTRÈ, 2, p. 303.
(5) FiNAMORE, p. 150.
142 LA VIE HUMAINE
ramassé par hasard à terre, pourvu qu'il dise : (c Verrue,
va dans l'église et n'en reviens pas » (1). C'est le samedi
saint que les cloches ont surtout de l'efficacité : dans les
Abruzzes on se préserve du mal de ventre en se roulant,
pendant tout le temps qu'elles sonnent le Gloria, sur la
terre, ou sur le pavé d'une ancienne église désaffectée
dans laquelle sont enterrés des morts. Dansle vald'Aoste
celui qui se lave les yeux dans une fontaine, à Modène
celui qui se les lotionne sans les essuyer n'en souffrira
pas de toute l'année (2).
Plusieurs actes de thérapeutie superstitieuse s'ac-
complissent à l'intérieur des églises. En Portugal pour
se déUvrer du mal donné, il faut, après s'être agenouillé,
ramasser le premier objet que l'on rencontre derrière
soi et le mettre dans le bénitier ; la personne qui a fait
le maléfice ne peut sortir avant qu'on ait tiré ce qui se
trouve dans le bénitier (3). En Devonshire pour se guérir
des convulsions, on faisait à minuit, trois fois le tour de
la table de communion ; en Sicile, on se débarrasse de
la transpiration des mains en les posant sur le grand
autel (4).
A Trapani on guérit l'arthritique en lui entourant
la taille d'une corde avec laquelle on a mesuré dans
toute sa longueur la statue de saint Liborio (5).
Le jour du pardon les personnes attaquées de douleurs
faisaient toucher leur mal par un jDetit saint Nicolas
(1) Mélusme, III (1886), col. 43.
(2) FiNAMORE, p. 123. SÉBILLOT, 1, IV, p. 147. RiCCARDI, p. 61.
(3) Pedroso, 1, n° 129.
(4) Black, 2, p. 89. Pitre, 2, p. 218.
(5) PiTRÈ, 2, p. 269.
LES MALADIES 143
de bois attaché à une corde à l'entrée de l'église de
Tredarzec (Côtes -du -Nord) ; à Auneau (Eure-et-Loir)
les pèlerins jiassent la main sur la statuette de saint
Maur en ayant soin de palper la partie de son corps
qui correspond au siège de leur mal (1).
Une étrange pratique relevée dans les Abruzzes est
fondée sur la croyance à la possibilité pour un vivant de
transmettre son mal à un mort ; celui qui souffre de
l'ictère entre en cachette dans l'égHse où est exposé un
cadavre, ouvre la bière et urine dessus, et si le cadavre
n'est pas visible, il fait cette opération sur le cou-
vercle de sa tombe (2).
La poussière des éghses possède des vertus thé-
rapeutiques ; on met au cou des fiévreux un sachet
contenant celle qui a été grattée avec les ongles
au dessous du tombeau de saint Gonery à Plougres-
cant (Côtes-du-Nord). Le malade atteint de fièvre, de
migraine ou d'épilepsie balayait ou faisait balayer la
chapelle de l'ancien château d'Elven (Morbihan) en
arrosant le sol avec de l'eau bénite ; cet acte commençait
avec la messe qui y était célébrée ; à la fin le balayeur
jetait au vent une p)oignée de poussière, et le malade
devait être guéri dans huit jours. A Blain (Loire-Infé-
rieure), les fiévreux se contentaient de nettoyer avec
un balai de genêt la chapelle de Saint-Roch (3).
Le bénitier joue un rôle considérable dans la guérison
des infirmités. En Sicile, on fait cesser la transpiration
des mains si, en entrant pour la première fois dans une
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 170. •
(2) NiNO, p. 160.
(3) SÉBILLOT, 1, IV, p. 150, 151.
144 LA VIE HUMAINE
église, on embrasse le support du bénitier, ou qu'on y
plonge la main, ou encore en se plaçant sous le piédestal
de celui d'une église neuve (1) ; en Portugal et en Poitou
il suffit de s'y laver les mains. Au pays de Liège, on se
débarrasse des verrues en plongeant la main dans le
bénitier, et en partant sans se retourner après avoir dit :
« Tiens, voilà pour celui qui viendra après moi. » En
Anjou, les maladies de la peau disparaissent lorsqu'on
les lave avec de l'eau prise dans le bénitier de trois
églises où le patient ne soit jamais entré, et il doit
rester dehors pendant que la personne qui l'accompagne
va puiser l'eau nécessaire à la lotion. En Haute-Bretagne,
il suffit pour guérir un panaris de le tremper dans le
bénitier de l'église paroissiale, et de faire avec le doigt
malade sept signes de croix sur la terre du cimetière.
En Saintonge, on se délivrait de la fièvre en prenant une
bonne lampée dans le bénitier la veille de Pâques ou de
la Pentecôte (2). A Madrid pour guérir un malade que
l'on suppose avoir été l'objet d'une malédiction, on
va puiser une tasse d'eau bénite dans trois églises diffé-
érentes, la première consacrée à un saint, la seconde à
une sainte, et la troisième à un saint, et on la fait boire
au patient. On en imbibe ensuite un des mouchoirs qu'il
porte habituellement ; on le met dans un coin, et à
mesure qu'il pourrit l'état du malade s'améliore. (3)
Dans le nord de l'Italie, on croit se mettre à l'abri
de tous les maux en buvant le samedi saint l'eau qui
vient d'être bénie, ou en se lavant la figure avec elle ;
(1) PiTRÈ, 2, p. 218.'^
(2) Revista Lusitana, VIII (1905), p. 276. Sébillot, 1, IV, p, 148.
(3) Olav.\rria, 1, p. 86-87.
LES MALADIES 145
dans les Abruzzes, chaque membre de la famille en boit
alors un peu comme préservatif de la fièvre et du mal de
ventre (1). En Sicile où l'épilepsie provient des esprits
qui se sont introduits dans le corps du malade, on lui
asperge le dos, et surtout le visage, avec de l'eau bénite
prise dans sept églises paroissiales, dédiées à des saintes(2).
Dans les Abruzzes on guérit le muguet en trempant
dans l'eau bénite un fil de laine écarlate, dont on se
frotte le dedans de la bouche (3).
(1) Giovanni, p. 80. Finamore, p. 123.
(2) PiTRÈ, 2, p. 434.
(3) NiNO. p. 125.
LE PAGANISME CONTEMPORAIN
CHAPITRE VII
La mort.
46. Opérations magiques pour l'aiie mourir. — 47. Conjurations synal-
lagmatiques. — 48. Messes sacrilèges et envoûtements. — 49.
Consultations pour savoir qui doit mourir. — .^0. Pour savoir si
le malade mourra.— ol. L'agonie. — o2. Apres la mort. — 53. La
veillée et l'ensevelissement. — 54. L'enterrement. — 55. Précau-
tions pour empêcher le mort de revenir à la maison. — 56. Consul-
tations sur sa destinée. — 37. Le voyage des morts. — 58. Visites
périodiques des défunts à la maison. — 39. Pénitences posthumes.
La mort n'est pas toujours pour le peuple la consé-
quence naturelle de la maladie, des accidents ou de la
vieillesse ; il croit qu'on peut la provoquer par des con-
jurations ou des opérations magiques dont la recette
est connue ; tantôt elles sont exécutées par celui qui
veut se débarrasser, sans avoir de démêlés avec la
justice, d'un parent ou d'un ennemi, tantôt il a recours
à des intermédiaires qui appartiennent au monde de la
sorcellerie.
Les pratiques encore en usage sont nombreuses, et
nous n'en connaissons vraisemblablement qu'une faible
partie ; car elles sont presque toujours clandestines, et
le secret n'est pas seulement une mesure de prudence,
mais souvent la condition essentielle pour la réussite.
46. — En Haute-Ecosse on emploie, pour faire mourir
celui que l'on juge vivre trop longtemps, une formule
magique dont le sens est assez obscur ; il suffit de lui
LA MORT 147
crier trois fois par le trou de la serrure : « Voulez-vous
venir ou voulez-vous vous en aller ? ou voulez-vous
manger la chair des grues ? » (1)
Ordinairement des objets matériels servent à rendre
efficaces des opérations d'autant plus redoutables que
la victime, bien qu'elle soit en contact avec eux, est
loin de soupçonner leur malfaisance. Plusieurs sont en
relation analogique avec le séjour des trépassés : en
Portugal on peut amener la mort d'une personne en lui
faisant manger, sans qu'elle le sache, de la terre de
cimetière (2). Elle figure, associée à d'autres ingrédients,
dans un maléfice du Finistère : l'opérateur porte au cou,
pendant neuf jours consécutifs, un sachet qui lui a été
remis par un sorcier, et qui contient un peu de terre du
cimetière, de la cire vierge, une araignée et des rognures
d'ongles ; il le place dans un endroit où l'on présume
que passera celui dont la mort est désirée ; si celui-ci
le ramasse croyant avoir trouvé une bourse, et s'il
l'ouvre, il mourra dans les douze mois. En d'autres
endroits de Bretagne, on met aussi, aux mêmes inten-
tions coupables, sous un lit de la maison, une écuelle
contenant du sable de cimetière, trois coques d'œufs
frais pondus par trois poules différentes, deux épingles
en croix et des fragments de reliques (3). Les sorciers
des Hautes- Vosges font sécher sur pied l'homme le plus
vigoureux en déposant, avec des mots magiques, trois
clous de cercueil dans la fontaine où il puise son eau (4).
(1) Campbell, 1, p. 240.
(2) Pedroso, 1, n° 233.
(3) Le Braz, I, p. 155-157, 159,
(4) SÉBILLOT, 1, II . 294.
148 LA VIE HUMAINE
Dans la Vienne une fleur de nielle offerte par une
vieille femme peut faire mourir une jeune fille si la tige
est coupée ou cassée par le milieu ; en Haute-Bretagne
on accrochait jadis une fleur de digitale à chacun des
dards d'une croix d'épines ; celui auquel on parvenait
à la faire baiser ne tardait pas à succomber (1).
En Allemagne les sorcières découpaient un morceau
de gazon de la longueur d'un pied sur le sol où leur
ennemi venait de marcher, et elles le suspendaient
dans la cheminée ; il dépérissait et mourait quand il
était sec (2).
Certaines veuves de l'île de Sein se chargent de vouer
à la mort, dans un délai déterminé, l'homme qui leur a
été désigné, à moins qu'il n'ait auparavant réparé le
dommage qu'il a fait. La vieille doit se rendre trois fois
au sabbat de mer, accroupie sur ses talons dans son
panier à goémon qui lui sert de bateau, et chaque fois
elle remet au démon du vent et de la mer un objet ayant
appartenu à celui qu'il s'agit de faire disparaître (3).
47. — Une conjuration à mort,qui semble particulière
aux pays celtiques, constitue une sorte de jugement de
Dieu, et elle atteint le conjuré ou le conjureur, suivant
que l'un ou l'autre est coupable. En Irlande, elle se
faisait naguère sous une forme presque purement
païenne : la personne qui avait été calomniée ou lésée
retournait, en disant quelque prière, une grosse pierre
ronde placée près de la fontaine de Thubber Enue ; la
conséquence de cet acte était la mort de l'auteur du
(1) SÉBn-LOT, 1, III, p. 481.
(2) Grimm, IV, p. 1798, n» 524.
(3) Le Braz, I, p. 175-177.
LA MORT 149
tort, quel qu'il fût (1). En Bretagne c'est à un saint que
l'on s'adresse. Lorsque la chapelle de Saint-Yves-de-
Vérité, près de Tréguier, était encore debout, les Bas-
Bretons qui voulaient vouer quelqu'un à saint Yves
glissaient un liard dans le sabot de la personne dont ils
souhaitaient la mort. Ils faisaient à jeun, le lundi, trois
pèlerinages à la chapelle, et secouaient la statue du
saint en disant : « Tu es le petit saint de la Vérité, je te
voue un tel. Si le droit est pour lui, condamne-moi.
Mais si le droit est pour moi, fais qu'il meure dans le
délai rigoureusement prescrit. » Il fallait déposer comme
offrande aux pieds du saint une pièce de dix-huit deniers
marquée d'une croix, réciter à rebours les prières habi-
tuelles et faire trois fois le tour de l'oratoire, sans tourner
la tête (2). Dans le centre de la Bretagne française,
lorsqu'il y a contestation entre deux individus pour une
chose grave, l'un d'eux jette un sou par terre devant
son adversaire pour l'ajourner devant saint Yves-de-
Vérité ; celui qui a menti ou qui a tort meurt dans
l'année (3). Cette adjuration est aussi, en cette même
région, suivie d'un pèlerinage : la personne qui ne peut
obtenir la réparation d'un préjudice prévient son adver-
saire en jetant à ses pieds une pièce de monnaie, qui
doit être ramassée par celui-ci ; elle se rend ensuite
à pied à la chapelle de Saint -Yves ; elle s'y prosterne
sitôt arrivée, jette trois fois par terre une pièce à l'effigie
de la croix, en récitant des oraisons spéciales, puis elle
fait au saint une offrande proportionnée au temps qui
(1) MOONEY, p. 154.
(2)LeBraz, I, p. 162-163.
(3) Sébillot, 3, p. 190.
150 LA VIE HUMAINE
doit s'écouler entre l'adjuration et la mort de son
ennemi. A partir de ce moment, celui qui a des torts,
fût-ce celui qui a adjuré, se tourmente, perd le sommeil
et l'appétit, et finit par s'en aller de langueur (1). Dans
la Cornouaille, où peut-être autrefois on s'est adressé
à un saint, on récitait le psaume 109, dont on appliquait
les malédictions à la personne qui était coupable (2).
48. — Les messes qui, dans l'intention de ceux qui
les payaient, étaient destinées à provoquer la mort d'une
personne déterminée, ont été célébrées en plusieurs
pays. Vers 1830 lorsqu'un débiteur était de mauvaise
foi et, qu'n avait nié par serment une dette ou un dépôt,
des Bretons des Côtes-du-Nord disaient qu'ils iraient
porter vingt sols à un prêtre, pour une messe à saint
Yves-de-Vérité, persuadés qu'ils étaient qu'à la suite
le coupable devait mourir dans l'année (3). Dans plu-
sieurs parties de ce département des paysans en font
encore dire pour obtenir la mort d'un parent ou d'un
ennemi, mais ils se gardent de révéler au célébrant
leurs coupables pensées (4).
Ces cérémonies sacrilèges semblent avoir été relati-
vement communes dans le sud-ouest de la France.
D'après une superstition répandue anciennement en
Béarn et en Gascogne, pour se venger d'un ennemi, il
suffisait de faire prononcer contre lui V esconminje, l'ex-
(1) Revue des Trad. pop. III (1888), p. 140.
(2) BOTTRELL, II, p. 229.
(3) Habasque I, p. 88. n. Il se trouve, ajoute-t-il, à ce qu'on dit
des prêtres pour célébrer cette messe ; quant à moi, j'ai peine à le croire.
(4) Revue des Trad. pop. XXII (1907), p. 245. On a tout récemment
prêché contre ces messes.
LA MORT 151
communication, dont l'effet devait être le dépérissement
de la personne anathématisée ; le prêtre, portant l'étole
et la chape noire, récitait douze séries d'imj)récations,
à la lumière de douze cierges de cire noire, qu'on étei-
gnait l'un après l'autre. En Gascogne, la messe de
saint Sécaire avait pour but de faire « sécher » peu à peu
celui à l'intention duquel elle était dite ; les curés qui
la savaient étaient rares, et il n'y avait à se charger de
la célébrer que les mauvais prêtres. Elle ne peut être
dite que dans une église où l'on ne peut s'assembler
parce qu'elle est moitié démoUe, ou parce qu'elle a été
profanée : l'officiant amène sa maîtresse pour lui servir
de clerc ; au premier coup de onze heures, la messe com-
mence par la fin et continue tout à rebours, pour finir
juste à minuit. L'hostie est noire et a trois pointes, le
prêtre ne consacre pas de vin, il boit de l'eau d'une fon-
taine où on a jeté le corps d'un enfant mort sans bap-
tême, le signe de la croix se fait toujours par terre avec
le pied gauche. Cette messe se disait, paraît-il, dans la
Gironde et coûtait de 25 à 50 francs ; en Saintonge, on
payait aussi fort cher les messes à l'envers. Dans le
Bigorre, la messe de mile-mort qui est surtout célébrée
contre les usuriers, provoque une agonie longue et
douloureuse ; après une messe de sento Sécairo , le
jeune homme qui n'épouse pas la jeune fille qu'il a
séduite, ou la jeune âUe volage mourra de consomp-
tion (1).
A Marseille, on jette, après une prière de malédiction,
une fève de marais bien sèche dansla lampe du sanctuaire ;
dès qu'elle commence à se gonfler, celui qui a été ana-
(1) SÉBiLLOT 1, IV, p. 238-239.
152 LA VIE HUMAINE
thématisé tombe malade, et le jour où elle se fend il
meurt (1).
D'autres procédés qui se rapprochent plus encore de
l'envoûtement, sont toujours en usage. Dans le
Bocage normand, on remplit avec des gouttes de
rosée, recueillies à l'aurore sur une épine noire, un
morceau de la coque d'un œuf de coq, et on l'expose
aux rayons du soleil; lorsque l'astre du jourabu la rosée,
celui à l'intention duquel a été confectionné ce maléfice
est frappé d'un mal inconnu, et, malgré tous les remèdes,
il dépérit lentement. On croit en d'autres régions de
Normandie qu'on peut, en remplissant de rosée une
coquille non entièrement brisée dont une personne a
mangé l'intérieur, et en la posant sur une épine blanche,
la faire mourir à bref délai; en Vendée, le jeteur de sort y
introduit un liquide mortel ; en Wallonie, les sorcières y
déposaient une mèche de cheveux de la victime (2).
Dans le pays de Modène, on attache un crapaud à
une ronce avec des cheveux de celui qu'on veut maléfi-
cier; quand la bête est morte, la persomie devient malade
et succombe ; si le crapaud réchappe, c'est signe que
le patient, avisé de la sorcellerie, a fait la conjuration
contraire (3). En Portugal, on crible d'épingles la tête
d'un crapaud, et celui qui est visé par cette opération
ressent avant de mourir toutes les douleurs que souffre
la bête (4) ; dans les Asturies on enfonce, en récitant une
conjuration, beaucoup d'épingles dans le cœur enlevé
(1) Régis, p. 280.
(2) SÉBILLOT, 1, III, 'p. 231-232»
(3) RiccARDi.'p. 55.
(4) Pedro so, 1, n» 439.
LA MORT 153
à une poule noire vivante (1). Les sorciers du Loiret
lardent avec une aiguille un cœur de bœuf, en pronon-
çant le nom de celui qui doit mourir (2). Dans les Ar-
dennes on cache un cheveu de son ennemi dans un foie
de bœuf que l'on suspend à la cheminée ; quand il est
pourri, l'homme meurt (3). En Sicile, celui qui veut se
venger d'un homme ou d'une femme tire de sa poche,
au moment précis de l'élévation à la messe de minuit,
une orange qui a été au préalable charmée par la sor-
cière, l'entame, en coupe un petit morceau, et y enfonce
des épingles en disant à chaque fois qu'il en fiche une :
(( Autant d'épingles j'enfonce dans cette orange, autant
de douleurs aiguës puissent accabler N..., autant de
maux puissent s'abattre sur N. » L'orange est ensuite
jetée dans un puits, dans une citerne ou dans un
égout. Cette opération amenait la mort, de même que
celle qui consistait à ficher des clous dans un citron, et
à le lancer à la mer; si l'on ne retrouvait pas le fruit
intact, la conjuration ne pouvait être détruite, et celui
qui en était l'objet expirait dans d'atroces douleurs (4).
Dans la Gironde, pour faire mourir son ennemi à
petit feu, on met, à une heure de l'après-midi, deux
feuilles de laurier en croix, maintenues au moyen d'une
épingle; tous les jours à la même heure, on pique cette
croix de deux épingles l'une en long, l'autre en large, en
disant: «Je te pique au cœur pour le mal que tu me fais.»
Lorsque la croix est garnie d'épingles, on va la jeter dans
(1) Arivau, p. 255.
(2) Rolland. V, p. 98.
(3) Meyrac, p. 177.
(4) PiTRÈ, 1, IV, p. 129-130.
154 LA VIE HUMAINE
un cours d'eau, et la personne contre laquelle est fait le
maléfice ressent au cœur des douleurs infinies et meurt.
A Marseille, on garnit une pomme d'épingles, comme
une pelote ; autant de piqûres faites au fruit, autant de
blessures faites au cœur de l'ennemi. A Liège, c'est dans
un oignon placé dans la cheminée que l'on enfonce
treize épingles, et on allume une chandelle dans laquelle
on en a fiché pareil nombre ; l'amant volage dépérit
à mesure que l'oignon se dessèche ou que la chandelle
brûle (1). A Paris on allume soit à la maison, soit à l'église,
un cierge dans lequel on a introduit trois aiguilles ou trois
épingles ; si toutes les trois tombent pendant l'opération,
la personne visée meurt au bout de trois semaines, de
trois mois ou de trois ans. Dans la Gironde on peut faire
sécher son ennemi en allumant un cierge dans la pre-
mière éghse venue, et en disant, tant qu'il brûlera, le
Pater, Y Ave, le Credo, et d'autres prières à rebours (2). A
Liège, la jeune fille délaissée grave son nom et celui de
son amant sur une noix de muscade autour de laquelle
elle enroule des cheveux du volage, et elle l'enterre sous
les racines d'un sapin ; plus la sève fait pousser la noix, plus
le trompeur devient amoureux de la fille, mais si celle-ci
ne veut plus l'aimer à son tour, il ne tarde pas à mourir (3) .
On retrouve encore en plusieurs points de l'Europe le
procédé magique usité chez un grand nombre de peuples
et à des époques différentes et qui consiste à détériorer
ou à détruire une image qui représente celui auquel on
veut nuire ou qu'on veut tuer, et qui doit souffrir, quand
(1) SÉBiLLOT, 1, III, p. 392-393 ; IV, p. 155.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 155.
(3) HocK, p. 214.
LA MORT 155
elle souffre, et mourir quand elle périt (1). A Paris, il
s'est modernisé : des femmes, surtout de celles du
monde galant, remettent une photographie de celui
qu'elles désirent vouer aux souffrances ou à la mort,
à quelque cartomancienne ; celle-ci prononce de ter-
ribles malédictions , puis elle-même , ou sa cliente ,
enfonce des épingles dans les diverses parties du corps, ^
suivant la gravité du mal qu'elle veut causera l'original.
L'envoûtement sous des formes plus classiques est
pratiqué dans les paj^s celtiques des îles britanniques,
et les opérations sont assez variées. Dans le nord de
l'Ecosse, on fait une petite figure de cire de forme
humaine, et on la place devant le feu de façon à ce
qu'elle fonde rapidement ; celui qu'elle représente
dépérit et meurt. L'image est plus souvent modelée
avec de l'argile, criblée d'épingles, et mise sur le foyer
parmi les cendres chaudes ; à mesure qu'elle durcit et
éclate en morceaux la maladie ronge la vie de la victime (2).
Dans le Devonshire, elle est baptisée au nom de la
personne qu'elle est censée représenter, lardée d'épingles
et brûlée (3). Dans l'île d'Islay, où parfois on brûle
aussi la poupée sur une porte enlevée de ses gonds, ce qui
cause au patient des tortures affreuses, on prononce en
piquant les épingles une longue incantation qui com-
mence ainsi : « Comme vous vous décomposez, puisse-
t-il se décomposer ; comme ceci vous blesse, puisse ceci
le blesser « (4). Dans les Highlands l'opérateur après
(1) Frazer, I, p. 513.
(2) Gregor, 1, p. 34.
(3) Henderson, p. 228. n. »
(4) Fra er, I, p. 13.
156 LA VIE HUMAINE
avoir murmuré une malédiction appropriée sur la
figurine d'argile, la place dans un ruisseau qui coule
vers l'est, avec l'idée que le corps de la victime dépérit
dans la proportion exacte de ce que l'eau emporte de son
argile ; si l'on désire une mort soudaine, le corp creadh
est placé dans un courant rapide ; si on désire une mala-
die lente et douloureuse, on le dépose dans des eaux
comparativement tranquilles, après avoir enfoncé des
épingles et des clous rouilles dans la poitrine et les
parties vitales de l'image. Si elle est découverte dans
l'eau avant que la victime ait succombé, celle-ci
recouvre la santé, et tant que la figurine est intacte,
elle est à l'abri de tout maléfice (1).
Les sorcières opéraient parfois dans une chapelle :
un homme y ayant vu trois vieilles occupées à piquer
des épingles dans une figurine d'argile, reconnut qu'elle
lui ressemblait et que c'était lui qui était l'objet du
maléfice ; il n'en restait qu'une à enfoncer dans le cœur
pour causer sa mort, lorsqu'il entra, arracha toutes
celles déjà piquées, et le mal qu'il ressentait se dissipait
à mesure qu'il les ôtait (2).
C'est aussi dans une chapelle que se prépare « l'en-
terrement de la gerbe » qui était naguère pratiqué dans
le comté d'Argyll. L'opérateur disait certaines prières
en tournant le dos à l'autel, puis il donnait à une gerbe
de blé la forme d'un corps humain, enfonçait des épingles
dans les nœuds de la paille, qu'il tordait parfois en forme
de cœur. Il enterrait la gerbe au nom du diable, près
de la maison de son ennemi, qui devait dépérir à mesure
(1) Folk-Lore Journal, II (1884), p. 220.
(2) Campbell, 2, p. 47.
LA MORT 157
qu'elle se dissolvait, et mourir quand elle serait décom-
posée. S'il voulait lui causer la mort à bref délai, il l'en-
terrait dans un endroit humide, et dans un terrain sec
s'il voulait le faire languir (1). Dans les Highlands c'était
un morceau de bois criblé d'épingles que l'on enterrait ;
si on pouvait le découvrir et enlever les épingles, le
maléfice devenait impuissant (2).
49. — De nombreuses ordalies ont pour but de
connaître celui qui doit mourir dans un certain délai.
Naguère, à Saint- Jean-Trolimon (Finistère), il était
d'usage, au commencement de l'année, de beurrer au-
tant de tartines qu'il y avait de personnes dans la maison.
Le chef de la famille les lançait en l'air une à une, en
prononçant le nom de tout le monde, y compris le sien ;
Chacun se baissait pour ramasser sa tartine ; celui qui
trouvait la sieime renversée sur le côté beurré était sûr
de mourir dans l'année (3). A l'île de Man, c'est la maî-
tresse de maison qui, le 12 novembre, remplit de sel un dé
dont elle verse le contenu sur une assiette, de façon à
former un petit tas ; elle en fait un pour chacun des
membres de la famille et pour les hôtes, s'y il en a.
Le lendemain elle considère attentivement les tas sur
l'assiette qui n'a pas été remuée ; celui dont le tas est
écroulé doit mourir avant l'année révolue (4).
Ces deux consultations sont faites, au nom d'une
collectivité, par une personne qui semble, probablement
en vertu de croyances anciennes, avoir seule qualité
(1) Folk-Lore, VI (1895), p. 302.
(2) Campbell, 2, p. 49.
(3) Le Braz, I, p. 70.
(4) Rhys, l, p. 318.
158 LA VIE HUMAINE
pour y présider. Bien que les écrivains qui ont parlé
des deux rites qui suivent aient omis de noter cette
circonstance, il est probable que la partie essentielle en
était aussi accomplie par le chef de la maison. Au
commencement du XVIF siècle, on faisait dans certair^es
paroisses de Basse-Bretagne, le premier jour de l'an, à quel-
ques fontaines, des offrandes d'autant de pièces de pain
qu'il avait de personnes dans les familles, jugeant de
ceux qui devaient mourir dans cette année-là, par la
manière dont ils voyaient flotter les morceaux de pain
jetés en leur nom. Vers 1850, on se souvenait encore à
Locronan des détails de cette pratique : on posait sur
l'eau des fontaines un morceau de pain beurré pour
chaque membre de la famille ; si le côté beurré se tour-
nait en dessous, c'était le trépas pour celui auquel le
morceau avait été attribué (1). Dans le pays de Mo-
dène, l'interrogation se fait au moyen de l'eau mise
dans une écuelle neuve, la veille de l'Epiphanie, sur le
toit de la maison par une personne qui a jeûné : elle se
glace pendant la nuit, et le matin on regarde les cris-
tallisations ; si l'on y voit une croix, une barre, c'est
un indice de mort pour quelqu'un de la famille (2). A
Naples, on tire aussi des présages, à d'autres époques
de l'année, de la forme que prennent des morceaux
d'étain en fusion, que l'on jette dans l'eau froide (3).
Dans la Cornouaille, on pose le soir sur la pierre du
foyer un vase rempli d'eau de source, où l'on met
autant de feuilles de lierre qu'il y a de personnes
(1) SÉBiLLOT, 1, II, p. 244-245.
(2) RiCCARDI, p. 34.
(3) Amalfi, p. 23.
LA MORT 159
dont on veut connaître la destinée, celles qui le lende-
main sont devenues noires annoncent une mort pro-
chaine, avant la douzième nuit au plus tard; la mort
sera violente si elles sont tachées de rouge (1). Dans le
Dorset celui qui, le premier, regarde le matin de Pâques
dans la fontaine de Saint-Augustin y voit l'image de
ceux qui mourront dans l'année (2).
Le foyer sert à des ordalies collectives ; dans le pays
de Modène la ménagère observe la crémaillère le matin
de Noël ; si elle a le bec tourné vers la chambre, le chef
de la maison mourra dans l'année, s'il est tourné de côté
ce sera quelqu'un de la famille, s'il est tourné vers le
mur de la cheminée, il n'y aura aucun décès (3). En
Angleterre, on répandait des cendres sur le foyer la
veille de la Saint-Marc, et l'on y voyait le lendemain
l'empreinte du pied de la personne qui devait mourir
dans les douze mois (4) ; à l'île de Man, les femmes les
piétinent avant de se mettre au lit, et si le matin des
pas sont dirigés vers la porte, c'est un présage de mort
pour quelqu'un de la maison (5). La cendre que laisse
la paille du lit du défunt, brûlée sur la route, est aussi
consultée ; dans le Northumberland si on y voit une
empreinte de pied qui corresponde à celle d'un membre
de la famille, c'est lui qui mourra le premier (6); dans
les Vosges, si la pointe du pas est tournée vers une habi-
(1) BOTTRELL, II, p. 284.
(2) Folk-Lore, X (1899), p. 480.
(3) RiccARDi, p. 33.
(4) Brand, I, p. 193.
(5) Rhys, I, p. 318.
(6) Balfour, p. 55-56.
160 LA VIE HUMAINE
tation, le présage est mauvais pour l'un de ceux qui y
demeurent ; la flamme indique aussi par sa direction
l'endroit où la mort viendra frapper (1).
En quelques paroisses de Basse-Bretagne, lorsque le
feu de la Saint-Jean a fini de flamber, les assistants en
font trois fois le tour en silence, puis chacun ramasse
à terre un caillou et le jette dans le feu ; les morts
viennent s'asseoir dessus pour se chauffer, et le lendemain
les vivants regardent les pierres ; celui dont le caillou
a été retourné mourra dans l'année (2).
Les consultations sont aussi faites par l'intéressé lui-
même : dans plusiem's parties du Finistère, on retrouve
encore le parallèle de l'épreuve faite anciennement au
moyen du pain : le jour du pardon, on pose sur l'eau
des fontaines une croix faite de deux ramilles de saule ;
si elle flotte, la mort de celui qui interroge le sort ne
tardera guère. A d'autres sources de la même région,
le présage est tout contraire, et l'on est d'autant plus
menacé que la croix s'enfonce plus rapidement (3).
On tirait le même augure de la palme disposée en
croix que l'on jetait autrefois le jour des Rameaux, dans
une fontaine de l'est de la Cornouaille*(4). Dans le pays
de Pont -l'Abbé, si l'épingle placée sur l'eau tombe
sur la pointe, coule au fond et s'y plante, c'est un présage
de mort (5).
Le cristal des fontaines constitue aussi une sorte de
(1) Sauvé, p. 301. Rich \rd, p. 112.
(2) Sébillot, 1, II, p. 244.
(3) Le Braz, II, p. 112-113.
(4) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 91.
(5) SÉBILLOT, 1, II, p. 244.
LA MORT 161
miroir magique : celui qui veut savoir combien de temps
il lui reste à vivre, va se pencher, la première nuit de
mai, au coup de minuit, sur la Feunteun-an-Ankou
(la fontaine de la mort) à Plouégat Guerrand; s'il
doit mourir sous peu, au lieu de son image vivante,
c'est la tête qu'aura son squelette qui lui apparaîtra (1).
La veille de la Noël, beaucoup de paysans Modénois
en se levant de table, regardent par dessus leur épaule,
et s'ils voient l'ombre de leur corps projetée en partie
seulement sur le mur, ils en tirent le présage de leur mort
dans l'année : ils n'ont rien à craindre si elle est
entière (2). En Allemagne, c'était celui dont l'ombre
n'avait pas de tête qui devait mourir dans l'année (3).
Dans les Highlands, celui qui veut connaître sa des-
tinée, ferme les yeux, va au bout de la maison, et c'est
alors seulement qu'il les ouvre ; s'il voit un homme bê-
chant ou retournant la terre, sa tombe sera creusée
avant l'année révolue ; s'il aperçoit un canard ou- une
poule la tête sous les ailes, il est également menacé, et
plus il en verra dans cette attitude, plus prompte et plus
certaine sera sa mort (4).
Une autre façon d'interroger l'avenir, usitée dans les
parties reculées des Highlands, consiste à se rendre sans
être vu, dans un champ dont les sillons sont tracés
du sud au nord; le consultant y entre par l'ouest,
franchit lentement onze sillons et s'arrête au milieu
du douzième; s'il y entend des plaintes étouffées, ou
(1) SÉBILLOT, 1, II. p. 244.
(2) RiccARDi, p. 33.
(3) Grimm, IV, p. 1779, n» 55.
(4) Campbell, p. 1. p. 260.
162 LA VIE HUMAINE
de faibles gémissements, sa mort est prochaine (1).
Suivant une superstition, que l'on rencontre dans un
des poèmes du Renart, le coucou est interrogé pour sa-
voir combien l'on a d'années à vivre, et en nombre de
pays on lui adresse des formules rimées; autant de fois il
répète son cri, autant d'années on a à vivre (2).
On peut aussi connaître ceux qui doivent trépasser
dans l'année en se rendant à l'église ou au cimetière lors
de certaines fêtes ; en Basse-Bretagne, les morts de
l'ossuaire nomment, la nuit de la Toussaint, ceux qui
doivent mourir pendant cette période, ou bien les âmes
viennent auprès à minuit, crier leur nom; quelquefois, c'est
le dernier décédé qui, pendant la messe de minuit de Noël,
le révèle à celui qui a eu le courage de se blottir dans le
charnier. A Aurillac, la nuit du deux novembre, les spec-
tres de ceux de la ville qui trépasseront avant l'anniver-
saire, traversent un à un le porche de l'église de saint
Géraud (3). En Allemagne et en Angleterre, c'est la nuit
de la Saint-Marc que cette apparition se montre à ceux
qui se sont rendus sous le porche de l'égUse (4). Vers
1830, dans le Sufïolk celui qui veillait à la porte voyait
marcher dans l'église, à minuit, ceux qui dans le cours
de l'année devaient mourir ou éprouver une dangereuse
maladie ; ceux destinés à succomber y restaient, alors
que ceux qui devaient recouvrer la santé en sortaient,
après un séjour proportionné à la durée de leur maladie
(1) Miller, p. 66.
(2) SÉBiLLOT, 1, III, p. 200. Arivau, p. 252.
(3) SÉBILLOT, 1, IV p. 131-132.
(4) Grimm, IV, p. 1026, n» 1108. Brand, I, p. 332, III, p. 236.
Balfour, p. 55.
LA MORT 163
future (1) .A Saint-Briavel,la nuit du premier de l'an, entre
onze heures et minuit ou une heure, on voyait se promener
dans le cimetière ceux qui devaient mourir dans l'année (2).
Des apparitions que celui qui les voit n'a pas provo-
quées présagent sa propre mort ou celle d'une personne
de sa connaissance. En Basse et en Haute-Bretagne,
on croit que le char de la Mort va à la porte de ceux
qui sont pour mourir, et que le bruit de son essieu an-
nonce un décès prochain dans le voisinage (3). En
Irlande dans le comté de Lout on connaît un char de
la mort (4), qui n'est pas dangereux comme celui qui,
à Penzance dans la Cornouaille, traîné par des chevaux
sans tête et conduit par un cocher acéphale, annonçait
sa mort à bref délai à celui qui le rencontrait (5).
Quelquefois on voit à l'avance l'enterrement d'une
personne vivante, mais qui ne doit pas tarder à mourir (6).
On raconte en Ecosse, qu'un homme ayant accom-
pagné jusqu'au cimetière un convoi rencontré la nuit,
demanda quel était celui dont on faisait les obsèques :
« C'est toi », lui fut-il répondu (7).
En Ecosse, il peut être donné de voir plusieurs jours
avant son trépas, à la place qu'il occupera enveloppé
dans son linceul, un homme qui doit 'mourir (8).
(1) GURDON, p. 32.
(2) Folk-Lore, XIII, (1902), p. 174.
(3) Sébillot, 1, I, p. 152-158.
(4) Folk-Lore, X (1899), p. 119, 122.
(5) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 107.
(6) Sébillot, 1. I. p. 151-152.
(7) Campbell, 2, p. 157.
(8) Folk-Lore Journal, VI (1888), p. 239-240.
164 LA VIE HUMAINE
Dans le nord de T Irlande, le Fetch est un esprit qui
prend l'aspect d'une personne particulière. Il n'appa-
raît pas à celui dont il a pris la ressemblance, mais à un
de ses amis. S'il se montre le matin, c'est le présage d'une
longue vie ; après le coucher du soleil, il annonce la mort
prochaine ; à la nuit close la mort immédiate (1).
50. — Les consultations pour savoir si une personne
malade gravement doit guérir ou succomber sont très nom-
breuses. L'épreuve par le flottement du Hnge ayant
appartenu au patient consiste à l'étendre sur les eaux des
fontaines réputées pour leurs vertus, et dont quelques-unes
ont même cette spécialité ; s'il surnage, le malade est
d'ordinaire certain de guérir; s'il va au fond, sa mort est
proche. Cette ordahe, assez courante en Wallonie, a été
relevée en nombre de pays de France (2). Elle est aussi
usitée dans le Yorkshire ; à la fontaine de saint Oswald
où l'on procédait comme en France, on attachait en
offrande à la sainte un morceau du vêtement aux buis-
sons voisins, et en 1876, on s'adressait encore à plusieurs
fontaines dites Ragwells, fontaines aux chiffons (3).
Dans le pays de Galles, suivant le côté par lequel
s'enfonçait le vêtement posé sur les eaux de la fontaine
de Gwynned, on tirait des présages de vie ou de mort (4).
La fontaine de Saint- André dans l'île de Lewis était
aussi consultée : on envoyait quelqu'un puiser de l'eau
avec une coupe de bois destinée au patient ; si posée
délicatement sur l'eau, eUe tournait de gauche à droite
(1) Carleton, I, p. 100, n.
(2) SÉBiLLOT, II, p. 245-248.
(3) GuTCH, p. 26-27, 34.
(4) Rhys, I, p. 365.
LA MORT 165
OU du côté du soleil, ils en concluaient qu'il recouvre-
rait la santé (1).
En Irlande, on jette par dessus l'épaule gauche neuf
pierres lisses prises dans un torrent, et on les place
ensuite dans un feu de tourbe où elles doivent rester
toute la nuit ; " si le lendemain quand on les choque,
elles rendent un son clair comme un son de cloche, la
maladie aura une issue fatale (2).
En Ecosse, les amis d'un malade demandent à un
homme doué de seconde vue de venir le matin, de fer-
mer les yeux, et de ne les ouvrir que lorsqu'il sera par-
venu au bout de la maison; s'il voit des canards avec
la tête sous leurs ailes, le malade mourra à bref délai (3).
Quelquefois le patient lui-même est employé comme
agent de consultation pour sa propre destinée ; on creuse
deux trous, l'un pour la mort, l'autre pour la vie, et on
retend entre les deux, sans qu'il sache la destination
qui leur est assignée ; s'il tourne la tête vers le trou de
vie, il est assuré de guérir, dans le cas contraire, il
mourra (4),
On a aussi pratiqué la divination par les cierges
allumés dans les églises ; en Basse- Bretagne, on en po-
sait cinq pour la mort, et cinq pour la vie, des deux
côtés de l'autel de saint Abibon ; si ceux de la vie s'étei-
gnaient d'abord, le malade devait siiccomber (5). On avait
donné les noms de saint Langui, saint Vivra, saint Mort
(1) Brand, II, p, 383. Folk-Lore, XI (1900), p. 446 n.
(2) Wilde, p. 206.
(3) Campbell, 2, p. 204-205.
(4) Gregor, 1, p. 204-205.
(5) Boucher de Perthes, p. 227.
166 LA VIE HUMAINE
à trois statuettes de bois que l'on voyait dans les vieilles
églises d'Épinal, et de Remiremont, devant lesquels on
allumait un bout de cierge ; le sort de celui qui était
l'objet de la consultation était indiqué par celui qui
s'éteignait le premier. (1)
51. — Lorsque le malade est sur le point d'entrer
en agonie, les esprits infernaux dont la puissance est
grande pendant la nuit, s'efforcent de priver le moribond
des secours du ]5rêtre : en Basse-Bretagne, il faut, quand
on va le chercher de dix à deux heures, être deux, )ii plus
ni moins, pour ne pas être exposé à leurs entreprises (2) ;
en Toscane, le prêtre ne doit pas être seul lorsque le
voyage a lieu de minuit à l'aube, parce qu'il pourrait
rencontrer le diable qui, en lui faisant peur, l'empêche-
rait de secouru' promptement l'âme qui a besoin de lui (3),
Dès que se manifestent les symptômes d'une agonie
prochaine, on accomplit à la maison un certain nombre
d'actes qui, bien que christianisés, conservent des traces
de croyances anciennes. L'usage d'allumer des cierges est
général dans les pays catholiques, et il en est que l'on
garde spécialement pour cette circonstance. En Sicile, ils
sont au nombre de neuf, qui ont été bénis à raison d'un
chaque année dans une église, en l'honneur de saint Michel
archange, après un jeûne en l'honneur des sept chœurs des
anges (4). Dans les îles d'Irlande, on allume douze roseaux
autour du lit de l'agonisant joour empêcher le diable de
venir prendre son âme, car aucun être malfaisant ne peut
(1) Ric ARD, p. 258-258.
(2) Le Braz, II, p. 69.
(8) GUBERNATIS, 1, p. 18.
(4) PiTRÈ, p. 207.
LA MORT 167
franchir un cercle de feu (1). En Anjou, la bougie que
l'on tient devant les yeux du mourant a aussi pour but
d'éloigner le diable (2). C'est pour faciliter la séparation
de l'âme d'avec le corps qu'en Basse-Bretagne on trace
un signe de croix au-dessus du visage du moribond
avec une chandelle bénite (3).
En Berry, on s'abstient de moucher le cierge ou la
chandelle que l'on a placé près du lit dès les premiers
moments de l'agonie, afin que l'âme s'y brûle moins
facilement (4) ; en Poitou, le cierge de la Chandeleur
prolonge la vie du mourant d'autant d'heures que la
mèche pousse de flammèches (5).
Dans le Tarn, et en Périgord, celui qui visitait un
agonisant jetait, après une prière, une poignée de sel
dans le feu, afin que le diable ne s'empare pas de l'âme
à sa sortie du corps (6). Le vase d'eau propre que l'on
place auprès du ht en nombre de pays de France et dans
le Hainaut, est destiné à l'âme qui s'y purifie avant de
paraître devant Dieu (7).
Plusieurs procédés qui n'ont rien de chrétien abrègent
l'agonie. Dans le Modénois, où celle des sorcières est
longue et douloureuse, on les déhvre promptement
en mettant sous leur tête un joug à bœufs (8). En Péri-
(1) Wilde, p. 118.
(2) Revue des Trad. pop. IV (1889), p. 509.
(3) Le Braz, I, p. 83.
(4) Laisnel, II, p. 70,
(5) Pineau, p. 491.
(6) NoRE, p. 98, 144.
(7) Dergny, p. 35, 36. Nore, p. 243. Harou, p. 83.
(8) RiCCARDI, p. 21.
168 LA VIE HUMAINE
gord, il adoucit les douleurs ; en Auvergne, on le place
à la muraille au-dessus du mourant, lorsque celui-ci
éprouve de grandes souffrances, parce qu'il a brûlé un
vieux joug, et n'a pas été capable d'un fabriquer un autre
pour le remplacer (1). En SicUe où celui qui a brûlé un
joug de charrue a aussi une longue agonie, on la termine
en mettant sur son oreiller une taie de lin non encore
lavée (2).
En Sicile, pour hâter la mort, on place sous le lit, une
lisse de tisserand, qui, suivant M. Pitre, aurait une
certaine relation avec les Parques antiques (3). En
Ecosse, on brisait une pierre au-dessus de la tête
du patient, dans la croyance qu'au même instant son
cœur se brisait (4).
Aux environs de Pontivy (Morbihan) il suffit pour
faire mourir doucement et vite le malade dont le cas
est désespéré de placer sur sa tête une sorte de boulet
en granit que l'on conserve dans une chapelle de la com-
mune de Guern(5). A Corseul dans les Côtes-du-Nord,
on empruntait naguère, pour que l'agonisant puisse
l'embrasser, une hache de pierre que le possesseur
tenait de ses ancêtres (6).
Suivant une croyance assez générale en France, et
qu'on retrouve à Guernesey et dans la Cornouaille,
celui qui a des plumes de pigeon dans ses couettes ou
(1) NoRE, p. 144 ; Revue des Trad. pop. XV. (1900) p. 44.
(2) Grisanti, p. 146.
(3) PiTRÊ, 1, IV, p. 468.
(4) Gregor, 1, p. 206.
(5) Revue des Trad. pop. XII (1897), p. 100.
(6) SÉBILLOT, 1, IV, p. 75.
LA MORT 169
dans son oreiller a une longue agonie (1); en Sussex,
lorsqu'elle se prolonge, on les ôte de dessous le patient,
parce qu'on pense qu'il peut s'y trouver quelques-unes
de ces plumes (2) ; pour la même raison on vide les oreil-
lers en Franche-Comté (3); et en Ecosse on enlève le mori-
bond de son lit et on l'étend sur le planclier (4). Dans
les Ardennes, retirer l'oreiller d'un moribond, c'est
hâter sa mort (5). A Scaer (Finistère) on descend du
lit l'agonisant et on lui fait poser les pieds nus sur le
sol ; dès qu'il l'a touché, les influences qui tenaient sa
vie en suspens sont rompues (6).
L'eau de quelques fontaines facilite aussi le dénoue-
ment : en Limousin, on fait boire au patient un peu de
l'eau de celle de Boussaguet ; en Basse-Bretagne, ceux
qui avaient été en pèlerinage à celle de Saint Langui,
le patron de l'agonie, répandaient sur le malade, qui
devait mourir aussitôt ou se rétablir, la fiole qu'ils y
avaient puisée ; la pèlerine par procuration lui versait
sur les yeux quelques gouttes prises à la source sacrée
de Rumengol, qui amenaient la mort immédiate (7).
L'usage d'ouvrir les portes et les fenêtres, et plus
souvent les fenêtres seules, de la chambre de l'agonisant,
pour favoriser la sortie de l'esprit, est très répandu (8).
(1) SÉBiLLOT, 1, III, p. 224-225. Hunt, p. 379.
(2) Latham, p. 59.
(3) Mélusine, I (1878), col. 370.
(4) Gregor, 1, p. 206.
(5) Meyrac, p. 171.
(6) Le Braz, I, p. 84-85.
(7) SÉBILLOT, 1 , II. p. 239-240.
(8) Groim, IV, p. 1785, n» 191, 1804, n° 664. Thorpe,II, p. 116. Folk-
Lore, XVIII (1907), p. 215-216. Pedroso, ^ n" 124. Rhys, ;^II,
p. 601. Gregor, 1, p. 206. Amalfi, p. 59.
10
170 LA VIE HUMAINE
On prétend dans quelques pays, comme dans la Cor-
nouaille anglaise que si une serrure ou un verrou restent
fermés, la mort est retardée (1).
Une coutume moins fréquente, qui existait en France
au XVII^ siècle, et qui de nos jours y a été surtout
constatée dans la région du sud-ouest, consiste à en-
lever dans la direction immédiate de la tête du moribond,
et si possible juste au dessus, une tuile ou une ardoise;
l'âme qui jusque là se séparait difficilement du corps
peut dès lors sortir et prendre son vol vers le ciel (2).
En Allemagne on retournait un bardeau de la toiture
ou on en ôtait trois tuiles (3).
Des actes accomplis en dehors de la maison ont pour
but de hâter le dénouement. On s'adresse à des sanc-
tuaires réputés pour mettre un terme aux souffrances
de ceux qui luttent depuis longtemps contre la mort,
et on y observe parfois des rites particuliers : dans le
Finistère, un pèlerin fait à trois reprises le tour de la
chapelle de N.-D. de Rumengol, pieds nus, en marchant
à rencontre du soleil (4) : en Auvergne on fait dire à
Saint-Languinon de Cibazert une messe dont l'argent a
été fourni par les voisins (5) ; en Normandie, on invoque
des saints dont le nom indique la spécialité, saint Fini
aux environs de Jumièges, saint Va-et-vient dans le Bo-
(1) HuNT, p. 379.
(2) Thiers, I, p. 392. Métivier, p. 427. Soc. arch. de Bordeaux 1888,
1" fasc. Revue des Trad. pop. VI (1891), p. 154.
(3) Grimm, IV, p. 1794, n" 439, p. 1806, n» 721.
(4) SÉBILLOT, 1, IV, p. 136.
(5) Revue des Trad. pop. XII (1897), p. 446.
LA MORT 171
cage (1); près de Lamballe (Côtes -du- Nord), on allume
une bougie dans une petite chapelle dédiée à la Vierge ;
au moment où elle s'éteint, le moribond doit s'éteindre
aussi (2). Aux environs de Porto, trois personnes vont
faire sonner neuf fois la cloche de l'église ; à El va s,
les coups sont au nombre de douze (3).
En Sicile, lorsque l'agonie est longue et cruelle, en
punition du meurtre d'un chat, il faut pour la terminer
crier sur sept litières le nom du patient, ou tout au moins
porter ses habits à la porte et les battre avec violence.
En ce même pays, un parent de l'agonisant invoque
parfois les quatre vents cardinaux, et il ne tarde pas à
mourir (4j.
En Irlande, lorsqu'une mort est attendue, on a cou-
tume d'avoir dans la maison une certaine quantité de
pain frais, pour que les mauvais esprits s'occupent à le
manger et laissent s'en aller en paix l'âme du mourant (5).
Autrefois dans le Wurtemberg, on bouchait tout ce qui
était creux, ou si c'étaient des ustensiles onles retournait
pour que l'âme ne s'y arrête pas à sa sortie du corps (6).
52. — La période qui suit le trépas est accompagnée
d'un grand nombre d'observances, dont plusieurs sont
des survivances de rites de l'antiquité. C'est ainsi qu'on
retrouve aux environs de Metz un parallèle de la conda-
maiio romaine : aussitôt que quelqu'un est mort, ses
(1) Bosquet, p. 306.
(2) Revue<[es Trad. pop. XII (1897), p. 612.
(3) Pedroso, 1, n" 113. Revista Lusitana, VIII (1905), p. 278.
(4) PiTRÊ, 1, II, p. 206 ; III, p. 73.
(5) Wilde, p. 213.
(6) Grimm, IV, p. 1804, n» 661.
172 LA VIE HUMAINE
parents l'appellent à plusieurs reprises à haute voix (1) ;
en Sicile, l'âme ne peut sortir de la maison mortuaire si
elle n'a été appelée de la route avec des gémissements et
des cris (2). En Irlande au contraire, le chant funéraire ne
doit s'élever qu'une heure après la mort. Dans les îles on
défend de crier avant que trois heures ne se soient
écoulées, pour ne pas éveiller les chiens, qui sont prêts
à dévorer les trépassés avant qu'ils soient arrivés au
trône de Dieu (3).
Les portes et les fenêtres, que dans plusieurs pays
on ouvre au moment de l'agonie, ne sont ailleurs ouver- .
tes qu'après la mort : à Menton, on agit ainsi pour faci-
liter le départ de l'âme, dans l'Ain pour l'empêcher de
rôder dans la chambre funèbre (4) ; en Ecosse, afin qu'elle
puisse sortir assez promptement pour que le diable ne
l'intercepte pas dans son vol aérien (5).
En Berry, on tient librement ouverts les rideaux de
la couche funèbre afin que l'âme puisse prendre plus
largement son essor (6) ; en ce pays et en Haute-Bretagne
on enlève les écheveaux de fil entassés sur le ciel des lits,
de crainte qu'elle ne s'y embarrasse (7).
Plusieurs précautions out pour but d'empêcher le
défunt de s'introduire dans les comestibles; c'est pour
cela qu'en Ecosse, aussitôt après le décès, on met un
(1) Revue des Trad. pop. 1 (1896), p. 589.
(2) GUASTELLA, p. 205.
(3) Wilde, p. 214, 118.
(4) Revue des Trad. pop. IX (1894), p. 117 ; XVI II (1903) p. 498.
(5)Gregor, l,p.,206.
(6) Laisnel, II, p. 70.
(7) SÉBILLOT, 3, p -56.
LA MORT 173
morceau de fer dans la farine, le beurre, le fromage et
le whisky (1). En Basse- Bretagne, on avait soin de
tenir tous les vases remplis d'eau pour que l'âme ne
cherche pas à se purifier dans le lait qu'elle pouvait
corrompre, puis, quand on pensait qu'elle s'était puri-
fiée, on jetait et on remplaçait toute l'eau delà maison (2).
L'usage de répandre l'eau des vases sitôt après la
mort est plus général, et l'on en donne des raisons assez
variées. En Lorraine on agissait ainsi pour ne pas voir
dans le cristal transparent le combat du mort contre le
diable et le succès de ce dernier (3) ; en Portugal, pour
que l'âme ne vienne pas y faire ses ablutions (4). On
croit en plusieurs pays que sitôt séparée du corps, elle
se plonge dans les vases rempHs d'eau pour s'y purifier,
et l'on prétend même dans les Ardennes qu'on l'aper-
çoit sous la forme d'une petite flamme bleue ; mais il
peut résulter de ce bain des inconvénients pour elle-
même et pour les vivants, et l'on s'empresse de la ré-
pandre pour les éviter (5). La superstition rapportée par
Thiers au XVIF siècle, d'après laquelle les gens pour-
raient boire les péchés du défunt en buvant l'eau dans
laquelle son âme se serait lavée, existe encore en Berry et
dans l'Yonne (6).
Sans croire à cette transmission, beaucoup pensent
que l'âme s'est plongée dans l'eau pour se purifier avant
(1) Gregor, 1, p. 206.
(2) BotHET, III, p. 56.
(3) Richard, p. 111.
(4) Pedroso, 3, p. 26.
(5) MiYRAC, p. 142.
(6) Laisnel, II, p. 71. MoiSET, p. 59.
10.
174 LA VIE HUMAINE
de comparaître devant son juge, qu'elle s'y est lavée, par-
fois à trois reprises, comme en Basse-Normandie et en
Lorraine, et que l'eau étant impure ne doit servir à aucun
usage domestique (1). Les juifs bordelais jettent par la
fenêtre toute celle qui se trouve dans la maison, la
croyant empoisonnée, parce que l'ange de la mort y a
lavé son épée après avoir tué le malade (2).
L'un des motifs assignés à cet acte suppose que l'âme
est exposée à la destruction, ou tout au moins à de
graves inconvénients. Au commencement du XVIP
siècle le célèbre missionnaire Michel le Nobletz constatait
que plusieurs avaient grand soin de vider toute l'eau de
la maison où quelqu'un était décédé, de peur que, sui-
vant une croyance que l'on retrouve chez les nègres,
l'âme du défunt ne s'y noyât (3). L'usage est encore
observé j)our cette raison en nombre de contrées. Suivant
les paysans des Ardennes, elle pourrait s'y réfugier et y
demeurer emprisonnée. C'est parce que l'âme en s'y
lavant peut souiller les liquides qu'en Berry on verse
le lait contenu dans les vases non couverts, qu'en Li-
mousin on ne fait pas usage de l'eau et du lait, qui doi-
vent être jetés à l'extérieur après l'enlèvement du
cadavre (4), et qu'en Ecosse on répand le lait sur le
gazon (5).
Lorsque survient un décès, la vie habituelle de la
(1) Bidault, p. 86. Leite. 1, p. 71. Monseur, p. 400. Lecœur, II,
p. 287. Richard, p. 110.
(2) Mensignac, 1, p. 59.
(3) Revue CeUique, II (1876), p. 485. Tylor, II p. 31.
(4) Meyrac, p. 172 ; Laisnel, II, p. 71.
(5) Gregor, 1, p. 206.
LA MORT 175
maison est pour ainsi dire suspendue ; en beaucoup de
pays de France, en Wallonie, en Ecosse, on arrête
aussitôt l'horloge (1). La coutume de voiler les glaces
et parfois tous les objets recouverts d'une vitre, ou de
les retourner est encore plus générale : si on l'oubliait,
on y verrait dans la Gironde la mort, en Saintonge le
diable (2). Ces explications ne sont peut-être que « pour
expliquer » une coutume dont le sens primitif est oublié;
suivant une autre idée, vraisemblablement plus ancienne,
on aurait à craindre que l'âme vivante sortie du corps
de celui qui s'y regarderait ne fût enlevée par l'esprit
du défunt, cjui pourrait rôder dans la maison jusqu'à
l'enterrement (3). , . ,
Dans le Northumberland on éteint le feu ; à Menton,
on n'en fait pas, et l'on s'abstient de manger de la viande
à la maison tant que le mort y reste, parce qu'il en
souffrirait (4). En Portugal l'interdiction de frire dans la
poêle, parce qu'on pourrait frire l'âme du défunt, est
observée pendant un an si c'est un homme, alors qu'on
peut frire sans danger si c'est une femme qui est décé-
dée (5).
On se garde bien dans la Gironde de balayer, de laver,
ou d'arroser l'appartement dans lequel se trouve le dé-
funt, de crainte de balayer ou de noyer son âme ; en
Basse-Bretagne on ne doit pas de plus épousseter les
meubles, ni jefer dehors aucune poussière, de crainte
(1) MoNSEUR, p. 40. Gregor, 1, p. 207.
(2) Mensignac, 1, p. 61. NoGUÉs, p. 36.
(3) Frazer, I, p. 226.
(4) Balfour, p. 101. Revup. des Trad. pop. IX (1894), p. 117.
(5) Leite, 1, p. 241.
176 LA VIE HUMAINE
d'expulser l'âme du mort et d'attirer sur soi sa ven-
geance (l).Dans la Creuse, on amasse les balayures dans
un coin pour les pousser dehors après l'inhumation (2).
Dans le pays de Tréguier, où l'on nettoie la maison
après que le défunt est expiré, elles doivent rester
derrière la porte, pour être brûlées dans le foyer après
l'enterrement ; rien de ce qui est au logis ne doit en
sortir : ce serait obliger le mort à errer sans cesse pour
essayer de retrouver les objets qui se sont imprégnés
de son dernier souffle (3).
Suivant un usage très répandu, on prévient les abeilles
du décès du maître de la maison, et on l'annonce aussi
aux animaux et aux arbres ; en Allemagne, on secoue
même chaque sac de blé pour lui faire connaître le décès
du maître (4).
53. — La garde du cadavre n'est pas seulement
motivée par l'affection ou la piété, elle a aussi pour but
de le préserver, comme en Northumberland des mauvais
esprits, ou comme dans la Gironde, d'empêcher le diable
de l'emporter, en Normandie, de mettre à sa place dans
le cercueil un chat noir ou tout autre animal (5).
En Irlande ceux qui se rendent à la veillée mortuaire
doivent avoir du sel dans leur poche et en manger quel-
ques grains pour se défendre contrôles méchants esprits.
En nombre de pays d'Angleterre et d'Ecosse, une assiette
de sel posée sur la poitrine du défunt le garantit de
(1) Mensignac, 1, p. 59. Le Braz, I. p. 219.
(2) Dergny, p. 368.
(3) Revue des Trad. pop. III (1888), p. 46.
(4) SÉBiLLOT, 1, III, p. 103,315. Tylor, I, p. 329.
(5) Balfour, p. 100. Mensignac, 1, p. 62.
LA MORT 177
leurs entreprises (1) ; en Basse-Ecosse avant d'y placer
un plat de terre contenant trois poignées de sel, une
vieille femme tournait trois fois autour du cadavre
une chandelle allumée (2).
L'usage du sel est moins commun en France; pour-
tant dms la Gionde, on place près du mort, pendant
tout le temps qu'il reste à la maison, une assiette conte-
nant du sel et de l'eau bénite, afin d'éviter que son
esprit ne revienne (3).
On prête attention aux insectes ailés qui se montrent
pendant la veillée. En Irlande, vers 1814, le papillon
était regardé comme une âme d'ancêtre qui pénjtrait
dans la maison mortuaire, et s'il se montrait près du
cadavre, c'était pour celui-ci le présage du bonheur
éternel (4). En France et principalement en Bretagne,
le papillon est plus ordinairement l'âme même du
défunt ; et dans le Finistère, certains prétendent qu'elle
sort de ses lèvres entr'ouvertes sous la forme d'une
mouche, et qu'elle se pose sur le bord du vase con-
tenant du miel destiné aux gens de la veillée, pour
faire provision de nourriture avant de se mettre en
route (5).
Parmi les usages en relation avec le cadavre figure
celui de le cacheter: aux environs de Givet, en cas de
mort violente, on bouche avec de la cire le nombril et
(1) BiLLSON, p. 104. Campbell, 1, p. 241,Balfour, p. 102. Grëgor,
1, p. 207.
(2) Henderson, p. 53.
(3) Mensignac, 1, p. 54.
(4) Folk-Lore Journal, II (1884) p. 213.
(5) Sébillot, 1, III, p. 332-333.
178 LA VIE HUMAINE
l'orifice anal, pour empêcher les esprits de se perdre (1).
Dans le Beaujolais, avant de procéder à la dernière
toilette, les garde-malades font couler quelques gouttes
de cire sur le nombril, pour montrer, disent-elles, que la
source de la vie est tarie (2).
On croit en Portugal, qu'il est difficile d'habiller un
mort si on ne l'appelle par son propre nom en lui disant
de lever le bras, la jambe, etc., ce qu'il f ait, assure-t-on,
immédiatement (3).
Quelques pratiques de l'ensevehssement sont en con-
formité avec la croyance à des périgrinations posthumes,
et avec l'idée que pour les accomphr, le défunt a besoin
d'une certaine hberté de mouvements. En Sicile, il ne
pourrait faire le voyage des âmes à Saint-Jacques, et il
resterait errant par le ciel,si on lui attachait les pieds ou les
genoux (4) ; en Haute-Bretagne, on se garde ordinaire-
ment de faire un nœud au fil qui coud le linceul, parce
que le mort au jour du jugement resterait embarrassé
dans son suaire, et ne pourrait comparaître au tribunal
de Dieu (5). En Ecosse, tous les cordons doivent être
coupés avec des ciseaux (6) ; aux Hébrides on enlève,
au moment de la mise au cercueil les bandes qui retien-
nent pendant l'exposition les orteils, les mains et la
figure du cadavre, pour qu'il ne soit pas embarrassé en
se rendant au jugement de Dieu (7). En Irlande, le
(1) Revue des Trad. pop. III (1888) p. 175.
(2)SAVOYE,p. 192.
(3) Pedroso, 3 p. 20. Leite. 1 p. 240.
(4) GCASTELLA, p. 207. PiTRÈ, 1, II, p. 244.
(5) SÉBILLOT, 3, p. 158.
(6) Campbell, 1 p. 241.
(7) Fo/fc-Lore,XIII (1902) p. 60.
LA MORT 179
défunt reviendrait pour dire qu'il a les pieds liés, si on
n'avait soin d'enlever, avant de le mettre en terre, les
épingles avec lesquelles on attache parfois les bas pour
joindre les pieds du cadavre (1).
Un usage lorrain était inspiré par un motif tout diffé-
rent ; on fixait une épingle au linceul, ou on y faisait un
point de couture afin que le défunt ne pût quitter sa
tombe pour faire des visites nocturnes (2).
Quelques pratiques ont un but mnémotechnique.
En Portugal, on enfonce une épingle dans le vêtement
du mort, pour qu'il se souvienne des vivants,lorsqu'ilsera
devant Dieu (3). En Toscane, on entoure la taille du
défunt qui a moins de sept ans avec un cordon auquel les
parents et les visiteurs font un nœud afin qu'il prie Dieu
pour tous ceux qui auront observé cette coutume (4).
Dans une commune de Sicile, chacun fait un nœud à
une espèce de corde qui pend derrière la tête du cadavre
d'un enfant, probablement pour une raison analogue (5).
Dans le Mentonnais, on conserve comme porte-bon-
heur le fil et l'aiguille qui ont servi à coudre le linceul
d'un enfant de moins de sept ans (6) ; en Sicile on la
ga,rde comme amulette, même si le défunt était adulte,
et le conscrit la porte pour avoir un bon numéro (7). En
Portugal, pour qu'un homme ne poursuive pas une
(1) CURTIN, p. 157.
(2) Richard, p. 116.
(3) Leite, 1, p. 243.
(4) GUBERNATIS, 1, p. 17.
(5) PiTRÊ, 1, II, p. 241.
(6) Revue des Trad. pop. IX (1894) p. 117.
(7) PiTRÈ, 1, II, p. 209.
180 LA VIE HUMAINE
femme pendant toute sa vie, on enterre une aiguille
qui a servi à ensevelir un mort, puis on perce avec quel-
que vêtement de l'homme dont on veut se débarrasser,
et qui ne tarde pas à oublier la femme (1).
La coutume de placer près du cadavre des objets de
diverses natures, attestée par les mobiliers funéraires
d'un si grand nombre d'époques, est loin d'être tombée
en désuétude. En Cornouaille on a soin de mettre près
de lui les dents qu'il a perdues afin qu'il n'ait pas de peine
à les retrouver au jugement dernier (2). Le dépôt de
comestibles ou d'ustensiles est plus ordinairement motivé
par la croyance qu'ils peuvent être utiles, au moins
pendant un certain temps, au défunt, ou par l'idée qu'il
a dans l'autre vie des besoins analogues à ceux de
celle-ci. En Auvergne et dans la Creuse on dépose son
écueUe dans le cercueil avec un pain (3). Dans quelques
communes des environs de Dinan, on y place un frag-
ment de pain de relevaiUes pour qu'il s'en nourrisse
pendant le voyage qu'il doit faire avant d'arriver au
ciel. Il y a quelques armées, à Dol de Bretagne, on déposa
dans la bière d'un \aeillard des gâteaux et un flacon
de vin (4). L'usage de mettre une bouteille de vin
dans le cercueil était autrefois commun à Bordeaux et
on en a souvent trouvé en défonçant d'anciens cime-
tières de la Gironde. Un vieillard racontait que son
père lui avait bien recommandé de ne pas oublier d'en
placer une près de son cadavre ; cette coutume a aussi
(1) Pedro so, 1, n» 684.
(2) Folk-Lore, V (1894) p. 343.
(3) Revue des Trad. pop. XII (1897) p. 447.
(4) Sébili.ot,1, I,p. 419. Revue des Trad. pop. t. XXII (1907) p. 330.
LA MORT 181
existé dans le Puy-de-Dôme (1). On trouva deux bouteilles
de bière dans une ancienne tombe à Bucklebury, où
ce dépôt était assez courant autrefois (2). En Saintonge,
on jjlaçait dans le cercueil le bâton ou la béquille du
défunt (3) ; aux environs de Naples on y met son
bâton, son chapeau, etc. (4). Dernièrement dans les
Côtes-du-Nord, un paysan à l'aise demanda que
l'on dépose à côté de lui dans son cercueil son grand
parapluie de coton; il voulait l'avoir pour lui servir
de voile, au moment où, suivant la croyance du
pays, son cercueil voguerait sur une mer intérieure
souterraine pour aller dans l'autre monde (5). En Alsace,
lorsqu'une femme meurt en couches, on a l'habitude
de l'ensevelir avec ses chaussures, parce que, pendant
les six semaines qui suivent son décès, elle revient toutes
les nuits allaiter son enfant (6). Dans l'Allemagne du
nord, on plaçait près du défunt son peigne, son rasoir
et son savon (7), En 1868, dans la Creuse on mit dans
la bière d'un vieux soldat sar pipe et sa blague bien
bourrée de tabac (8). L'antique usage de déposer des
jouets près de l'enfant est encore observé dans l'Yonne,
et dans la Bresse on y ajoute des bonbons ; en Lor-
raine, on lui mettait dans la main une petite boule
(1) Mensignac, 1, p. 42-43. Reu. des Trad. pop. XII (1897) p. 447.
(2) Folk-Lore, X (1899) p. 253.
(3) NoGuÈs ,p. 35.
(4) Amalfi, p. 66.
(5) Revue des Trad. pop. XV (1900) p. 323.
(6) Revue des Trad. pop. II, (1887) p. 287.
(7) Thorpe, III, p. 161.
(8) Revue des Trad. pop. XIV (1899) p. 572.
LE PAGANISME CONTEMPORAIN 11
182 LA VIE HUMAINE
et un liard, dans VAin encore en 1884, une boule de cire
et un sou ; en Lorraine, s'il était décédé pendant la quin-
zaine de Pâques, c'était un œuf teint, afin qu'il pût
jouer avec ses camarades qui l'avaient précédé dans
l'autre monde (1).
En Saintonge, on déposait autrefois dans le cercueil
le cierge de la Chandeleur du défunt, pour qu'il put s'en
servir devant l'autel de Dieu; on y mettait aussi le vase
et le rameau béni avec lequel il avait été aspergé par
ceux qui venaient prier près de lui (2). En Berry, on place
souvent entre les doigts du cadavre une branche de buis
des Rameaux, et l'on est persuadé que cette branche
fleurit tous les printemps dans la tombe, si la personne
qu'elle renferme s'est trouvée digne d'entrer dans le ciel (3) .
On enferme encore en plusieurs pays des amulettes
dans le cercueil. En Irlande on y plaçait deux
cailloux provenant du Lough Derg et considérés
comme possédant une certaine vertu, en même temps
qu'un morceau de cierge bénit (4). En Sicile, on avait
l'usage, aujourd'hui à peu près disparu, d'y mettre un
morceau de drap écarlate, une amulette de corail rouge
ou des feuilles d'oranger (5). En France on pose encore
quelquefois près du défunt des haches en pierre polie,
des cailloux ronds ou des colliers tahsmans (6).
(1) MoiSET, p. 60. Revue des Trad. pop. XV (1900) p. 616. Richard,
p. 114, 115.
(2) NoGUÊs, p. 54, 35.
(3) Laisxel, II, p. 72.
(4) Carleton, I, p. 224.
(5) PiTRÈ, 1, II, p. 223.
(6) SÉBILLOT, 1, IV, p. 76.
LA MORT 183
La coutume d'enterrer avec le mort une pièce de
monnaie a été souvent constatée en France, et aussi en
plusieurs pays étrangers pendant le dernier siècle, et elle
n'a pas complètement disparu. Naguère dans les pays
de Tréguier une petite pièce était mise sous son
oreiller ; en Franche-Comté elle était, vers 1820,
fixée à une petite croix placée sous sa tête ; dans la
Côte-d'Or, elle est posée dans la main du défunt afin
qu'il puisse aller à l'offrande dans l'autre monde (1) ;
en Berry, on la glissait dans sa bouche pour payer à
saint Pierre sa place en Paradis, et on agissait de même
dans le Lincolnshire, pour son voyage, disait-on (2).
Aux environs de Braga (Portugal), on dépose dans
la bière du défunt une petite monnaie de cuivre pour
payer son passage dans l'autre monde ; ailleurs, on y met
cinq ou six reis (3). En plusieurs parties du Portugal,
le dinhero de cruz est expressément destiné à payer la
barque, plus rarement le pont (4). Naguère encore,les
paysans du Bugey (Ain) déposaient dans la bouche ou
dans la main du mort une pièce de monnaie, ordinaire-
ment deux liards «per lo barquo » (5) ceux d'Allemagne
la placent dans l'un ou l'autre de ces endroits et ceux
d'Irlande agissaient autrefois de même (6).
Les habitants de l'un des nombreux cantons de la
Gironde où l'on met encore une pièce dans la main du
(1) Repue des Trad. pop. III (1888) p. 47; X (1895) p. 108.
(2) Laisnel, II, p. 72. Folk-Lore, IX (1898) p. 187.
(3) Pedroso, 1, n"^ 633, 703.
(4) Leite, 1, p. 242-243.
(5) Revue du siècle (Lyon) février 1900.
(6) Tylor, I, p. 37, 575.
184 LA VIE HUMAINE
défunt afin de payer le passage de la barque, sont per-
suadés que si on négligeait de le faire, il serait capable
de revenir pour tourmenter les vivants (1).
54. — Un rite d'enterrement en relation avec le
soleil est observé dans le nord de la Grande-Bretagne:
dans les Higlilands le cercueil n'est jamais porté à rebours
de sa course (2) ; il en est de même dans les comtés voisins
de l'Ecosse, et l'on emploie quelquefois, pour ne pas
violer cet usage antique, des procédés assez compliqués :
un vicaire qui attendait à la porte du cimetière un convoi
funèbre, fut très surpris de voir tout le groupe parvenu
à quelques pieds de lui, tourner tout à coup, et faire
le tour de la muraiUe du cimetière, en côtoyant les limites
de l'ouest, de l'est et du nord, et en décrivant un circuit
cinq ou six fois plus long qu'il n'était nécessaire ; le
fossoyeur qu'il interrogea lui dit qu'on agissait ainsi
pour ne pas tourner le cadavre au rebours du soleil (3).
C'est peut-être pour cette raison qu'en quelques
paroisses d'Irlande on fait parfois un très long détour
pour que le cercueil traverse un ruisseau qui coule au
sud du cimetière (4) ; il est possible aussi que l'on croie
empêcher le défunt de revenir à son ancienne demeure,
l'eau constituant un obstacle que les morts ne peuvent
franchir.
D'autres pratiques en rapport avec les eaux ne sont
pas expliquées par ceux qui les ont décrites : en Portugal
lorsque sur le trajet de la maison à l'église il y a un cours
(1) Mensignac, 1, p. 49-50.
(2) Folk-Lore, III (1892) p. 281.
(3) Henderson, p. 61.
(4) Folk-Lore, VI (1895) p. 119.
LA MORT 185
d'eau à passer, les porteurs du cercueil doivent, pour
pouvoir le franchir, traiter le défunt comme une monture
et lui dire : Arré ! comme aux mulets, en l'appelant par
son nom. (1) On prétend à Châteaulin que le pont crou-
lerait si l'on faisait passer deux fois dessus le cercueil
d'un mort, et quelquefois pour éviter cette ruine, on
fait le service d'enterrement dans une chapelle votive
et non dans l'église paroissiale. A Coray les prêtres s'in-
terrompent de chanter jusqu'à ce qu'on ait traversé le
pont (2). .
On a parfois coutume dans l'ouest de l'Irlande de
s'arrêter à moitié route du cimetière, pendant que les
plus proches parents du mort élèvent un petit monu-
ment avec des pierres (3) ; dans le Galway où chaque
famille a son cairn sur le chemin le chef y ajoute trois
pierres au nom des trois personnes de la Trinité (4).
Un usage assez répandu en France consiste à placer
de petites croix sur le piédestal des croix qui se trouvent
sur le chemin du convoi funèbre ; dans le nord du Finis-
tère on heurte la tête du cercueil à tous les calvaires
devant lesquels il passe (5). En Irlande lorsque le cortège
rencontre une vieille église il en fait trois fois le tour (6).
Quelques-uns des actes que l'on observe dans les
églises sont peut-être fondés sur la croyance que l'âme
du mort n'est pas encore tout à fait séparée du corps.
(1) Pedroso, 3, p. 20.
(2) Le Braz, I, p. 253.
(3) Wilde, p. 83.
(4) Folk-Lore, IV (1893) p. 120.
(5) Le Braz, I, p. 254.
(6) Folk-Lore, IV (1893) p. 360.
186 LA VIE HUMAINE
A Saint-Mayeux (Côtes-du-Nord) à la limite du breton
et du français, où l'on croit peut-être, comme dans la
partie gallo de ce département, que l'âme ne quitte le
corps qu'au moment oii le prêtre chante : In Paradiso,
on a soin, avant d'entrer le cercueil dans l'église, de
le faire heurter d'abord le côté gauche de la porte ;
cela s'appelle faire saluer l'église par le mort (1)^ Dans
les Pyrénées, les porteurs relèvent quelquefois la bière
toute di'oite au dernier évangile, afin que le défunt l'en-
tende une dernière fois debout (2). Dans la région de
Benodet, ils ont coutume de heurter le cercueil à la
muraOle au moment où ils le sortent ; selon d'aucuns,
c'est pour dire adieu à l'église au nom du mort, suivant
d'autres pour demander à saint Pierre de lui ouvrir
toutes grandes les portes du paradis (3).
Les observances traditionnelles sont plus nombreuses
au cimetière qu'à l'église. Dans l'ouest de l'Irlande,
avant de déposer le cercueil dans la fosse, on lui fait
faire trois fois le tour de deux bêches mises en croix (4).
Dans les Landes il ne faut pas oublier de tourner le
cadavre la face au levant ; toute autre position amène-
rait pendant toute l'année une véritable inondation de
pluie (5).
La fosse reçoit aussi des objets analogues à ceux que
l'on place dans le cercueil. On avait, il y a quelques an-
nées, dans certains villages de la Savoie, l'habitude
(1) Revue des Trad. pop. VIII (1893) p. 558. Sébillot, 3, p. 162.
(2) Darsuzy, p. 112.
(3) Le Braz, I, p. 254.
(4) Wilde, p. 83.
(5) Soc. arch. de Bordeaux, 1888, 1«' fasc.
LA MORT 187
d'y mettre une écuelle contenant de l'huile, que depuis
les curés sont parvenus à faire remplacer par de l'eau
bénite (1). Vers 1820, en quelques communes du Jura,on
jetait dans la fosse un des objets pom- les quels le défunt
avait une afifection particulière ; c'était un verre, une
écuelle quand il avait aimé la boisson, ou un instrument
de son métier (2). En Limousin et dans le Morvan
l'écuelle du mort est placée sur la tête du cercueil avant
qu'il ne soit recouvert (3).
Quelques pratiques qui suivent le dépôt du cadavre
dans la terre semblent motivées par une sorte de crainte
du mort. A Beauquesne (Somme) les assistants faisaient
trois fois à reculons le tour de la fosse, afin que le défunt
ne pût revenir les tourmenter pendant la nuit (4). En
Portugal, pour ne pas rêver à celui que l'on enterre, on
jette sur sa tombe trois poignées de terre (5).
En Irlande où, comme en Basse-Bretagne, le mort quitte
sa tombe pour garder le cimetière jusqu'à ce qu'il ait
été remplacé par un nouveau défunt, lorsque deux
convois se présentent ensemble au cimetière, chacun
d'eux essaie de faire en sorte que son mort soit enterré
le premier. Lorsque ceux qui ont assisté aux funé-
railles ont fumé le tabac déposé à leur intention
près de la fosse, en même temps que des pipes
neuves, ils laissent un peu de tabac et les pipes dont
ils ne se sont pas servis, pour que le défunt, en veillant
(1) Revue des Trad. pop. III (18S8) p. 421.
(2) Antiquaires de France, IV, p. 366. (1823).
(3) Bidault, p. 86. Dergny, p. 267.
(4) NORE, p. 344.
(5) Pedroso, 1, n^bSd.
188 LA VIE HUMAINE
sur les autres tombes, puisse se distraire en fumant (1).
La croyance d'après laquelle les morts peuvent reve-
nir dans leur ancienne demeure est encore très répandue,
et nombre de pratiques, observées à des époques fixes
de l'année, sont en rapport avec cette idée. Quelques-unes
supposent qu'ils sont surtout tentés pendant la période
qui suit immédiatement l'enterrement, de visiter leur
maison. Dans le nord de l'Ecosse on laisse sans les dé-
ranger les planches sur lesquelles a été déposé le cercueil
et l'on place dessus un vase rempli d'eau pour le cas où
le mort reviendrait et qu'il aurait soif (2). En Sicile,
on met pendant trois jours du pain et de l'eau dans la
maison mortuaire parce que l'on croit que le mort y re-
vient pour prendre du pain et de l'eau (3), ou bien les
parents laissent la porte ouverte, et y adossent une chaise
sur laquelle est un pain frais et à côté un chandeher à
trois branches, dont une seule est allumée la première
nuit, deux la seconde et trois la troisième (4). La cou-
tume est générale dans les îles d'Irlande de mettre en
dehors du logis, pendant quelques nuits après le décès,
un gâteau ou un plat de pommes de terre ; s'ils ont dis-
paru le matin, c'est que les esprits les ont pris, car aucun
être humain n'oserait toucher à la nourriture destinée
aux morts (5),
55. — Pour empêcher le défunt de rentrer dans la mai-
son, on met, en quelques parties des Highlands, un vase
(1) Le Braz, I, p. 261. Folk-Lore, IV (1893), p. 363.
(2) Campbell, 1, p. 241.
(3) GUASTELLA, p. 205.
(4) PiTRÊ, 1, II, p. 230.
(5) Wilde, p. 118.
LA MORT 189
rempli d'eau ou de lait en dehors de la porte, et par-
fois une branche de sapin au dessus du linteau (1).
En Haute-Ëcosse, la nuit des funérailles, on dispose
du pain et de l'eau dans la chambre mortuaire, dans la
croyance que son esprit revient pendant cette nuit
pour la dernière fois, et certains croient que sans cela
il ne reposerait pas en paix (2). A Manduria dans la
terre d'Otrante, les gens du peuple brûlent les matelas
et les couvertures du défunt, parce que si on ne le
faisait pas, il continuerait à demeurer dans la maison
et tarderait à se présenter devant Dieu (3). A Elvas en
Portugal, on les domie aux pauvres pour* qu'il ne re-
vienne pas (4).
56. — Plusieurs consultations servent à connaître
la destinée de celui que l'on vient d'enterrer ; en Por-
tugal, si lorsqu'on brûle sa paiUe, la fumée monte droit,
il va au ciel, si elle se penche à gauche, en enfer, si c'est
à droite, en purgatoire (5). En Basse-Bretagne, on se
rend au sortir du cimetière dans un lieu élevé et décou-
vert, et l'on crie par trois fois le nom du mort, dans trois
directions différentes ; si une seule fois l'écho prolonge
le son, c'est que l'âme n'est point damnée (6). En Sicile,
on doit regarder le ciel, à minuit précis, lors de la nou-
velle lune qui suit le décès; si le levant est couvert de
nuées, ou s'il vente, ou si un chien aboie, le défunt est
(1) Campbell, 1, p. 241.
(2) Gregor, 2, p. 27.
(3) GiGLi, p. 39.
(4) Revisla Lusiiana, VIII, (1905) p. 278,
(5) Leite, 1, p. 38.
(6) Le Braz, I, p. 320.
11.
190 LA VIE HUMAINE
damné. Si le levant est dégagé de nuages s'il n'y a pas
de vent et qu'on entende le huhullement d'un hibou,
il est en purgatoire ; l'âme est en paradis, si le ciel est
clair et serein, et qu'il ne fasse aucun souffle de vent, et
surtout lorsque tombe une étoile en traçant un sillon
lumineux (1). On se rend aussi à pied à la chapelle
de N.-D. des Peines à Poullaouen (Finistère), et après
en avoir fait trois fois le tour, on s'en revient 'à la maison;
si on est fatigué, le défunt est en purgatoire, si on ne
ressent aucune lassitude, il est au ciel (2).
On s'est aussi adressé autrefois aux prêtres pour savoir
si un défunt était sauvé ou damné ; au temps où il était
d'habitude de faire pour chaque défunt une série de
trente services, le trentième se disait à rebours dans la
chapelle de Saint-Hervé au sommet du Mené Brez.
Après la messe le prêtre commençait l'appel des diables
sous le porche, il les faisait défiler un à un devant lui
et les obligeait à montrer leurs griffes pour voir si l'âme
du défunt à l'occasion duquel on célébrait la neuvaine
n'était pas tombée en sa possession, puis il les ren-
voyait en donnant à chacun une graine de Hn. En Nor-
mandie, le curé pouvait aussi évoquer les diables, aux
mêmes intentions, à la condition de donner un pois à
chacun de ceux qui se présentaient (3).
57. — La pièce de monnaie mise au mort et les objets
déposés près de lui (p. 180) sont destinés à lui servir
pendant le voyage qu'il doit faire avant d'arriver à sa
destination définitive. L'argent est « pour la barque »,
(1) PiTRÈ, 1, II, p. 244.
(2) SÉBILLOT, 1. IV, p. 136.
(3) SÉBILLOT, 1, IV, p. 239-240.
LA MORT 191
qui, comme celle de Caron, vient les prendre dans une
sorte de monde souterrain, au « passage des morts »,
qui, suivant certains paysans de Haute-Bretagne, est
situé dans la mer qui est au-dessous de nous. La croyance
au navire mystérieux qui embarque les morts accourus
sur le rivage de la mer, constatée en Gaule par Procope
au VI^ siècle, a été expressément relevée en Bretagne,
au nord dans la partie française, et au sud en pays
bretonnant, pendant ces cent dernières années (1). Elle se
rattache à l'idée très répandue suivant laquelle l'âme
une fois séparée du corps ne peut franchir un cours
d'eau sans l'intermédiaire d'un pont, d'une monture
ou d'un bateau. En Irlande, si celui qui entend derrière
lui un fantôme peut traverser une eau courante, il est
délivré de sa poursuite (2). On raconte dans la Suisse
allemande, où la femme morte en couche doit pendant
six semaines revenir visiter son enfant chaque nuit,
qu'on entendit l'une d'elles, enterrée dans un cimetière
séparé de sa maison par un torrent, se plaindi^e de ce
que le pont qm servait à le traverser avait été rompu (3) ;
en Ecosse une revenante demande à un domestique
de son mari de la prendre en croupe, quand elle est
arrivée près d'un ruisselet, et dès qu'elle l'a passé, elle
saute légèrement à terre (4).
Quelques actes sont inspirés par cette idée, et c'est
vraisemblablement elle qui motivait l'usage parfois
observé en Irlande (cf. p. 184) de détourner le cercueil
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 418, 419 ; II, p. 149, 151.
(2) Wilde, p. 204.
(3) Mahmier, II, p. 336.
(4) Miller, p. 366.
192 LA VIE HUMAINE
de sa route pour lui faire passer un ruisseau ; jadis
dans une commune du pays de Tréguier le mort était
porté par eau au cimetière, alors qu'il y avait une route
de terre plus courte et plus commode (1). Une pratique
constatée en Pologne a pour but exprès de prévenir le
retour du défunt ; la femme qui a lavé le cadavre verse
sur le sol, derrière le convoi, l'eau dont elle s'est servie,
persuadée qu'elle empêche ainsi le mort de revenir à
la maison (2). Dans le pays de Tréguier on employait,
pour se débarrasser des revenants, un procédé analogue
à celui qui avait pour but de chasser le lutin ; on dépo-
sait sur la table des petits tas de sable qu'jls étaient
obligés de compter (3).
58. — Il est plusieurs périodes de l'année, variables
suivant les régions, pendant lesquelles il est permis aux
morts de revenir aux lieux où ils ont vécu. Dans l'Eu-
rope cathoUque, la plus habituelle est celle de la Tous-
saint, dont la nuit et le lendemain sont désignés sous
le nom de Jour des Ames. D'ordinaire les vivants sont,
à ce moment, remplis de prévenances à l'égard des
visiteurs d'outre -tombe. Beaucoup de gens des Asturies
ne se couchent pas dans leur lit pour que les âmes
des parents qui viendraient cette nuit à leur ancien
logis puissent s'y reposer (4). En Toscane on ne les
refait pas, parce que les défunts, libres alors d'aller où
ils veulent, viennent se délasser dans leur maison (5) ;
(1) SÊBILLOT, 1, II, p. 152.
(2) Wisla, Varsovie. VI, p. 789.
(3) SÉBILLOT, 1, I, p. 418.
(4) AmvAU, p. 246.
(5) GUBERNATIS, 1, p. 17.
LA MORT 193
dans le Canavèse on les dispose le mieux possible, ainsi que
dans le Montferrat, où l'on croit que les morts tournent
autour de la demeure de leurs parents sous forme de
petites flammes (1). Dans les Vosges, pendant la semaine
de la Toussaint, on découvre les lits en laissant les fenê-
tres ouvertes, sans doute pour que les trépassés puissent
revenir occuper un instant leur ancienne couche (2).
Le foyer est l'endroit de la maison que visitent le
plus volontiers les morts, à diverses époques de l'année
et surtout lors de leur fête ; dans les Vosges on y laisse
du feu pour qu'ils puissent s'y chauffer ; en Basse-
Bretagne on y place tout exprès la Bûche des défunts {3).
En Tyrol les âmes du purgatoire viennent prendre la
graisse fondue de la Chandelle des âmes qu'on a allumée
près de l'âtre pour calmer la souffrance causée par leurs
brûlures, et l'on a soin de chauffer la salle afin qu'ils
passent la nuit à l'abri du froid (4) : en Irlande on dis-
pose pour elles des sièges et de la lumière (5) ; dans les
Asturies on augmente la flamme du foj^er pom' que les
âmes, trouvant la maison chaude, puissent causer
auprès et rappeler leurs souvenirs. On y dispose aussi
de petites lampes qui brûlent toute la nuit ; chacune
est pour l'âme d'une personne dont on prononce le nom
en l'allumant ; celle qui s'éteint la première indique
la première âme qui sortira du purgatoire (6).
(1) Giovanni, p. 135. Ferraro, p. 35.
(2) SÊBILLOT, 1, I, p. 138.
(3) SÊBILLOT, 1. I, p. 138.
(4) Tylor, II, p. 50.
(5) Folk-Lore, IV (1893), p. 359.
(6) Arivau, p. 247.
194 LA VIE HUMAINE
La coutume de laisser de la nourriture pour les morts
était naguère observée en Normandie et en Périgord ;
elle subsiste encore dans quelques parties de la Basse-
Bretagne et dans le Var, où les enfants déposent au
pied de leur lit les restes du dessert du repas de ce
jour (1). En Tyrol on pose un gâteau sur la table (2) ;
autrefois en Esthonie, on mettait de la nourriture sur
le plancher d'une chambre particuhère, et dans la
soirée le maître y entrait avec une torche et invitait,
par son nom, chaque mort à venir y goûter ; quand il
pensait que les défunts avaient suffisamment mangé,
il brisait le flambeau^sur le seuil, et leur disait de s'en
retourner chez eux (3).
Quelques actes sont rigoureusement prohibés pendant
cette période ; à Spa, il faut se garder de balayer ou de
laver les chambres et la cuisine parce qu'on chasserait
les âmes qui reviennent alors sur terre ; en Hainaut,
on doit fermer les portes avec précaution pour ne pas
blesser celles qui voltigent dans les maisons. A Spa, on
recommande de s'abstenir de frapper avec des bâtons
sur les haies et les buissons parce qu'elles s'y reposent (4),
et pour la même raison en Hainaut on ne conduit pas
les bestiaux au pâturage (5).
La nuit de Noël est l'une de celles où les morts peuvent
revenir à la maison ; dans la région de Modène les pay-
sans laissent la table servie après le repas traditionnel
(1) Sébillot, 1, I, p. 158. Mistral, Trésor.
(2) Tylor, II, p. 50.
(3) Grimm, IV, p. 1844, n° 42.
(4) Wallonia, VIII (1900), p. 196.
(5) Harou, p. 68.
LA MORT 195
de la veille, pour que les âmes de leurs défunts s'3^ as-
seyent et mangent les restes (1) ; dans la province por-
tugaise de Minho on place toujours une assiette sur la
table pour la dernière personne décédée de la famille ;
ailleurs au contraire on récite des prières destinées à
empêcher les trépassés de venir manger les miettes qui
se trouveraient sur la table (2).
Suivant des croyances moins répandues, il est donné
aux morts de revenir sur terre à d'autres époques.
Dans les îles de l'Irlande, ils se promènent la nuit des
Rois, et sur chaque tuile se tient une âme attendant
des prières pour la sortir du purgatoire (3). Dans les
Abruzzes, c'est à ce moment qu'ils abandonnent la
naaison dans laquelle ils ont eu la permission de séjour-
ner à partir de la Toussaint (4). Dans le comté de
Wexford (Irlande) les âmes sortent du purgatoire le
Mardi-Gras ; on laisse pour elles du feu dans le foyer,
des lumières, et on dispose des sièges (5).
Au commencement du XVIF siècle, lors de l'apos-
tolat de Michel Le Noble tz, plusieurs mettaient des
pierres autour du feu que chaque famille avait coutume
d'allumer la veille de la Saint-Jean, afin que leurs pères
et leurs ancêtres puissent venir s'y chauffer (6). Actuel-
lement encore on pose des cailloux dans les feux de la
(1) RiCCARDI, p. 26.
(2) Pedroso, 3, p. 19.
(3) Wilde, p. 83.
(4) FiNAMORE, p. 183.
(5) Folk-Lore, IV (1893), p. 359.
(6) Reoue Celtique, II (1876), p. 485.
196 LA VIE HUMAINE
Saint- Jean, pour que les défunts s'asseyent dessus en
se chauffant (1).
59. — On recommande dans plusieurs pays de s'abs-
tenir de certains actes à n'importe quelle époque de
l'année, parce qu'ils pourraient être nuisibles aux morts.
Dans les Asturies il est mauvais de fermer brusque-
ment les portes ou les fenêtres, parce que des âmes du
purgatoire peuvent faire leur pénitence auprès. Un
jeune homme qui avait fermé avec colère une fenêtre
entendit sortir du bois une voix qui criait : « Ah ! tu
me tues ! (2) » En Allemagne cette interdiction existait
aussi parce qu'on croyait que les fantômes se tenaient
entre la porte et le montant (3) . On ne doit pas non plus
pousser violemment avec le pied une pierre ou un caillou
qui se trouve sur la route, parce qu'on ne sait pas si
des âmes du purgatoire n'y font pas leur pénitence (4).
En Bretagne on recommande de tousser quand on
franchit un talus d'ajoncs, et de ne pas étêter ces ar-
bustes par jeu, de peur de déranger ou de blesser celles
qui expient leurs fautes dans ces endroits (5).
Souvent ces âmes ont, en Bretagne, la forme de
papillon ; parfois comme dans le pays de Lannion, celle
de lièvres ; ceux-ci sont d'anciens seigneurs, condamnés,
après avoir fait trembler tout le monde de leur vivant,
à devenir les plus peureux des animaux (6). Dans les
Asturies existe aussi la croyance aux pénitences sous
(1) Le Braz, II, p. 113.
(2) Abivau, p. 235.
(3) Grimm, IV, p. 1815, n" 892.
(4) Arivau, 1. c.
(5) SÉBILLOT, 1, III, p. 436.
(6) SÉBILLOT, 1, III, p. 58, 332, 436.
LA MORT 197
des formes animales (1). En Sicile, le peuple croit que
l'âme des morts peut être cachée dans un reptile ;
quand on est obligé d'en tuer un, on a soin de protester
qu'on ne le fait qu'en sa qualité de serpent. Les cra-
pauds sont des trépassés qui expient leurs fautes, et
dans leur corps sont parfois enfermées les âmes des
orgueilleux qui, avant d'être condamnés à l'enfer,
doivent subir des humiliations sous cette forme répu-
gnante (2). En Basse-Bretagne certains croient que le
crapaud peut renfermer une âme d'ancêtres (3).
(1) Arivau, p, 236.
(2) Castelli, p. 9. PiTRÈ, 1, III, p. 353. 366, 365.
(3) Sébillot, 1, III, p. 281.
DEUXIEME PARTIE
LES CONSTRUCTIONS
ET LES TRAVAUX
CHAPITRE PREMIER
La maison.
60. Le choix de remplacement. — 61. Rites de la construction. —
61. Dangers de la maison neuve. — 63. La cheminée. — 64. Le
foyer et le feu. — 65. Vestiges du culte du feu. — 66. Actes
interdits à la maison.
Plusieurs des anciens rites de la construction sont
encore observés de nos jours, quelques-uns à peine
modifiés, d'autres aisément reconnaissables sous les
atténuations que le temps et l'évolution des mœurs
leur ont fait subir.
60. — Avant de commencer à bâtir de simples mai-
sons, ou même d'humbles cabanes, on se préoccupe de
savoir si le lieu choisi a l'agrément des puissances supé-
rieures. Autrefois dans le comté d'Antrim lorsque le
plan avait été mesuré, on retournait une motte de terre
à chacun de ses quatre coins, et on les laissait ainsi
deux ou trois nuits, pour voir si on ne trouvait sur une
LA MAISON 199
« promenade » des fairies. En ce cas, des mains invi-
sibles les replaçaient dans leur trou ; si elles n'étaient
pas dérangées, on tuait une poule ou un petit animal
dont on faisait dégoutter le sang dans les quatre exca-
vations (1). Naguère dans le Morbihan on enfouissait
dans le sol, au milieu de l'édifice projeté, comme offrande
aux génies de la terre, une couple de poulets plumés ;
on les déterrait quelque temps après, et s'ils étaient in-
tacts, on se figurait que le présent n'avait pas été agréé
par les esprits et que l'emplacement leur déplaisait (2).
61. — Les vieux maçons du nord de l'Ecosse accomplis-
saient encore assez fréquemment au siècle dernier une
sorte de figuration de la coutume barbare qui consis-
tait à étendre vivantes, sur le sol, des victimes humaines,
pour assurer la solidité des murs que l'on bâtissait
ensuite sur leurs corps. Lorsque la tranchée pour les
fondations avait été creusée, la première pierre était
posée sur le bord, et le plus jeune apprenti, ou à son
défaut le plus jeune ouvrier, se couchg,it, la tête enve-
loppée dans un tablier, sur le fond, droit au-dessous
de la pierre ; on répandait sur sa tête un verre de
whisky, et lorsqu'on avait crié trois fois : « Préparez-
vous ! » deux maçons faisaient le geste de placer la
pierre sur le dos du compagnon couché ; et un autre
ouvrier lui frappait par trois fois les épaules avec un
marteau (3). En Grèce, le procédé est moins matériel ;
(1) Folk-Lore, X (1899), p. 118.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 91.
(3) Revue des Trad. pop. VI (1891), p. 173. W. Gregor, l'auteur
de cet article, tenait cette description d'un homme qui avait assisté
en 1849 à cette cérémonie à Ballaster, comté d'Aberdeen.
200 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
il est fait à l'insu de celui qui doit servir au simulacre
de l'emmurement d'une personne : Tarchitecte amène
un homme près des fondations, prend secrètement la
mesure de son corps ou de son ombre, et l'enterre sous
la première pierre ; celle-ci est parfois posée sur l'ombre
de l'homme, qui meurt dans l'année. L'ombre sur
laquelle on construit, comme on le faisait jadis sur un
corps, est d'un usage assez courant en Bulgarie et chez
les Roumains de Transylvanie, et l'on y vendait autre-
fois des ombres destinées à cette figuration (1).
L'emmurement réel d'une créature vivante, réputée
d'ordre inférieur, qui a été substitué à celui des hommes
ou des bêtes du rite primitif, s'est perpétué en Anjou
et dans le Maine où, jusqu'à une époque récente, on
emmurait une grenouille ou un autre petit animal.
Des talismans destinés à assurer la durée de la cons-
truction ou à i^rocurer la chance à ses habitants sont
placés sous les fondations ; des haches de pierre polie
y ont été mises jusqu'à ces dernières années en plusieurs
pays de France (2) ; dans le nord de l'Ecosse, c'étaient
des griffes de chat, des dents humaines, des sabots de
vache et une pièce d'argent, qui était placée sous le
montant de la porte (3)-
L'arrosement de la première pierre avec le sang d'un
animal a été pratiqué en France au siècle dernier, même
dans les villes ; en 1862 à Quimper on répandait encore
dessus le sang d'un coq égorgé (4). En Grèce on y verse
(1) Frazer, I, p. 223.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 90, 70.
(3) Campbell, 1, p. 231.
(4) SÉBILLOT, 1, IV, p. 91, 93.
LA MAISON 201
celui d'un coq, d'un bélier ou d'un agneau, qui est
ensuite enterré dessous (1). Une coutume observée au-
trefois en Ecosse était vraisemblablement un souvenir
inconscient des anciens usages cruels ; les maçons
faisaient toucher la première pierre à la tête de la pre-
mière créature, homme ou bête, qu'ils rencontraient le
matin en se rendant à leur travail (2). Le coup frappé
sur la première pierre est accompagné d'un certain
cérémonial : naguère dans le Morbihan, on y creusait
un trou dans lequel on déposait une pièce de monnaie
de l'année; tous les ouvriers, ainsi que le propriétaire,
la frappaient avec un marteau, et l'un d'eux, à genoux,
disait une prière et récitait une formule adressée à la
pierre elle-même. Aux environs de Mamers (Sarthe) le
propriétaire l'asperge avec un buis trempé dans de l'eau
bénite, qui est ensuite scellé dans la maçonnerie; le
premier coup frappé est suivi d'ordinaire d'un présent
aux maçons. Dans les Côtes-du-Nord , si c'est une
jeune fiUe qui le donne, ils l'embrassent tous. Dans
le Puy-de-Dôme le premier coup, s'il était frappé par
un enfant, entraînerait pour lui la mort avant l'année
révolue (3).
62. — ■ Suivant une opinion très répandue, la construc-
tion d'une maison est suivie d'un décès ou d'un malheur.
Dans le Lancashire elle est regardée comme funeste
à l'un des membres de la famille ; dans le nord de l'Ecosse,
elle cause à bref délai la mort de son propriétaire (4).
(1) Frazer, I, p. 223.
(2) Revue des Tiad. pop. IX (1894), p. 563.
(3) SÉBiLLOT, 1, IV, p. 93, 94.
(4) Hf.nderson, p. 45. Revue des Trad. pop. VI (1891), p. 173.
202 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
En Portugal beaucoup de personnes ont de la répu-
gnance à habiter une maison neuve, parce que la mort
y passera bientôt (1). En Basse-Bretagne, dès que la
première marche du seuil a été posée, l'Ankou, c'est-
à-dire la Mort personnifiée, vient s'y asseoir pour guetter
la première personne qui le franchira ; mais on peut
l'éloigner en lui offrant la vie de quelque animal ; un
œuf même suffit, pourvu qu'il ait été couvé. En Wal-
lonie, la maison est garantie lorsqu'une créature vivante
y a péri ; naguère on y enfermait un chat que l'on
laissait crever de faim. Le sacrifice d'un coq dont le
sang arrose le seuil, cri dont on asperge les diverses
pièces, a été relevé en nombre de pays de France, et
en 1902 il était d'un usage courant aux environs de
Rouen (2). A Madrid, où l'on croit qu'un membre delà
famille qui vient occuper une construction neuve est
exposé à une mort prochaine, on l'en garantit en tuant
un agneau que l'on porte dans la maison, et quand il
y a passé une nuit, on le fait manger à tous ceux qui
doivent l'habiter et qui dès lors n'ont plus rien à crain-
dre (3). En Basse-Bretagne celui qui entre le premier
est à l'abri de tout inconvénient s'il s'est fait précéder
de quelque animal domestique, chien, poule ou chat ;
le mal qui le menaçait tombe sur la bête (4).
En Sicile la prise de possession de la maison nouvelle
est accompagnée de pratiques assez nombreuses : il
faut franchir le seuil le pied gauche en avant, avoir à
(1) COELHO, p. 571.
(2) Sébillot, 1, IV p. 96-98.
(3) Olavarria, 1, p. 79.
(4) Sébillot, 1, IV, p. 98.
LA MAISON 203
la main un morceau de pain, signe d'abondance, une
bouteille de vin et une bouteille d'huile, présage d'une
vie aisée, un peu de sel contre toutes les sorcelleries
possibles et l'envie des voisins, et un balai comme
symbole de propreté. On dit aussi quelques mots dès
qu'on est entré, et on les termine en s'écriant : « Que la
pauvreté s'éloigne et que la richesse m'arrive ! » (1).
En Irlande, on récite une prière dans chaque coin de
la chambre à coucher et sur chacun des vêtements que
l'on y dépose ; les voisins qui y viennent doivent faire
aux gens de la maison un présent, si minime qu'il soit (2).
EnGaHce, on entre à reculons, après s'être frotté avec de
l'ail ; en Allemagne la première chose à y apporter,
pour être à l'abri du besoin, est un morceau de pain ;
aux Etats-Unis du pain et un balai neuf ; en Portugal
du bois et du sel ; à Liège et en Andalousie, on jette du
sel dans tous les coins (3).
En Ecosse, on regarde comme funeste d'entrer dans
une maison que son possesseur a laissée trop propre ;
celui qui en veut à la personne qui vient le remplacer
et désire enlever la chance du logis, le nettoie avec soin
avant de le quitter. On arrive au même résultat en mon-
tant sur le toit et en retirant la crémaillère par le tuyau
de la cheminée au lieu de la faire sortir par la porte,
ou en tressant de gauche à droite une corde de paille
que l'on traîne autour de la maison à rebours de la
(1) Trombatore, p. 46.
(2) Wilde, p. 207.
(3) Folk-LoregaUego,Séville,-i884, in-18, p. 118. Thorpe, III, p. 174.
Folk-Lore Journal, II (1884), p. 24. Leite 1, p. 252. Monseub, p. 115.
GuicHOT, p. 291.
204 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
course du soleil (1). Si celui qui s'en va d'un logis laisse
sous la porte les griffes de chat et les' dents humaines
qui y ont été mises au moment de la construction, le
nouvel occupant est exposé à des disgrâces et son bétail
mourra (2). En Portugal on se garantit du maléfice
que l'on soupçonne avoirété fait dans une maison, en
y lançant un chat avant d'y entrer ; si l'ensorcellement
est réel, il devient malade, meurt, et dès lors les gens
sont préservés de tout mal. En ce même pays, pour
savoir si on sera heureux dans une maison, il faut
compter les poutres en disant : Or, argent, cuivre, rien,
et ainsi de suite jusqu'à la dernière; le nom qui corres-
pond à celle-ci donne la réponse (3).
Suivant une cro3^ance en voie d'extinction, mais
qui, jusqu'à une époque récente, a été générale en
Europe, des génies bienveillants s'attachaient à la
maison, protégeaient la famille, et poussaient la com-
plaisance jusqu'à épargner bien des ouvrages domes-
tiques à ceux qu'ils avaient pris en affection. Dans
l'est de la Cornouaille on avait soin, quand on cons-
truisait une habitation, de laisber des trous dans les
murailles pour que les Piskies j)uissent entrer dans
le nouveau logis et y exercer une influence favo-
rable (4).
D'autres pratiques de la construction qui en marquent
presque la fin, puisqu'on les remarque dans les parties
supérieures, ont, au contraire, pour but de la garantir
(1) Gregor, 1, p. 53.
(2) Campbell, 1, p. 231.
(3) Pedro so, 1, n» 398.
(4) Folk-Lore, Journal, XV (1887), p. 182.
LA MAISON 205
des visites importunes, et plus' ordinairement de la
mettre à l'abri de la foudre. En Béarn on enchâsse
avec du mortier à l'une des pointes du toit un vase de
terre rempli d'eau bénite ; dans le pays de Luchon, on
pose sur le sommet une pierre debout, brute ou grossiè-
rement taillée, dans les Landes, des tuiles et parfois
des bouteilles debout, qui ont pu remplacer les haches
polies qui autrefois y étaient placées comme para-
tonnerres (1) ; dans le nord de l'Italie certaines pierres
blanches posées sur le toit garantissent de la foudre et
empêchent aussi les sorcières d'exercer leurs malé-
fices (2).
Des talismans, qui ne font pas partie intégrante de
la construction, sont surtout destinés à la préserver
du mauvais œil et des sorciers. En Sicile, on voit souvent
un fer à cheval suspendu au mur ; en Portugal, il est
cloué sur la porte (3), et cet usage est commun en Angle-
terre ; dans le Yorkshire s'il a été trouvé par hasard,
il empêche les sorcières et les mauvais esprits d'en fran-
chir le seuil ; en Cornouaille il est surtout puissant lors-
qu'il est troué. En Sicile, on fixe souvent sur la porte
une belle paire de cornes attachées avec du fil rouge (4).
Dans la montagne de Pistoia (Toscane) où des bran-
ches de genévrier sont suspendues devant toutes les
portes, on explique leur présence en disant que les
sorcières sont poussées irrésistiblement à en compter les
feuilles ; mais elles sont si nombreuses qu'elles se trom-
(1) SÉBILLOT, I, IV, p. 95.
(2) Giovanni, p. 99.
(3) Castelli, p. 25. Pedroso, 1, n" 221.
(4) Latham, p. 24. HuNT, p. 432. Castelli, 1. c.
12
206 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
pent dans leur compte, s'imj)atientent et s'éloignent,
de peur d'être surprises et reconnues (1). A Saint-
Briavel on tabouait la maison en traçant sur la mu-
raille et sur le seuil, ou si la porte n'en avait pas, sur
une pierre, une ligne blanche qui ne devait pas être
interrompue, et qui en interdisait l'entrée aux mauvais
esprits (2). A la Saint-Martin, (vers 1820) des paysans
irlandais arrosaient le seuil de la maison avec le sang
d'un animal tué, et ils en aspergeaient aussi les quatre
coins pour en chasser, pendant un an, toute sorte de
mauvais esprits (3). En Danemark ils ne peuvent fran-
chir le seuil de la porte, derrière laquelle on a répandu
de la graine de lin (4).
Dans le Northumberland les pierres percées, suspen-
dues au-dessus de la porte, sont un excellent préservatif
contre les sorcières ; dans le pays de Liège, elles empê-
chent l'entrée du cauchemar. Dans l'Aude, un vase
plein d'eau placé près du trou de la serrure ou de la
chatière est efficace contre les visites de la masque ou
sorcière qui s'y noie généralement (5).
Les pratiques protectrices accomplies à l'intérieur
sont souvent accompagnées de conjurations : Aux
Açores en posant en dedans de la porte un talisman
composé de plantes odoriférantes, on en récitait une
pour éloigner les sorcières (6). En Ecosse les paroles
(1) GUBERNATIS, 2, II, p. 152.
(2) Folk-Lore, XIII, (1902), p. 172.
(3) Folk-Lore Journal, VI, (1888), p. 57.
(4) Thorpe, II, p. 113.
(5) BaLFOUR, p. 51 ; SÉBILLOT, 1, I, p. 142.
(6) Pedroso. 2, p. 18.
LA MAISON 207
destinées à garantir de la visite des fantômes devaient
être prononcées trois fois derrière la porte, et dès lors
aucun ne pouvait entrer par là, par les fenêtres ou par
une crevasse quelconque ; sans cette opération, il pour-
rait y pénétrer par le trou de la serrure, et même à
travers la muraille (1). Dans les Abruzzes, le chef de la
famille, avant d'aller se coucher la nuit de Noël, trempe
la main dans un vase d'eau et asperge la chambre en
disant : « Sortez de ma maison, esprits malins, sortez ! » (2)
En Irlande un poulet, en Allemagne un coq noir,
sont tués à la Saint-Martin, et la maison est arrosée
avec leur sang (3). En Irlande un morceau de tourbe
enflammée, porté sur un bâton, ou sur des pincettes, à
la nuit tombée, préserve des fairies (4) ; en Portugal,
les sorcières ne peuvent entrer dans un logis qui a été
parfumé à minuit, le mardi et le vendredi (5). Dans
l'Allier, on leur interdit l'accès de celui dont on s'ab-
sente en plaçant un balai devant la porte, ou en le
mettant derrière.
Suivant une conception dont on rencontre de nom-
breux exemples chez les primitifs, et qui subsiste encore
en Europe, des procédés apparentés à ceux employés
contre les esprits garantissent le logis des bêtes impor-
tunes ou nuisibles. En Haute-Écosse, lorsqu'un endroit
est infesté de rats et de souris, et qu'on n'a trouvé aucnn
moyen de les chasser, on compose une formule riméeleur
(1) Stewart, p. 54.
(2) FiNAMORE, p. 66.
(3) Wilde, p. 180. Folk-Lore Journal, II (1884), p. 262.
(4) Folk-Lore, VII (1896), p. 299.
(5) Pedroso, 2, p. 17.
208 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
ordonnant de s'en aller ; on leur dit où il faut qu'ils se ren-
dent, en les prévenant d'éviter des dangers, et en leurdé-
crivant les avantages qu'ils auront dans leur nouvelle
résidence. Ce charme est appelé la Satire du Rat, et
s'U est bien composé la vermine s'en va (1). En Portugal,
on met sur la porte de l'armoire un morceau de papier
avec cette inscription :« En l'honneur de S. -Bento — Que
les fourmis ne puissent entrer ici » (2).
63. — La cheminée est l'objet de pratiques toutes
spéciales, qui, dans le nord de l'Ecosse, commencent
dès la construction : la première pierre posée est celle
qui doit être derrière le foyer ; on frappe dessus un pou-
let, jusqu'à ce qu'elle soit arrosée de son sang. Cet
acte a pour but d'assurer que le feu fasse bouillir un pot
bien rempli aussi longtemps que celui qui construit la
maison y habitera (3). Aux environs deDinan, on ne doit y
allumer de feu qu'après y avoir jeté trois gouttes d'eau
bénite ; sans cette mesure le diable en prendrait posses-
sion, et bientôt délogerait le bon Dieu du reste de la
maison (4).
La plantation de la crémaillère, dont le rôle en Folk-
Lore est considérable, et qui a sans doute été accom-
pagnée autrefois d'une sorte de cérémonie rituelle
n'est plus guère que l'occasion d'un repas. Plusieurs
croyances s'attachent à la crémaillère : dans les
Abruzzes on ne doit pas la faire osciller du deux
novembre à l'Epiphanie, pour ne pas éveiller les morts
(1) Campbell, 1, p. 225-226.
(2) Leite, 1, p. 138.
(3) Revue des Trad. pop. VI (1891), p. 175.
(4) Sébillot, 1, I, IV, p. 99.
LA MAISON 209
qui, durant cette période, dorment dans la maison (1).
En France et en Ecosse, des sorciers peuvent en la
trayant enlever le lait des vaches de leurs voisins (2).
Des talismans ont pour but d'empêcher les esprits
d'entrer par la cheminée, qui est une de leurs routes
familières, et celle par laquelle descendent les fées des
contes. Les paysans du Dorset y suspendent, comme
préservatif de la visite des fairies,un cœur de bœuf, ou
attachent à un clou spécial un sachet de sel (3). On
trouva dans une cheminée à Shrewsbury un papier sur
lequel était écrite une conjuration ordonnant à tous
les mauvais esprits de quitter la maison (4).
64. — Le foyer dont le langage courant fait en quelque
sorte le centre, presque le sanctuaire, de la maison, peut être
considéré comme l'autel du feu, et c'est à celui qui y
brûle pour les usages domestiques que se rattachent la
plupart des croyances en relation avec cet élément. C'est
pour cela que je réunis ici celles qui n'ont pas, en raison
de leur rôle particulier, leur place marquée dans les
autres chapitres de cet ouvrage.
En Wallonie, lorsqu'il s'agit d'allumer le feu le matin,
on récite une oraison à saint Laurent, qui, à cause de
son suppnce,lui est souvent associé, et qui a peut-être
pris la place de quelque divinité : <( <( Bien aimé saint
Laurent, pour que mon feu aille bien, mettez dedans
votre bâton ; si vous ne le mettez pas , il ne prendra pas » ( 5) .
(1) FiNAMORE, p. 183.
(2) SÉBiLLOT, 1, IV, p. 84. Campbell, 2, p. 9.
(3) Folk-Lore Journal, VII (1889), p. 176. Folk-Lore,^ (1899), p. 480.
(4) Folk-Lore Record, V (1882), p. 160.
(5) Wallonia, V (1897). p. 84.
12.
210 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
Les paysans du Leicester, lorsqu'il brûle difficilement
mettent le poker sur le foyer, de façon à ce qu'il forme
croix avec la base de la grille ; ils peixsent détruire ainsi
la malice des gnomes, jaloux de ce que les hommes
sont en possession de leurs trésors souterrains, et celle
des démons et des sorcières qui président aux cheminées
qui fument (1).
Le feu joue un rôle protecteur en Portugal, et il pré-
serve de la visite des sorcières lorsqu'il a été allumé au
moment où l'on s'absente temporairement de la mai-
son (2).
En Italie, où comme en nombre d'autres pays, les
morts se tiennent dans le foyer quand il leur est permis
de revenir sur terre, on prend des précautions pour ne
pas les déranger ; en Sicile, lorsqu'on défait un feu, et
qu'on jette à terre les tisons enflammés, on les éteint
aussitôt pour que les âmes des limbes, qui sont dans
l'obscurité et dont la vue est très sensible, ne soient pas
affectées en les voyant (3) ; dans le Montferrat, on les
éteint vivement avec le pied, de peur de faire souffrir
les âmes du purgatoire (4).
Suivant des croyances en relation avec la nais-
sance et avec là mort il est dangereux de laisser,
à certains moments, sortir du feu de la maison.
Dans les comtés du nord de l'Angleterre, la chance
s'en va, si on l'enlève à la Toussaint, au nouvel an, à
(1) BiLLSON, p. 60.
(2) Leite, 2, II, p. 113.
(3) PiTRÈ, 1, IV, p. 458.
(4) Ferraro, p. 35.
LA MAISON 211
la Saint- Jean, etc., en Irlande le premier mai (1). En
Ecosse l'interdiction s'applique aux premiers jours des
quartiers de l'année, nouvel an, Sainte Bride, Beltane,
Lammas ; en donner, surtout lors de ces derniers jours,
ce serait fournir à celui qui l'a pris le moyen de détourner
à son profit tout le bénéfice des vaches. Si on ne peut
le refuser, on a soin de jeter, dès que celui qui l'emporte
est parti, un morceau de tourbe enflammée dans un
baquet d'eau (2).
Le respect du feu est l'objet de défenses qui s'adres-
sent aux enfants, et aussi aux hommes, et que souvent
sanctionnent des châtiments. Quelques-unes sont en
relation avec des idées religieuses : on dit en Portugal
qu'au commencement du monde, il sortit de la bouche
d'un ange, c'est pour cela qu'on commet un péché en
crachant dessus ; on dit aussi qu'en le faisant on crache
sur la figure de Dieu, et que les étincelles sont des
âmes qui vont au purgatoire. En Espagne, c'est auss
un péché de cracher sur le feu, et en Portugal, celui
qui le fait crache sa chance (3). Dans l'ouest de la
France et en Hainaut il devient poitrinaire ; des pus-
tules douloureuses sur la langue punissent les enfants
juifs qui contreviennent à cette défense; en Portugal,
on peut attraper la colique ou la pierre (4). En Wal-
lonie, on dit aux enfants que s'ils urinent dans le feu
ils attraperont la chaude-pisse ; la ménagère qui y
(1) Henderson, p. 72. Wilde, p. 106.
(2) Campbell, 1, p. 234-235.
(3) Leite, 1, p. 24-35. Guichot, p. 257.
(4)SoucHÉ, l,p. 25. Fraysse, p. 165. WaUonia,\II, (1899) p. 159.
ScHULH, p. 31. Leite, 1, p. 51.
212 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
jette les excréments de son nourrisson l'expose à avoir
« le feu » dans le corps, c'est-à-dire une inflammation (1).
D'autres prohibitions ont surtout pour but d'empê-
cher les enfants de s'approcher du feu et de s'y brûler ;
on leur dit en Wallonie, que s'ils s'amusent à couper la
flamme, ils raccourcissent leur vie d'un an ; à Marseille,
en Poitou et en Portugal, qu'ils pisseront au lit s'ils
jouent avec les tisons (2).
65. — Quelques vestiges de l'ancien culte du feu
subsistent dans l'Europe occidentale : les paysans
liégeois en l'allumant le premier jour de l'an, lui sou-
haitent la bonne amiée (3). Lorsque tous les feux do-
mestiques venaient à être éteints, les habitants de l'île
Murry en Irlande se rendaient à une pierre vénérée et
en tiraient des étincelles qui seules devaient servir à les
rallumer (4). Il y a une centaine d'année, les paysans
du nord de l'Ecosse se procuraient un incomparable
agent de préservation en obtenant un feu nouveau au
moyen d'une cérémonie rituelle qui était ainsi pratiquée
en 1828 : On recommandait à tous les chefs de famiUe
habitant entre les deux rivières les plus proches d'étein-
dre, à un matin désigné, tous les feux et toutes les
lumières ; lorsqu'on était certain que cela avait été stric-
tement observé, un rouet, ou tout autre instrument
capable de produire du feu par friction, était mis en mou-
vement par celui qui se croyait victime d'un maléfice et
(1) Wallonia, V, (1897), p. 82.
(2) Wallonia, V, (1897), p. 82. Régis, p. 265. Souche, 1, p. 31.
Pedroso, 1, p. 259.
(3) HocK, p. 99.
(4) Wilde, p. 227.
LA MAISON 218
par ceux qui s'intéressaient à lui. A la fin, le fuseau
enflammé par la friction produisait le Forlorn F ire en abon-
dance, et au moyen d'une étoupe ou de tout autre combus-
tible il s'étendait atout le voisinage. L'étoupe le commu-
niquait à la chandelle, la chandelle à la torche, la torche
à un quartier de tourbe, que le maître des cérémonies,
après de pieux souhaits pour la réussite de l'expérience,
distribuait aux messagers qui, avec ces morceaux de-
vaient rallumer les feux dans les maisons entre les deux
ruisseaux ; par ce moyen, les machinations de la sor-
cellerie étaient conjurées et réduites à l'impuissance (1).
Le feu intervenait aussi dans le sacrifice d'un être
vivant que, jusqu'à une période assez récente, les petits
fermiers des districts éloignés de la Cornouaille ont cru
nécessaire pour apaiser la colère de Dieu. C'est ainsi que
vers 1800, un fermier, après avoir essayé tous les moyens
de se débarrasser d'une épidémie qui sévissait sur son
bétail, consulta ses voisins qui lui dirent qu'elle ne ces-
serait que s'il brûlait vivant le plus beau de ses veaux.
On croyait ne pouvoir guérir une personne ensorcelée
qu'en prenant dans l'âtre du jeteur de sort trois tisons
allumés ; un enfant marchait dessus trois fois, puis on
les éteignait avec de l'eau (2).
L'ordahe par le feu a été pratiquée dans l'ouest de la
Cornouaille jusqu'à une époque dont on garde encore le
souvenir ; on allumait du feu sur une des larges pierres
plates si communes dans les villages de ce pays, et on en
tirait un tison que l'on remettait à celui qui était accusé
de quelque larcin, et qui devait, s'il était innocent, l'étein-
(1) Stewart, p. 215-216.
(2) HuNT, p. 211-213.
214 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
dreavecsa salive (1). Dans le pays de Galles, chacun jetait
une petite pierrre avec sa marque dans le feu allumé en
commun au commencement de l'hiver ; s'il la trouvait
intacte le matin, il devait avoir une année heureuse (2).
En France, ainsi qu'on l'a vu, on pratique des consul-
tations pour la vie ou pour la mort, dans les feux de la
Saint-Jean.
Le serment par le feu est encore usité en Basse-Bre-
tagne ; le paysan crache dans sa main droite, fait le
signe de la croix et dit en levant sa main mouillée :
« Je le jure par le feu rouge ! » (3).
66. — Il est un certain nombre d'actes qui, permis
pendant le jour, sont rigoureusement interdits après
le coucher du soleil. La défense est tantôt motivée par
des croyances religieuses ou surnaturelles, tantôt par
la punition qui atteindrait ceux qui la violeraient.
En Basse-Bretagne, on doit s'abstenir de balayer la
maison, parce que l'on pourrait blesser et écarter les
trépassés qui s'y promènent, ou les pousser dehors avec
la poussière ; si malgré cela, on l'a jetée, il faut se garder,
si le vent la repousse, de la jeter dehors une seconde fois,
sous peine d'être réveillé à tout moment par les âmes
défuntes. On dit aussi qu'en balayant on chasse la Vierge
qui fait sa tournée pour voir dans quelles maisons elle
peut laisser entrer ses âmes préférées. En d'autres pays
c'est pour les vivants que cet acte est dangereux; en
Corse, il amènerait le décès de quelqu'un de la famille,
(1) Folk-Lore Journal, V, (1887), p. 97.
(2) Rhys, I, p. 2, 24-25.
(3) Revue Celtique, VI (1881), p. 184.
LA MAISON 215
dans le Loir-et-Cher celui du maître de la maison (1).
En Portugal, on balaie sa fortune, mais on peut en jetant
du sel sur la poussière ne pas avoir à souffrir de cet
acte. Dans le même pays, celui qui jette des ordures
dehors jette sa chance (2). En Irlande, il faut se garder
de jeter de l'eau sale la nuit, de peur de déranger les
elfes qui s'amusent (3) ; si on est forcé de le faire, il est
nécessaire de prévenir ceux qui pourraient se trouver
dans le voisinage en disant : « Avec votre permission » (4) ;
qu'elle soit sale ou propre, les gens du peuple ne man-
quent pas de crier : « Gare l'eau ! » parce que les esprits
des derniers décédés errent autour de la maison, et
qu'il serait mauvais qu'elle tombe sur eux (5). En
Portugal, on doit les prévenir en disant : « Fuyez,
trépassés ! voici, Tçau qui a lavé les pieds ! » On croit
aussi qu'il faut s'abstenir d'en jeter dans la rue, parce
qu'une personne malveillante pourrait s'en servir pour
nuire à celui qui s'y est lavé (6).
(1) SÉBILLOT, 1, I. p. 136-137.
(2) Leite, 1, p. 12. Pkdroso, 1, n" 1.
(3) MooNEY, p. 139.
(4) Folk-Lore Journal, II (1884), p. 262.
(5) Wilde, p. 81.
(6) Pedroso, 1, n°' 60, 51.
CHAPITRE II
Les bateaux.
67. La construction et le lancement. — 68 Le lest et les amulettes.
— 69. Procédés de déscnsorcellement.
Si les survivances des sacrifices qui accompagnaient
les constructions terrestres sont encore apparentes sous
les atténuations modernes, il est plus difficile de retrou-
ver des traces certaines de ceux que l'on faisait autre-
fois sur le chantier des navires au moment de leur
mise à l'eau, et qui étaient encore en usage en
Polynésie, il y a. moins d'un siècle (1).
67. ^- La coutume de clouer un crapaud dans la
carcasse des bateaux en chantier, encore pratiquée
dans la Gironde par les marins qui pensent ainsi empê-
cher les rats de venir à bord, a pu être motivée autrefois
par une croyance analogue à celle qui, sur terre, fait
enfouir un animal sous les fondations (2). Ce qu'on ap-
pelle l'arrosement de la quille, et qui en Haute- Bretagne
consiste à boire un coup au moment où on la pose,
dans le Boulonnais à se rendre au cabaret après que
(1) Revue des Trad. pop., XIV (1899), p. 182.
(2) Rolland, III, p. 52.
LES BATEAUX 217
le premier clou a été enfoncé par le charpentier, n'a
que des rapports lointains avec l'arrosement par le
sang qui était en usage autrefois. Un parallèle plus
exact de la pose de la première pierre se retrouve en
Provence : on met quelques pièces de monnaie dans la
mortaise de l'étambot ; le capitaine ou l'armateur,
ainsi que le constructeur, font une croix avec un outil
sur l'arrière de l'étambot, et à cette occasion ils paient
à boire aux ouvriers (1). En Poméranie, on tâche de faire
entrer un peu de bois volé dans la quille ou dans quelque
œuvre importante ; cet acte donne au navire le privi-
lège de naviguer très vite la nuit (2).
En Haute- Bretagne lorsque la coque est terminée,
on l'arrose avec de l'eau de mer, et cette sorte de bap-
tême, probablement plus ancien que la cérémonie catho-
lique, est accompagné d'une formule rimée adressée au
bateau, et qui n'a aucun caractère chrétien ; il en est
de même de celles qu'on récite en le lançant, ou dès
qu'il flotte sur l'eau (3).
Au moment où l'on va procéder aux derniers prépa-
ratifs, le capitaine reçoit, en Provence, de la main du
constructeur une herminette avec laquelle il doit tracer
une croix à l'arrière du navire ; le constructeur en fait
une aussi, et c'est alors seulement qu'il donne le signal
convenu pour la mise à l'eau. Au milieu du siècle der-
nier, en Angleterre, une femme cassait une bouteille
contre l'avant, et c'était pour le vaisseau comme le
signal du départ. En Sicile, après un dialogue entre le
(1) Sébillot, 4, p. 135-136.
(2) Revue des Trad. pop. XIV (1890), p. 132-133.
(3) SÉBILLOT, 4, p. 137-139.
LE PAGANISME CONTEMPORAIN 13
218 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
pi'opriétaire et le constructeur, celui-ci le bénissait avec
une formule qui se terminait par une prière, puis il
donnait deux coups de hache en croix sur la poupe,
et la barque était lancée à la mer (1). A Plouézec, près
de Paimpol, où le bateau a, suivant l'usage des côtes
françaises, un parrain et une marraine, ceux-ci, après
le baptême, frappent chacun à leur tour quelques coups
de marteau sur cinq petites chevilles dans les trous
desquelles on a préalablement introduit du pain bénit.
En Haute-Bretagne, après la bénédiction, on distribue
du pain bénit à tous ceux qui se trouvent à bord, puis
on écrase sur le pont plusieurs galettes de biscuit, et
le patron brise sur l'avant une bouteille de vin en
disant : « Biscuit et bouteille de vin . — Fais que rnon bateau
ne manque jamais de pain. » Le parrain et la marraine
se penchent alors sur le pont, ramassent les miettes de
biscuit et lèchent les gouttes de vin (2). La coutume
de briser sur le pont une bouteille contenant un liquide
est à peu près générale, et comme le vin rappelle par
sa couleur le sang dont le bateau était jadis arrosé, il
est supposable qu'il y a là une survivance adoucie de
ce rite. Les bouteilles de Champagne de plusieurs
cérémonies modernes, les bouteilles d'eau-de-vie brisées
en Ecosse sur l'avant ou sur l'arrière, suivant le côté par
lequel le navire est entré dans la mer (3), constituent
une atténuation encore plus grande de l'ancienne et
sanglante libation.
68. — Les pierres du lest sont l'objet de préoccupa-
(1) Revue des Trad. pop. XIV (1899^, p. 387.
(2) SÉBILLOT, 4. p. 142-144.
(3) Revue des Trad. pop. XIV, p. 390-392. Gregor, 1, p. 197.
LES BATEAUX 219
tions dont quelques-unes font songer aux talismans
des maisons ; les pêcheurs des Highlands ont soin d'y
mettre une « pierre de chance » (1), mais ils se gardent
bien d'y employer celles qui sont blanches ou ont été
rongées par les pholades (2), les marins du golfe d'Amalfi
évitaient d'y placer les pierres trouées que l'on rencontre
souvent sur cette côte, prétendant que les bateaux
seraient comme enchaînés et ne pourraient partir (3).
Le bord a aussi de véritables amulettes ; naguère un
coin de foudre était caché dans la chambre du capitaine
des caboteurs guernesiais, pour les préserver de l'o-
rage (4) ; les pêcheurs de Sandside plaçaient une branche
de lierre pourvue de neuf joints (5). Les marins de la
Baltique clouaient sur le pont devant le grand mât,
un vieux fer de cheval trouvé par hasard, les caboteurs
bretons le clouaient jadis sur l'étrave (6), et les bateaux
de pêche de Northumberland ne sortaient pas autre-
fois sans suspendre une pierre percée à l'un des agrès (7).
Les matelots poméraniens clouaient au mât une pièce
d'argent, de préférence ancienne (8) ; aux Açores, c'est
au mât de poupe que l'on fixe le fer du pied gauche d'une
mule (9). Les pêcheurs des Highlands clouent au mât
(1) Folk-Lore, XIV (1903), p. 303.
(2) Folk-Lore Journal, lY (1886), p. 15.
(3) Magasin pittoresque (1855), p. 84.
(4) Sébillot, 1, IV, p. 71.
(5) Folk-Lore, XIV (1903), p. 303.
(6) SÉBILLOT, 2, II, p. 68-G9.
(7) Balfour, p. 51.
(8) Mélusine, VII (1894-5), col. 208.
(9)Leite, 1, p. 100.
220 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
en même temps^ue le fer à cheval, une patte de lièvre
et un morceau de frêne des montagnes, ceux de l'ouest
de l'Ecosse attachent un fragment de sorbier aux
drisses de leurs bateaux (1).
69. — Les navires, comme les maisons, peuvent être
l'objet de maléfices : pour lever un charme jeté sur
leur bateau, les pêcheurs des îles Shetland s'embarquent
avant le lever du soleil et brûlent, à l'aurore, une
figure de cire dans leur barque pendant que le patron
crie : a Va-t'en, Satan» (2). Dans le Finistère lorsque la
malechance est venue à bord à la suite d'un vol, on
flambe l'intérieur avec de la paille humide dont la
fumée a la vertu d'exorciser le malin esprit qui s'y est
logé au moment du larcin. Mais comme le lutin peut
se faire assez petit pour se blottir dans un dé à coudre,
on a soin de faire entrer la fumée dans les moindres
fentes et dans les plus petits trous. A Audierne on
conjure la Bosj ou malechance, qui se loge toujours à
l'avant .par plusieurs moyens dont le plus curieux
consiste à introduire secrètement dans le bateau une
poignée de paille d'avoine volée à terre. La nuit, en mer,
lorsque tout le monde dort, l'opérateur met le feu à
sa paille au pied du mât de misaine, et crie : « Le diable
à bord ! » Les matelots éveillés en sursaut saisissent
tout ce qui se trouve à leur portée et cognent à droite
et à gauche. La Bosj, étouffée par la fumée, traquée,
battue de tous côtés, saute à la mer (3). En Ecosse
lorsqu'on soupçonne qu'un bateau a été ensorcelé, on
(1) Folk-Lorc, XIV (1903), p. 303. Mélusine, VII (1894-5), col. 281,
(2) Frazer, I, p. 14.
(3) SÉBiLLOT, 4, p. 215-217.
LES BATEAUX 221
fait un nœud coulant sur des drisses, assez larges
pour permettre au bateau de les traverser, puis on les
place sur l'avant, on les pousse sous la quille, et le
bateau met à la voile en passant à travers le nœud
coulant (1).
(1) Gregor, I, p. 199.
CHAPITRE III
L'étable et la basse-cour.
70. La protection de l'étable et du poulailler. — "1. Procédés pour
tabouer les abords de la ferme. — 72. Conjuration des oiseaux de
proie et des carnassiers. — 73. La fécondité et la domestication.
— 74. Prophyla.xio des maladies. — 75. Procédés magiques pour
la guérison des bestiaux.
70. — Les animaux qui viennent occuper une étable
neuve sont exposés aux mêmes dangers que les hommes
qui entrent dans une maison nouvellement construite,
et pour qu'ils en soient préservés, il faut aussi que la
mort y passe. C'est pour cela que les paysans de la
Beauce et du Perche l'arrosent avec le sang d'un coq
égorgé, qu'ils enterrent sous la place que doit occuper
le taureau ; en Saintonge ils sacrifiaient une poule
noire dont ils faisaient rejaillir le sang sur les murs ;
en Touraine ils y laissaient mourir un poisson (1).
Les talismans des étables et des écuries sont nombreux,
et l'on y voit figurer en bon rang les objets préhistori-
ques. Les paysans des Landes, de la Gironde et du
Vivarais placent des haches en pierre polie sous le
seuil de leurs bergeries, surtout quand elles sont cou-
vertes en chaume, pour les garantir de la foudre ; dans
le Lauraguais, on les met dans quelque trou de la mu-
raille. Dans l'Albret et dans l'Allier on pose en croix
(1) Sébillot, 1, IV, p. 97-98.
l'étable et la basse-cour 223
sur la porte du parc ou de l'étable deux tisons de la
bûche de Noël ; en plusieurs pays, on y suspend en
croix des plantes qui ont été passées par le feu de la
Saint- Jean (1). Dans le Lincolnsliire une pierre trouée
attachée à la clé de l'écurie empêche les sorcières de
venir y prendre lea chevaux (2).
L'intérieur est pourvu d'un plus grand nombre encore
d'amulettes ; dans le Tarn les haches qui y sont supen-
dues garantissent les moutons des maladies ; ailleurs
on les met dans quelque coin du mur, dans la crèche,
au-dessous, ou à proximité du bétail. On fixe aussi à
la muraille des rameaux bénits, qui, en Saintonge,
doivent provenir d'un arbuste épineux, ou, comme dans
le Morbihan, des branches de sureau (3). En Ecosse
des rameaux de houx et de sorbier placés au-dessus
de la porte empêchent la visite du cauchemar (4). Dans
le nord de l'Angleterre, des pierres naturellement
trouées en préservent les écuries (5) ; dans la Suisse
romande elles sont pendues à la crèche du cheval et le
garantissent du lutin qui viendrait pour tresser sa
crinière. On croit en France et en Wallonie que, sus-
pendues dans l'étable, elles la mettent à l'abri des
maléfices. En Basse-Bretagne le bâton de charrue posé
le soir dans le râtelier empêche le Boudic d'embrouiller
les crins des chevaux (6).
(1) SÉBiLLOT, 1, IV, p. 70,71 ; m, p. 135, 478.
(2) Folk-Lore, VII (1896), p. 55.
(3) SÉBILLOT, 1, IV, p. 71 ; III, p. 385.
(4) Folk-Lore Journal, VII (1889), p. 41.
(5; Hbnderson, p. 166.
(6) SÉBILLOT, 1, III, p. 117 , I, p. 356,
224 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
Il y a une cinquantaine d'années des fermières des
environs de Dinan plaçaient dans le nid des poules
couveuses des haches de pierre, vraisemblablement
destinées, comme les morceaux de fer dont l'emploi
est beaucoup plus fréquent, à préserver les œufs des
effets de l'orage (1). Le poulailler ne semble pas avoir
d'amulettes fixes ; mais plusieurs procédés en éloignent
les ennemis des poules. En Sicile, pour que la belette
ne dévore pas les mères et les poussins, on la marie,
en lui récitant à haute voix cette conjuration, qui la
rend inoffensive : « Si tu es femelle, je te donne le fils
du roi ; — Si tu es mâle, je te donne la fille de la
reine (2) ». En Basse-Bretagne, au commencement du
siècle dernier, on mettait du pain .et du lait dans les
endroits où passaient les belettes et les hermines, et
l'on disait que, contentes de cette offrande, elles n'atta-
quaient plus les volailles (3).
71. ^ — Les paysans ont recours à plusieurs procédés
magiques pour tahouer les abords de l'habitation :
dans la Suisse romande on entoure d'un fil rouge l'en-
clos des poules pour le garder du renard ; en Bresse,
l'oijérateur, après avoir, avant l'aurore, récité sans
bredouiller sa prière du matin, fait le tour du logis et
de ses dépendances en traînant au bout d'une corde
un os du festin du Mardi-Gras, qui ne doit pas quitter
la terre d'un millimètre afin de ne laisser en aucun
point le i^lus petit passage ; lorsque le cercle a été
tracé, sans que nul voisin ne l'aperçoive, et que les
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 73 ; III, p.'229.
(2) PiTRÊ, 1, m, p. 440, 441.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 31.
l'étable et la basse-cour 225
deux extrémités ont été bien soudées, il lance l'os, de
toute sa force, dans la direction oj^posée aux bâtiments.
Dans la Brie le fermier attachait un morceau de lard
à une corde avec laquelle il décrivait autour de sa
maison un cercle étendu, afin de tracer l'enceinte pro-
tectrice, et il disait en marchant : « Renard, tu ne man-
geras pas plus de mes poules que de mon lard. « En
Dauphiné le contact avec la terre n'est pas obHgatoire ;
on fait, après le soleil couché, le tour de la propriété
dont on veut écarter les renards en portant dans une
besace les os de la volaille qui a servi à fêter le Mardi-
Gras, puis on la jette le plus loin possible. Naguère
dans l'Yonne on dépeçait un jeune mouton et on en
déposait un quartier à chaque angle du terrain qu'il
s'agissait de préserver du loup, en invoquant sainte
Marie, sainte Agathe et saint Loup. Les métayères de
ce pays charmaient aussi le renard au moyen de frag-
ments d'une omelette de douze œufs, dont elles allaient,
en courant aut(>ur de l'enclos, lancer un morceau à
chacun des coins en disant : « Renard, v'ià ta part,
prends-la et n'y reviens pas » (1).
72. — Plusieurs conjurations rimées, ou qui ont
toutes au moins une forme consacrée, sont faites sur
un ton engageant ; en Portugal elles promettent un
poulet au milan s'il consent à s'éloigner ; dans le pays
messin on charme les buses en leur disant : « Buse,
buse, fais trois fois le tour de la maison, tu auras le
plus beau de mes oisons » (2). Dans le nord Scandinave,
pour rendre invisibles à l'épervier les oisons sur le
(1) SÉBILLOT, l.'lll, p. 30-31.
(2) Leite, 1, p. 157. SÉBILLOT, 1, m, p. 184.
13.
226 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
point de quitter leur nid, on les fait passer par les jambes
d'un pantalon, et ailleurs par le squelette du bassin
d'un cheval ; le renard ne pourra ensuite les mordre
parce qu'ils lui apparaîtraient aussi grands que des
chevaux (1), Autrefois dans les îles du nord de l'Ecosse,
lorsqu'un aigle enlevait un mouton ou une volaille, le
berger faisait plusieurs nœuds à une corde en récitant
une incantation qui contraignait l'oiseau à lâcher sa
proie, même s'il se trouvait à une grande distance du
charmeur (2).
La croyance suivant laquelle il est possible, en
adressant aux carnassiers les plus redoutables des
formules, parfois accompagnées de gestes, de les em-
pêcher de nuire aux animaux domestiques, est encore
courante en beaucoup de pays. En France, on emploie
souvent le Pater du loup, qui s'apphque aussi au
renard, dont on a des exemples assez anciens, et dont
les variantes sont nombreuses ; il n'a parfois de chré-
tien, comme en Gascogne, que le premier et le dernier
vers, les autres prennent directement à partie la bête
elle-même. Des saints interviennent aussi dans ces
formules, et lorsqu'il s'agit de brebis égarées dialoguent
avec le loup, et lui ordonnent de les garder sans y tou-
cher jusqu'au soleil levé (3). Lorsqu'une jeune taure
s'égarait la première fois qu'elle était mise aux champs,
les Solonaises allaient jeter deux liards dans la serrure,
se mettaient à genoux et disaient tout haut cinq Pater
et cinq Ave qu'elles adressaient à saint Hubert, per-
(1) Gaidoz, p. 65.
(2) Black, 1, p. 158.
(.3) SÉBILLOT, 1, III, p. 3.3-35.
l'étable et la basse-cour 227
suadées que les loups respecteraient la taure, fût-elle
au milieu d'eux, et qu'ils la ramèneraient même à
l'étable (1).
Les campagnards siciliens qui laissent leurs bêtes
dehors la nuit, les préservent des carnassiers en les
« liant », à l'aide d'une assez longue oraison dans laquelle
parlent saint Sylvestre et la Vierge Marie, à laquelle
C3 bienheureux s'était plaint des ravages que le loup
avait faits sur son troupeau. Le lendemain, ils récitent
une autre oraison afin de délier le loup qui, sans cela,
mourrait sur place ; mais il est nécessaire qu'ils n'aient
pas traversé un cours d'eau, car ils ne pourraient plus
le délier (2).
Les bergers adjurent aussi directement le loup, et
certaines personnes ont le privilège de le charmer au
moyen d'une conjuration lui défendant de toucher à
rien de ce qui a été mentionné. Ces pratiques se font à
distance, d'autres en présence du carnassier ; en
Limousin la bergère qui le voit venir, l'empêche de
nuire aux moutons en récitant le Pater à rebours, et
en le faisant suivre d'une prière où figure saint Laurent ;
les paysans bas-bretons le conjurent au nom de saint
Hervé qui se faisait accompagner d'un de ces animaux,
et ceux d'Alsace lui promettent dix thalers s'il consent
à s'éloigner (3). En Portugal c'est au contraire avec des
insultes que l'on s'adresse aux renards en allant le matin
de la Saint-Jean, avant le lever du soleil, dans les
champs où l'on suppose qu'il y en a ; on traite ces
(1) Mém. de l'Académie celtique, IV (1823), p. 93.
(2) PiTRÈ, 1, III, p. 465-466.
(3) SÉBiLLOT, 1, I, 287 ; III, p. .34.
228 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
écornifleurs, dont le nom est féminin en portugais, de
truies, d'ivrognesses, de bavardes, etc., dans la per-
suasion qu'ils ne viendront pas dans le cours de l'année
voler les poules (1).
La fascination du loup, dont la croyance plusieurs
fois relevée dans l'antiquité subsiste encore, peut être
repoussée par des procédés magiques ; les bergères berri-
chonnes qui ne peuvent crier, le mettent en fuite en
courant sur lui les cheveux épars ; en Haute-Bretagne
on n'enroue pas si on se fourre dans la bouche une mèche
de cheveux (2) ; en Sicile, en y mettant un peu de laine
on se préserve de la fascination, pourvu qu'on ait pu
le faire avant d'être aperçu de lui (3).
73. — Des pratiques, dont quelques-unes tiennent
à la magie, ont pour but d'assurer la fécondité des bêtes ;
l'arrosement des parties génitales des chevaux et des
juments avec l'eau de fontaines sacrées est encore prati-
qué en Basse-Bretagne, et plusieurs sources réputées
pour donner la fécondité aux femmes sont également
efficaces pour les bestiaux ; une fontaine de Saône-et-
Loire supprime la stérilité des animaux domestiques,
et la Fontaine-au-Beurre à Férel dans le Morbihan rend
les vaches fécondes. Un ruisseau près de Morlaix con-
férait le même privilège aux juments qui l'avaient tra-
versé, et on leur fait encore maintenant sauter trois fois
une petite rivière près de Ploudalmezeau (Finistère) (4).
Les personnes chargées de conduire la femelle au mâle
(1) Leite, 1, p. 188.
(2) SÉBILLOT, III, p. 24-25,
(3) Grisaxti, p. 147.
(4) SÉBILLOT, 1, II, p. 289-290 ; III, p. 79 ; II, p. 381,
l'étable et la basse-cour 229
croient, au moyen d'actes parfois assez bizarres, neutra-
liser les maléfices des sorciers qui, suivant une croyance
signalée par le curé Thiers au XVIF sièele, et qui sub-
siste toujours, peuvent empêcher la fécondation. Dans
la Beauce on avait soin avant de partir, de mettre du
sel dans sa poche ; dans l'Yonne la femme qui conduit la
truie doit être à jeun, tourner la poche de son tablier à
Tenvers et répéter tout le long du chemin : «Dix coichons,
quatre coches « ; en Ille-et- Vilaine, le conducteur de la
chèvre met à l'envers son chapeau, et s'il a une peau de
bique, il la retourne ; dans la Côte-d'Or, celui qui mène
la truie doit être chaussé d'un sabot et d'un soulier.
Vn sachet rempli de sel est placé dans les Deux-Sèvres
au cou du bouc, en Limousin, entre les cornes delà vache.
En plusieurs pays, on adresse des incantations aux
étalons. D'autres observances ont lieu après l'accouple-
ment ; dans le Loiret, la vache rentre à reculons dans
l'étable (1) ; en Ecosse on lui j^asse des clefs autour du
corps afin de l'empêcher de rechercher le mâle dans la
même journée (2) ; en Mecklembourg, on la fait passer
entre les deux parties d'une charrette que l'on a dé-
montée (3).
On croyait en Ecosse qu'aucune fée ne pouvait
prendre le lait d'une vache autour de laquelle on
avait jiromené, sitôt après sa délivrance, un charbon
ardent (4).
Maintenant encore on attache avec un ruban rouge
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 78-81.
(2) Campbell, 1, p. 247.
(3) Gaidoz, p. 61-62.
(4) Brand, III, p. 318.
230 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
une croix de sorbier à la jument qui sort pour la première
fois de retable après avoir eu un poulain. Cette même
amulette est placée au cou du cheval qui passe la nuit
dans une étable ouverte, pour que les sorcières ne puissent
le faire servir à leurs expéditions nocturnes (1).
Plusieurs procédés magiques sont destinés à attraire
ou à retenir les bêtes au logis ou tout au moins dans le
voisinage. Dans le pays de Liège, après avoir frotté
avec un peu de beurre les pattes d'un chat nouvellement
acquis, on lui fait faire trois fois le tour de la crémaillère
et on le force à gratter avec les pattes de devant le contre-
cœur de la cheminée ; dans la Gironde on le contraint
à y tracer une croix. En d'autres provinces on se con-
tente de lui graisser les pattes avec du beurre ou de
l'huile, pratique usitée aussi en Portugal (2). En France
au XV*^ siècle, on empêchait les poules de vagabonder
en les faisant tourner trois fois autour de la crémaillère
et en les frottant au mur de la cheminée; à Spa, on
accompagne la friction de cette formule : « Poule,
ponds pour moi, et gratte pour moi ». En Portugal,
on les fait balayer la cheminée avec la queue, ou on
les passe trois fois dans le trépied, en récitant une incan-
tation (3).
En Irlande, on calme pour une semaine un cheval,
si fougueux qu'il soit, en lui récitant le Credo dans l'o-
reille droite le vendredi, et le mercredi dans l'oreille
gauche (4). Dans les Vosges, on jDeut ferrer le cheval le plus
(1) Gregor, 3, p. 3.
(2) SÉBiLLOT, 1, III, p. 110. Leite, 1, p. 171.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 219. Leite, 1, p. 153.
(4) Wilde, p. 193.
l'étable et la basse-cour 231
difficile lorsqu'on en a fait le tour en récitant une con-
juration traditionnelle (1).
Les animaux domestiques sont l'objet de certaines
prévenances qui les associent aux événements qui
intéressent la famille. En Wallonie, le fermier souhaite
la bonne année à chacune de ses bêtes (2). En Basse-
Bretagne, on entoure la ruche d'une étoffe rouge à la
naissance d'un garçon ; en plusieurs pays, on y met, le
jour du mariage, un morceau d'étoffe voyante ou de
linge blanc ; en Basse-Bretagne, on y attachait autrefois
un drap ou un ruban rouge. L'usage de les mettre en
deuil, ou même de leur annoncer avec des formules que
le maître est mort, est général en France, en Wallonie,
dans la Suisse romande, en Angleterre et en Allemagne,
Dans la Flandre française lorsqu' arrive un décès, on
en fait part à tous les chevaux et aux juments en par-
ticuher ; en d'autres provinces on attache aux étables
ou'aux bêtes des emblèmes de deuil (3).
74. — L'usage de faire passer les animaux domestiques
à travers le brasier de la Saint-Jean, pour les préserver
de l'ensorcellement et des maladies a été très répandu
en France, et il est encore observé en plusieurs pays (4).
Mais il ne rappelle pas autant qu'en Angleterre les an-
ciens rites du culte du feu. Vers 1825, lorsqu'il y avait
une épidémie sur le bétail du Northumberland, on
éteignait les feux dans les villages voisins, et l'on frot-
(1) SÉBILLOT, 1. III, p. 110.
(2) Wallonia, IV (1896), p. 12.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 315-316. Folk-Lore, IV (1893), p. 12. Latham,
p. 59. TnoRPE, III, p. 161. Sébillot, 1, III, p. 103-104.
(4) SÉBILLOT, 1, III, p. 105-106.
232 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
tait deux morceaux de bois sec jusqu'à ce qu'ils
fussent enflammés ; on allumait avec un tas de paille
dans lequel on jetait un branche de genévrier, et
les bêtes passaient à diverses reprises à travers la
fumée. On envoyait ensuite aux voisins des fragments
de ce feu forcé, et il se transmettait de village en
village pour la même opération (1). Une pratique
analogue avait lieu vers la même époque dans le York-
sliire, et elle s'est continuée jusqu'au milieu du siècle
dernier dans le nord de l'Angleterre, où elle avait pour
but de préserver le bétail des épizooties. Des tisons du
feu ainsi obtenu étaient portés de ferme en ferme aussi
vite que possible (2).
75. — Les procédés employés pour la guérison des
bêtes sont fort nombreux. Ici, je ne parlerai Cfue de ceux
qui touchent à la magie. Lorsqu'un cheval a été blessé
au pied par un clou, on observe plusieurs moyens
de le guérir ; l'un d'eux est fondé sur la relation
entre le blessé et l'agent de la blessure ; dans le
Sufïolk, après avoir retiré le clou, on le graisse et
on le tient bien propre (3) . En Normandie , au
commencement du XIX^ siècle, quand un cheval était
encloué, on enfonçait un clou dans un mur pour lui
transmettre le mal, opération dont les similaires étaient
courants aux XV^ et au XVIP siècles (4). La transmis-
sion se fait plus fréquemment au moyen d'un trou dans
la terre, superstition apparentée à celle contre laquelle
(1) Balfour, p. 45.
(2) Denham, II, p. 50, 342.
(3) GuRDON, p. 25-26.
(4) SÉBILLOT, 1, III, p. 134.
l'étable et la basse-cour 233
s'élevait saint Eloi, et qui consistait vraisemblablement,
ainsi que l'a conjecturé M. Gaidoz, à découper un cercle
de terre et à y faire passer le malade ; en Danemark
les bêtes auxquelles on a jeté un sort, sont passées
à travers un cercle de gazon pris dans le cimetière
et qu'on y reporte ensuite ; l'animal guérit si le
gazon repousse (1). Le procédé le plus habituel en
France et en Wallonie consiste à poser le pied de la
bête malade sur une motte de carrefour, à la cerner, et
après avoir passé le pied dans le trou, à la jeter sur une
aubépine ; à mesure qu'elle sèche, le mal disparaît ;
parfois le pied a été simplement mis sur la motte avant
que celle-ci soit coupée. Dans la Mayenne, c'est au-dessus
de la crèche de la bête à corne malade qu'est suspendue
la motte découpée dans une prairie à l'endroit où avant
le lever du soleil, elle a posé le pied. En Saintonge, la
bergère amenait la brebis atteinte du piétin, aussi avant
le soleil levé, à un lopin de gazon, qui avait crû isolément
entre deux routes, se mettait à genoux, puis après avoir
soufflé trois fois sur son couteau en disant : « Au nom du
Père, etc. » traçait le contour exact du pied malade en
récitant une oraison en l'honneur de saint Jean, de
saint Fiacre et de saint Riquier (2).
Les paysans conduisent leurs bestiaux pour les guérir
et surtout pour les préserver des maladies à des fontaines
sacrées, à des étangs et à des rivières (3).
Le tour de l'objet réputé puissant est pratiqué en
plusieurs endroits : à Villers (Eure-et-Loire) les chevaux
(1) Gaidoz, p. 23.
(2)^SÉBiLL0T, 1, I, p. 206-208,
(3) SÉBiLLOT, 1, II, p. 274, 289, 291, 462, 381.
234 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
atteints de tranchées circulent autour d'une pierre brute;
à Assevilliers (Somme) où on les fait boire dans la cuvette
du polissoir de Saint-Martin, dans laquelle se désaltéra
la monture du bienheureux, et ils en font trois fois le
tour (1). En Sicile, on fait courir les animaux malades
trois fois autour de l'église de Saint-Giacomo, et les
paysans bretons font faire trois fois à leur chevaux,
pour les préserver des maladies, le tour des chapelles
consacrées à saint Eloi, le jour de la fête du patron des
bêtes chevalines (2).
En Angleterre où l'on croyait que la musaraigne
pouvait amener la paralysie des animaux sur le dos
desquels elle- avait passé, on employait pour la guérir
un barbare procédé qui était encore en usage en 1806;
les paysans tâchaient de se procurer un de ces petits
animaux, creusaient un trou profond dans un arbre et
l'y enfermaient vivant ; ils cueillaient une branche de
l'arbre et en frottaient le dos de la bête malade, qui
devait guérir au moment où crevait la pauvre musa-
raigne.
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 340, 410.
(2) Grisanti, p. 143. Sébillot, 1, IV, p. 136.
(3) Brand, III, p. 292-293.
CHAPITRE IV
La culture
76. Les espaces non cultivés. — 77. Le labour et l'ensemencement.
— 78. Procédés pour obtenir une lionne récolte ou pour la pro-
téger. — 79. La préservation des tourbillons. — 80. Les ofi'randes
de gerbes. — 81. Moyens magiques d'exciter la pluie. — 82.
Particularités des instruments agricoles.
76. — L'antique usage de laisser sans le cultiver un
espace de terrain pour être agréable aux divinités,
observé à la fin du XVP siècle en Ecosse, où les anciens
de l'Église prohibaient la coutume de conserver inculte
un coin de champ qui était supposé dédié à Satan, a
été conservé jusqu'à nos jours dans ce pays, où l'on
disait qu'il était pour le « vieil homme », nom par lequel
on désigne le diable (1). Vers 1830, une portion d'un
champ du littoral des Côtes-du-Nord, que la charrue
ne touchait jamais, s'appelait le sillon des fées, et les
fermiers étaient persuadés que les bonnes dames se
seraient vengées s'ils avaient violé l'antique défense (2).
Il servait peut-être à leur promenade, comme les en-
droits que, dans le pays de Galles, on ne labourait pas
parce que les fairies avaient l'habitude de s'y promener,
(1) Brand, III, p. 317. Gregor, 1, p. 179.
, (2) Hab.^sque, III, p. 152.
236 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
et que si on les dérangeait en le cultivant, on s'exposait
à leur ressentiment (1). En Cornouaille le champ où
se trouve la fontaine de Blisland, un coin près de celle
de Tregaminion Chapel devait aussi être laissé sans
culture, peut-être pour ne pas contrarier les génies de
ces sources (2).
77. — Les opérations de culture ont été l'objet de nom-
breux rites ; mais à en juger par ce qui a été recueilli
ils sont assez effacés maintenant. Naguère cependant
les fermiers de l'ouest de la Cornouaille, avant d'en-
tamer un labour, tournaient toujours vers l'ouest la
tête des animaux attelés à la charrue, en disant avec
solennité : « Au nom de Dieu, nous allons commencer, «
et ils faisaient leur besogne en suivant le cours du
soleil (3). En Ecosse lorsqu'à l'automne ou au prin-
temps on met, pour la première fois, la charrue dans
la terre, le fermier donne aux laboureurs du pain et
du fromage avec de l'aie et du whisky; un morceau
de pain avec du fromage est mis sur la charrue et un
autre est jeté dans le champ pour les oiseaux. Parfois
on y pose une pierre entre le soc et le contre ; si ensuite
elle est lancée par dessus la maison, elle empêche
la crème de se convertir en beurre (4). Au XVII^
siècle, on observait en France une coutume qui n'a
pas été relevée de nos jours ; les paysans, avant de
tracer le premier sillon, tournaient trois fois autour
de la charrue en tenant à la main du pain, de l'avoine
(1) Rhys, I, p. 184.
(2) Folk-Lore, VI (1895),.p. 283.
(3) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 192.
(4) Gregor, 1, p. 181.Folk~Lore Journal, II (1884), p. 330.
LA CULTURE 237
et une lumière afin que leur travail fût plus heureux (1).
En plusieurs pays d'Europe, les cultivateurs croient
assurer la fécondité des plantes en employant des pro-
cédés de « magie imitative ». Dans l'Anhalt, le premier
boisseau de blé destiné à être semé doit être mis en un
tas élevé pour que les épis soient longs et pleins ; en
Thuringe le paysan emporte la graine dans un long sac
qui va de ses épaules à ses genoux, et il fait de grandes
enjambées afin qu'il se balance sur son dos, dans la
croyance que cela fera balancer le lin au vent (2) ;
autrefois en Allemagne il s'asseyait trois fois sur le
sac contenant la semence. En Souabe et en Transyl-
vanie, on saute dans les champs pour faire grandir le
chanvre (3). Les Bavarois portent une bague d'or,
afin que le blé qu'ils sèment soit doré (4).
C'est à des idées apparentées que sont dues certaines
pratiques contemporaines des paysans de France ; il
en est qui supposent que la grosseur de la tête du se-
meur de navets peut influer sur leur développement ;
dans les Vosges, il se la serre entre les deux mains en
disant : « Dieu veuille que les navets que je sème de-
viennent aussi gros que ma tête. » Quand il s'agit de
carottes, après avoir fait le signe de la croix, il s'em-
poigne à deux mains la cuisse droite en exprimant le
même souhait (5). Lorsque, il y a un siècle, les femmes
du pays de Saalfeld plantaient des choux, leur vœu
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 458.
(2) Frazer, I. p. 33-34, 36.
(3) Grimm, IV, p. 1793, n» 412.
(4) Frazer, 1. c. p. 34.
(5) SÉBILLOT, 1, III, p. 457.
238 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
était encore plus détaillé : « Que la tige soit comme
mes jambes, la tête comme ma tête, les feuilles comme
mon tablier ! » Et elles disaient en s'adressant au lin :
(( Lin, ne fleuris que quand tu seras plus haut que mes
genoux » (1). Les paysans vosgiens montent leur culotte
le plus possible, car à la hauteur oii elle s'arrêtera, le
chanvre qu'ils sèment arrivera (2). Dans la Vienne,
celui qui lance la plus grosse pierre dans le feu de la
Saint- Jean aura les plus gros navets ; en Touraine ce
sont les femmes qui font cet acte propitiatoire, et quel-
qu'un prend dans une pelle de la braise et en jette vers
les quatre points cardinaux en disant : « Ceci est pour
mon champ de tel endroit, ceci est pour mon champ
de tel autre » (3).
A des pratiques religieuses se joignent parfois des
observances accessoires : en Sicile aucun paysan ne
commence à semer avant de s'être signé, et il en est
qui chantent en faisant cette opération (4). En Seine-
et-Marne, pour l'ensemencement du blé noir, on prend
une poignée de grain, puis après avoir porté le pied gau-
che en avant, on dit : « Blé, je te sème, qu'il plaise à
Dieu que tu viennes aussi saint et pur comme la sainte
Vierge a enfanté N.-S. J.-C. ». L'usage de jurer, que les
paysans grecs observaient en semant du cumin, est
encore suivi par ceux de Guernesey qui sèment de
petites herbes. En Seine-et-Marne le laboureur fait trois
fois le tour de la pièce dont l'ensemencement est ter-
Ci) Grimm, IV, p. 1798, n"' 518, 519.
(2) Sauvé, p. 142.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 460.
(4)PlTRÈ, l,III,p. 140.
LA CULTURE 239
miné, muni d'eau bénite, et en récitant des prières;
en Limousin, pour la réussite des raves on fait au
Carnaval neuf fois le tour du champ (1). Dans l'Anhalt,
lorsque le semeur de lin a fini son travail, il saute et
lance le sac en l'air en criant : « Verdissez et grandissez,
vous n'avez que cela à faire ! » Il espère que le lin pous-
sera aussi haut qu'il a jeté son sac (2). En Suède si,
après avoir planté des choux, on fait trois fois le tour
du carré, ils seront à l'abri des vers (3). En Sicile, on
fiche en terre des bâtons en forme de croix dès que
l'ensemencement est achevé, et parfois on répand sur
le champ de la poussière ramassée dans une église
après le dimanche des Rameaux (4).
78. — Plusieurs observances, dont quelques-unes sont
peut-être des vestiges d'anciens cultes, se font en dehors
du champ dont il s'agit d'assurer la récolte. Chaque
année les enfants de la vallée de Soana en Piémont,
vont courir les prés le dernier jour de février en chan-
tant, en agitant des clochettes et en jetant ce cri :
(c Mars, mars, arrive, et pour une graine de froment,
fais que nous en recevions cent ! (5) » Ceux du Jura
allument le jour de Noël et parfois celui des Rois, de
petits feux sur un point élevé et ils crient : « Que chaque
gerbe de blé fasse le quart de la mesure ! » En nombre
de pays, des danses, qui sont réputées propices à la
réussite du lin et du chanvre, se font aussi à des époques
(1) FrAZER, I, p, 103. SÉBILLOT, 1, III, p. 458.
(2) Frazer, I, p. 36.
(3) TiiORPE, II, p. 112.
(4) PiTRÈ, 1, III, p. 145.
(5) GUBERNATIS, 2, II, p. 165.
240 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
fixes, soit autour d'un feu, soit à la gueule d'un four,
soit même sur un toit lorsque l'inclinaison le permet (1).
Dans la Prusse orientale, les jeunes filles dansent à
minuit, et agitent les bras en criant : « Lin, grandis ! »
D'autres danses ont lieu en diverses parties de l'Alle-
magne. Le jour où on sème les choux les paysannes
esthoniennes font des crêpes pour que les feuilles
deviennent larges, et elles portent de grands bonnets
blancs pour qu'ils aient de belles têtes blanches (2).
Dans plusieurs pays de France, on fait des crêpes pour
la réussite du blé : en Poitou, au premier de l'an, et à
la fin des semailles pour avoir beaucoup de grain, dans
la Charente le jour de la Purification pour empêcher
la carie du blé (3).
En Sicile, on attache, à certains jours, pour pro-
téger les ensemencements, des images ou des rameaux
bénits aux branches des arbres ou à des bâtons fichés
en terre (4) ; aux environs d'une forêt des Côtes-
du-Nord, on plantait dans les champs de pommes de
terre une gaule à laquelle était suspendu un saint
Esprit en plomb, et jamais, assurait-on, les sangliers
ne les ravageaient. Le premier dimanche de Carême,
lorsqu'on promenait des torches allumées on adressait
aux taupes et aux mulots des incantations menaçantes,
qui parfois se terminaient par l'indication d'un endroit
plus plantureux où on les invitait à se rendre. On con-
jure aussi les oiseaux qui mangent les semences ou les
(1) Sébillot, 1, III, p. 459.
(2) Fbazer, I, p. 35, 34.
(3) Sébillot, 1, III, p. 459.
(4)PiTRÈ, 1, III, p. 145.
LA CULTURE 241
épis, et parfois, comme en Périgord, on enterrait au
milieu de la pièce qu'il s'agissait de protéger, un pot de
terre dans laquelle on avait mis une grenouille (1). En
Portugal, on va enfouir la nuit un vase en terre conte-
nant un fiel de bœuf, puis un homme ou une femme
en chemise récite une conjuration dans laquelle il dit
aux passereaux de ne pas toucher à son champ qui est
rempli de fiel, mais d'aller à la montagne où il y a du
miel. Lorsqu'approche le moment de la récolte, la
même personne, avec le même rite, va enlever le fiel,
car s'il restait dans le champ le grain serait amer. Un
autre procédé, qui est accompagné d'une formule ana-
logue, consiste à faire trois fois le tour du champ avec
une marmite dont l'ouverture est tournée du côté de
la poitrine, et on en recouvre ensuite un pain lancé au
milieu du labour (2).
79. — Les tourbillons soudains qui dispersent les
foins ou les gerbes, sont en plusieurs pays de France,
comme aussi dans le Modénois, conduits par les esprits
follets, ou formés par des sorciers, par le démon, et en
Catalogne par des personnes vendues à lui. Il semble
que dans les Highlands on croie qu'ils sont dirigés par
des âmes (3). Les procédés employés pour les empê-
cher de nuire sont en relation avec ces idées : au
XVII^ siècle, les moissonneurs du pays de Genève, à
la vue du tourbillon, posaient leur faucilles et se jetaient
à terre en récitant une conjuration ; en Franche-
Comté les moissonneurs lui adressent une formulette ;
(1) SÉBiLLOT, 1, III, p. 41, 38-39, 183, 460.
(2) Leite, 1, p. 165-166 ; 2, II, p. 31.
(3) RiccARDi, p. 26. GoMis, 1. p. 69. Campbell, 1, p. 303.
242 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
en Bourgogne, quand il se montre sur la prairie, on
crie : « Arrêtez-le ! » Dans l'Yonne on fait une croix
avec des poignées de blé en conjurant a l'Estourbillon
malin » ; dans la vallée de Bagnères, en Berry, en
Allemagne, on l'accable d'insultes (1). En plusieurs pays
de France et d'Allemagne, où il passe pour receler le
diable ou un sorcier, on tire au milieu des coups de
fusil, ou on y jette un instrument tranchant, qui est
parfois teint de sang ou disparaît emporté par le
blessé. Les Esthoniens courent et crient derrière un
tourbillon et jettent des pierres dans la poussière qu'il
soulève ; en Berry, pour empêcher les javelles d'être
dispersées, on place en croix en tête du sillon les deux
premières gerbes coupées (2).
Parmi les autres pratiques en rapport avec la moisson,
on peut signaler les suivantes : en Ecosse, pour éviter
d'avoir le poignet foulé, chaque ouvrier trace une croix
sur le sol avec sa faucille (3). Autrefois en Allemagne,
on avait soin de faire la dernière gerbe bien grosse,
pour que l'année suivante chacune de celles de la
moisson fût aussi forte (4). En Ecosse lorsqu'elle a été
coupée, les moissonneurs jettent trois fois leurs
faucilles par dessus l'épaule gauche, et notent la
direction dans laquelle elles tombent; si deux sont dans
la même direction, c'est dans la ferme qui y est située
qu'ils iront faire la prochaine moisson (5).
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 112-113. Grimm, IV, 1798, n° 522.
(2) Frazer, I. p. 134-135 ; Sébillot, 1. c.
(3)Gregor, 1, p. 181.
(4) Grimm, IV, p. 1794, n° 432.
(5) Grègor, 1, p.. 182.
LA CULTURE 243
80. — Les esprits pour lesquels on laisse un coin
de champ inculte reçoivent aussi une offrande au mo-
ment de la moisson. Au XVIP siècle, des paysans bre-
tons qui croyaient que le diable avait produit le blé
noir, en jetaient quelques poignées dans les fossés pour
en faire présent à celui à qui ils s'imaginaient en avoir
l'obligation. Cette coutume semble avoir disparu ; mais
dans les Côtes-du-Nord, on abandonne parfois des gerbes
dans les champs; c'est la part du malin (1). En Ecosse,
certains ne scient pas quelques tiges de blé, qui
sont pour le bénéfice du vieil homme, c'est-à-dire
du diable (2). C'était peut-être jadis à un génie de la
terre qu'était réservé l'espace circulaire que les paysans
siciliens s'abstiennent de couper, et que maintenant,
l'usage ayant été christianisé, ils moissonnent le jour
de la fête de la Vierge ou de quelque saint, et au profit
de son sanctuaire (3).
81. — Les cultivateurs ont recours, sous toutes les
latitudes, à des cérémonies rehgieuses, ou à des procédés
magiques, lorsque les récoltes sont en danger à la suite
de sécheresses prolongées. Des parallèles du lapis manalis
que l'on traînait dans les rues de Rome pour faire pleu-
voir sont encore en usage dans plusiems pays. A Villa-
Nova de Foscoâ (Portugal) neuf jeunes filles vont tour-
ner une grosse pierre, en faisant une prière à la Vierge,
persuadées qu'après cet acte la pluie ne tardera pas
à tomber (4). Dans l'Isère, on a observé jusqu'au milieu
(1) Revue Celtique, II (1875), p. 485. Sébillot, 1, III, p. 466.
(2)Gregor,1,p. 182.
(3) PiTRÈ, 1, III, p. 158.
(4) Braga, il p. 118.
244 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
du XIX^ siècle une pratique apparentée : on se rendait
en procession à un champ et l'on soulevait une fois,
deux fois, trois fois, suivant la quantité d'eau que l'on
désirait, une pierre qui, d'après un écrivain local (1650)
avait fait partie de l'autel d'une église, et était alors
l'objet du même cérémonial. Les paj^sans des Landes
attribuaient naguère à un débris de colonne le pou-
voir d'amener la pluie ou le beau temps, et ils la
redressaient ou la couchaient, suivant qu'ils désiraient
l'un ou l'autre (1). Les habitants d'une île d'Ecosse
agissaient de même à l'égard d'une croix qui possé-
dait aussi ce double privilège (2).
Le rite qui consiste à jeter de l'eau sur la terre pour
attirer celle du ciel, en vertu d'une sorte de magie sym-
pathique, a été pratiqué pendant des siècles sur les bords
de la célèbre fontaine de Barenton (Ille-et- Vilaine) ;
lors de sécheresses prolongées, on y puisait de l'eau, et
on en arrosait la margelle ; en 1835 le clergé s'y rendit
processionnellement, et le recteur de Paimpont, après
avoir plongé le pied de la croix dans la fontaine, y trem-
pa son goupillon et aspergea les pierres d'alentour.
Les gens de Florenville, dans le Luxembourg belge,
arrosent leurs rues afin de faire tomber l'eau des nuages (3).
L'usage de lancer de l'eau sur le saint protecteur
de la source est conservé en Bretagne, où les paysans
des environs de Bain (Ille-et- Vilaine) portent des pieds
de cochon à une fontaine placée dans les ruines d'une
ancienne cliapelle, et l'un des fidèles asperge avec
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 100-101 ; IV, p. 110.
(2) Frazer, I, p. 120.
(3) SÉBILLOT, 1, IL p. 225-226 ; I, p. 101.
LA CULTURE 245
l'eau de la fontaine un débris de vieille statue en disant :
« Saint Melaine, mon bon saint Melaine, — Arrose-nous
comme je t'arrose. » La même pratique a lieu près de la
chapelle en ruines de saint Conval en Hanvec (Finistère)
où l'on jette l'eau de la source sacrée sur la statue du
saint (1).
Le rite qui consiste à mouiller non plus la divinité,
mais les prêtres, a été relevé dans le Poitou et près de
trois fontaines de la Côte-d'Or; lors de la procession
à deux sanctuaires du Morvan autunois, c'était au
passage d'un ruisseau que le curé subissait l'aspersion
des pèlerins. En Russie, le prêtre après l'ofl&ce divin,
est jeté à terre et arrosé par ses paroissiens (2).
Les habitants voisins de la Pierre-Pourtue ou percée
à Laizy (Saône-et-Loire) qui porte l'empreinte du
cheval de saint Julien, y versaient de l'eau bénite,
qu'ils agitaient en faisant des prières, avec une baguette
ou un rameau de buis (3), pratique assez analogue à
celle que faisait en Arcadie le prêtre de Jupiter qui jetait
une branche de chêne sur une fontaine du mont Lycée.
Les reliques des saints et plus souvent leurs statues
sont immergées pour attirer la pluie. En France plusieurs
châsses ou reliquaires ont été ou sont encore plongés
dans des fontaines, dans des puits ou dans des rivières.
Dans la Valteline, en cas de sécheresse ou d'inon-
dation, on lave dans le torrent des crânes antiques
conservés dans l'Ëghse de Saint Salvatore (4). En
(1) SÉBiLLOT, 1, n, p. 226-227.
(2) Frazer, I, p. 102.
(3) SÉBILLOT, 1, L P- 410.
(4) SÉBILLOT, 1, II, p. 228, 316, 377. Archivio, XVII (1898), p. 422.
U.
246 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
Sicile, on porte processionnellement la statue d'un
saint et on lui adresse des menaces, entre autres celle
de la plonger dans l'abreuvoir ; à Licata, on dit à
saint Angelo, patron de la paroisse : Ciovi ou codda,
pluie ou corde, pour lui faire comprendre que s'il n'envoie
pas de la pluie, on l'attachera avec une corde pour le
jeter à l'eau. Les paysans siciliens ne s'en tiennent pas
aux menaces : dans la province de Siracuse un millier
de villageois avec une couronne d'épines, et deux mille
femmes, les pieds nus, suivirent naguère un paysan qui
portait un Ecce Homo en carton ; les femmes hurlaient
et se frappaient la poitrine, les hommes se flagellaient
avec une discipline de fer ; ils portaient les Cinque Piague
à l'abreuvoir au milieu duquel elles devaient rester jusqu'à
ce que vînt la grâce de Dieu, c'est-à-dire la pluie (1).
En plusieurs parties du Portugal, on met dans l'eau une
image de saint Antoine (2). Les immersions des statues
sont encore fréquentes dans plusieurs pays de France,
et elles ont lieu tantôt dans les fontaines, tantôt dans
les rivières (3).
En 1905, lors d'une sécheresse prolongée, une image
de la Vierge de Enxara fut conduite en procession de
son ermitage à l'église de Ouguella, et les fidèles y por-
tèrent aussi une pierre de la sainte, en granit informe, qui
est gardée dans l'ermitage ; suivant le vieil usage elles
est portée sur un brancard par les filles non mariées des
plus riches de la fràirie. Lorsque la procession est arrivée
sur le bord de la rivière Xevora, elles passent le
(1) PiTRÈ, 1, III, p. 49, 143, 142.
(2) Leite, 2, II, p. 48.
(3) SÉBiLLOT, 1,11,!-. 227-228, 378.
LA CULTURE 247
brancard aux hommes qui lancent la pierre clans l'eau
pendant que les prêtres chantent des cantiques (1).
A Brion près d'Autun, on plonge dans la fontaine
une pierre sur laquelle est gravée une croix (2).
Quelquefois l'efïigie sacrée est mise en pénitence :
Les paysans de Rosolini enferment la statue de saint
Joseph dans une église, et elle y reste jusqu'à ce que soit
venue la pluie désirée. Celle de Saint-Antoine à Catane
est traitée de la même façon (3). A Tourves en Pro-
vence, les fidèles enlevaient de son sanctuaire la statue
du saint et ne l'y reportaient qu'après une ondée
abondante (4). Dans la Valteline, c'est sur les hauts-
lieux que s'accomplit l'acte propitiatoire ; près du
col de Lanciano, une longue procession conduite par
les moines gravit les pentes dangereuses de la mon-
tagne pour faire des prières auprès d'une grande
croix ; la pluie ne peut tarder, disent les paysans, parce
qu'ils ont prié le plus près possible duSeigneur (5).
On rencontre dans des pays catholiques des parallèles
du « bâton de pluie » usité en Australie : dans un grand
nombre de pays de France, on plonge encore dans les
fontaines le bâton de la croix ; on peut même, comme
en Limousin, en l'enfonçant plus ou moins dans l'eau,
proportionner la quantité de pluie que l'on désire (6).
82. — Quelques-uns des instruments agricoles sont
(1) Revisla lusitana, VII (1904), p. 273.
(2) Sébillot, 1, II, p. 229.
(3) PiTRK, III, p. 144. Trombatore, p. 47.
(4) SÉBILLOT, 1, I, p. 100.
(5) Archivio, XVII (1898), p. 414.
(6) Frazer, I, p. 89 et suiv. Sébillot, 1, II, p. 228-229.
248 LES CONSTRTJCTIONS ET LES TRAVAUX
pour ainsi dire sacrés, et on leur attribue une certaine
puissance. Ainsi qu'on l'a vu, ceux qui ont brûlé
un joug de charrue en sont punis par une douloureuse
agonie. Dans' les Highlands, celui qui a caché ou volé
un soc de charrue ne peut rester tranquille dans sa
tombe (1). Vers 1840, en Lorraine le manque de respect
pour la charrue était regardé comme grave ; on aurait
considéré comme sorcier celui qui aurait passé par
dessus quand elle était en fonction, et l'on aurait forcé
à rétrograder celui qui aurait tenté de le faire, dans la
crainte que la récolte que l'on aurait mise dans le
champ ne réussisse pas (2). En Basse-Bretagne, si l'on
était forcé de laisser la nuit la charrue dans les champs
on y plaçait le carsprenn ou fourchette à nettoyer, pour
empêcher les lutins de s'en servir (3). En Allemagne, si
on n'avait pas soin à la maison de la détacher de son
chariot le diable s'asseyait dessus (4).
(1) Campbell, 2, p. 214.
(2) Richard, p. 78.
(3) Le Men, p. 229.
(4) Grimm, IV, p. 1810, n» 819.
CHAPITRE V
Les arbres.
83. Rites de la plantation. — 84. Prévenances à l'égard des arbres.
— 85. Moj-ens de les faire fructifier. — 86. Les premiers fruits.
— 87. Le respect des arbres.
83. — En quelques pays de Bretagne, il est d'usage
quand on plante une vigne, de boire une bouteille de
vin et de répandre trois gouttes sur le pied et trois
sur les racines, si c'est une bouture; les trois dernières
sont versées sur la partie que Ton enfonce dans le sol;
s'il s'agit d'un pommier, la libation est faite avec du
cidre. Dans le Gard on arrose de bon vin le dernier cep
planté, aux cris de : « Vivo lou mayoou ! « Jadis dans le
Bocage vendéen, on creusait pour mettre le dernier cep
un trou d'assez vaste dimension dans lequel on jetait
csnt sous en monnaie de bronze ; pendant que chacun
des vignerons cherchait à prendre le plus possible de
pièces, le propriétaire arrosait de vin la terre que ces
hommes pétrissaient comme du mortier. Aux environs
de Dinan, on observe parfois une singulière coutume :
pour qu'un arbre pousse bien et prenne solidement
racine, celui qui le plante doit s'accroupir dans la
fosse, et s'y soulager ; plus il le fera copieusement,
plus il assurera la réussite de l'arbre; ceux qui voudraient
lui nuire se prendront à cette sorte de glu ou se hâteront
250 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
de s'éloigner. Un pois mis sous la racine du pommier les
fait trébucher s'ils tentent de lui causer quelque dom-
mage. On peut rapprocher de cette sorte de talisman
les haches de pierre que l'on a trouvées en abattant
de vieux pommiers à Roye (Somme) et que les gens
disaient avoir été mises dessous pour les préserver du
tonnerre (1).
84. — Plusieurs pratiques supposent qu'on attribue
aux arbres une sorte d'animisme. Dans l'Allemagne du
nord, lorsque le maître de la maison meurt, on va
secouer ceux du jardin en disant : « Le maître est
mort», autrement ils se flétriraient (2). Dans quelques
localités des Vosges c'est le laurier seul que l'on
secoue légèrement en lui disant : « qu'il change de
maître ». Parfois on lui faisait porter le deuil, et dans
le nord de la France on met quelque étoffe noire aux
arbres du jardin attenant à la maison où a eu lieu un
décès (3). En Auxois, la veille du jour de l'an l'aieulfait
ses petits enfants souhaiter la bonne année aux arbres
du verger ; munis d'une petite torche de paille allumée,
ils vont vivement frapper au pied de chacun d'eux en
disant suivant l'espèce : « Bonne année de poires, de pru-
nes, de pommes, etc. » En Wallonie, les paysans sitôt
levés, entrent dans le jardin, et adressent à chaque
arbre ces paroles : « Arbre, je t'étrenne, si tu ne veux
pas porter plus que l'an passé, ne porte pas moins non
plus ». Et ils se hâtent de nouer un lien de paille autour
du tronc, probablement pour fixer le vœu ; dans le
(1) SÉBiLLOT, 1, III, p. 371-372 ; IV, p. 72.
(2) Henderson, p. 310.
(3) SÉBILLOT, 1, III, p. 375.
LES ARBRES 251
pays de Liège, les gens disent en les enroulant : « J' v'
sohaite ine bonne annéie à l'wâde di Diu. » (1).
Dans les districts à cidre du Sussex, on fête les pom-
miers le premier janvier et plusieurs jours de suite :
les fermiers donnent des sous aux enfants qui dansent
autour en chantant à tue-tête des rimes dans lesquelles
ils expriment le vœu d'une récolte abondante (2).
Dans quelques pays de l'est de la Cornouaille, les
paysans visitent les principaux vergers de la paroisse
à Xoël. Ils choisissent dans chacun d'eux un arbre qui
représente tous les autres, et ils le saluent avec certaines
paroles qui ont la forme d'une incantation ; ils répan-
dent ou lancent ensuite du cidre sur lui, pour qu'il se
charge de fruits l'année qui vient. En d'autres endroits
ce sont les fermiers et leurs serviteurs qui font cette
libation, et après avoir formulé leur vœu dansent autour
de l'arbre (3). Dans la Gironde, on verse au pied des
arbres fruitiers une cuillerée de bouillon de Carnaval
en disant : (( Tu te souviendras du bouillon du mardi
gras» (4). Les paysans de Modène répandent de la cendre,
le jour de l'Epiphanie, sur les arbres en répétant : « Char-
ge-toi de fruits, gros et petits » (5).
85. — D'autres actes ayant pour but d'obtenir une ré-
colte fructueuse sont faits à certaines époques ; la cou-
tume de porter dans les champs des torches allumées était
à peu près générale en France dans la première moitié
(1) SÉBILLOT, III, p. 375.
(2) Latham, p. 13.
(3) Folk-Lore Journal, IV (1885), p. 116.
(4) SÉBELLOT, 1, III, p. 378.
(5) RiccARDi, p. 48.
252 LES CONSTKUCTIOlSrS ET LES TRAVAUX
du XIXe siècle et elle n'est pas tombée en désuétude;
des rimes traditionnelles qui expriment des vœux dont
quelques-uns ont une forme comminatoire sont récités
ou chantés au pied des arbres, et ils sont parfois accom-
pagnés de danses (1).
L'usage d'entourer les arbres du verger avec de la
paille tressée ou cordée, dans le but de les faire produire,
constaté en France au XV^ siècle, y est encore pratiqué
lors de certaines fêtes, qui différent suivant les paj^s.
Dans la Corrèze, cette ligature se fait la veille de Noël,
l'après-midi, mais seulement aux arbres qui n'ont
pas eu de fruits, pour les distinguer des autres et leur
faire comprendre qu'ils seront coupés, si l'été suivant
ils ne donnent pas une bonne récolte (2). Dans le pays
de Modène, c'est une petite fille c[ui, le matin de Noël
va, à jeun, entourer les arbres fruitiers d'un fil qu'elle-
même a filé la veille, en récitant un Pater et un Ave
pour que l'arbre ait du fruit abondant et de bonne qua-
lité (3).
La coutume de charger les arbres de pierres est expliquée
par le proverbe provençal : « Quand on charge les arbres
de pierres, ils se chargent de fruits » ; dans la Gironde,
elle doivent avoir été prises le vendredi saint dans le
cimetière d'une commune autre que celle que l'on ha-
bite (4). En Catalogne, comme dans l'Albret, cette charge
est imposée à l'arbre qui ne produit pas de fruits; il faut
qu'elle ait été ramassée dans une autre paroisse et
(1) SÊBiLLOT, 1, III, p. 376-377.
(2) SÊBILLOT, 1, III, p. 378-379.
(3) RiccARDi, p. 48.
(4) SÉBILLOT, 1, III, p. 379.
LES ARBRES 253
placée au moment de la floraison (1). En Souabe une
grosse pierre y est accrochée tout l'été (2).
Les arbres sont encore frappés, à des jours déterminés,
pour obtenir du fruit en abondance ; les paysans bas-
bretons les heurtent l'un après l'autre, la veille de Noël,
avec leur fourche à charrue, instrument auquel ils attri-
buent une vertu toute particulière (3). A Modène, le
jour de l'Epiphanie, beaucoup de gens les frappent avec
une baguette en récitant une formule par laquelle ils
leur disent de se charger de fruits l'année qui vient (4).
Dans les Abruzzes, on frappe avec une hache le matin
de la Saint-Paul, et plus communément celui de la
Saint-Jean, les arbres paresseux à donner du fruit, et
on les menace, en les apostrophant, de les couper s'ils
n'en produisent pas en abondance d'ici un an ; à Lan-
ciano on tourne trois fois autour en répétant la menace,
qui à chaque tour est accompagnée de coups (5). En
Sicile, c'est le samedi saint que celui qui a un arbre
stérile se rend auprès de lui, accompagné d'un ami.
Au premier coup de hache, celui-ci intercède pour l'arbre
et prie le propriétaire d'attendre encore une année (6).
86. — Les observances qui accompagnent la récolte
des premiers fruit d'un arbre sont inspirées par l'idée
qu'elle peuvent influer sur sa production à venir. Il
est d'usage, en certains pays de Basse-Normandie,
(1) CORTILS, p. 77.
(2) Frazer, I, p. 37.
(3) SÉBBLLOT. 1, III. p. 377-378.
(4) RiccARDi, p. 48.
(5) FiNAMORE, p. 104, 162.
(6) PiTRÈ, 1, III, p. 111.
LF. PAGANISME CONTEMPORAIN 1.5
254 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
lorsqu'un pommier donne pour la première fois de lui
faire abandon de ses pommes s'il en a peu, ou de n'en
emporter qu'une partie s'il en a beaucoup. C'est une
manière de l'encourager à faire largement son devoir
une autre année ; dans le Finistère, on les laisse tomber (1).
Dans le nord de l'Allemagne, la première récolte doit
être recueillie dans un large sac et on abandonne même
quelques fruits (2).
En Portugal, le premier fruit doit être coupé par
une femme si l'arbre est du genre masculin, comme
le poirier par exemple, s'il est féminin par un homme ;
faute d'observer cet interversion de sexe, l'arbre sera
un an sans produire (3). Autrefois en Allemagne, pour
rendre un noyer fécond, on faisait cueiUir les premières
noix par une femme enceinte (4). Dans l'Allemagne
du sud, on offre le premier fruit d'un jeune arbre à une
femme enceinte; en Bohème, à celle qui a eu beaucoup
d'enfants, pour qu'il se charge l'année suivante (5).
En Portugal il doit être mangé par un homme; s'il
était mangé par une femme l'arbre dégénérerait; dans la
province de Minho, faut qu'il soit mangé par quelqu'un
auquel il a été donné, ou l'arbre serait un an sans pro-
duire (6); autrefois en Allemagne, s'il avait été volé,
l'arbre restait stérile pendant sept années (7). En Wal-
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 379.
(2) Thorpe, 1, III, p. 175.
(3)Leite, 1,'p. 115
(4) Grimm, 1, IV, p. 1802, n» Ô22.
(5) Frazer, 1, I, p. 37-38.
(6) Pëdroso, 1, n" 58. Leite, 1, p. 115.
(7) Grimm, IV, p. 1812, n" 857.
LES ARBRES 255
lonie, beaucoup de personnes ne cueillent pas le dernier
fruit d'un arbre, pour qu'il continue à rapporter (1).
87. — Plusieurs des actes et des pratiques dont les
arbres sont l'objet au cours des diverses phases de la
vie liumaine supposent, bien plus que les égards qu'on a
pour eux en leur qualité de producteurs, qu'ils possèdent
une certaine puissance, que parfois ils peuvent com-
prendre et qu'on leur doit des égards.
Ainsi qu'on l'a vu, on s'adresse à eux, en observant
des espèces de rites, pour obtenir l'amour (p. 100) ou la
fécondité (p. 12) pour leur demander des présages (p. 84);
ils interviennent comme agents passifs, il est vrai, dans
les opérations magiques destinées à assurer la guérison
des maladies de l'enfance, et de celles des adultes ; toute-
fois on ne rencontre que des traces assez effacées du
culte véritable dont ils furent autrefois entourés.
Certains sont, en raison de leur espèce, l'objet d'une
considération particulière qui tient soit à la vertu qu'on
leur attribue, soit à d'anciennes croyances légendaires;
c'est ainsi qu'en France on va prier près de l'aubépine qui
préserve de la foudre et qui est associée à des pratiques
médicales; dans l'Albret, il ne faut pas l'injurier quand
on s'y pique, et dans les Landes si on jure après l'églan-
tier la piqûre ne pourra être guérie que si on demande
pardon à l'arbuste (2).
En Danemark, on ne coupe pas le sureau sans lui en
avoir demandé la permission en disant : « Dame sureau,
donne-moi un peu de ton bois, et je te donnerai un peu
du mien quand il aura crû dans la foret ». Les paysans
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 379.
(2) SÉBiLLOT, 1, III, p. 426-427.
256 LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
avant d'abattre l'arbre crachent trois fois pour chasser
les mauvais esprits (1). En Irlande on attribue la déca-
dence de certaines familles à la faute que leurs membres
ont commise en coupant certains arbres (2). On retrouve
en France des croyances analogues ; lorsque vers 1832
l'administration fit abattre dans la forêt de Cuses, en
Franche-Comté, une douzaine de chênes énormes appelés
les chênes bénits, près desquels on allait en pèlerinage,
et sous l'ombre desquels on venait danser le jour Saint
Pierre, les gens du pays prétendirent qu'on n'aurait plus
que de mauvaises récoltes. On raconte en plusieurs pro-
vinces que les haches s'émoussaient sur certains troncs
sacrés, et l'on cite les punitions exemplaires qui frap-
pèrent des gens qui avaient détruit des arbres vénérés (3).
On a cru jusqu'à une époque récente que certains
arbres conféraient une valeur particuHère aux serments
qu'ils étaient appelés à attester ; c'est ainsi qu'on re-
gardait comme aussi sacré que s'il avait été prêté au
pied des autels celui que l'on faisait sous le chêne Marié,
composé de deux chênes séculaires dont les troncs étaient
réunis à une certaine hauteur par une branche énorme.
Jadis dans quelques communes du Morbihan, les par-
ties contractantes se rendaient au pied d'un arbre, y
faisaient un trou et le bouchaient après y avoir fait
déposer leurs engagements réciproques (4).
(1) Folk-Lore, VI (1895), p. 22. Thorpe, II, p. 168r
(2) Folk-Lore Journah V (1887), p. 168.
(3) SÉBiLLOT, 1 , I, p. 293-294.
(4) SÉBn.LOT, 1, III, p. 427. ^
TROISIEME PARTIE
LES FORCES DE LA NATURE
Dans la plupart des chapitres précédents, qu'il s'agisse
des phases sociologiques de la vie humaine de la nais-
sance à la mort, des constructions ou des travaux, des
bêtes ou des plantes, les forces de la nature jouent un
rôle important ; les hommes croient à leur puîssance,
ont souvent recours à elles, et les hommages qu'ils leur
rendent prennent assez fréquemment des formes dans
lesquelles il est aisé de reconnaître des traces non encore
effacées du culte dont les diverses parties du monde
physique ont été l'objet depuis les premiers âges de
l'humanité.
CHAPITRE PREMIER
Les astres.
88. Le soleil. — 89. La lune. — !J0 Les étoiles. — 91. Les étoiles filantes.
88. — Suivant les idées de création dualiste qui s'ap-
pliquent encore en Bretagne à l'origine de tant d'êtres
et de choses, le Soleil est l'œuvre de Dieu, et la Lune
celle du diable. Ces deux êtres sont personnifiés : en
quelques régions de France et de Wallonie on dit qu'ils
sont mari et femme, et que les étoiles sont leurs enfants ;
258 LES FORCES DE LA NATURE
le soleil a des noms et des surnoms, et l'on parle de sa
figure, de son rire, etc. Une légende de Haute-Bretagne
raconte sa descente sur la terre, qu'il brûla comme le
Phaéton de la fable grecque. Dans la série bretonne des
voyages vers le Soleil et dans les contes où les aventuriers
vont le trouver, il est tantôt un prince, tantôt un ogre,
ou bien un géant (1). Ces conceptions que je ne fais qu'in-
diquer relèvent plus de la mythologie que des croyances
populaires ; elles sont pourtant en concordance avec
celles-ci qui attribuent encore à l'astre dujour une person-
nalité, et de nombreuses invocations dont les unes ne
sont plus guère que des formulettes, alors que d'autres
constituent de véritables prières, le plus souvent païen-
nes, s'adressant au Soleil, comme à une divinité sensible
aux hommages et aux vœux, capable de les entendre et
assez puissante pour les exaucer. Les plus fréquentes
sont celles par lesquelles on le salue à son lever, en le
priant de répandre sur le monde sa chaleur bienfai-
sante. Dans la province de Beira Alta, on lui dit, en
ôtant son chapeau, de laisser les gens en un aussi bon
état que celui où il les a trouvés ; ailleurs on l'appelle
le Manoel du jour qui crée tout, et les enfants siciliens
lui font plusieurs invocations assez longues (2).
Lorsqu'il est caché sous les nuages, on le prie avec
des formules rimées, de se montrer, en lui promettant
des récompenses : en Basse- Bretagne, un panier de
beurre (3); en Portugal et en Catalogne, de l'argent.
Dans le Montf errât on lui dit : «Soleil, mets dehors tes
(1) SÊBBLLOT, 1, I, p. 9, 35, 36, 37
(2) Leite, 1, p. 9-10. PiTRÈ, 1, III, p. 14-15.
(3) SÉBILLOT, 1, I, p. 60.
LES ASTRES 259
trois baguettes, l'une d'or, l'autre d'argent, la troisième
pour faire le beau temps » (1). Les rimes qui implorent
le soleil en hiver pour qu'il réchauffe la terre sont nom-
breuses en France et surtout dans le midi, où les bergers
lui disent qu'ils meurent de froid, et ceux de Catalogne
qu'ils n'ont ni cape, ni manteau pour s'en défendre.
En Franche-Comté, lorsqu'ils trouvent la journée longue,
ils lui chantent une petite mélopée pour l'engager à se
coucher (2).
Le soleil est aussi supplié de guérir dans des conjurations
qui accompagnent des opérations magiques (cf. p. 121)
et en Portugal, l'une d'elles l'appelle Dieu Soleil (cf.
p. 122).
Quelquefois on s'adresse à lui pour se venger d'un
ennemi, comme dans cette sauvage imprécation bretonne :
« Cent mille malédictions je te donne, la malédiction du
soleil, la malédiction de la lune et des étoiles. » En Por-
tugal, il est invoqué par les amantes délaissées qui gra-
vissent une hauteur, et dès qu'il se lève lui disent avec
foi : « Dieu te sauve. Soleil sacré, œil de mon Seigneur
Jésus-Christ ! Dans les terres que tu vas visiter, regarde
mon X ; aussitôt que tu l'auras vu et qu'il t'aura vu,
qu'il ne puisse ni manger, ni boire, ni dormir, ni reposer,
ni se mettre à table, ni parler avec personne, avant qu'il
ne soit venu où je suis ! » Le serment par le soleil, contre
lequel s'élevait saint Éloi au VP siècle, n'est pas com-
plètement tombé en désuétude (3).
(1) GoMis, 1, p. 86. Ferraro, p. 26.
(2) Sébillot, 1, I, p. 60-61 ; Gomis, 1. c.
(3) Sébillot, 1, 1, p. 61. A Tradiçao, mars 1901, p. 40. Sébillot 1, I,
p. 56.
260 LES FORCES DE LA NATURE
Plusieurs pratiques guérissantes n'ont d'efficacité
que si l'on a observé les prescriptions en rapport avec
les diverses phases du soleil (cf. p. 132). En Grande-
Bretagne et surtout dans les pays celtiques, il est
nécessaire en nombre de cas, d'agir en suivant son
cours ; dans la Cornouaille cet usage est observé non
seulement pour les labours (cf. p. 236), mais pour les
plus petites besognes (1) ; dans le nord de l'Ecosse, cette
observance est la plus importante de toutes, et le deiseal,
de gauche à droite, s'applique aux bateaux, à l'entrée
dans les maisons, à la traite des vaches, aux enterre-
ments (2) (cf. p. 184) ; en Cornouaille, les convalescents
devaient, sous peine de rechute, marcher dans ce sens
lors de leur première sortie (3). Ce rite est aussi essen-
tiel dans beaucoup d'opérations magiques ; autrefois les
pêcheurs sardes passaient leurs filets au-dessus d'un
brasier en suivant le cours du soleil, (4) et c'est dans sa
direction que marchent les Highlanders en faisant trois
fois le tour de la persomie à laquelle ils veulent du
bien ; la marche à reboui^, aurait les plus funestes
conséquences (5).
Il y a toutefois des exceptions, et quelques actes n'ont
d'efficacité que si on les accomplit à l'encontre du soleil :
tel est le cas de tours numériques pour la guérison des
hommes (cf. p. 122), la délivrance des agonisants
(cf. p. 170), le pèlerinage de haine (cf. p. 306).
(1) HuNT, p. 418.
(2) Campbell, 1, p. 229-230.
(3) HuNT 1. c.
(4) Bassett, p. 411.
(5) Henderson, p. 61.
LES ASTRES 261
Dans les Côtes-du-Nord, une procession pour la pluie
ne réussit qu'à cette condition, et dans le Morbihan,
avant de porter les colliers talismans on les tourne neuf
fois de cette manière dans la flamme du foyer. En
Poitou, on attribue des vertus curatives à plusieurs
sources parce qu'elles coulent à l'opposite du soleil (1).
Au XV<^ siècle, les Evaiujiles des Quenouilles (III, 14)
formulent cet axiome, qui sans doute reflétait des idées
populaires courantes : celui qui souvent bénit le soleil,
la lune et les étoiles, ses biens lui multiplient au double,
celui qui l'entrelaisse devient misérable. Aujourd'hui
encore le paysan du Palatinat se découvre pour saluer
le soleil levant (2). En Bourbonnais, pour détruire l'effet
des maléfices, on s'agenouille devant lui à ce moment
et on prononce une conjuration en le fixant (3). Les
campagnards de la Saxe et du Brandebourg se rendent
sur les coUines pour le saluer à son apparition par trois
bonds joyeux (4). Ceux de France les gravissent pour
voir l'astre lui-même danser, le 24 Juin, en l'honneur
de Saint-Jean, disent-ils, dans la montagne Noire
et dans le pays messin, le jour de Pâques, où il est en-
touré d'anges dont on aperçoit les robes ; dans le
Bocage normand beaucoup de gens montaient autrefois
sur un lieu élevé pour voir danser trois soleils (5).
Les grandes fêtes solaires que le christianisme a adop-
tées ou à la continuation desquelles il ne s'est pas opposé,
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 18 ; IV, p. 136 ; IV, p. 77.
(2) Tylor, II, p. 385.
(3) SÉBILLOT, 1, I, p. 63.
(4) Tylor, 1. c.
(5) SÉBILLOT, 1. c.
16.
262 LES FORCES DE LA NATURE
sont trop connues pour qu'il soit nécessaire d'en parler
autrement que pour signaler la persistance des feux
allumés principalement à l'époque du solstice d'été (1).
Quelques coutumes du midi, relevées dans le premier
quart du XIX^ siècle, étaient une survivance du culte
populaire du soleil. Le jour Saint-Jean, les habitants
des villages provençaux voisins de la montagne la gra-
vissaient avant le jour pour observer son lever, qui
était salué par des cris de joie. Dans un village des
Hautes-Alpes qui est privé de soleil pendant cent
jours, on célébrait son retour le 10 février par des
farandoles, et chaque danseur tenait un plat d'omelette,
qui était ensuite déposé sur le parapet du pont ; quand
le soleil arrivait, chacun reprenait son omelette qu'il
offrait à l'astre du jour, et le plus âgé des vieillards, qui
avait présidé cette fête, haussait la sienne, la tête nue.
Jusqu'au milieu du XIX^ siècle, des paysannes des
environs de La Châtre allaient, aux approches de l'équi-
noxe de printemps, cueillir des primevères dont elles
composaient de grosses pelotes, qu'elles s'amusaient à
lancer dans les airs. Cet exercice était anciennement
accompagné d'un chant bizarre, où les mots Grand soulé !
petit soulé ! revenaient à plusieurs reprises en manière
de refrain (2).
89. — La lune, dont les taches sont l'objet d'innom-
brables explications populaires, représente aussi une
tête, qui après avoir été celle d'une divinité, est dans
les Abruzzes et dans le Perche, la figure de la Vierge (3).
(1) Tylor, II, p. 285-287.
(2) SÉBELI-OT, 1, I, p. 64-65.
(3) FiNAMORE, p. 41.
LES ASTRES 263
L'astre des nuits est persomiifié dans les contes et aussi
dans les dires qu'on adresse aux enfants pour les faire
obéir, mais qui sont aussi destinés à leur apprendre à la
respecter (1). En Catalogne on leur dit que s'ils la regar-
dent trop, elle les mangera (2). Dans le Sussex certains
reprennent ceux qui montrent la lune bénie avec le
doigt (3). Les adultes savent aussi qu'ils doivent s'abs-
tenir de quelques actes, comme de la considérer avec trop
de fixité, et ces défenses sont accompagnées de sanctions :
en Bretagne elle punit les jeunes filles qui, lorsqu'elles
satisfont des besoins naturels, n'ont pas soin de se
cacher d'elle, en les faisant concevoir sine concuhitu,
et le même acte expose les femmes enceintes à de graves
inconvénients pour elles ou pour leur fruit (4).
Il est bon au contraire de lui donner des noms flatteurs
tels que Madame la Lune (cf. LadyMoon en Angleterre),
la Belle, la Beauté. En Angleterre au X VII^ siècle, des gens
disaient : « C'est une jolie lune, Dieu la bénisse », lors-
qu'elle était nouvelle (5). Cette phase est celle où elle
semble le mieux disposée à accueillir les vœux de
ceux qui croient à son pouvoir ; c'est alors que d'or-
dinaire les jeunes fiUes la conjurent en des formulettes
rimées de leur montrer en songe leur amoureux
(cf. p. 92) et que les malades l'implorent (cf. p. 124).
En Leicester le premier souhait qu'on lui fait
sera exaucé, et il en est de même en Cornouaille, pourvu
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 25, 38, 39.
(2) GoMis, 4, p. 4.
(3) Sawyer, p. 2.
(4) SÉBILLOT, 1, I. p. 57, 41-42.
(5) SÉBILLOT, 1, I. p. 39. AUBREY, p. 37.
264 LES FORCES DE LA NATURE
qu'on n'ait pas parlé auparavant (1). Dans le nord de
l'Angleterre de vieilles femmes, pour avoir de la chance
pendant tout le mois, tournaient naguère leur tablier
vers elle. En Portugal, on lui demande de préserver du
mal de dents, du feu ardent, des eaux courantes, et des
mauvaises langues ; une prière poitevine contient des
souhaits analogues (2). Une formule sicilienne la prie
d'augmenter la prospérité de la maison ; d'autres, usitées
en ce pays et à Venise, lui demandent de faire allonger les
cheveux (3). En France au XV^ siècle, celui qui, ayant
de l'argent dans sa bourse, saluait le croissant, était
certain qu'il multiplierait penda»t toute la lunaison ;
dans la Gironde il suffit d'en avoir sur soi lorsqu'on
l'aperçoit pour la première fois ; mais au XV® siècle, si
on n'en avait pas, il fallait s'abstenir de la regarder (4).
Un parallèle de cette idée, qui semble maintenant in-
connue en France, existe encore en Sussex où la reine des
nuits darde des rayons malicieux sur ceux qui n'ont
pas un sou en poche (5).
Les oraisons votives que l'on adresse à la nouvelle
lune sont parfois accompagnées d'actes matériels desti-
nés à attirer son attention sur l'objet de la demande.
En plusieurs parties de l'Angleterre et de l'Ecosse,
beaucoup de personnes remuent de l'argent dans leur
poche (6) ; en Cornouaille, il faut qu'après avoir salué
(1) BiLLSON, p. 65. Folk-Lore Journal, V (1886). p. 218.
(2) Denham, II, p. 24. Leite 1, p. 22. Sébillot, 1, 1, p. 62.
(3) PiTBÊ, 1, IV, p. 474 ; III, p. 26. GoMis, 4, p. 14
(4) SÉBILLOT, 1, I, p. 57. -
(5) Latham, p. 10.
(6) BiLLSON, p. 62. GuRDON, p. 61. Gregor, 1, p. 151.
LES ASTRES ' 265
la lune, on ait craché sur l'argent (1). En Sicile, en
priant la « Sainte Lune nouvelle », on lui montre une
pièce de monnaie, comme, en Portugal, où on lui fait
d'abord une révérence, et où l'on répète par trois fois :
« Lune nouvelle, qui me vois bien, donne-moi de l'ar-
gent tout le mois» (2). La pleine lune est moins souvent
invoquée : en Sicile on peut, en lui présentant avec des
formules de souhait, des pièces de monnaie, en obtenir
la multiplication : plus il y en a plus elle sera abon-
dante (3). Les enfants du port de Whitby (Angleterre
du nord) récitaient à voix haute ce couplet : « Je vois
la lune, et la lune me voit, — Dieu bénisse les voyageurs
sur mer » (4).
Quelques actes constituent une sorte d'adoration.
En Basse-Bretagne, au moment de l'apostolat de Michel
Le Nobletz (vers 1620) c'était une coutume reçue
de se mettre à genoux devant la nouvelle lune et de
réciter l'oraison dominicale en sonhoimeur(5). AuXVIP
siècle, les paysannes du Yorkshire et d'autres comtés
du nord s'agenouillaient à nu sur une pierre sortant du
sol, et on l'adorait aussi dans les Highlands (6). On
assure que dans plusieurs parties de l'Irlande les
gens tombent à genoux quand ils aperçoivent la
nouvelle lune, et lui disent à voix haute : « lune, laisse-
nous aussi bien que tu nous a trouvés ». Vers 1819, on
(1) Folk-Lore Journal, V (1886), p. 218.
(2) Castelli, p. 59. Pitre, 1, III, p. 27-28. Leite, 1, p. 19-20.
(3) PiTRÈ, 1, III, p. 27.
(4) GuTCH, p. 42-43.
(5) Revue Celtique, II, (1876). p. 485.
(6) AUBREY, p. 83.
266 LES FORCES DE LA NATURE
lui adressait aussi en Irlande une prière (1). En Ecosse,
certains à son apparition, embrassent la personne la
plus voisine (2). En Irlande, les malades promettent
à Dieu, à la Vierge et à la lune de ne pas se peigner
le vendredi, et de s'agenouiller la première fois qu'ils
verront la lune, en quelque endroit que ce soit, en
récitant cinq prières d'actions de grâce (3).
90. — Les étoiles ne sont pas d'ordinaire considérées
comme des êtres animés ; cependant on dit dans le pays
de Tréguier qu'elles sont issues de l'union du Soleil et
de la Lune ; dans le Finistère, elles rampent sur le ciel,
et si elles rencontrent une montagne, et qu'elles ne
puissent plus, après l'avoir franchie, retrouver leur route
elles tombent dans la mer (4).
Plusieurs défenses, parfois accompagnées de menaces,
témoignent du respect que l'on doit porter à ces astres
brillants. En Portugal, il faut se garder quand on urine
de se tourner de leur côté (5). Dans les Vosges et en
Vendée, où l'on croit, comme en bien d'autres pays,
que chaque homme a son étoile, celui qui compterait la
sienne tomberait mort sur le dhamp (6). La même
punition attend ceux qui dans le nord de l'Angleterre
et dans le Hampshire montrent ou comptent une étoile
quelconque (7). En Sicile, il vient des verrues sur les mains
(1) Wilde, p. 205-206. Fo/fc-Lore, VI (1893), p. 57.
(2) Gregor, l,p. 151.
(3) Wilde, p. 196.
(4) Sébillot, 1, I, p. 10, 4.
(5) Leite, 1, p. 26.
(6) SÉBILLOT, 1, I, p. 56.
(7) Henderson, p. 119. Folk-Lore, XIII, (1902), p. 419.
LES ASTRES 267
si on regarde fixement ou si l'on compte les étoiles de la
Puddara, constellation de sept étoiles qui est une sorte de
char sur lequel la Madone se promène dans le ciel (1). Le
même inconvénient arrive à celui qui compte les étoiles
en général, qui les regarde et touche involontairement
un ou plusieurs de ses doigts ; mais on l'évite en leur
adressant des conjurations (2). Dans les Abruzzes, celui
qui, en les regardant dit : «Une étoile et deux verrues»,
est certain de se lever le matin les mains couvertes de ces
excroissances (3). Elles viennent comme à Marseille et
en Sicile, à ceux qui ont simplement compté les étoiles
avec le doigt, acte qui, à Catane, expose à avoir la face
couverte de pustules (4) ; en Andalousie, on a autant de
rides que l'on a conij^té d'étoiles (5), en Portugal,
autant de furoncles, de verrues ou de taches aux ongles,
et l'on devient sujet à pisser au lit (6).
Ce geste n'entraîne pas toujours de conséquences
fâcheuses ; c'est ainsi qu'à Modène, pour débarrasser
quelqu'un de l'ensorcellement, il faut se rendre à minuit
à un carrefour, et faire un triangle avec trois fourches à
trois dents, avec le trident tourné vers le ciel et compter
ensuite trois fois cent étoiles (7).
Les observances en relation ave les étoiles sont encore
assez nombreuses ; on a vu qu'on a recours à elles
(1) PiTRÈ, 1, III, p. 5.
(2) NiNO, p. 59.
(3) Grisanti, p. 146.
(4) Sébillot, 1, I, p. 56. Trombatore, p. 40.
(5) GuiCHOT, p. 216.
(6) Leite, p. 26, Pedro so, 1 , n»^ 77, 289.
(7) RiccARDi, p. 22.
268 LES FORCES DE LA NATURE
pour la guérison des maladies, en accompagnant l'acte
principal de formulettes qui parfois ressemblent à des
prières (p. 123) que les jeunes filles les font intervenir
dans leurs consultations amoureuses (p. 92). Elles ont
été et sont encore l'objet de gestes qui semblent des sur-
vivances de culte. Les femmes de France ne saluent plus
comme au XV^ siècle l'étoile poussinière pour préserver
leurs poussins et pour les faire multiplier (1); mais na-
guère, les fermières allemandes, avant de se mettre au
lit, s'inclinaient devant les étoiles pour garantir leurs
petits poulets des oiseaux de proie (2). A la fin du XVIII®
siècle, dans le nord du Finistère, des hommes s'agenouil-
laient dès qu'ils découvraient l'étoile de Vénus, à laquelle
les Grecs modernes adressent encore une prière (3). En
Basse-Bretagne, la pratique religieuse du jeûne des neuf
étoiles, qui a vraisemblablement christianisé une prati-
que païenne, consiste à ne prendre aucune nourriture
depuis le point du jour jusqu'à ce qu'on ait, la nuit
venue, compté neuf étoiles au ciel (4).
91. — Les étoiles filantes ne sont pas pour le peuple
un simple phénomène ; il leur attribue des causes sur-
naturelles et les regarde avec un sentiment de crainte ou
avec une sorte de respect rehgieux. Dans le Cantal,
elles pronostiquent des malheurs, en Limousin et en
Portugal, la fin du monde, en Wallonie et dans les
Apemiins le décès d'une personne dans la famille
de la maison sur laqueUes elles semblent tomber, en
(1) Evangiles des Quenouilles, III, 14, glose.
(2) Gmmm, IV, p. 1784.
(3) SÉBILLOT, I, p. 61-62.
(4) Grimm, II, p. 722. Cambry, p. 109.
LES ASTRES 269
Sicile et dans le Frioul,des catastrophes ou des meurtres.
Dans ce pays, c'est un feu qui brûle tout à l'endroit où
il tombe; (1) dans la Gironde où, quand un pied de vigne
sèche ayant ses feuilles, on prétend qu'une étoile est
tombée dessus, on les arrête en disant : « Sainte Catherine,
je te vois, ne tombe pas» (2). En Portugal, en Andalousie
en Castille pour n'éprouver aucun mal, il faut dire :
« Dieu la guide, ou Dieu te guide « (3). En Frioul, chacun
de ces astres fugitifs que l'on parvient à compter retarde
de cent ans la fin du monde (4).
Les étoiles sont liées aux âmes ou en sont la figure, et
leur chute indique le décès de quelqu'un ou un change-
ment dans la condition des morts. Suivant une idée qui
était courante au XV^ siècle en France, et qu'on retrouve
en beaucoup de provinces, chacun a une étoile au ciel, et
quand il meurt, elle tombe. C'est pour cela que l'on doit
faire une prière pour que les portes du ciel lui soient ou-
vertes (5). A Madrid, où la même croyance existe, on dit :
« Dieu et la Madeleine te guident» (6), comme en Por-
tugal où l'on tire son chapeau en formulant un
souhait (7).
En plusieurs pays on croit que des êtres malheureux
ou coupables viennent de sortir de ce monde ; parfois
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 51. Leite.I, p. 31. Bellucci, 3, p. 10. PiTRÊ.l,
III, p. 9. Bellucci, p. 13.
(2) Daleau, p. 14.
(3) GtncHOT, p. 216. Pedroso, 1, n" 425.
(4) Bellucci, 3, p. 13.
(5) SÉBILLOT, 1 , I, p. 49.
(6) Olavarma, 1, p. 77.
(7) Leite, 1, p. 31.
270 LES FORCES DE LA NATURE
c'est l'âme d'un enfant non baptisé, et les paysans du
Périgord font un signe de croix ( 1 ) ; cette croyance existe
aussi en Sicile : lorsqu'on augure que l'étoile filante a
un bon destin, on lui adresse un souhait tel que : «. Bon
voyage, va dans un lieu agréable», et l'on croit que l'étoile
répond d'en haut : « Bonne santé ! » ou « Sois heureux ! »
Ces mots doivent être prononcés à voix basse et c'est
un sacrilège de faire connaître l'étoile qui en est l'objet (2).
Ces étoiles sont, suivant les paysans de France et de
Wallonie, des âmes qui sollicitent des prières ; celles-ci
sont efficaces pour délivrer une âme du purgatoire, à la
condition d'être prononcées pendant que le météore est
encore visible, et souvent elles doivent être comme les
paroles accessoires, au nombre de trois (3) ; dans les
Abruzzes, un seul Pater suffit (4). Elles sont aussi des
âmes qui vont droit au ciel ou dont le temps de pénitence
est achevé, et elles sollicitent un Pater d'actions de
grâce. Dans les Abruzzes on doit dire quand passent
ces âmes du Purgatoire : « Dieu t'accompagne ))(5). En
Allemagne, dans le Frioul, dans les Abruzzes et en
France, les vœux que l'on peut formuler avant que
l'étoile ait disparu sont exaucés et sont profitables à
celui qui les fait (6).
(1) Sébillot, 1, I, p. 49.
(2) PiTRÊ, 1, III, p. 9-10.
(3) Sébillot, 1, I, p. 50.
(4) FiNAMORE, p. 49.
(5) Sébillot, 1, I, p. 49, 51. Finamore, p. 48.
(6) Grimm, III, p. 722. Bellucci, 3, p. 23. Finamore, p. 49. Sé-
billot, 1, I p. 50-51.
CHAPITRE H
Les météores.
92. L'orage et ses causes. — 93. Procédés pour s'en garantir. — • 94.
Le vent et le moyen de l'exciter. — 95. Procédés pour le calmer.
— 96. La brume.— 97. La pluie. — 98. La neige.— 99. L'arc-en-ciel.
92. — Le peuple ne considère pas l'orage comme un
simple phénomène : la conception si répandue qui y asso-
cie les divinités est encore courante et elle est attestée
par les nombreuses prières qui ont pour but d'apaiser les
courroux et aussi par les explications qu'en plusieurs
pays on donne du tonnerre et de l'éclair. En France
l'orage est souvent attribué à la vengeance de Dieu (1).
en Ombrie, il l'emploie pour punir les blasphèmes et
l'inobservation des fêtes rehgieuses (2) ; les paysans de
Modène se représentent Dieu assis dans le ciel sur un
trône d'or, et tenant à la main un arc dont les flèches lui
servent, comme les traits de Jupiter, à châtier les mé-
chants (3). En Calabre, lorsqu'il est irrité il permet au
diable de déchaîner les démons, et ce sont leurs mouve-
ments qui causent les orages (4). Dans le Montf errât
(1) Sébillot, 1, I, p. 72.
(2) Bellucci, 2, p. 13.
(3) RiccARDi, p. 28.
(4) FiNAMORE, p. 3.
272
LES FORCES DE LA NATURE
un endroit qui a été foudroyé est considéré comme
maudit, et si une personne qui a été atteinte par la
foudre ne meurt pas, elle est regardée comme malheu-
reuse parce que c'est Dieu qui, comme dit le peuple,
l'a visiblement châtiée (1).
Le tonnerre est aussi personnifié : dans le Montferrat
c'est un esprit malfaisant ; quand il bat sa femme ou
qu'il joue avec le diable, il produit le terrible fracas que
l'on entend dans le ciel ; en Provence le tonnerre et
l'éclair dialoguent parfois dans les nues (2).
On désignait au moyen âge sous le nom de tempes-
taires, des esprits ou des hommes qui, à l'aide de procé-
dés magiques produisaient les orages ou la grêle et les
conduisaient à leur gré. Cette croyance subsiste toujours,
et certains même prétendent avoir vu ces meneurs de
nuages ; les paysans des Asturies disent qu'en regardant
fixement le ciel on aperçoit les nubeiros, êtres gigan-
tesques qui courent derrière les nues et les poussent les
unes contre les autres; quelquefois ils prennent la forme
de personnages grands comme des maisons, et quand ils
ont agité en l'air leur chapeau, il s'amasse aussitôt une
nuée énorme (3). En France on voit les sorciers, soit
sous la figure humaine, soit sous celle de corbeaux
occujjés à conduire l'orage (4).
Les fabricateurs de grêle, diable ou sorciers, se réu-
nissent souvent sur les montagnes pour la produire ;
Dans les Abruzzes, les sommets neigeux du Mont Corno
(I)Ferraro, p. 22, 21.
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 75.
(3) Arivau, p. 224-225. •
(4) SÉBILLOT, 1, I, p. 99.
LES MÉTÉORES 273
sont un de leurs rendez-vous favoris ; un voj^ageur y
rencontra sept prêtres occupés à faire des boules de neige,
et ils lui dirent qn'ils préparaient de la grêle pour un
orage qui devait éclater le lendemain (1). Tous les
sorciers et les sorcières de la Catalogne et du Roussillon
se réunissent aussi sur la cime du Canigou, frappent
trois coups de baguette sur les eaux de l'étang de la
Calandra, et la nuée va où ils commandent d'aller (2).
Beaucoup de paysans sont encore persuadés^que des
sorciers peuvent exciter l'orage et la grêle en battant
l'eau des sources (3). Dans les Abruzzes, une jeune fille
en agitant celle d'une fontaine comme pour boulanger
du pain produisait des grêlons qu'elle envoyait au loin (4).
Les sorciers catalans allument une fouée près d'une sour-
ce; il en sort bientôt une colonne de fumée, molle d'abord,
mais qui peu à peu prend assez de consistance j)our qu'ils
puissent monter dessus et diriger la nuée à leur guise (5).
En plusieurs pays de France, les sorciers et les prêtres
en battant l'eau des fontaines, des rivières ou des étangs
confectionnent aussi des nuages de grêle (6).
93. — Les procédés qui ont pour but de garantir du
tonnerre et d'éloigner l'orage sont extrêmement nom-
breux. Dans l'Europe catholique occidentale des orai-
sons s'adressent à des saints pour les supplier d'inter-
céder auprès de Dieu ou de garantir par leur propre
(1) FiNAMORE, p. 13.
(2)GoMis, 2, p. 11.
(3) SÉBILLOT, 1, II, p. 229.
(4) FiNAMORE, p. 15.
(5) GoMis, 1. c.
(6) SÉBILLOT, 1, II, p. 371-372, 438-439.
274 LES FORCES DE LA NATURE
puissance ceux qui les invoquent; c'est par douzaines
que l'on a recueilli en France en Italie, en Espagne et en
Portugal celles ou sainte Barbe figure, parfois avec
d'autres saints, mais toujours en première ligne (1).
Ce rôle prédominant est expliqué en Basse-Bretagne par
une légende : la sainte ayant eu à choisir entre le gou-
vernement des femmes et celui du tonnerre, opta pour
la foudre qu'elle conduit avec son anneau : en Haute-
Bretagne, le tonnerre est attaché par deux fils de laine,
l'un blanc et l'autre bleu, dont l'un est dans sa main et
l'autre dans celle de sainte Fleur, qui est parfois invoquée
en seconde ligne, comme dans cette conjuration de l'IUe-
et-Vilaine où elles sont associées à une amulette pré-
historique que l'on tient à la main :
Sainte Barbe, sainte Fleur
A la croix de mon Sauveur,
Quand le tonnerre grondera,
Sainte Barbe nous gardera :
Par la vertu de cette pierre
Que je sois gardé du tonnerre:
Jadis dans la partie de l'arrondissement de Dinan
voisine de la mer, beaucoup de gens mettaient dans leur
poche des haches de pierre quand le temps était à l'orage,
et s'il tonnait, ils récitaient cette oraison qui, vers 1880
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 106-107. PiTRÈ, 1, III, p. 59 et suiv. Ferraro,
p. 21. Trombatore, p. 34-35. Arivau, p. 227. Ballesteros, p. 119.
GoMis, 2, p. 37. Leite, 1, p. 64-65.
Au XVIJe siècle on invoquait en Angleterre S'« Barbara (Barbe) et
un passage de Chaucer (XV« siècle) fait allusion à cette coutume
(AUBREY, p. 22).
LES MÉTÉORES 275
n'était pas tombée en désuétude : « Pierre, pierre, garde-
moi du tomierre (1). »
On connaît le rôle protecteur contre l'orage attribué
en tant de pays à ces pierres (2). Le fer est aussi employé
comme une sorte de paratonnerre en plusieurs régions
françaises, où l'on place devant la maison une hache ou
une faux, le fil tourné vers le ciel, un trépied ou une mar-
mite les pieds en l'air (3). En Ecosse le poker et les
pincettes mises dans le feu éloigent les dangers (4). Les
fragments des feux sacrés de Noël et de la Saint-Jean
sont aussi efficaces contre la foudre, et on leur adresse
en Haute- Bretagne cette oraison :
Tison de saint Jean et de saint Pierre,
Garde-moi du tomierre
Petit tison, tu seras orné de pavillon (5)..
En Ombrie, dès que la grêle menace, la ménagère a
soin d'agiter, en lui faisant produire un certain son, la
chaîne qui sert à suspendre le chaudron ; on la jette
violemment dehors, ce qui fait cesser la grêle ; mais on
ne fait cet acte qu'avec une sorte de crainte ; car c'est
un grand péché, dont on n'est pas certain d'obtenir l'ab-
solution. On attribue à cette chaîne une relation avec
le diable et les chaînes de l'enfer, et certains croient
faire ainsi un acte agréable au diable, ou enchaîner la
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 105.
(2) Caktailhac, p. 17 et suiv. Sébillot, 1, IV, p. 71-72,
(3) SÉBELLOT, 1, I, p. 105.
(4) Campbell, 1, p. 235.
(5) Sébillot, 1, I, p. 106.
276 LES FORCES DE LA NATURE
cause première du fléau (1). Les paysans wallons plaçaient
autrefois la crémaillère sur le feu quand il tonnait (2).
L'usage de sonner les cloches est bien connu, et n'est
pas tombé en désuétude. En Portugal on agite une clo-
chette bénie, et la foudre ne tombe pas dans les endroits
où le son peut être entendu. En Sicile, on sonne forte-
ment une clochette d'argent appelée clochette du ton-
nerre ou clochette de S. Barbara, en récitant une oraison
à saint Jean-Baptiste. Les paysans de l'Albret tirent des
coups de fusil du côté où l'orage menace (3) ; ceux des
Abruzzes fusillent la nuée avec une balle à laquelle ils
ajoutent un peu de la cire bénie de la procession du
Corpus Domini, et il tombe parfois des membres de
sorciers ou de sorcières (4). En Catalogne, la balle est
simplement bénie et l'on croit qu'elle coupe la nue ou
qu'elle atteint les tempestaires qui la conduisent (5).
Dans les Abruzzes, à la vue de la nuée orageuse au mo-
ment de la moisson, un paysan s'agenouille et décrit
avec sa faucille une croix en l'air, comme s'il voulait
la couper. Les autres font aussi dans la direction du
nuage trois croix avec le manche de la faucille en disant :
« Je te maudis au nom du Père », puis la retournant ils
font le geste de mettre le nuage en pièces (6). Les fem-
mes des Abruzzes emploient comme nltima ratio un
procédé semblable à celui des pêcheurs de la Haute-
Ci) Bellucci, 2, p. 85-90.
(2) Wallonia (1897), p. 85.
(3) Leite, 1, p. 64. PiTRÈ, 1, III, p. 59. Sébillot, 1, I, p. 108.
(4) FiNAMORE, p. 25-26.
(5) GoMis, 2, p. 30-31.
(6) FiNAMORE, 1. C.
LES MÉTÉORES 277
Bretagne pour calmer le vent : elles montrent leur der-
rière à nu à l'orage en murmurant des malédictions (1).
Suivant une croyance attestée par des exemples rele-
vés dans plusieurs contrées de France, quelques-uns à
des époques récentes, les prêtres ont le pouvoir de con-
jurer les orages, et leurs paroissiens les contraignent
parfois à accomplir à la porte de l'église des pratiques
auxquelles se mêlent des traits d'une orthodoxie dou-
teuse (2). On croit aussi à cette puissance dans le nord
de l'Espagne, et en particulier dans les Asturies, où
cependant ils ne peuvent conjurer les nuées que s'ils
sont forts, sans crainte et d'une virginité immaculée.
Lorsque l'orage éclate, tout le peuple accourt et force le
curé à venir à l'église et à se placer à la porte, revêtu de
ses ornements sacerdotaux, avec les Évangiles dans UJie
main et le goupillon dans l'autre ; il lit ses conjurations
et trace ensuite trois croix en l'air avec le goupillon.
Pendant cette cérémonie les hommes les plus robustes
sont forcés de le soutenir, sans quoi il serait enlevé par
le vent qui devient de plus en plus fort. Le diable ou les
conducteurs de nuées prennent la parole pour déclarer
qu'ils ne s'en iront pas si on ne leur donne quelque chose ;
le prêtre leur jette alors un soulier en disant : « Prenez,
maudits ! » et il est bientôt emporté par une bouffée
de vent (3). Ce lancement est ici en relation avec
l'idée si répandue, suivant laquelle le diable ne s'en va
jamais les mains vides. En Catalogne, il est parfois
motivé par une autre raison : une voix sortit un jour
(1) FiNAMORE, p. 26.
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 109-110.
(3) Amvau, p. 225-227.
16
278 LES FORCES DE LA NATUKE
d'une nuée exorcisée par un curé, disant : « Je ne puis
passer ; la Juliana (grosse cloche puissante contre les
orages) sonne — Passe, elle ne te fera rien. — Donne-
moi un sauf-conduit ». Le prêtre lui jeta un soulier qui
fut retrouvé ensuite à une assez grande distance (1).
En France, ceux qui ont parlé de cet acte, fréquent
accessoire des conjurations sacerdotales, n'en ont pas
donné le motif, qui peut-être était oublié (2).
94. — Suivant une conception que l'on rencontre sous
les latitudes les plus variées, les Veiits sont assimilés à
des personnes ; les contes et les légendes parlent de leurs
résidences, de leur vie familière, de leur puissance, des
visites que les hommes leur font. Des noms, des formu-
lettes, des récits pcj^ulaires montrent que parfois on les
traite somme s'ils étaient en chair et en os, tout en leur
reconnaissant une puissance plus qu'humaine (3).
Plusieurs des procédés employés par les vieux marins
pour faire cesser le calme ou pour obtenir une brise
favorable supposent que le vent lui-même est sensible
aux vœux qu'on lui adresse, en les appuj^ant par des
procédés magiques enseignés par la tradition.
Une ancienne coutume qui subsistait naguère encore
et constituait une sorte d'acte propitiatoire, consistait
à fouetter les mousses, ordinairement sur l'avant du
bateau, et le derrière tourné du côté où l'on désirait que
souffle la brise ; en Haute-Bretagne on les forçait à crier
le nom du vent que l'on souhaitait. H y a cinquante ans
les matelots terreneuvats se réunissaient sur le pont et
(1) GoMis, 2, p. 9.
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 108-109.
(3) SÉBiLLOT, 2, II, p. 152-159 ; 1, I, p. 75-83.
LES MÉTÉORES 279
se mettaient tous ensemble à crier en prononçant le
nom du vent qu'il leur fallait (1). Au milieu du XIX^
siècle les femmes des Orcades allaient trouver une
vieille femme pour qu'elle fasse des prières au vents (2).
En Poméranie de vieux marins sont connus du vent,
et ils n'ont qu'à se montrer au gouvernail et à crier plu-
sieurs fois : <c Allons, arrive, lève- toi, vieux père ! »
pour qu'au bout d'un quart d'heure, arrive le vent désiré;
ils ne doivent appeler qu'à demi-voix et sur un ton de
confiance et de flatterie, sinon le vent pourrait devenir
trop violent (3). Les petits pêcheurs de Whitby sau-
taient sur les falaises en répétant cette conjuration :
« Souffle, vent, pour que mon père revienne voir ma
mère (4). » En 1880, j'ai vu dans un petit port de Haute-
Bretagne des pêcheurs cracher dans la direction d'où
soufflait le vent debout, en lui adressant des injures, et en
lui montrant leurs couteaux pour le menacer de l'étri-
per (5).
On retrouve à peu près partout la croyance d'après
laquelle on peut exciter le vent en sifflant. Lorsque
les marins de Cromarty (Ecosse) étaient retenus par le
calme, ils l'invoquaient sérieusement par un sifflement
aigre et saccadé, l'appelant en réalité dans son propre
langage et n'étant guère moins persuadés du succès
de leur requête que s'ils s'adressaient à l'un de leurs
compagnons (6). Sur la côte du Finistère on attire aussi
(1) SÉBiLLOT, 2, II, p. 253-254, 245-246.
(2) Bassett, p. 141.
(3) Méhisine, II (1884), col. 186.
(4) GuTCH, p. 50.
(5) Sébillot, 1, I, p. 80.
(6) Miller, p. 59.
280 LES FORCES DE LA NATURE
le vent en sifflant d'une certaine façon : les pêcheurs des
Asturies et ceux du nord de l'Ecosse sifflent doucement.
En Norvège, quand on siffle en montant au mât, on a un
vent frais ; à hord des navires de la Baltique, il est bon,
quand la brise est faible, de siffler sur un ton engageant;
quand on ne peut pas savoir si par là le vent ne deviendra
pas trop fort, il faut, entre chaque sifflade, dire au vent
quelques paroles de flatterie, par exemple : « Arrive,
vieux père, arrive, vieux garçon (1). »
Les marins s'adressent aussi aux saints, qui comme
dans l'Éole antique, sont les maîtres des vents. D'après
une légende bretonne, saint Clément qui gouverne « la
mer et les vents », a enseigné à un capitaine l'art de se
faire obéir d'eux en sifflant ; si ce procédé ne réussit pas,
lorsqu'on a ajouté une prière aux saints, on jure et on
l'insulte. Les marins trécorrois croient que s'il fait un
calme plat, saint Antoine, un autre patron du vent, est
endormi ; pour le réveiller ils jurent après lui, et, comme
il a défendu de siffler en mer, ils sifflent de toutes leurs
forces (2).
En Basse-Bretagne, on souffle encore sur les voiles,
comme par une sorte de magie sympathique, pour appe-
ler la brise. Dans un conte de marin, une fée communique
à la veuve d'un matelot le pouvoir de faire changer le
vent en soufflant du côté où elle désire qu'il vienne (3).
D'autres procédés sont destinés à attirer l'atteiition
du vent lui-même sur le vœu formulé par celui qui a
accompli l'acte matériel indiqué par la tradition. Ils
r
(1) SÉBiLLOT, 2, II, p. 249-250.
(2) SÉBILLOT, 2, II, p. 137, 247-248.
(3) SÉBILLOT, 2, II, p. 256, 234.
LES MÉTÉORES 281
ont été surtout relevés en Bretagne ; vers 1620, les fem-
mes de la côte quimpéroise dont les maris étaient en
mer balayaient la cliapelle la plus voisine et jetaient
la poussière au vent, dans l'esisérance que cette céré-
monie produirait une brise favorable à leur retour ;
à la fin du XVIIP siècle celles de Roscoff qui agissaient
de même dans une chapelle spéciale, lançaient la
poussière du côté par où les hommes devaient revenir.
Naguère encore, lorsque des bateaux étaient retenus
par des vents contraires dans un des ports voisins de
la chapelle de Sainte Marine en Combrit (Finistère),
deux hommes de l'équipage y étaient députés pour la
nettoyer, pousser les balayures dehors, et les jeter à
pleines mains dans la direction où ils désiraient que la
bise soufflât. Parfois l'invite était moins directe : les
femmes qui balayaient la chapelle de la Joie en Pen-
marc'h amoncelaient la poussière dans le coin qui, par
son orientation, répondait à la partie du ciel où le vent
était invité à se porter. Celles qui vont à la chapelle
Saint-Charles en Saint-Méloir des Ondes (lUe-et- Vilaine)
essuient simplement le sol, avec leur tabUer de noces,
du côté où elles souhaitent que vienne le vent (1).
Quelques conjurations semblent inspirées par la
croyance à la vertu des pierres : en frappant avec un mar-
teau dans la direction voulue, sur l'une des sept cupules
du dolmen de Roch enn Aud près de Quiberon on obtient
le vent favorable au retour d'un marin (2). Les pêcheurs
de Connemara (Irlande) élèvent sur le rivage une pile
de cailloux, en lui donnant la forme d'un gobehn; ils
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 151.
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 407.
16.
282 LES FORCES DE LA NATURE
pensent ainsi avoir du bon vent; mais c'est une opé-
ration sérieuse et qui ne peut être faite deux fois par
le même individu (1). Lorsque des pêcheurs étaient re-
tenus par les vents contraires dans l'île de Fladda ( Ecosse) ,
l'un d'eux allait laver une pierre bleue placée sur l'un
des autels de l'église de saint Colomba (2). A Coolas
(Ecosse) si on soulève la pierre d'ouragan, et qu'après
l'avoir lavée on la place debout, il s'élève aussitôt une
tempête (3).
Le rite de la friction, souvent employé dans les ob-
servances mégalithiques, a aussi le privilège de susciter
le vent. En Ecosse on gratte le mât avec les ongles,
et à bord des navires hambourgeois par le calme plat,
on frotte le mât de misaine avec un clou, ou on l'y
enfonce (4).
On parle encore en France de la corde à tourner le
vent ; les curés de Saintonge en possédaient autrefois
le secret ; les marins de la Manche disent parfois que le
recteur de Cancale l'a dans son presbytère, et ils jurent
après lui quand la brise ne souffle pas à leur gré (o). Ce
n'est plus guère qu'une plaisanterie qui se rattache
peut-être au commerce du vent qui a été pratiqué au
moyen âge, et probablement avant, par les magiciens
des contrées du nord, mais dont aucune trace écrite ne
constate l'usage dans les pays latins. Il consistait à
remettre aux marins en leur indiquant la manière de
(1) Folk-Lore Journal, II (1884), p. 260.
(2) Folk-Lore Journal, VII (1889), p. 45.
(3) Campbell, 2, p. 93.
(4) SÉBiLLOT, 2, II, p. 252. Thorpe, III, p. 183.
(5) SÉBILLOT, 1, 1, p. 102,
LES MÉTÉORES 283
s'en servir, des morceaux de toile ou, plus ordinairement,
des cordes pourvues de nœuds. Il a été pratiqué en
Scandinavie, dans le nord de l'Allemagne, dans l'Ecosse
du nord, et même dans le sud de l'Angleterre (1). La men-
tion qui suit, et qui quoique n'ayant pas de date, semble
se rapporter à une époque récente, indique la façon dont
on opérait dans les îles de l'Ecosse. Une sorcière de Lewis
remit à un matelot une corde avec trois nœuds ; le pre-
mier s'appelait : « Viens doucement » et lorsqu'il la
dénoua après avoir quitté le rivage il s'éleva une jolie
brise. Le second s'appelait : «Viens plus fort » et quand
il fut défait, la brise souffla plus vive ; au moment où il
approchait du port, il eut la curiosité de dénouer le
troisième qui s'appelait Hardship-Dur « violent » et
il souffla un ouragan à déraciner les collines (2).
En plusieurs régions d'Angleterre ce commerce a eu
lieu jusqu'à nos jours ; en 1861 un marin de la Cornouaille
disait que les bateaux à vapeur avaient causé sa déca-
dence ; mais sans l'abolir complètement, puisque vers
le milieu du XIX^ siècle, deux personnes d'un village
d'Angleterre en vendaient aux marins. A l'île de Man
une femme enferme encore les brises dans les nœuds
qu'elle fait au mouchoir du matelot qui la paie (3).
On a pas rencontré dans la tradition contemporaine
le parallèle d'une pratique relevée en Ecosse, il y a environ
deux cents ans, et qui se rapproche singuhèrement de la
fable des outres d'Éole. En 1738, des marins retenus parle
calme s'adressèrent, pour acheter du vent, à une sor-
(1) Sébillot, 2, II, p, 235.
(2) Campbell, 2, p. 19.
(3) Bassett, p. 120. Rhys, I, p. 331.
284 LES FORCES DE LA NATURE
cière réputée, qui leur remit une cruche bouchée avec
de la paille, en leur recommandant de ne pas enlever le
bouchon avant d'être arrivés à leur port ; ils mirent à la
voile; bientôt il s'éleva une brise favorable, et ils étaient
en vue de l'endroit où ils se rendaient lorsqu'un matelot
qui voulait savoir ce que contenait la cruche, enleva le
bouchon et le jeta à la mer ; aussitôt il s'éleva un terrible
ouragan ( 1 ) . Les pêcheurs des Highlands croyaient que l'on
pouvait laisser le vent à la maison avec les femmes ;
mais il fallait qu'elles se gardent de le lâcher lorsqu'elles
étaient impatientes du retour de leur bien aimé (2).
On s'adresse aussi, non plus au vent lui-même, mais
aux saints auxquels on attribue une puissance sur lui.
En Sicile, le peuple a fait de saint Marc le protecteur
du vent, et il l'a personnifié en ce saint qu'il a transformé
en une sorte d'Éole chrétien. Quand le vent souffle au
gré des gens, ils l'invoquent et le supplient à voix basse,
mais quand le temps se gâte et que des bouffées met-
tent en péril les produits agricoles, les menaces succèdent
aux prières, ils l'injurient, et un proverbe qui l'identifie
avec le sirocco, appelle saint Marc le loup de la cam-
pagne (3). Quand le vent est violent les matelots trécor-
rois chantent en chœur à tour de rôle pour endormir
saint Antoine (4).
Les gens du littoral connaissent des procédés matériels
qui, appliqués aux statues des saints, doivent attirer
l'attention du bienheureux sur leur vœu, et à les con-
(1) Miller, p. 284-288.
(2) Folk-Lore, XIV (1903), p. 302.
(3) PiTRÈ, 1, III, p. 71.
(4) SÉBILLOT, 2, II, p. 245.
LES MÉTÉORES 285
traindre à l'exaucer. Les femmes des marins vont à une
chapelle de l'île de Boued près de Sané et tournent le
sabre de saint Victor vers le point de l'horizon d'où
doit souffler le vent favorable ; celles de Saint-Malo
viraient aux mêmes intentions la crosse de saint Oueh,
et les marins de l'île de Sein, celle de saint Corentin (1).
Les femmes des matelots de Winchelsea tournaient
jadis de la même façon le sceptre de saint Lennard (2).
Au commencement du XVIP siècle des paysans de
la Cornouaille menaçaient les saints de la chapelle
la plus proche de leur village de toutes sortes de mauvais
traitements s'ils ne leur assuraient le retour des person^
nés qui leurs étaient chères, et ils exécutaient en effet
ces menaces en fouettant ces saintes images ou en les
mettant dans l'eau quand ils n'en obtenaient pas ce
qu'ils demandaient. Les marins liaient parfois les sta-
tuettes en leur adressant des menaces, parmi lesquelles
figuraient celle de les jeter à la mer si elles n'obéissaient
pas à la prière assez irrévérencieuse qu'ils leur faisaient
pour avoir bonne brise. Lorsque le vent était contraire,
les femmes de Saint-Quay (Côtes-du-Nord) lançaientde
la poussière à la statue de ce saint, qui passe pour avoir
la vertu de faire tourner le vent (3).
Quelques animaux, et en première ligne le chat, sont
associés aux opérations destinées à exciter le vent.
Les matelots anglais jetaient parfois celui du bord à la
mer dans les temps de calme (4) ; les pêcheurs de Conne-
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 167.
(2) Jones, p. 70.
(3) SÉBILLOT 1. c.
(4) SÉBILLOT, 2, II, p. 244-245.
286 LES FORCES DE LA NATURE
mara (Irlande) enterrent un chat dans le sable jusqu'au
cou, en lui tournant la tête du côté où souffle le vent de-
bout et le laissent crever (1). Les femmes des Highlands
croyaient faire s'élever le vent en passant leur chat à
travers la flamme (2). C'était peut-être avec une idée
de sacrifice que les insulaires de Fladda Chuan en
Ecosse attachaient un bouc au haut du mât. En Suède,
la seule présence à bord d'un chat volé suffit pour
avoir du bon vent. Aux États-Unis, de vieilles femmes
en emprisonnaient un sous un baril, persuadées que tant
qu'il n'en serait pas sorti, la brise ne pourrait souffler (3).
On emploie aussi des espèces de girouettes magiques ;
les Esthoniens suspendaient un chapeau du côté où ils
désiraient que vienne le vent, en accompagnant cet acte
d'un sifflement; une peau de serpent possédait la même
vertu. En Suède une cuiller de bois volée, attachée à la
proue d'un navire qui a le vent contraire lui procure une
brise favorable (4).
95. — Les moyens d'apaiser le vent sont moins nom-
breux que ceux qui sont destinés à l'exciter, et les ter-
riens les emploient plus souvent que les marins. On a
vu (p. 241) les procédés par lesquels les paysans éloignent
les tourbillons des moissons. Les campagnards siciliens
conjurent le Mazzamarieddu, vent violent dont ils ont
fait une sorte de diable, en élevant et en étendant les
bras, et en lui criant : « Va-t-en au loin, bête brute ! »
et les paysans de Nossoria lui crient : « Eau et sel pour
(l)Folk-Lore Journal, III (1884), p. 260.
(2) Folk-Lore, XIV (1903), p. 302.
(3) SÉBiLLOT, 2, II, p. 245-238.
(4) SÉBILLOT, 2, II, p. 245.
LES MÉTÉORES 287
toi ! » dans la persuasion que le vent est l'œuvre des
diables et des sorciers. La conjuration ou la prière usitée
en Sicile pour calmer le vent s'adresse à sa mère : « Mère
des vents, rappelle ton fils » (1). Autrefois les paysans
allemands faisaient une sorte d'offrande, ils secouaient
un sac de farine et disaient : « Tiens, vent, prends ceci,
et fais-en de la bouillie pour ton enfant ! » (2).
En Irlande les gens du peuple croyaient jadis que lors-
que le vent avait été excité par les appels de ceux qui
avaient conclu un pacte avec le diable, il ne pouvait
être calnrè que par la mort d'un chat noir, d'un chien
noir ou d'un enfant non baptisé (3). Un conte de la
Haute-Bretagne parle d'une femme qui, ayant épuisé
tous les procédés connus pour apaiser le vent, finit par
lui montrer son derrière et le fit reculer (4). Il n'est pas
impossible que ce geste, dont on rencontre un parallèle
pour la conjuration de l'orage dans les Abruzzes
(cf. p. 276) ait été en effet employé.
96. — ■ Les marins personnifient quelquefois la brume ;
ceux de la Manche racontent que Gargantua qu'elle gênait
lorsqu'il revenait de Jersey en Bretagne, l'avala et
la retint dans son ventre autant de jours que la baleine
avait gardé Jonas. Lorsqu'il la laissa s'échapper, il lui
dit de retourner dans son pays, et que si jamais il la
revoyait, il l'enfermerait de nouveau et pour toujours ;
elle eut une telle peur qu'elle ne revint sur les côtes de
France que longtemps après la mort du géant. Lorsque
(l)PlTRÊ, i,iii,p. 72.
(2) Grimm, IV, p. 1788, n» 282.
(3) Carleton, II, p. 90, n.
(4) SÉBILLOT, 1, I, p. 81.
288 LES FORCES DE LA NATURE
les pêcheurs sont enveloppés par elle, il lui adressent
parfois une conjuration dans laquelle ils la menacent
du ventre de Gargantua. D'autres légendes parlent d'ins-
truments de fer qui la dissipent; le héros d'un conte
gascon tue avec une épée un géant de brume qui s'en va
aussitôt en fumée ; lorsque saint Lunaire venait d'Ir-
lande en Bretagne, il frappa avec son sabre la brume
qui entourait son bateau, et elle se dissipa ; depuis
il est le patron de la brume, et les matelots l'invoquent
quand elle les incommode. Ils menacent aussi la brume
de la « couper par la moitié avec un couteau d'acier. «
Des formulettes de la région pyrénéenne lui disent que
le bourreau ou d'autres personnages vont venir la battre
ou la couper (1), et les paysans portugais lui adressent
de nombreuses incantations comminatoires, telles que
la suivante : « Fuis, brume, voici St Romao qui vient
avec son bâton » (2).
97. — Sur le littoral de la Haute-Bretagne, la pluie
est, dans les contes, la fille de la mère des vents ; les
marins l'appellent la mère Banard, et disent qu'elle est
la femme du vent d'ouest. Une formulette de l'île de
Batz que l'on récite pour faire cesser les ondées s'adresse
à la « petite pluie de Dieu « et lui parle de sa mère (3).
J'ai donné au chapitre de la culture des exemples
choisis parmi les innombrables procédés magiques
destinés à faire succéder la pluie à la sécheresse (p. 243)-
Les rimes, fort nombreuses en France et à l'étranger,
que les enfants et aussi parfois les adultes chantent ou
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 118-119.
(2) Leite, 1, p. 49-51.
(3) SÉBILLOT, 1, I, p. 83, 121.
LES MÉTÉORES 289
récitent quand il pleut, expriment le désir de voir con-
tinuer l'ondée, et parlent quelquefois de ses vertus
bienfaisantes; mais ces débris d'anciennes conjurations,
à l'efficacité desquelles on a cru autrefois, ne s'adressent
pas à la pluie personnifiée (1).
Il n'en est pas de même de celles qui ont pour but de
la faire cesser ; des incantations d'Angleterre et de Basse-
Bretagne l'invoquent expressément, et les enfants du
Devonshire lui disent d'aller en Espagne et de revenir
une autrefois en lui promettantungâteauàsonretour(2).
Dans le comté de Durham, on croit prévenir le temps
pluvieux en mettant deux paOles en croix et en disant :
(( Pluie, pluie, va-t-en, et ne reviens pas d'ici Noël » (3).
La pluie est rarement invoquée comme dispensatrice
de grâces : cependant les femmes siciliennes adressent
cette prière à celle de mai qui, en raison du pouvoir
qu'on lui attribue, s'appelle Allunga capelli (allonge
cheveux) : « Pluie de mai, fais croître mes cheveux, fais-
les croître, car ils sont courts » (4).
98. — Les explications pittoresques de la neige
attribuent sa chute à des actes de personnages surna-
turels, occupés à faire leur lit, dont les plumes tombent
sur la terre ; en Flandre, c'est Marie-au-Blé, en Allemagne
dame Hollé, les anges ou saint Pierre; en France le
bon Dieu, la Vierge, plus rarement d'autres saints, et
parfois même de simples mortels, plument leurs oies (5),
(1) GoMis, 1, p. 25-26, 52-55. Pitre, 1, III, p. 49. Sébillot, 1, I.
p. 120-121. Halliwell, p. 156.
(2) Henderson, p. 24.
(3) Denham, II, p. 22.
(4) PiTRÊ, 2, p. 237.
(5) SÉBILLOT, 1, I, p. 85-86. Thorpe, III, p. 183.
LE PAGANISME COSTEMPORAIX 17
290 LES FORCES DE LA NATURE
comme aussi en Ecosse, où quand il neige à flocons des
formulettes enfantines disent que les gens de l'Ouest
ou ceux des Orkney leur envoient les plumes de leurs
oisons (1). En Haute-Bretagne, Madame Fleur-de-Neige
secoue son manteau, en Franche-Comté TanteArie, en
Normandie le Bonhomme Hiver déchirent leur linge (2).
Aucun de ces personnages n'est invoqué pour la dis-
pensation de la neige, et c'est à elle-même en quelque
sorte persormifiée que s'adressent les enfants. Alors que
tant de procédés magiques ou de formules sont destinés
à provoquer la pluie, ceux ayant pour but de faire tom-
ber la neige paraissent à peu près inconnus. Cependant
les enfants du Périgord récitent quand le froid est très vif
un quatrain par lequel ils semblent l'appeler : « Neige,
neige, neigé, (tombe) à gros flocons pour faire venir la
vieille sur les tisons (3). Lorsqu'il commence à neiger
ceux du Yorshire s'écrient : « Neige, neige plus vite,
la vache est à la pâture». Quand elle est finie et qu'ils
souhaitent qu'il n'en tombe plus d'autre, ils chantent :
« Neige, neige, cesse, la vache est dans le trèfle » (4).
Ceux d'Autun croient que la petite chansonnette qui
suit a pour effet de faire cesser la neige dès le lende-
main :
Neige, neige,
Les sauterelles sont dans la crèche.
Les ouillaux (oiseaux) sont dans l'anhaut,
Que demandent à ton manteau
Pour demain qui ferait chaud (3).
(1) Gregor, 1, p. 153. Chambers, p. 184.
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 86.
(3) SÉBILLOT, 1, I, p. 101-102.
(4) Halliwell, p. 157.
(5) SÉBILLOT, 1, I. p. 122.
LES MÉTÉORES 291
99. — Plusieurs des innombrables explications de
l'arc-en-ciel l'assimilent à un être vivant qui descend
sur la terre ou sur la mer pour étancher sa soif ; en Corse
on dit que c'est le diable. Si parfois il dispense des
richesses, il est aussi nuisible aux hommes et aux
choses et c'est pour cela qu'on lui adresse tant d'incan-
tations accompagnées des gestes ou d'actes magiques,
afin de le faire disparaître (1).
L'un des plus curieux de ces procédés est celui qui
est usité à la pointe du Raz (Finistère) et qui consiste
à planter sur un rocher ou sur un muretin une file de .
pierres debout ; tant que le météore est visible, on con-
tinue à ériger des pierres en regardant si le sommet de
l'une d'elles correspond à une échancrure de l'arc-en-ciel,
et lorsque cela arrive on dit que la pointe de la pierre l'a
coupé. A Audierne, on entame le sol avec l'extrémité
d'un bâton ou la pointe d'un couteau en disant : « Coupe
l'arc-en-ciel, coupe ». Dans quelques localités du Finis-
tère on trace en l'air une croix avec un couteau ou un
objet quelconque en récitant une conjuration.
La disposition des objets en forme de croix est pra-
tiquée à Audierne où l'on se sert de deux pierres, aux
environs de Lorient de deux morceaux de bois posés
sur le sol. Les enfants du nord de l'i^ngleterre y mettent
des branches avec une pierre à chaque bout ou des brins
de paille (2). La salive lancée sur la main, et parfois
accompagnée d'un cheveu ou d'un brin d'herbe, que
l'on frappe avec l'autre main de manière à former une
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 69, 91,92. Méliisine, 11(1884), col. 13-14, 110.
PiTRÈ, 1, III, p. 55. Méhisine, II, col. 17, 4, 41.
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 117, 116. Denham, II, p. 58. GuTCH, p. 43.
292 LES FORCES DE LA NATURE
croix, intervient dans de nombreuses conjurations dans
divers pays de France, que complètent des formules
rimées. Plusieurs sont menaçantes et ont pour but de
faire peur au météore, de même que d'autres usitées
en Portugal, où on lui dit que les Maures ou les voleurs
vont venir le tuer (1), en Finlande où les bergers lui
crient : « Arc, disparais, le forgeron viendra avec sa
faucille et il te coupera le cou » (2).
En Grèce où le Feu Saint-Elme est regardé comme
contenant des êtres malfaisants, on leur récite des
incantations, comme à l'arc-en-ciel et on essaye de les
effrayer en tirant des coups de fusil ou en faisant un
charivari diabolique. Si ceux qui le voient sont sur un
navire et qu'il y ait des cochons à bord, on les tire par
la queue pour qu'ils grognent, les cris de ces animaux
que l'on croit de nature diabolique mettent en fuite les
esprits malfaisants (3).
Quelques formulettes engagent l'arc-en-ciel à s'en
aller en lui promettant des friandises, ce que faisaient
les Déliens qui lui offraient des gâteaux composés de
farine, de miel et de fruits secs, le considérant comme une
divinité (4).
Il figure parmi les météores que l'on ne doit traiter
qu'avec respect. Dans les Abruzzes la personne qui urine
à sa vue est aussitôt atteinte d'ictérie, qui pour cette
raison est appelée Maie de f arche ; en Slavonie si on
satisfait alors ses besoins naturels, ce qui sort du corps
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 115, 116. Leite, 1, p. 60.
(2) Mélusine, II (1884), col. 71.
' (3) Mélusine, II (1884), col. 117.
(4) SÉBILLOT, 1, I, p. 118 ; Mélusine, II, col. 18, 110.
LES MÉTÉORES 293
peut se changer en serpent. Lorsqu'on le montre avec
le.doigt, suivant une croyance tchèque, il tonne aussitôt
ou le doigt se détache de la main ; en Picardie il peut
être coupé, et dans les Vosges, il y vient un panaris ; en
Allemagne on dit qu'en faisant ce geste on crèverait
les yeux aux anges (1).
En Slavonie, lorsque le premier arc-en-ciel se montre
au printemps, chacun doit sortir de sa maison, lever les
yeux au ciel et crier : « Dieu aide ! « et les enfants dansent
en récitant une formulette <(2). L'arc-en-ciel est pris à té-
moin dans quelques jurons français (3).
(1) NiNO, p. 158. Méliisine, II (1884), col. 16. Skbillot, 1, 1. p. 93.
(2) Mélusine, II, col. 42.
(3) SÉBILLOT, 1, I, p. 93.
CHAPITRE III
Les eaux.
100. Le respect de l'eau. — ICI. Les fontaines. — Î02 Les rivières.
— 103. Les lacs. — 104. La mer.
Les eaux tiennent le premier rang parmi les forces
de la nature qui sont Tobjet de la préoccupation des
hommes, et on les trouve associées à des coutumes, à
des superstitions et à des rites dont les précédents cha-
pitres contiennent de nombreux exemples caractéris-
tiques.
100. — Plusieurs dires contemporains font du respect
de l'eau une obligation quasi-religieuse, et blâment
ceux qui osent la souiller : en Portugal, celui qui urine
dans l'eau commet un péché, qu'il peut cependant effa-
cer en disant : «Mort au péché, vive le petit Jésus ! « (1) En
Sicile cet acte est expié par sept années de purgatoire ;
dans la Suisse allemande celui qui crache dans l'eau
crache dans les yeux du bon Dieu (2): en Haute-
Bretagne, qui crache dans les rivières fait de l'eau
bénite pour le diable. Parfois il y a une sanction
immédiate ; si l'on jette quelque chose dans certains
lacs, il s'élève aussitôt un orage (3).
(1) Leite, 1, p. 71..
(2) PiTRÈ, 1, IV, p. 446.
(3) SÉBiLLOT, 1, II, p. 159, 464.
LES EAUX 295
101. — D'innombrables légendes racontent les gestes
localisés des génies des eaux et leur assignent comme
résidence des demeures mystérieuses au-dessous des
ondes, ou dans leur voisinage immédiat. La plupart
s'appliquent au temps passé, mais plusieurs parlent
comme de faits connus de la génération précédente ou
même de la nôtre, des apparitions tantôt gracieuses,
tantôt terrifiantes, des êtres féminins, et plus rarement
masculins, qui y président. On en fait peur aux enfants
pour les empêcher de s'aventurer ,près des endroits
dangeureux ; mais les adultes eux-mêmes n'osent s'ap-
procher, surtout la nuit, de certaines fontaines (1).
Dans le nord de l'Italie, les sources sont sous la protec-
tion d'esprits qu'il est bon de se rendre favorables (2) ;
en Portugal, des Mauresques enchantées apparaissent
encore près de celles où elles ont leur retraite, en Sicile
quelques fontaines ont comme génies familiers de petites
nonnes (4), en France ce sont le plus ordinairement des
fées (5).
Trois fontaines du côté d'Aberdeen sont sous la garde
d'un esprit, et une autre près de Corgrafï, dans la
même région, avait un génie Duin glase beg, le petit
homme gris : toute personne qui y puise de l'eau doit y
jeter une épingle ou toute autre pièce de métal ; s'il né-
glige cette offrande, et qu'il vienne une seconde fois à
la source, l'esprit le tourmente et le poursuit jusqu'à ce
(1) SÉBILLOT, 1, II, p. 193-203.
(2) Ferraro, p. 36.
(3) Leite, 1, p. 74, 75.
(4)PiTRÈ, 1, IV, p. 187.
(5) SÉBILLOT, 1, II, p. 195-201, 191.
296 LES FORCES DE LA NATURE
qu'il meure de soif ; de nombreuses épingles que l'on
voyait en 1890 sur le sol de la fontaine attestaient que
la coutume du présent propitiatoire n'était pas tombée
en désuétude (1). Dans le nord de l'itajie l'esprit de la
source souterraine ne la laissait découvrir à celui qui
tournait la baguette que si cet acte était acompagné
d'une formule (2). En Suède au milieu du XVIII® siècle
à certains moments de l'été, on lançait du fer, de la
monnaie, etc., pour se rendre propice le Xeck de la
fontaine (3). En plusieurs pays de France, on étrenne
les fontaines par des présents en nature (4), et dans le
nord de l'Italie la coutume de leur jeter comme offrande
de petits cailloux est assez fréquente (5).
Les plus nombreux présents faits aux fontaines
sont en rapport avec la fécondité, l'amour, la guérison
ou la santé. D'autres semblent l'accessoire obligé pour
la réalisation de souhaits qui ne rentrent pas dans ces
divers ordres d'idées. C'est ainsi que les croyants, après
avoir fait trois fois le tour de la fontaine de l'Épingle à
Alnwickdansle Nortliumberland, sautent par dessus et
y lancent une épingle en formulant leur vœu (6). Ce tour
numérique était fait plusieurs fois, en priant, par les
nombreux dévots qui se rendaient, vers 1814, à une
fontaine de saint Patrick à Dungiven en Irlande, qui
s'y lavaient les mains et les pieds et y trempaient un
(1) Folk-Lore, III (1892), p. 67-68.
(2) Ferraro, p. 36.
(3) Thorpe II, p. 82.
(4) SÉBILLOT, 1, II, p. 302.
(5) Ferraro, 1. c.
(6) Balfour, p. 1-2.
LES EAUX 297
petit morceau de leur vêtement qu'ils suspendaient au
buisson voisin (1).
Les objets posés sur la surface des eaux ou lancés
par les pèlerins, ne constituent pas toujours des offrandes,
mais des agents de consultation qui sont employés par.
les amoureux, les malades ou leurs parents (cf. p. 71, 87)
Ils servent aussi en Basse-Bretagne à renseigner sur le
sort des absents : les femmes des marins déposent sur
la fontaine un linge de corps d'un de leurs enfants, s'il
flotte c'est que le père est vivant ; dans une autre fon-
taine, on lance un morceau de mie de pain qui, s'il
surnage, indique que le marin a fait un voyage heureux
et qu'il reviendra bientôt (2). Ceux qui s'adressaient à
une fontaine à Gulval près de Penzance, pour connaître
la destinée des amis qu'ils avaient au loin, regardaient
les eaux en récitant une formulette pour conjiirer la
source de leur dire la vérité : si en bouillonnant l'eau
restait bien claire, l'ami était en bonne santé, si elle
était bourbeuse il était malade, si elle restait tranquille,
il était mort (3).
Le flottement du pain qui indique la destinée future
des gens pendant une période déterminée (cf. p. 160)
sert aussi à découvrir les voleurs. Celui qui s'adressait
à la fontaine de Llandebrog, dans le pays de Galles,
devait s'agenouiller devant elle et témoigner sa foi en
sa puissance ; il y jetait ensuite un morceau de pain
en prononçant le nom de la personne qu'il suspectait,
(1,1 Folk-Lore Journal, II (1884), p. 211.
(2) Sébillot, 1, II, p. 255.
(3) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 92.
17.
298 LES FORCES DE LA NATURE
le pain coulait s'il était coupable (1). Vers le milieu du
XIXe siècle, des épreuves analogues se faisaient à quel-
ques fontaines des environs de Lannion(Côtes-du-Nord).
Celui qui les interrogeait devait s'y rendre le lundi,
à jeun, et jeter dans l'eau plusieurs morceaux de pain,
à chacun desquels il donnait le nom des gens qu'il soup-
çonnait : celui qui restait au fond indiquait l'auteur
du larcin (2).
Des opérations d'un caractère coupable et qui tou-
chent parfois à la magie, s'accomphssent près des
fontaines ; elles sont fréquentées par ceux qui veulent
donner des maladies (cf. p. 147) s'approprier le bien
d'autrui et enfin se venger de leurs ennemis, sans
les vouer expressément à la mort. La fontaine sacrée
d'une des îles de l'Irlande était l'objet d'un pèle-
rinage de haine; l'opérateur s'agenouillait devant,
et répandait sur le sol, au nom du Diable, quelques
gouttes de son eau, en disant : « Que mon ennemi
soit renversé sur le sol comme cette eau ! » (3). La
fontaine d'Elian dans le Denbigshire était l'une
de celles auxquelles on s'adressait pour ensorceler, ce
qui se faisait en lançant sur ses eaux des linges lardés
d'épingles ; vers 1830, elle était annuellement visitée
par des centaines de personnes qui accomplissaient
ainsi le rite de malédiction : le postulant se plaçait à un
certain endroit près de la source, dont le propriétaire,
après avoir lu quelques passages de l'Écriture, lui faisait
boire un peu d'eau, et lui lançait le reste par dessus la
(1) Rhys, I, p. 364.
(2) SÉBILLOT, 1, II, p. 255.
(3) Wilde, p. 71.
LES EAUX 299
tête ; cet acte était répété trois fois pendant que le
pèlerin murmurait des imprécations dans lesquelles
il désignait la façon dont sa vengeance devait être
réalisée (1).
L'eau des fontaines confère certains privilèges à celui
qui, au commencement de l'année, en prend « la fleur »;
en plusieurs pays de France elle assure du bonheur
pendant un an. Celui qui boit avant tout autre dans
les trois fontaines de Wark (Northumberland) acquiert
pour l'année qui vient un pouvoir qui s'étend jusqu'à
lui permettre de passer par le trou de la serrure ou
de voler en l'air la nuit. Cet heureux mortel jette sur
le sol du gazon des fleurs, du foin ou de la paille
pour montrer à celui qui se présente après lui qu'il a
été devancé (2).
102. — Les rivières sont encore personnifiées et les
légendes les font agir et parler : dans une formulette
écossaise, la Tweed et la Till se disputent à qui fera le
plus de victimes par an (3) ; plusieurs rivières d'Alle-
magne en exigent une annuellement et c'est le tribut
que demandent quelques-unes de celles de France ou
de Wallonie (3).
Le génie qui y préside a parfois un nom propre, comme
celui de la Tee, Peg Powler, aussi insatiable de vies
humaines que Lorelei ; en Norvège le Nok demandait
un sacrifice annuel (4).
(1)Rhys, I, p. 357,395.
(2) Sébillot, 1, II, p. 240. Balfour, p. 5-6.
(3) Leite, 1, p. 79. Grimm, II, p. 494. Chambers, p. 207. Folk-Lore,
III (1892), p. 72. SÉBILLOT, 1, II, p. 338-339.
(4) Henderson, p. 265. Thorpe, II, p. 20.
300 LES FORCES DE LA NATURE
Des pratiques préventives mettent celui qui les ac-
complit à l'abri des noyades naturelles ou surnaturelles;
en Wallonie on jette dans l'eau une galette, en formu-
lant le souhait de nouvelle année, afin de ne pas se noyer
pendant cellequi commence (1). En Portugal, quand on
passe une rivière, il faut y lancer trois cailloux, le premier
au commencement, le second au milieu, et le troisième
à la fin, ou bien en tenir un dans la bouche. Une offrande
de pain et de sel lui est faite par celui qui, en la traver-
sant, porte des œ.ufs, afin que les eaux ne leur enlèvent
pas leur vertu génératrice (2). En Suède pour se pré-
server des mauvais génies pendant la nuit, on y crache
trois fois (3).
Les rivières sont l'objet de pratiques accomplies par
les malades (p. 125-126). En Wallonie jusqu'à une
époque récente, on s'y baignait ou l'on s'j^ désalté-
rait le jour Saint- Jean à minuit juste, pour se pro-
curer divers avantages et parmi eux le pri\àlège de ne
pouvoir se noyer (4). En Catalogne, c'est avant le lever
du soleil que les gens vont se mirer dans les eaux cris-
tallines du torrent de la vallée ; ils s'agenouillent, font
le signe de la croix, trempent leur mouchoir pour se
frictionner avec son eau, et vont ensuite cueiUir les
fleurs de bonne aventure (5).
L'eau courante constitue une barrière infranchissable
contre certaines maladies, et aussi contre les revenants
(1) SÉBILLOT, 1, II, p. 382.
(2)Leite, l,p. 79.
(3) Grimm, II, p. 596.
(4) SÉBILLOT, 1, II, p. 374-375.
(5) Miscellanea folk-lorica, p. 21.
LES EAUX 301
et contre les sorcières (1). Dans le nord de l'Angleterre
elles ne peuvent poursuivre celui qui a traversé une
rivière, pourvu qu'il le fasse au-dessous du premier pont
bâti sur son cours (2).
103. — Les génies des lacs, encore redoutés par les
riverains, ont presque toujours un caractère malveil-
lant. Le Lochan-nan-Deaan, présumé sans fond, était
la demeure d'un esprit des eaux qui aimait les sacrifices
humains, et on n'avait jamais retrouvé les corps de
ceux qui s'y étaient noyés. Des gens du pays ayant eu
dessein de l'écouler dans l'espoir d'y retrouver les ca-
davres, un hurlement terrible se fit entendre au moment
où ils allaient se mettre à l'œuvre, et ils virent sortir
de l'eau un petit homme coiffé d'un chapeau rouge. Ils
s'enfuirent épouvantés, laissant leurs outils que le petit
homme leur jeta, puis avec un grand cri, il se replongea
dans les eaux qui bouillonnaient et étaient devenues
rouges comme du sang. Des milliers de petites créa-
tures défaisaient la nuit l'ouvrage qui avait été fait le
jour pour dessécher un autre lac (3).
Dans le pays de Galles on recommande aux enfants
de se défier de Morgan, et on leur répète cjue ceux qui
sont méchants seront emporté s par lui dans le lac ;
à une époque antérieure, les hommes le redoutaient
aussi (4). En Irlande ceux qui faisaient paître en com-
mun leurs troupeaux près du Lochan wan (le lac de
l'agneau) offraient à l'esprit qui y demeurait le premier
(1) SÉBILLOT, 1, II, p. 371.
(2) GuTCH, p. 41.
(3) Folk-Lore, III (1892), p. 70.
(4) Rhys, I, p. 372.
302 LES FORCES DE LA NATURE
agneau du troupeau; s'ils omettaient ce sacrifice, avant
la fin du pâturage, la moitié du troupeau était noyée (1),
En Irlande on allait autrefois proférer des malédic-
tions contre ses ennemis sur le bord d'un lac appelé du
nom significatif de Clou veneagh, lac de la vengeance (2).
104. — L'idée que la mer est sacrée est courante chez
beaucoup de peuples ; en Espagne on dit qu'elle est sainte
depuis qu'un des trois vêtements de la Véronique, sur
lesquels a été imprimée l'image du Christ, y coula à la
suite d'un naufrage ; en Portugal on ne doit y jeter au-
cune immondice, et si on le fait elle se hâte de les rejeter ;
sur la côte de la Manche c'est un péché d'y faire, à
moins d'y être absolument contraint, ses nécessités, et
sur ceUe de Tréguier on dit, en lui attribuant une sorte
d'animisme dont on rencontre des traces dans les
légendes, qu'elle pourrait punir celui qui oserait la salir.
Sur cette même côte, quand on va y puiser de l'eau on
doit en répandre quelques gouttes sur la grève, comme
une espèce de libation (3).
Les bains rituels dans la mer qui, dans l'antiquité,
constituaient une sorte d'expiation, étaient encore en
usage à Naples en 1580 ; les hommes et les femmes se
baignaient nus la veille de la Saint-Jean, persuadés
qu'ils s'y lavaient de leurs péchés. Avant la Révolution,
les jeunes marins de La Ciotat s'élançaient dans la mer
au moment ou s'allumait le feu de cette fête et ils
s'inondaient réciproquement ; cet acte était peut-être
aussi expiatoire. Pendant la première moitié du XIX^
(1) Folk-Lore, III (1892), p. 71.
(2) Wilde, p. 251.
(3) SÉBiLLOT, 2, I, p. 198, 84-85, 95; 1, II, p. 159.
LES EAUX 303
siècle, hommes et femmes de plusieurs ports de la Médi-
terranée se promenaient dans la mer à la Saint-Jean,
culottes et jupons retroussés, et plus récemment sur les
côtes de la Gascogne, hommes, femmes et enfants y
entraient la nuit qui précède la fête (1). En Sicile, le
bain pris le jour de l'Ascension est accompagné d'un
geste qui consiste à puiser de l'eau dans la main et à la
rejeter par-dessus son épaule, pour se délivrer de la sor-
cellerie et de se mettre à l'abri des maléfices à venir (2).
Lors des bains ordinaires, on a employé des procédés
magiques pour éviter de devenir la proie des génies,
d'être noyé ou d'éprouver des inconvénients. En Suède
on empêchait les moiîstres de nuire en leur opposant
un objet de métal ; lorsque le baigneur avait neutralisé
les pernicieuses propensions du Neck, ou qu'il se l'était
rendu propice, il jetait dans la mer auprès de soi,
avant d'y entrer, un briquet ou un couteau; il n'était
pas rare de l'entendre lui adresser par raillerie ces
mots : « Neck, voleur d'aiguille, tu es sur la terre, et
moi je suis dans l'eau ». En sortant du bain, l'homme
reprenait l'objet de métal en disant : « Neck, Neck, le
voleur d'aiguille, je suis sur terre, et toi tu es dans
l'eau » (3). On avait coutume naguère, dans le nord de
l'Ecosse, de réciter une formulette avant d'entrer dans
la mer, et d'y lancer trois pierres, en commençant
par la plus grosse, et l'on préférait celles qui étaient
blanches (4). Les enfants portugais prennent neuf cail-
(1) SÉBiLLOT, 2, I, p. 88-89 ; 1, II, p. 160-161.
(2) PiTRÊ, 1, IV, p. 140.
(3) Thorpe, 1, II, p. 83.
(4) SÉBILLOT, 2, I, p. 104.
30 i LES FORCES DE LA NATURE
loux et les lancent à trois reprises dans l'eau et en
répétant ces mots : « Fièvres, fièvres, allez vers la mer
— Pendant que je vais me baigner — Fièvres, sortez
hors de mon corps (l).En France les pratiques préven-
tives de la noyade semblent bornées au signe de croix
fait avec l'eau salée.
Les paysans siciliens s'adressent à la mer elle-même
comme à une dispensatrice de faveurs. La veille de
l'Ascension, ils s'agenouillent sur ses bords et récitent
chaque fois qu'un flot arrive sur le rivage, en cessant au
neuvième, une prière rimée dont voici la traduction :
« Je te salue, bassin de la mer; le Seigneur m'envoie ici,
tu dois me donner ton bien ; je te laisse mon mal. »
Après chaque prière ils ramassent une poignée de sable ;
la cérémonie terminée, ils reviennent au village et
jettent ce sable sur les toits de ceux qui élèvent des vers
à soie en disant gaiement : « Sept livres par claie » (2).
Plusieurs actes ont pour but de prévenir les tempêtes
ou d'y mettre fin. Dans les Asturies, lors de la fête de
saint Roque, la procession va en mer sur plusieurs
barques, et l'on croit que les vagues sont endormies
pour toute l'année ; sur la côte cantabrique les amis de
ceux qui naviguent jettent aux vagues en fureur, dans
l'espoir de les calmer, des chapelets et des médailles.
Sur le littoral portugais lorsc^ue par une mer houleuse
les navires s'approchent de la côte, les femmes allument
une lampe devant un saint et vont ensuite jeter le reste
de l'huile dans la mer, avec la certitude que cela apai-
serait les ondes ; dans le même but on lançait sur la mer
(I)Leite, l,p. 69-70.
(2) Mélusine, II (1884), col. 203.
LES EATJX 305
tourmentée de l'eau puisée à une fontaine de saint Kireck
(Côtes-du-Nord) (1).
On a eu recours autrefois dans les îles britanniques
à des opérations magiques pour mettre fin aux tempêtes ;
vers le milieu du XIX^ siècle on se souvenait à Cro-
marthy (Ecosse) d'une pratique en usage chez les géné-
rations précédentes, et qu'on appelait « charmer les
vagues». Un des pêcheurs se plaçait sur le plat-bord, et
il agitait la main dans la direction opposée au cours de
la mer, dans la persuasion que cette sorte d'appel l'en-
gagerait à perdre de sa violence (2). Au ^VIIP siècle
pour apaiser les vagues ou pour avoir un vent favorable,
une femme de Scarborough se rendait, seule, à une
cavité circulaire entre les pierres brutes de la jetée et
l'arrosait avec de l'eau de mer, et murmurant de ten-
dres vœux, regardait du côté d'où devait revenir son
mari ou son amoureux (3). En Irlande, les patrons
des bateaux de pêche de Mayo et de Connemara atta-
chent un chien par les pattes et le lancent dans la mer,
persuadés qu'elle deviendra calme après cette oblation (4).
La mer sert rarement à des opérations de sorcellerie :
dans le Finistère quelques actes d'envoûtement étaient
pratiqués sur ses eaux (cf. p. 148) et vers 1795 aux
environs de Plougasnou des sorciers interprétaient ses
mouvements, ses flots mourant sur le rivage et prédi-
saient l'avenir (5). Le héros d'un conte breton, pour
(1) SÊBiLLOT, 2, I, p. 165, 168 ; 1, II, p. 477.
(2) Miller, p. 59.
(3) GuTCH, p. 52.
(4) MooNEY, p. 145.
(5) Cambry, p. 109.
306 LES FORCES DE LA NATURE
obtenir un vent favorable, fait sur le sable de la grève
une croix avec une baguette blanche ; c'est peut-être
une transformation d'une ancienne conjuration pra-
tiquée autrefois par des prêtres païens (1).
Les rites assez compliqués de certaines initiations à
la sorcellerie s'accomplissaient sur le bord de la mer :
dans le nord de l'Ecosse, aux îles Orkney, pour devenir
sorcier il fallait, vers le commencement du XIX^ siècle,
s'y rendre à minuit, faire trois tours à l'encontre du cours
du soleil, se coucher sur le dos, la tête tournée vers le
sud, et dans un endroit entre les lignes de la haute et de
la basse mer, prendre une pierre dans chaque main, en
avoir une à chaque côté du pied, une sur la tête, une plus
grosse sur la poitrine. Le postulant devait avoir les bras
et les jambes étendus, fermer les yeux, réciter une in-
cantation au diable, puis rester sans bouger pendant
quelque temps ; il ouvrait alors les yeux, se tournait sur
le côté droit, et lançait les pierres dans la mer ; chacune
devait être jetée avec une formule de malédiction. Aux
îles Shetland, lorsque l'aspirante est une femme,
elle va seule, à minuit de la pleine lune, s'étendre sur
le rivage au-dessus de la marque de la marée haute,
met la main gauche sur la semelle de ses souliers et la
droite sur le sommet de sa tête, en invoquant le diable
qui apparaît et conclut le marché avec un serrement
de main (2).
(l)SÉBILLOT, 1, II, p. 142.
(2) Black, 1, p. 51-52.
CHAPITRE IV
La terre et les pierres.
103. La terre. — 106. Les montagnes. — 107. Les pierres, — 108,
Actes rappelant d'anciens cultes. — 109. Consultations et opéra-
tions magiques, — 110. Les pierres de malédiction
105. — La terre figure rarement dans les croyances popu-
laires qui présentent des traces de paganisme. Elle inter-
vient toutefois comme agent de guérison (p. 72) et on
lui attribue une sorte de pouvoir magique. En Haute-
Bretagne, lorsqu'une personne est placée entre deux terres,
c'est-à-dire quand ses pieds reposent sur le sol et qu'elle
a dans les mains ou sur la tête une grosse motte de
gazon, elle peut, par une nuit sans lune, voir des choses
qu'il n'est même pas donné aux autres d'entrevoir (1).
A Noirmoutier les sorciers ne voient pas entre deux
terres ; aussi quand un paysan en aperçoit un, réel ou
supposé, il se signe et met sur sa tête une motte de gazon.
En Ecosse, on connaissait autrefois un singulier paral-
lèle de la fable d'Antée ; celui qui pouvait saisir un
esprit de façon à ce que l'air passe entre la terre et ses
peds, en était délivré (2).
La terre semble avoir horreur du sang humain, et
(1) SÉBILLOT, 1, I. p, 210,
(2) Stewart, p. 43.
308 LES FORCES DE LA NATURE
elle reste éternellement nue aux endroits où elle en
a été arrosée, comme à ceux où sont tombées les vic-
times d'un meurtre ; on montre encore en beaucoup
de pays les empreintes que leur corps y a laissées.
Lorsqu'elle a été prise à témoin, elle demeure parfois
stérile pour attester la vérité de celui qui l'a invoquée.
Les serments par la terre semblent avoir disparu ; il
en reste toutefois un vestige dans cette imprécation
bretonne : « Que la terre s'ouvre pour m'engloutir ! » (1).
106. — Les esprits des montagnes sont jaloux de leur
domaine, et sans parler des divers accidents qui attei-
gnent ceux qui les gra\issent, ils en interdisent parfois
l'accès aux mortels : on disait qu'un seul homme avait
pu arriver au sommet du mont Perdu, et encore avec l'aide
du diable qui lui avait ravi son âme (2). La descente du
Ben Newe in Strathdon (Ecosse) est dangereuse; celui qui
monte à son sommet doit, s'il veut en atteindre vivant
la base, déposer un petit objet dans la cupule d'un gros
rocher qui est toujours remplie d'eau, et en boire une
gorgée ; en 1890, on y voyait encore des épingles et
diverses autres offrandes (3).
Les sabbats qui se sont tenus longtemps sur les mon-
tagnes, et qui se terminaient par des rondes, comme les
ébats des fées que quelques-uns placent aussi sur des
hauteurs, sont peut-être des vestiges de danses ayant
un caractère cultuel, que l'on faisait, à une époque loin-
taine, sur ces sommets. Dans les Hautes-Alpes au com-
mencement du XIX^ siècle, un grand nombre de per-
(1) SÉBILLOT, 1, I, p. 197, 211.
(2) SÉBILLOT, 1, L p. 225.
(3) Folk-Lore, III (1892), p. 69.
LA TERRE ET LES PIERRES 309
sonnes se joignaient aux bergers le jour de Saint-Jean
pour danser sur le sommet de plusieurs montagnes. Le
premier janvier, le jour des Rois et le premier dimanche
de Carême, les enfants dansaient à la tombée du jour
autour de feux de joie allumés sur le point culminant
d'une montagne de la Côte-d'Or (1).
107. — Le rôle des pierres dans les croyances populai-
res est encore important, et l'on a pu voir dans nombre
de chapitres de cet ouvrage que l'on s'adresse, en maintes
circonstances, surtout en matière d'amour ou de santé,
à celles qui, adhérant au sol, présentent des circonstances
propres à exciter l'étonnement, ou à celles érigées de'
main d'homme. Nombre de récits populaires accordent,
surtout aux mégalithes véritables, une sorte d'animisme,
et elles en font la résidence de personnages surnaturels,
capables d'accorder des grâces et aussi de punir ceux
qui oseraient leur déplaire. Bien des paysans ne passent
pas volontiers seuls près de ces énormes blocs, à la nuit
close, et même parfois en plein jour ; leurs gestes mon-
trent le respect et la crainte héréditaires qu'ils leur ins-
pirent, et aussi l'utilité d'avoir recours, en face de ces
monuments de religions passées, à des pratiques de celle
qui leur a succédé. Cette pensée dualiste se manifeste
encore par plusieurs actes : les vieillards de l'Aveyron
se découvraient respectueusement auprès du dolmen
de l'Oustal de los Fodorellos, mais ils faisaient aussi un
signe de croix (2). En Mande une pierre à Inniscatery
qui porte l'empreinte des genoux de saint Senanus était
vers 1830 en telle vénération que les paysans s'inclinaient
(1) SÉBiLLOT, 1, L p. 238-239, 247.-
(2) SÉBILLOT, 1, I, p. 317, IV, p. 54.
310 LES FORCES DE LA NATURE
devant elle, ôtaient leur chapeau et murmuraient une
prière (1). Les guides et les passants embrassaient
avec ferveur, en faisant le signe de croix, le Caillou de
l'Arrayé sur la route de Saint-Sauveur (Basses-Pyrénées) ;
dans le pays de Ludion, où des pierx'es sacrées étaient
habitées par des génies, on allait prier le jour près de
celle qu'on nomme le Caillou de Sagaret, et on la tou-
chait avec vénération. On se souvenait encore, vers 1833,
d'avoir vu des vieillards dire leurs prières devant les
Roches Pouquelaies de Vauville, dans la Manche. On se
signait, pour éviter des maléfices, devant le menhir
de la Femme Blanche dans la forêt de Marcon, et les
enfants puisaient de l'eau pour faire le signe de la
croix, dans la cuvette du polissoir de Netton ville (Eure-
et-Loire) appelé le Bénitier du diable. Les paysans bre-
tons se signent la nuit en passant devant les menhirs (2).
108. — Les actes collectifs qui rappellent explicitement
d'anciens cultes sont assez rares maintenant; quelques-
uns consistent en danses, (cf. p. 2, 39, 79, 100, 251) qui
n'ont pas toutefois la forme d'adoration, comme la ronde
échevelée autour d'un menhir, dont saint Samson fut
témoin au V^ siècle, alors qu'il se préparait à quitter
la Cornouaille pour se rendre en Armorique (3). Au
milieu du XVIIP siècle les femmes du Croisic qui atten-
daient le retour des marins dansaient toute la matinée
de l'Ascension autour d'un menhir; la jeunesse des deux
sexes formait jadis des rondes près de la Pierre percée
de Fouvent-le-Haut (Haute-Saône) autour de laquelle
(1) Folk-Lore Journal, VI (1888), p. 53.
(2) SÉBiLLOT, 1, I, p. 318, 342 ;IV, p. 54.
(3) Revue Celtique (1897), p. 314.
LA TERRE ET LES PIERRES 311
on allumait des feux les jours de fêtes patronales ; à
Guernesey on dansait à la Saint- Jean sur le haut d'une
pierre branlante. Dans le pays de Ludion, un feu de
joie était allumé sur le Cailhaou d'Ariba Pardin, auprès
duquel les jeunes gens dansaient et faisaient une pro-
cession accompagnée de gestes burlesques et obscènes.
Les garçons et les filles en revenant d'un pèlerinage
formaient une ronde autour de la Roche du diable
aux environs de Namur, mais ensuite ils témoignaient
leur mépris pour celui dont le nom avait été imposé à
ce menhir, en le souillant d'une étrange façon. Les
hommes qui, en compagnie de femmes, se trouvaient
près du menhir de Peyra de Pcyrahita au pays de Luchon
les forçaient à l'embrasser, peut-être en souvenir d'un
ancien culte (1).
Le rite si souvent constaté du triple tour de la
pierre fut encore observé, en 1836, autour du dolmen
de Poitiers et les pèlerins la baisèrent avant de s'en
retourner.
Quelques cérémonies chrétiennes avaient lieu près
des mégalithes ; avant 1789, le clergé allait en proces-
sion au dolmen, d'ailleurs christianisé, de la Madeleine
(Charente); vers la même époque on disait la messe en
bateau au-dessus des pierres « druidiques » que l'on
voyait sous l'eau près de Guilvinec (Finistère) (2).
Les pierres reçoivent assez fréquemment les offrandes
de ceux qui leur attribuent du pouvoir en matière de
fécondité, d'amour ou de guérison (cf. p. 83). Des présents
en nature sont offerts pour divers motifs à des mégalithes
(1) SÉBiLLOT, 1, IV, p. 50, 62, 63.
(2) SÉBILLOT, !, IV, 55.
312 LES FORCES DE LA NATURE
d'Indre-et-Loire, de Vendée, d'Eure -et-Loire, etc. ;
la veille de Noël, les pêcheuses de varech mettaient
des morceaux de pain dans la cavité de la pierre qui
vire de l'île de Ré, en répétant trois fois : « Tourne ou
vire ! » devant ce bloc, qui tournait ce jour-là à minuit
sonnant, et elles espéraient après cette petite cérémonie,
avoir des pêches abondantes toute l'année. C'était
peut-être par survivance d'un ancien rite que les enfants
de l'île d' Yeu déposaient naguère deux petites pierres sur
un monolithe en disant : « Grand'mère, voilà du pain et du
lard!» A certaines époques, surtout aux solstices on brû-
lait de petites chandelles près de la pierre percée de Fou-
vent (Haute-Saône) et ceux qui priaient devant le dolmen
d'Amure (Deux-Sèvres) lui offraient de menues monnaies;
à la fin du XVIIP siècle, les paysans des rives du Lot
oignaient certaines pierres avec de l'huile ou les ornaient
de fleurs ; les habitants d'Otta, en Corse, arrosaient autre-
fois avec de l'huile un énorme rocher qui surplombait
leur village, afin qu'il ne tombât pas sur leurs maisons (1).
Les serments prêtés à travers les pierres trouées
sont considérés comme ayant une valeur particulière
(cf. p. 109). Plusieurs de celles qui servaient aux promesses
amoureuses recevaient aussi d'autres serments, comme
la pierre d'Odin dans les Orcades. On se souvenait encore
en 1825 de l'époque où les deux parties contractantes
mettaient chacune la main dans la cavité de la pierre
du serment à Plougoumelen (Morbihan) et juraient
d'être fidèles à leurs promesses (3). Dans l'Oise on venait
(1) Sébillot, 1, IV', p. 64-65 ; I, p. 342.
(2) Black, 1, p. 2.
(3) Mahé, p. 295.
LA TERRE ET LES PIERRES 313
naguère signer des contrats de mariage dans un coin
de rocher de grès dit Pierre Sortière (1) Les mineurs
de Newcastle ont l'usage de ratifier toute conven-
tion commune relative à la paye en crachant cha-
cun à son tour sur la même pierre (2). Le lancement
de la pierre pour affirmer un serment, qui accompagnait
autrefois de véritables actes juridiques, est encore usité
par les pêcheurs de la Manche qui en jettent une dans
la mer pour affirmer leur résolution de ne pas retourner
de sitôt dans un endroit où ils ont eu des disgrâces ; les
enfants des Vosges, pour prouver qu'ils sont innocents
d'un vol vont chercher à reculons une pierre dans un
cimetière (3).
109. — Les pierres servent encore à des consultations
de diverses natures : en nombre de pays de France,
les maris désireux d'être renseignés sur la fidélité de
leurs femmes s'adressaient à des pierres branlantes,
et la coutume n'est pas complètement perdue ; la ré-
ponse était favorable s'ils parvenaient à les faire remuer ;
la même épreuve servait, beaucoup plus rarement, à
attester la virginité des jeunes filles (4). En Cornouaille
si on plaçait avec soin deux épingles en croix survie
sommet de la pierre percée de Mên an Toi, elle donnait
une réponse à la question posée, les épingles acquérant,
par une puissance inconnue, un mouvement particulier (5) .
Les jeunes cornouaillaises, au temps de la moisson,
(1) Revue archéologique (1895), p. 341.
(2) Balfour, p. 62.
(3) SÉBiLLOT, 1, I, p. 345-346, 353.
(4) SÉBILLOT, 1, IV, p. 49.
(5) HuNT, p. 177.
18
314 LES FORCES DE LA NATURE
appuyaient l'oreille sur les pierres d'un dolmen appelé
Whispering Knights, les Chevaliers siffleurs, et l'inter-
rog aient sur l'avenir (1). Naguère dans le pays de Ludion
des gens appliquaient leur lèvres sur le sommet du Cail-
haou de Sagaret pour parler au bon génie qui l'habite
et collaient leur oreille sur la pierre pour entendre la
réponse. Le passage de la tête par l'ouverture des rochers
percés de l'Aisne était pratiqué par les personnes des
deux sexes qui voulaient connaître l'avenir (2). ASainte-
Marie, l'une des Scilly, pour témoigner un désir ou pour
rompre un charme, on introduisait un anneau en pronon-
çant une incantation, dans le trou d'une pierre percée (3).
Quoique plusieurs blocs naturels ou érigés de main
d'homme portent des noms qui supposent des hantises
diabohques ou des fréquentations de sorciers, il semble
que l'on a rarement fait des opérations magiques en
rapport direct avec eux. Michelet (La Sorcière, p. 147)
parle, sans citer sa source, de sabbats près de dolmens;
il est toutefois vraisemblable que les adeptes de la sorcel-
lerie se sont donné rendez- vous près des mégalithes situés
dans les lieux déserts. Une déposition faite au procès
de Gilles de Retz raconte une évocation du diable dans
une prairie où se dressaient de grandes pierres levées (4) . On
rencontre dans les pays celtiques de la Grande-Bretagne
des traits plus récents et plus authentiques ; jadis une
pierre debout de l'île d'Iona en Ecosse conférait à celui
(lui la touchait trois fois au nom du Père, du Fils, et du
(1) Folk-Lore, VI (1895), p. 29.
(2) SÉBiLLOT, 1, I, p. 318 ; IV, p. 58.
(3) Folk-Lore Journal, V (1886), p. 40.
(4) Bull, de la Soc. d'Anthropologie (1906), p. 73.
LA TERRE ET LES PIERRES 315
Saint-Esprit, le privilège de ne jamais se tromper quand
il tenait la barre du gouvernail (1). On devenait sorcier
en touchant, à minuit, une pierre branlante de la Cor-
nouaille (2).
110. — Il est vraisemblable que l'on a fait près des
pierres, en divers pays, des cérémonies de malédiction ana-
logues à celles encore pratiquées en Irlande, mais je n'en
cormais aucun exemple en dehors de cette île. Les
insulaires d'Innis-Murry qui ont subi un tort réel ou
supposé se rendent à une grosse table de pierre portée
par huit supports perpendiculaires, sur la surface de
laquelle sont déposés soixante-treize cailloux de deux
à vingt pouces de circonférence qui y sont depuis les
anciens temps, car celui qui en déroberait un serait
en danger de mort. Tout le pouvoir d'anathème de l'île
est concentré dans ces pierres, et lorsqu'on a proféré en
les tournant une malédiction contre son ennemi, si
celui-ci est coupable, il mourra ou éprouvera quelque
calamité avant l'année révolue. Sur les bords du lac
de la Vengeance, on plantait une longue pierre, autour
de laquelle on accumulait, pour la rendre solide, une py-
ramide de sable. Les pèlerins accomplissaient dessus
certains rites mj^stiques, et récitaient des prières qui
prenaient la forme des imprécations les plus terribles.
Celui qui avait été maudit par la pierre était considéré
comme voué au malheur (3). La pierre de Malédiction
près de Black Lion, comté de Cavan, est une large dalle
couchée, creusée de douze ou treize bassins, dans chacun
(1) Brand, III, p. 319.
(2) Folk-Lore Journal, V (1886), p. 198.
(3) Wilde, p. 227, 252.
316 LES FORCES DE LA NATURE
desquels,sauf ua,est une grosse pierre ronde. L'opérateur
prend l'une d'elles et la met dans le bassin vide, et il
continue jusqu'à ce qu'il les ait toutes employées ;
pendant cette opération, il maudit son ennemi, et s'il
est parvenu à les placer sans en laisser échapper une seule,
ce qui n'est pas facile en raison de leur forme, sa malé-
diction produit son effet; autrement elle retombe sur
sa tête ; il y a une de ces pierres avec cinq bassins dans
dans le Donegal et une autre a été récemment détruite
dans le même comté (1).
Dans l'exemple qui suit la malédiction se faisait à
l'aide de pierres ne tenant pas au sol. Il n'y a pas bien
des années, les fermiers du comté de Fermanagh qui '
étaient expulsés par leurs propriétaires apportaient à
la maison des pierres ramassées tout autour de leur
ferme et posaient sur le foyer un charbon allumé ; ils les
entassaient dessus comme si elles avaient été des mottes
de gazon, puis ils s'agenouillaient en priant qu'aussi
longtemps que ces pierres resteraient sans être brûlées,
une terrible malédiction serait suspendue sur leur
propriétaire, ses enfants et petits -enfants jusqu'à la
dernière génération. Dès que la malédiction était finie,
ils enlevaient les pierres et les dispersaient par tout le
pays. Et on assurait que plusieurs familles avaient dis-
paru après cette malédiction qui ne semble plus en
usage (2).
(1) Folk-Lore, V (1894), p. 4. Folk-Lore Journal,\ (1887), p. 68.
(2) Folk-Lore,\ (1894), p. 3-4.
APPENDICE
Le Paganisme dans les églises.
111. Pratiques en relation avec l'extérieur — 112. Pratiques dans les
temples. — 113. Les messes singulières ou sacrilèges. — 114.
Vertus de l'autel. — 115. Le bénitier et l'eau bénite. — 116. L,es
cierges et les envoûtements.
Dans beaucoup de chapitres de ce livre figurent
des actes païens en relation étroite avec le voisinage
immédiat ou avec l'intérieur des églises. La plupart
ont trouvé leur place naturelle dans la Vie humaine,
aux phases de laquelle ils sont associés, de la naissance
à la mort, ou, plus rarement dans les chapitres des
livres des Travaux et des Forces de la nature. D'autres
qui ont le même théâtre ne rentrent pas logiquement
dans ces classifications ; bien que leur nombre soit rela-
tivement petit, probablement parce que nous n'en con-
naissons qu'une faible partie, ils ne sont pas négligeables;
et ils se présentent aussi, tantôt sous la forme de traits
du paganisme le plus caractérisé, tantôt sous celle
d'observances qui en dérivent, mais ont avec lui des
affinités plus lointaines et moins aisées à découvrir.
111. — Le pourtour des églises sert à des opérations en
rapport avec la naissance (cf. p. 28), l'amour (cf. p. 95), la
guérison (p. 139-140), l'agonie (p. 169). EUes consistent
assez souvent en déambulations numériques, que les
18.
318 APPENDICE
pèlerins accomplissent parfois pieds nus, ou même sur les
genoux. Les marins d' Audierne sauvés du naufrage tour-
naient neuf fois autour de la chapelle de sainte Evette,
après s'être plongés dans la mer. Al'île de Batz, lorsqu'on
est inquiet sur le sort d'un navire, neuf veuves du pays
font, pendant neuf jours consécutifs, le tour de l'église
en priant en silence, et depuis la sortie de la maison
jusqu'au moment où elles y rentrent, elles ne doivent
pas non plus prononcer une seule parole (1). D'autres
toursdel'église sont beaucoup moins innocents. En Dane-
mark le diable lui-même semble pouvoir y demeurer la
:iuit ; la personne qui désirait le voir ou entrer en con-
versation avec lui faisait trois fois le tour de l'église, et
s'arrêtait à la porte à la fin du dernier pour crier : « Viens !
ou elle sifflait par le trou de la serrure (2). Dans la Cor-
nouaille, on devenait sorcier en faisant, à minuit, le
tour de l'église, du sud au nord, en tenant à la main un
pain de communion, et en passant trois fois par l'est ;
alors survenait un gros crapaud, la gueule ouverte,
on y mettait le pain, et lorsqu'il l'avait avalé, il soufflait
sur l'homme, qui dès lors devenait sorcier et avait sous
la langue cinq signes noirs (3). A Swinemunde, un
homme avait obtenu une monnaie merveilleuse en se
rendant, une nuit de nouvel an, à la porte du temple,
avec un chat entièrement noir ; il le tirait du sac, le
prenait sur son épaule, et marchait à reculons depuis
la porte jusqu'à ce qu'il y fût revenu après avoir fait
le tour de l'édifice ; un homme survenait alors qui lui
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 137.
(2) Thorpe, II, p. 274.
(8) Folk-Lore Journal, V (1887), p. 198.
LE PAGANISME DANS LES ÉGLISES 319
demandait à acheter un chat et qui en débattait le prix
avec lui (1). A Kendal dans le Westmoreland, celui qui
s'asseyait sous le porche une certaine nuit, après avoir
fait trois fois le tour des murs, voyait apparaître son
cercueil s'il n'était pas destiné à se marier (2). Au XVII*^
siècle des fossoyeurs agissaient comme les soutireurs
de beurre et traînaient le drap mortuaire autour de
l'église ou dans le cimetière afin qu'il y eût en peu de
temps plusieurs décès dans la paroisse (3).
En Portugal, pour se venger de Cfuelqu'un, on s'age-
nouille à minuit sur la porte d'une église, en demandant
que les plus grands maux atteignent la personne désignée,
qui dès lors commence à éprouver des infortunes (4).
Les murailles des églises servent à des pratiques en
relation avec diverses circonstances de la vie humaine
(cf. p. 12, 102, 139). Les pèlerins plantaient aussi dans un
but qui n'est pas indiqué, mais qui se rattachait vrai-
semblablement à l'ancienne croyance qui faisait de cette
pratique un remède contre les maladies, un préservatif
contre les enchantements (5), un clou dans la paroi
de la chapelle de sainte Anne du Rocher, près de Dinan.
Les fidèles se servent quelquefois des fragments em-
pruntés à l'extérieur des églises pour les transformer en
amulettes (cf. p. 140). On a vu que l'on jetait des objets
pesants dans les niches et dans les ouvertures (p. 86).
(1) Thorpe, III, p. 77.
(2) Denham, II, p. 284.
(3) Thiers, I, p. 210.
(4) Pedroso, 1, n» 210.
(5) Gaidoz. Deux parallèles (1883), m-8^ p. 2. Ext. de la Reinie de
l'Histoire des Religions, VII.
320 APPENDICE
Les pêcheurs dePovoa en Portugal vont même jusqu'à
briser les vitres des clia pelles lorsque les saints aux-
quelles eDes sont dédiées n'exaucent pas leurs vœux (1).
112. — Dans ce chapitre, comme dans la plupart
de ceux où j'ai été amené à parler des dévotions popu-
laires, j'ai presque toujours laissé de côté celles qui sont
collectives et publiques, parce que le caractère païen y
est beaucoup plus atténué que dans les observances
individuelles. Nombre de celles-ci, et ce ne sont pas les
moins curieuses et les moins typiques, se font à l'insu
des prêtres ou malgré eux ; ceux qui les accompUssent
pensent parfois que le secret est une des conditions de
leur réussite, et lorsqu'elles se traduisent par des actes
facilement visibles, ils ont soin de choisir pour les pra-
tiquer le moment où les églises sont désertes. On peut
ajouter qu'elles se font assez souvent dans les chapelles
isolées, où l'opérateur risque peu d'être troublé. C'est
ce qui explique pourquoi les traités de superstitions
rédigés par des ecclésiastiques en mentionnent seule-
ment quelques-unes, soit que leurs auteurs les aient igno-
rées, soit qu'ils aient fermé volontairement les yeux
sur celles que recouvraient un vernis chrétien et que
l'accoutumance les empêchait peut-être de remarquer.
On en relève aussi moins qu'on ne serait tenté de le
supposer dans les œuvres des traditionnistes ; la plupart
du temps elles s'y rencontrent comme par hasard,
et jusqu'à présent elles n'ont pas fait l'objet d'une en-
quête spéciale et systématique. Ce qui a été recueilli
suffit pourtant à montrer la vitalité de plusieurs survi-
vances ou de parallèles des cultes primitifs.
(1) Leite, 2, II, p. 49.
LE PAGANISME DANS LES ÉGLISES 321
La série des pratiques hétérodoxes commence dès
qu'on a franchi le seuil du temple, elle se poursuit à tra-
vers ses divers parties, même les plus sacrées, et s'attache
à presque tout le mobilier sacerdotal.
On a vu (p. 162) que l'on peut en se tenant sous le
porche voir ceux qui doivent mourir dans l'année ;
les paysans des Abruzzes désireux d'assister à la pro-
cession des morts qui sortent du cimetière pour visiter
les églises, devaient se placer sous le bénitier avec une
fourche à deux pointes sous le menton, et tenir un chat
à la main (1).
Le rite qui consiste à entrer dans une église par une
porte et à en sortir par une autre (cf. p. 51, 113, 141)
s'applique à la dévotion à un Christ de la chapelle San
José à Séville :nl accorde tout ce que lui demande la
personne qui, le Jeudi saint, récite cinq Pater et cinq
Ave, sort à la fin de chacun d'eux, et rentre par une porte
différente avant de recommencer le suivant (2). En Sicile,
il faut entrer par le côté droit de l'égUse et en sortir
par le côté gauche, lorsqu'on y va prendre, les pieds nus,
avec la main gauche, de l'eau bénite, en récitant une
formule spécifiant qu'elle est destinée à devenir une eau
d'angoisse pour une personne que l'on nomme. Elle
est mise dans une bouteille contenant des scories de
fer et du mercure, que l'on brise le soir sur la porte de
son ennemi pour se délivrer de sa malveillance (3).
La première visite à une église qui est réputée efficace
pour la guérison (cf. p. 143) confère d'autres privilèges.
(1) FiNAMORE, p. 182.
(2) GuiCHOT, p. 251.
(3)PiTRÈ, 1, IV, p. 136.
322 APPENDICE
D'après une croyance assez générale si on forme trois
vœux, l'un d'eux sera exaucé, à la condition qu'on en
fasse ni plus ni moins (1).
Quelques parties des églises jouissent de certaines
prérogatives (cf. p. 139 et suiv.) soit en raison de leur
étrangeté, soit parce qu'on a transporté dans l'édifice sacré
des superstitions qui autrefois se pratiquaient ailleurs.
Parmi les cordes des cloches qui traînent sur le sol
dans le passage entre le premier et le second corps de
la cathédrale de Cordoue, il en est une qui fait mourir
celui qui met le pied dessus, mais on ne peut la recon-
naître des autres (2). Un pilier monolithe dans une cha-
pelle de Sainte Gertrude à Nivelles, appuyé sur une
base reliée au mur par deux marches, sert à une sorte
d'ordalie : toute personne qui n'est pas en état de grâce
ne peut passer dans l'espacement entre le mur et le
pilier qui est de 30 centimètres environ (3).
113. — Les messes sacrilèges, messes noires ou messes
à l'envers semblent avoir été célébrées, jusqu'à une
époque récente, par quelques prêtres peu scrupuleux
ou interdits, auxquels elles étaient grassement payées
par ceux qui pensaient obtenir par ce moyen la réussite
de leurs amours (cf. p. 151), l'envoûtement de leurs enne-
mis (p. cf. 150), ou la réalisation de désirs coupables.
Le clergé rural d'autrefois s'est prêté à la célébra-
tion publique d'autres messes moins dommageables à
autrui et que dans sa simplicité il ne jugeait pas bien
condamnables. Le missionnaire Michel le Nobletz
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 148.
(2) GuiCHOT, p. 275-276.
(3) SÉBILLOT, 1, IV, p. 157.
LE PAGANISME DANS LES ÉGLISES 323
rencontra en Basse- Bretagne vers 1620, des prêtres
qui se laissaient aller aux superstitions du peuple, et
faisaient croire aux paysans que la guérison des bêtes
et des hommes dépendait d'eux, et il n'y avait point de
maux dont ils n'entreprissent de les délivrer pour de
l'argent, par des exorcismes apocryphes, et plusieurs
abusaient de la coutume louable des chrétiens d'offrir
neuf fois de suite le sacrifice de la messe pour implorer
dans leurs besoins la miséricorde du ciel..; la crainte de
ces pauvres gens les leur faisaient payer plus libérale-
ment qu'à l'ordinaire, et l'avarice de ces prêtres les leur
faisait les conseiller avec plus d'empressement (1). En
Normandie, on croyait avant la Révolution que les
prêtres pouvaient célébrer, avec un cérémonial parti-
culier, une messe du Saint-Esprit dont l'efficacité était
si merveilleuse, que Dieu était contraint d'accorder ce
qu'on lui demandait, quelle que fût l'exigence d'un vœu
téméraire (2). En certains pays on rencontre encore
des gens qui croient à la toute puissance des messes dites
d'une certaine façon, et qui parfois les demandent
comme une chose naturelle et licite. Naguère encore
l'efficacité de la messe à l'envers était admise en Sologne
pour chasser le mauvais sort et désensorceler, et il y
avait des paysans qui venaient prier leur curé d'en
dire à cette intention (3).
Ceux qui attribuent une vertu spéciale aux trois
messes dites dans trois églises différentes, peuvent les
faire célébrer par des prêtres qui en ignorent les parti-
Ci) Revue Celtique, II (1876), p. 485.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 239.
(3) Rèi'ue des Trad. pop. X (1895), p. 231.
324 APPENDICE
cularités peu orthodoxes. En Lorraine pour réussir dans
toutes ses entreprises, on a recours aux messes en pied
de chèvre ; l'argent destiné à les payer est recueilli
dans trois villages placés en triangle, et elles doivent
être au nombre de trois, dites sur l'autel placé à gauche
du tabernacle, et à la même heure, dans trois églises
formant vin triangle ; il faut allumer trois cierges, ni
plus ni moins, et sortir de l'église en se signant trois fois,
avec de l'eau prise dans le bénitier du côté gauche.
En Sologne, on fait célébrer la messe de guérison dans
trois églises différentes, occupant les trois angles d'un
triangle fictif, tracé de telle sorte que le logis du malade
se trouve autant que possible au centre (1).
114. — Lorsqu'un prêtre, a volontairement ou à son
insu, célébré la messe sur un objet déposé sur l'autel,
il lui confère un pouvoir tout particulier. En Sicile celui
qui veut se délivrer de peines infinies, porte à l'officiant
une pincée de farine enveloppée dans du papier, et si
celui-ci, après l'avoir mise sur l'autel à côté du calice,
prononce dessus les paroles de la consécration, il la
rendra très efficace, à la condition que celui qui l'a portée
la mange, en trois fois, pendant l'élévation de l'hostie (2).
En Portugal le trèfle à quatre feuilles posé sur une pierre
d'autel peut enchanter n'importe quelle personne
quand la messe a été dite dessus (3). Beaucoup de pay-
sans de la Haute-Bretagne prétendent que si le prêtre
passe à diverses reprises la main sur la nappe d'autel,
c'est pour s'assurer qu'aucun objet n'est caché dessous;
(1) Revue des Trad. pop. X (1895), p. 281.
(2)PiTRÈ, 1, IV, p. 142.
(3)Leite, l,p. 114.
LE PAGANISME DANS LES ÉGLISES 325
celui sur lequel il célébrerait la messe aurait des vertus
merveilleuses ; la bourse deviendrait inépuisable, le
miroir forcerait celui auquel il serait donné à voir tou-
jours à côté de la sienne l'image du donateur qu'il
serait forcé d'aimer ; si c'est un couteau, une alêne, ou un
tire-bouchon, il suffirait de le piquer dans un tonneau et
de faire ensuite une incision dans un arbre de la même
essence pour qu'il en coule autant de cidre qu'il y en a
dans le tonneau ; en Ille-et-Vilaine, la cendre d'un chat
noir brûlé au pied d'une croix, et mise à l'insu du prêtre
sur l'autel pendant la messe, rend invisible (1). Les
paysans de la Lusace cachent sous la nappe d'autel
leur billet de loterie (2) ; ceux de Russie déposent sous
l'autel des flèches à tonnerre qui sont ensuite placées
comme amulettes dans les ruchers (3).
En Sicile, les oraisons pour se faire aimer sont accom-
pagnées de pratiques dont l'efficacité dépend du moment
de la messe où elles sont accomplies en cachette ;
la suppliante qui a filé, le vendredi, du chanvre et vingt-
cinq aiguillées de soie, entre à l'église à l'instant de la
consécration, et quand le prêtre soulève l'hostie, elle
fait trois nœuds à son fil, de la main droite, avec des
cheveux de la personne aimée, en récitant neuf fois une
longue conjuration (4). Dans le nord de l'Itahe, on a
recours contre l'ensorcellement à la bénédiction du
prêtre, qui doit être renouvelée au moins trois fois, et
chaque fois, par un prêtre difterent; à chaque visite il
(1) Sébillot, 1, IV, p. 153-154.
(2) Tylor, I, p. 93.
(3) Revue des Trad. pop. XVII (1907), p. 351.
(4) PiTRÈ, 1, IV, p. 122 et suiv.
I.E PAGANISME CONTEMPORAIN" - 19
326 APPENDICE
faut que le patient passe par dessus un cours d'eau (1).
115. — On rencontre en Ille-et- Vilaine, appliqué à
une cérémonie orthodoxe, un parallèle de la superstition
qui attribue une valeur particulière aux prémices des
eaux. Le Samedi saint, à Bain, quand le prêtre a béni
dans un grand bassin de cuivre placé au milieu de l'église
l'eau qui doit être versée toute l'année dans les bénitiers,
les bonnes femmes se bousculent, se battent même
pour arriver les premières à remplir les petites
bouteilles qu'elles ont apportées, persuadées que celles
qui y parviendront, prenant la crème, seront plus favo-
risées que les autres, et surtout que le lait de leurs vaches
sera plus abondant. A Luceau (Sarthe), les paysannes
se disputent les gouitelettes de cire que le sacriste fait
dégoutter, d'un cierge allumé, dans l'eau bénite nouvelle,
et elles les mêlent à la nourriture de leurs cochons (2).
A Mons en Hainaut, on attache une vertu spéciale à
la première eau bénite que l'on retire lors de la béné-
diction des fonts le Samedi saint. Aussi lorsque le clergé
la distribue, chacune des femmes s'évertue pour être
servie la première (3). En Portugal, l'eau bénite dérobée
ce jour-là dans les fonts baptismaux a une grande puis-
sance; trois gouttes mises dans la nourriture de quelqu'un
le délivre des sortilèges, mais il faut qu'elle ait été
chauffée sur le feu ; l'employer avant serait un péché (4).
Dans la Gironde et en Provence quelques personnes
croient que chaque fois C[ue l'on trempe ses doigts
(1) Giovanni, p. 99.
(2) SÉBILLOT, 1, IV, p. 150.
(3) Wallonia, IX (1901), p. 184.
(4) Pedroso, 1, n" 278.
LE PAGANISME DANS LES ÉGLISES 32?
dans le bénitier, en entrant dans l'église, pour faire le
signe de la croix, tous les péchés que l'on a pu commettre
restent au fond, mais qu'on les reprend, si, en sortant,
on procède de la même manière (1). Le bénitier peut
conférer en d'autres circonstances des privilièges ap-
préciables. Les pêcheurs de Trapani en Sicile se hâtent,
la nuit de Ncël, quand on a découvert le Bambino,
d'y mettre la main pour ne pas faire naufrage, et les
marins de Marsala agissent de même au moment de
l'élévation de l'hostie. C'est cette nuit, et au seul mo-
ment de la consécration, que l'on peut apprendre une
oraison de trois paroles qui charme les chiens et les
empêche d'aboyer et de mordre (2). A Palerme la femme
qui est néghgée par son mari ou par son amant, boit en
secret, pure ou mélangée avec du bouillon ou du vin,
de l'acqua maritata^ On appelle ainsi l'eau bénite prise
dans le bénitier de trois paroisses mâles et femelles,
c'est-à-dire dédiées à un saint et à une sainte; mais il
importe qu'elle le soient à deux mâles et à une femelle
(saint Antoine, saint Hippolj^te et sainte Lucie) ou à
deux saintes et à un saint (sainte Lucie, sainte Cita
et saint Antoine) (3).
116. — Les cierges jouent un rôle important comme
agent de consultation pour les malades (p. 165) ou dans
les envoûtements (cf. p. 154). Les femmes des marins qui
sont sans nouvelles de leur mari en allument un au pied
de saint Lanloup-le-Petit en Lanloup (Côtes-du-Nord) ;
il brûle joyeusement si le mari se porte bien, s'il est mort
(1) SÉBILLOT, 1, IV, p. 149.
(2) PiTRÈ, 1, III, p. Si, 457.
(3) PiTRÈ, 1, IV, p. 120.
323 APPENDICE
il luit d'une flamme triste intermittente et s'éteint tout
à coup. A Paris et ailleurs existe dans le monde galant
l'usage de « faire un cierge » à tel ou tel saint pour trouver
un amoureux ; parfois on y cache des épingles destinées
à causer des souffrances à l'infidèle ou à l'indifférent.
En Wallonie, on pratiquait autrefois dans les églises un
acte qui maintenant se fait à domicile, et qui consiste à
piquer 13 ou 21 épingles en spirale dans une chandelle
que l'on allume en se mettant en prière ; à mesure
qu'elles tombent la personne visée par l'opératrice
ressent de mortelles douleurs et eUe est forcée de lui
revenir (1).
(1) SÉpiLLOT, 1, IV, p. 154-155.
NOTES ADDITIONNELLES
117. Causes qui motivent les actes de paganisme. — 118. Animisme
des forces de la nature et génies qui y président. — 119. Répar-
tition géographique du culte des pierres et de celui des eaux. —
120 Génies de la terre. — 121. Vestiges des anciennes divinités.
— 122. Survivances probables de sacerdoces. — 123. Totémismes
et tabous. — 124. Les pérégrinations des morts. — 125. Vitalité
du paganisme
117. — Au cours des monographies dont se compose
ce livre, dans lequel je me suis efforcé de tracer un
tableau aussi exact que possible des actes de paganisme
associés aux diverses phases de la vie humaine, je les
ai disposés dans l'ordre où ils se manifestent et en les
situant dans le cadre où ils sont pratiqués. Cette mé-
thode objective, qui a l'avantage de montrer leur rôle
vivant et agissant dans une multitude de circonstances
sociologiques, économiques ou psychiques, ne per-
mettait pas d'envisager avec ensemble les idées aux-
quelles obéissent ceux qui s'adressent aux choses ou
aux êtres réputés assez puissants pour influer sur le
bonhetu', la santé ou la richesse de ceux qui les im-
ploient avec des prières, leur font des présents et accom-
pUssent, pour se les rendre favorables, des observances
ou des rites qui prennent assez souvent une sorte de
forme cultuelle. ^-
Ceux qui, non contents de relever en toute sincérité
des faits précis, se sont préoccupés de connaître les
motifs qui guident les païens innocents de notre époque,
330 NOTES ADDITIONNELLES
sem'ïlent n'avoir obtenu d'eux que des renseignements
assez vagues et dont il est difficile de dégager une
théorie; les paysans ou les matelots qu'ils interro-
geaient leur ont vraisemblablement fait des réponses
analogues à celles que J'ai obtenues de ceux auxquels
j'ai posé moi-même ces questions à maintes reprises en
essayant de leur inspirer confiance et de les mettre sur
la voie. Ils me paraissaient incai3ables de donner des
raisons un peu motivées, et presque toujours ils disaient
qu'ils faisaient comme leurs « anciens », ajoutant parfois
qu'eux-mêmes ou leurs voisins avaient trouvé profit à
observer ces antiques usages dont le sens et la raison leur
échappaient.
On peut cependant en rapprochant et en condensant
les conceptions populaires qui résultent d'actes, souvent
relevés et concordants, en examinant des légendes
encore vivantes, des préjugés même, arriver à analyser
d'une façon assez probable les raisons de la persistance
actuelle des pratiques païennes. Si on les envisage au
point de vue qui les inspire, on constate que ceux qui les
observent obéissent à deux idées principales, comprenant
à elles seules plus de la moitié de celles qui ont été
relevées jusqu'ici. Un premier groupe, que l'on pourrait
appeler thérapeutique, se compose des procédés infini-
ment variés auxquels on a recours pour obtenir la
guérison ou la prophylaxie des maladies, qu'il s'agisse
des « maux à saints », que les bienheureux sont appe-
lés à guérir, parfois après les avoir causés par punition,
et de ceux qui sont dûs à l'intervention des méchants
esprits ou du diable, ou à des causes mystérieuses ou
surnaturelles. Dans un second groupe, presque aussi
important, figurent les actes qui se rattachent à l'amour
NOTES ADDITIONNELLES 331
et à la génération, et dont plusieurs conservent un
caractère phallique.
118. — Les pierres, dont le rôle cultuel est encore
important, ne sont pas uniquement des masses inertes
et inconscientes. A nombre d'entre eUes, soit qu'elles
présentent des formes singulières, parfois presque an-
thropomorphes, soit qu'elles aient été érigées de main
d'homme, le peuple du voisinage accorde une sorte
d'animisme. Suivant une croyance très répandue en
France, il en est qui tournent à minuit, toutes les vingt-
quatre heures, d'autres seulement au milieu de la nuit
de Noël. Plusieurs pivotent sur elles-mêmes en plein
jour, et ce mouvement coïncide avec des circonstances
particulières, qui sont d'ordinaire en relation avec
des bruits : sonnerie de l'heure, grondement du tonnerre,
chants d'oiseau, tels que ceHii du coucou ou du coq (1) ;
en Anjou et en Cornouaille Chanteclair a le privilège de
les faire tourner (2). D'autres sont douées d'un mouve-
ment plus volontaire qui semble avoir pour but de
contenter un besoin ou un désir : eUes vont se baigner ou
se désaltérer, le plus ordinairement dans les rivières,
pa'fois dans des fontaines , quelques-unes même se
plongent dans la mer ; en France et en Wallonie cet acte
a lieu à Noël, à minuit, parfois seulement tous les
siècles (3). En Irlande, un bloc va se baigner à cette
heure, mais le premier mai, dans une sorte d'étang, et
un bloc druidique dune île de l'Ecosse se plonge dans
un lac le de nier jour de l'année (4\
(1) SÉBiLLOT, 1, I, p. 328; IV, p. 17-18.
(2) HuNT, p. 187.
(3) SÉBILLOT, 1, IV. Livre Premier, passim.
(4) Folk-Lore Record, IV (1881), p. 118; Black, I, p. 3.
332 NOTES ADDITIONNELLES
A ces pierres sont associés des génies qui y font leur
résidence ou se montrent dans leur voisinage, et qui ont
vraisemblablement succédé aux dieux ou aux demi-
dieux du temps passé. Quelquefois, comme dans le pays
de Luchon, les fidèles s'approchent de la pierre et
adressent leurs vœux à la puissance qui y réside (1),
mais la tradition est rarement aussi explicite, et l'on
ne saurait affirmer que les offrandes sont destinées, non
aux blocs, considérés comme ayant par eux-mêmes un
véritable pouvoir, mais aux esprits qui les hantent, et
que les mégalithes ne sont que des sortes d'autels,
sur lesquels s'accomplit le rite du sacrifice, ou des
représentations de divinités, près desquelles on dépose,
comme devant les statues des temples, les présents qui
appuient le vœu ou rappellent la grâce soUicitée.
L'annimisme des arbres est moins caractérisé ;
pourtant beaucoup d'actes montrent qu'on leur ac-
corde la sensibilité, le pouvoir et même l'intelhgence
'cf. p. 250-256) et qu'on les implore, parfois avec dès
formules qui s'adressent directement à eux, pour les
choses du cœur, et plus souvent pour la guérison des
maladies. Dans les pays celto-latins, ils ne semblent
pas être, comme en Allemagne, la demeure et l'incarna-
tion des esprits (2) : en France où les fées se montraient
naguère encore dans leur voisinage, quelques légendes
seulement parlent de celles qui entrent dans les arbres,
en sortent, ou y font leur résidence (3).
(1) PiETTÊ et Sacaze. Le Culte des pierres dans le pays de Luchon
dans Matériaux pour l'histoire de l'Homme, t. IX, p. 2.50.
(2) Tylor, II, p. 287-288.
(3) SÉBiLLOT, 1, I, p. 262, 268 ; III, p. 369.
NOTES ADDITIONNELLES 333
De tous les anciens cultes, celui des eaux est de
beaucoup le mieux conservé ; il a encore en nombre de
pays une forme purement païenne, alors que dans
d'autres les pratiques primitives et celles du christia-
nisme y sont associées à peu près également ; une autre
catégorie comprend celles qui, bien que mieux recou-
vertes d'un vernis chrétien, laissent cependant trans-
paraître les antiques observances. On sait que les
apôtres se rendant compte qu'il était difficile de détruire
ce culte en l'attaquant de face, ont essayé en mettant
les fontaines sous le patronage de saints, de faire oublier
les petites divinités topiques qui y présidaient ; les
édicules ornés d'emblèmes chrétiens ou de statuettes
de bienheureux qui s'élèvent au-dessus de beaucoup
d'entre elles comme de minuscules chapelles, constituent
une sorte de main-mise destinée à les sanctifier. Les
noms de saints qui leur ont été imposés sont souvent
ceux de thaumaturges renommés, tels que saint Martin,
auxquels des légendes attribuent, comme créateurs de
sources, le rôle que de plus anciennes traditions faisaient
jouer aux personnages mythologiques ; le bâton des
saints, fait, comme le javelot d'Atalante, jailhr des
sources, et le pied de leurs montures opère le même
miracle que celui de Pégase (1).
Ces actes sont attribués à d'autres bienheureux
moins connus, qui ne figurent que dans les calendriers
ecclésiastiques régionaux ; mais on rencontre, associés
aux miracles ou aux vertus des fontaines, des saints
dont on ne retrouve pas même le nom dans les hvres,
et il est permis de supposer que certains sont
(1) SÉBiLLOT, 1, II. Livre second, ch. I et II.
19.
334 NOTES ADDITIONNELLES
ceux plus OU moins altérés, de divinités locales, aux-
quelles les apôtres ou le peuple lui-même ont accordé le
titre qui les rend sacrés et les christianise. Les fées et
leurs congénères, dont des traditions nombreuses placent
la demeure dans les sources mêmes ou dans leur voisinage
immédiat, parfois à des époques peu éloignées de la nôtre,
ou même contemporaines, ont vraisemblablement suc-
cédé aux divinités topiques des fontaines, et près de
celles-ci s'accomplissent nombre d'actes cultuels qui
s'adressent aux sources elles-mêmes, comme en Morvan
(cf. p. 101) avec des protestations de foi en leur puissance
comme dans le pays de Galles (cf. p. 297) ; des présents
destinés à se les rendre favorables afin qu'elles exaucent
les vœux des suppliants, sont lancés dans leurs eaux ou
déposés dans le voisinage, suivant une coutume dont les
auteurs anciens ont parlé, et dont la fréquence est attes-
tée par la découverte dans les fontaines d'objets préhis-
toriques, de médailles ou de monnaies des divers âges.
Plus rares sont les génies des rivières ; quelques-uns,
comme en Angleterre, sont désignés par des noms
propres (cf. p. 299) ; en Morvan les amoureux ou les
malades invoquent expressément la rivière personnifiée
et lui font des offrandes (cf. p. 126). Les divinités
lacustres ne figurent en France que dans des légendes
qui visent des époques indéterminées et certainement
lointaines ; il n'en est pas de même dans les pays celti-
ques des îles britanniques, où l'on a cru jusqu'à nos
jours que les lacs étaient la résidence d'êtres surnaturels,
que l'on voit parfois sur leurs eaux ou sur le rivage, et
dont il est utile de s 3 concilier la bienveillance (cf. p. 301).
Le rôle de la mer qui entoure la Grande-Bretagne et
l'Irlande, et baigne su" des milliers de kilomètres les
KOTES ADDITIONNELLES 335
côtes de France, d'Espagne, de Portugal et d'Italie,
est bien moins considérable que celui des eaux douces.
Les bains pris par les malades et accompagnés d'actes
superstitieux, les bains rituels, les ablutions y sont assez
rares ; fort peu nombreux sont aussi les actes en
relation avec l'amour, les conjurations ou la sorcellerie
(cf. p. 304-306).
119. — Si l'on considère au point de vue de la distri-
bution géographique les deux principaux cultes natura-
listes, on voit que celui des pierres est, en France, sur-
tout considérable en Bretagne, et aussi dans l'ouest, le
sud-ouest, le sud-eât, et le centre, alors que dans l'est on
le rencontre assez rarement; il correspond du reste assez
exactement à l'abondance des pierres naturelles, mais
présentant des circonstances singulières, et de celles
érigées de main d'homme. On le retrouve aussi dans les
parties celtiques des îles Britanniques, principalement
dans le S. 0. de l'Angleterre et en Ecosse, où l'on cons-
tate des observances parallèles à celles usitées en
France. Dans les autres pays celto-latins, il est plus
rare : il existe cependant en plusieurs endroits du Por-
tugal et de l'Espagne, et dans la Belgique wallomie,
alors qu'en Italie il semble presque ignoré.
Les observances et les paganismes en rapport avec
les eaux ont à peu près la même répartition ; en France,
ils sont associés à tous les actes de la vie, avec une
fréquence variable suivant les régions ; dans les îles
Britanniques qui tiennent le second rang après notre
pays, ils s'appHquent aux mêmes ordres d'idées ; il
semble cependant que les pratiques y sont rares en ce
qui concerne la fécondité, alors qu'elles sont fréquentes
en matière d'amour et de guérison. En Portugal les
336 NOTES ADDITIONNELLES
eaux interviennent à peu près dans toutes les phases de
la vie, même quand il s'agit de la génération. En
Espagne où, les eaux ne paraissent pas avoir été bien
enquêtées, on peut tirer des conclusions analogues de
ce qui y a été publié. En Italie, où jadis on s'adressait,
rarement, il est vrai, aux eaux en matière d'amour et de
fécondité, ces pratiques semblent tombées en désué-
tude, alors qu'on a recours à un assez grand nombre de
fontaines pour la guérison des maladies, et qu'on y a
relevé des offrandes faites aux diverses eaux dans un but
qui n'est pas toujours précisé.
120. — Bien que l'on ne parle guère d'apparitions
des génies de la terre, quelques actes supposent, — et
ceux qui les accomplissent le disent expressément, —
qu'ils exigent des égards ; des rites de la construction
ont pour but de se les rendre favorables, ou de savoir
si l'emplacement choisi ne les contrarie pas (cf. p. 199).
En Ecosse et en France le diable, les fées ou leurs con-
génères, pour lesquels on laisse des espaces incultes, ont
pu remplacer des divinités qui exigeaient cette sorte de
consécration (cf. p. 235).
Des observances, des actes même cultuels, semblent
motivés par la pensée que les astres, les météores, les
statues et même les cloches sont doués d'un certain
animisme.
121. — Je n'ai pas compris dans l'énumération des
paganismes les cérémonies qui, comme les Rogations,
sont conduites par le clergé, et qui, bien que d'origine
pré-chrétienne, ne conservent guère de traits supersti-
tieux. D'autres pratiques se rattachent d'une façon plus
ou moins apparente à d'anciens cultes, et s'adressent aux
forces de la nature ou à des esprits en rapport avec elles
NOTES ADDITIONNELLES 337
et réputés puissants. Plusieurs de ces attributions furent
celles des anciens dieux ou de divinités topiques secon-
daires, et si le dieu des chrétiens et son cortège de saints
locaux sont venus les remplacer, les traditions et les
croyances des peuples celto-latins conservent des traces
de ces attributions païennes. Parfois, elles sont assez
explicites ; c'est ainsi qu'en Ombrie (cf. p. 271), le Dieu
du ciel lance la foudre comme Jupiter, et qu'un ancien
proverbe français : « On n'entendrait pas Dieu tonner »,
désignait un grand bruit.
Les noms ont rarement persisté et encore ont-ils subi
une transformation linguistique en devenant le vocable
de quelque saint. C'est ainsi qu'un temple à Langon
Ille-et- Vilaine), à peu près intact et où l'on a découvert
une fresque représentant Vénus sortant de l'onde, devint
une chapelle chrétienne, qui portait au Xlle siècle le
nom d'Ecdesia sancti Veneris, francisé en saint Vénier,
qui en fut le patron jusqu'au moment où on la dédia à
sainte Agathe, que viennent invoquer les nourrices dont
les seins sont malades (1).
122. — Ceux qui s'adressent aux fontaines ou aux ar-
bres pour obtenir l'accomplissement de leurs désirs ou
solliciter la guérison, sont parfois guidés dans les prati-
ques qu'il faut observer par des hommes et plus souvent
par des femmes ; il en est qui y président, comme pour-
raient le faire des prêtres de religions organisées. Nous
(l)5Gun.LOTiN DE CoRSOX. Traditions historiques de la Haute-Bre-
tagne, Rennes, 1870, in-12, p. 25. A. Grain, Géographie de l'IUe-et-
Vilaine, Rennes, 1887, p. 312, 31 1.
Il est vraisemblable que des enquêtes locales révéleraient d'autres
christianisations des noms de divinités anciennes.
338 NOTES ADDITIONNELLES
savons, par un passage du prédicateur dominicain
Etienne de Bourbon qu'au XIII^ siècle, une vieille femme
indiquait aux mères des enfants hernieux la manière de
conjurer les esprits de la forêt, après avoir passé le petit
malade à travers le tronc d'un arbre fendu; vers 1853,
à Richmond, en Angleterre, une espèce de sorcière pré-
sidait à une opération analogue et prononçait aussi des
incantations (cf. p. 76), et il y a une cinquantaine d'an-
nées, une vieille femme enseignait aux parents de ceux
qui venaient plonger des enfants dans la fontaine de
Madron en Cornouaille, la façon dont ils devaient prati-
quer le rite (cf p. 81). Naguère, presque aux portes de
Paris, des femmes dansaient autour d'un arbre sous lequel
avait été exposé un enfant hernieux, en récitant des con-
jurations (cf. p. 79). Ces actes, de même que plusieurs
autres épars dans ce volume, constituent vraisemblable-
ment des survivances des anciennes religions, et ceux
qui servent de guides aux suppliants sont peut-être les
lointains continuateurs des prêtres qui, après le triomphe
du christianisme, pratiquèrent encore d'une façon plus
oa moins ouverte les rites de leur culte persécuté, et fini-
rent par descendre au rang des sorciers (2). Ceux-ci sont
encore nombreux dans les campagnes où, sous ce nom,
sous celui de devins, de désensorcelleurs, de rebouteurs,
etc., ils se livrent à des opérafons magiques, accom-
pagnées de gestes et de formules dont la bizarrerie et
parfois l'obscurité peuvent faire présumer l'ancienneté.
(1) Etienne de Bourbon. Anecdotes historiques. Paris, 1877, in-8»,
p. 326-327.
(2) Ch. Renel. Les Religions de la Gaule avant le christianisme,
Paris, 190f3. in-18, p. 347, 385.
KOTES ADDITIONNELLES 339
Ce « clergé du diable » fonctionne d'une façon intermit-
tente il est vrai, à côté du clergé orthodoxe, que les fidèles
contraignent assez fréquemment à des actes de paga-
nisme, telles que les conjurations d'orages (cf. p. 277), les
oraisons et les gestes destinés à susciter la pluie (cf. p. 243).
123. — D'après les faits actuellement connus, il ne
semble pas que l'on puisse affirmer autrement que sous
une forme hypothétique la persistance du totémisme
dans l'Europe celto-latine. Le titre de « parent » que
naguère encore les pêcheurs de deux petits ports de la
baie de Saint-Malo donnaient au coucou se rattache peut-
être à son lointain souvenir. Ils le considéraient comme
un oiseau de bon augure pour la pêche. L'équipage du
premier bateau de Saint-Jacut qui l'apercevait, lui
jetait comme offrande une raie, et lorsque les matelots
de Saint-Cast entendaient son chant au moment de
s'embarquer, ils fumaient une pipe en son honneur (1).
En Irlande on rencontre des traces de clans du phoque.
On racontait, au XVII^ siècle, que des fées, filles d'un
grand seigneur du pays, s'étant métamorphosées en oies
lors de l'invasion des Normands, venaient chaque année
nicher dans des alvéoles de pierre situées au bas du
château de Pirou, que l'on avait soin de garnir de
paille. et l'on disait qu'elles présageaient la destinée de
ceux qui naissaient dans ce château (2).
(1) SÉBiLLOT, 1, III, p, 198. Dans un mémoire lu au Congrès des
Traditions populaires de 1900, Paris 1902, in-S", intitulé : La Danse
totémique en Europe, M. N. W. Thomas, qui citait surtout des exemples
slaves ou germaniques, constatait (p. 74) des danses en l'honneur du
coucou dans le Friesland, la Lithuanie et au S.-E. des monts Curais.
(2) Folk-Lore, XI (1900) p. 232 (art. de M. Thomas); Vigneul-
Marvtlle. Mélanges d'histoire et de littérature, 1699, ln-12, p. 121, 125.
340 NOTES ADDITIONNELLES
Les tabous qui s'attachent à certain nombre d'ani-
mauxrsont peut-être, sans que l'on puisse l'affirmer avec
certitude, des persistances d'un antique totémisme ; en
Bretagne, le fermier qui tue son cheval ; en Berry et en
quelques autres pays, l'équarisseur sont l'objet d'une
sorte de réprobation (l).En Sicile, le meurtre du chat est
puni par une longue et douloureuse agonie ; ailleurs, il
suscite la tempête ; en Portugal et aux Orcades, il est
interdit de tuer des lavandières ; dans le comté irlandais
de Donegal, des pies ; en Sicile, des lézards, et la tortue y
est aimée-et respectée. En d'autres pays on a de la répu-
gnance à manger la chair de quelques animaux (2).
Certaines interdictions, des actes qui confinent à la
magie et qui ont pour but de tabouer des êtres ou des
choses, rentrent plus directement dans le paganisme ou
dans ses circonstances accessoires. Des défenses qui
s'appfiquent à la grossesse et qui visent soit les gestes de
la femme, soit ceux d' autrui envers elle, sont parfois
inspirées par des idées hj^giéniques, mais aussi par des
motifs d'un ordre plus voisin des interdictions des pri-
mitifs. Il en est de même de circonstances qui accompa-
gnent le mariage ou la mort. Les parallèles du tabou
sont plus apparents dans les cercles magiques destinés à
garantir des êtres ou des choses de l'atteinte des animaux
ou des entreprises des sorciers ou des esprits de toute
nature (cf. p. 206), et dans les fils disposés pour préser-
ver du renard l'enclos des poules (cf. p. 224-225).
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 112-113.
(2) Pedroso, 1, no 50 ; Black, 1, p. 14 ; Pitre, 1, IIl, p. 348, 353;
cf. Folk-Lore, XI (1900), p. 239-243 des listes d' animaux qui ne
doivent être ni tués ni mangés.
NOTES ADDITIONNELLES 341
124. — A la mort et à la période qui la suit se lient
des actes qui rappeUent ceux de l'antiquité ou des pri-
mitifs. Le dépôt dans le cercueil d'aliments, d'ustensiles
et même d'amulettes est motivé par l'idée si répandue
des pérégrinations des esprits. Ils sont destinés à les
sustenter, à les aider ou à les défendre pendant le trajet
qu'ils ont à accomplir pour arriver au pays mystérieux
de l'au-delà, et les paysans contemporains observent des
pratiques qui ne diffèrent pas beaucoup de celles des
sauvages. Comme l'obole de Caron, l'argent mis dans la
bouche ou dans la main du mort (cf. p. 183-184) est pour
le paiement de la barque qui transporte les défunts sur
des océans éclairés par le soleil, ou sur une mer souter-
raine par laquelle ils parviennent au «passage des morts »
par une route qui n'est pas indiquée, pour être passés de
l'autre côté de l'eau et arriver au lieu de leur destination
définitive (1). Suivant une idée plus rare et qui n'est pas
exprimée avec une grande netteté, le cercueil leur servi-
rait de barque.
Après le décès, ils sortent de leur tombe pour errer
pendant quelques jours, visibles ou invisibles, aux envi-
rons de la maison mortuaire. La nourriture déposée pour
eux auprès a pour but, aussi bien que diverses autres
pratiques, de les empêcher d'y rentrer, et aussi de satis-
faire à des besoins qu'ils sont censés éprouver, pendant
une période assez courte, comme s'il leur restait encore
une sorte de vie.
A des époques fixes, il leur est permis de quitter,
ordinairement pour peu de temps, la tombe où ils repo-
sent, même depuis des années, pour rentrer dans leur
(1) SÉBiLLOT, 1, II, p. 148 et suiv.; L p. 418.
342 NOTES ADDITIONNELLES
maison, remblables à ce qu'ils étaient de leur vivant.
Pendant ces nuits, on laisse pour eux des mets sur la
table, des feux et des lumières sont allumés à leur inten-
tion. Souvent ils s'asseyent dans le foyer, et c'est là que
se tiennent, invisibles, ceux qui, en Italie, peuvent y
revenir depuis le Jour des Morts jusqu'à la Chandeleur
(cf. p. 209). Il faut bien se garder de troubler en quoi que
ce soit ces hôtes d'outre-tombe, sous peine d'éprouver
des disgrâces. Suivant des idées assez répandues, les
morts sont irascibles, mal disposés envers les vivants
qu'ils jalousent, et certains même peuvent avoir le des-
sein et le pouvoir de satisfaire d'anciennes rancunes.
L'âme au sortir du corps, revêt assez fréquemment une
forme animale, qui est ailée d'ordinaire ; en Bretagne,
elle prend parfois celle du corbeau (1) mais son aspect
le plus habituel est celui d'une mouche et plus souvent
encore celui d'un papillon (cf. p. 177), conforme à la gra-
cieuse idée de l'antiquité.
C'est sous cette enveloppe que les âmes font pénitence
sur la lande ou sur les ajoncs (cf. p. 196) ; elles l'accom-
phssent aussi sous celle de lièvres, de chevaux ou de
reptiles. En quelques parties du Finistère, on recom-
mande de ne pas tuer les crapauds qui peuvent renfer-
mer une âme d'ancêtre, et en Sicile, où la même idée
métempsycosiste est courante, on a soin, lorsqu'on tue
un reptile, de spécifier qu'on ne s'attaque à lui qu'en
qualité de reptile (cf. p. 197), formule qui rappelle celles
dont se servent les sauvages lorsqu'ils tuent des ani-
maux ayant avec eux des rapports de totémisme (2) .
(1) SÉBILLOT, 1, III, p. 209.
(2) Tylor, II, p. 300.
NOTES ADDITIONNELLES 343
125. — Ce livre n'a point eu comme point de départ
une théorie toute faite ; il n'a point été composé pour
soutenir une thèse, mais pour connaître à quelles con-
clusions aboutirait l'ensemble des faits, et quel est, à
l'époque actuelle, le degré de conservation du paga-
nisme.
Les exemples cités sont assez nombreux, assez concor-
dants, assez typiques pour permettre de conclure à sa
survivance ; sous le vernis chrétien, qui semble au premier
abord l'avoir recouvert, on constate encore des traits
laissés par les diverses couches cultuelles, correspondant
aux religions qui ont été celles des peuples qui se sont suc-
cédé depuis des époques si lointaines, que plusieurs ne
nous sont connues que très hypothétiquement. Les cul-
tes organisés ont passé en rongeant sans doute des par-
ties du substratum superstitieux ; mais, sur beaucoup
de points, il n'a pas été entamé à fond. Les pratiques
que l'on peut supposer les plus anciennes, puisqu'elles
se retrouvent chez les sauvages contemporains, ont été
souvent, — mais non toujours, — atténuées par l'adou-
cissement des mœurs, par une lente pénétration de civi-
lisation chez les groupes rustiques ; mais on a constaté
assez d'exemples d'actes, se rattachant surtout au culte
des forces de la nature, pour permettre d'affirmer que s'ils
ne se manifestent qu'assez rarement en public, surtout
quand il ne s"y mêle aucun élément chrétien, ils sont loin
d'avoir disparu, et qu'ils ont assez de vitalité pour pos-
séder un certain pouvoir de réparation. C'est ainsi que
l'on peut, en se plaçant à un point de vue purement
scientifique, et sans blesser aucune conviction, dire que
de nos jours nous avons pu assister à une renaissance de
la foi populaire en la vertu des eaux. Presque tous les
344 NOTES ADDITIONNELLES
grands pèlerinages contemporains se font à des sanc-
tuaires bâtis près d'elles. Les foules ne seraient peut-être
pas accourues à Lourdes, pour ne citer que le plus reten-
tissant, si la célèbre grotte n'avait été voisine d'une
source. Les pèlerins obéissaient sans doute à des senti-
ments religieux, mais, habitués à la croyance au pouvoir
guérissant des eaux, ils se trouvaient dans un état de
réceptivité qui les porta à admettre facilement les vertus
miraculeuses d'une source entourée d'un appareil chré-
tien, et à accourir en foide à la piscine de Lourdes,
comme plus de vingt siècles auparavant les Juifs se
pressaient aux piscines guérissantes de Jérusalem.
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TABLE ALPHABÉTIQUE
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES
Abeilles, averties des événements de famille, 176, 231.
Ablutions, de conscrits, 84 ; d'âmes, 173, 174 ; (v. Lotions).
Absents, leur sort connu, 2%, 327.
Académie celtique, 95, 227.
Accouchement, § 9-11.
Accoucheuses, et les esprits, 22, 23.
Adjuration, à Saint-Yves, 149; aux astres, 259 (v. Conjurations) ; au
loup, 227.
Adorations, d'astres, 258, 261, 262, 265, 268; de mer, 304 ; de pierres,
310, 311. (v. Culte, Offrandes, Agenouillement.)
Agenouillement, au mariage, 114 ; devant astres, 261, 266, devant
source, 101.
Agitation magique de l'eau, 245, 273.
Agonie, § 51 ; provoquée, 151.
Aiguille, emplois magiques, 38, 154, 179, 180.
Aiguillette, nouée, 114, 116.
Amalfi, 20, 21, 27, 29, 50, 91, 169, 181.
Ame, se séparant du corps, 169-172, 186 ; se lavant, 173, 174; formes ma-
térielles, 177, 196, 197 : exposée à destruction, 174-176 ; pouvant
être blessée, 194, 196, 197, 214, 215 ; ne peut franchir l'eau, 191 ;
reven;int à la maison, § 58 ; relation avec les étoiles, 266, 269, 270 ;
pouvant se détacher du corps vivant, 175.
Amour, § 30, 31, 32, 33.
Amulettes, 3, 15, 17, 18. 24, 25, S6, 37, 40, 41,57, 63, 64, 74, 140, 179, 182,
219, 223, 230, 240, 274, 275. (v. Talismans).
Analogiques, procédés ou croyances, 11, 42, 123, 238.240, 254. (v. Arbres,
Aspersion, Chanvre, Corset, Enceintes, Lotions, Souffle).
Ane, et coqueluche, 74.
Ange, de la mort, 174 ; blessé, 293.
Angélus, 63. (v. Cloches).
Angles, pratiques s'y rapportant, 63, 203.
20.
354 TABLE ALPHABÉTIQUE
Animaux. § 70, 73, 75 ; prévenances à leur égard, 176, 231 ; guérisseurs,
64, 74, 75, 136 ; iiii moles, 200. 201.
Animisme, des arbres, 130, 176, 250-256, 332 ; des astres, 258 ; des
météores, 272, 288, 289, 291-293 ; des pierres. 309, 330 ; des cloches,
278. (v. Laurier, Libation. Maladie, Mort, Nourriture. Objets.
Papillon, Personnification, Pluie, Reptile, Rivière, Seuil, Soleil.
Statues, Tonnerre).
Année, commencement de l'année et ordalies, 157, 158; souhaits aux
animaux, 231 ; aux arbres, 250; à rivière, 300 ; événements devant
se produire dans l'an, 87-89, 157. lGO-163 ; nombre connu, 85-90, 162.
Alitée, parallèle, 307.
Anthropologie (soc. d'i. Bulletins, 76, 316 ; Mémoires, 105.
Antiquaires (soc. des), 177.
Arbres, § 83-87, ; et la fécondité, 2, 6, 12 ; passage à travers, 76 et suiv. ;
offrandes et prévenances, 130, 176,250-252 ; frappés, 253; sur les-
quels âmes font pénitence, 196 ; et transmission de maladies, 138.
Arc-en-ciel, § 99.
Archivio, 7, 68, 245, 247.
Argent, mis avec le mort, 183, 191, 192, 341 ; et rite de construction, 217.
219; montré à la lune, 264, 265 ; ne devant pas être donne en paie-
ment, 26, 88. (v. Monnaie).
Arivau, 30, 36, 85, 125, 153, 162, 192, 193, 197, 272, 274, 277.
Ascension, sur pierre, rite, 98; fête, 303, 304, 310.
Aspersion, de mariée, 3 ; du sol près de fontaine, 11, 62, 299; de fon-
dation, 200 ; de bateau, 217 ; de parties génitales d'animaux, 228 ;
pour la pluie, 244, 245 ; contre esprits, 207.
Astres ; § 88-91 ; et maladies, § 39.
Attention : de la divinité, appelée par procédés matériels, 8, 11, 13, 18,
19.27,28, 63, 69, 103. 104, 140, 143, 149, 244-247, 264. (v. Statues).
Aubépine, et guérison, 138; respectée. 255.
AuBUEY, 263, 265, 274.
Autel, § 114 ; 61, 102, 117, 142.
Bague, 94, 237, 314.
Bains, rituels, 302 ; destinés à procurer des avantages, 13, 16, 66-68,
80, 101, 132, 300, 303, 304 ; de pierres, 331.
Balai, contre sorcellerie, 23, 207.
Balayer, les églises, 143, 175, 176, 194, 214, 281.
Balfour, 32, 38, 79, 97, 100, 118, 162, 175, 176, 177, 206,219, 232, 296, 299, 813.
Ballesteros, 274.
Baptême, § 18 ; Dangers avant sa célébration, ^ 17 ; Enfants morts
avant, 287.
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 355
Barbe (sainte), et le tonnerre, 274, 270.
Barthety, 39,48.
Bassett, 260, 279. 283.
Bateau, § 67-69 ; des morts, 183, 341.
Bâton, mis dans cercueil, 181 ; de pluie, 247.
Battre, procédé magique, 171.
Belette, conjurée et mariée, 224.
Bellucci, 17, .37, 40, 63, 269, 270.271. 276.
Bénitiers, § 115; 83, 84, 142, 143, 144.
Berceau, remué ou promené pour implorer la fécondité, 13; comment
préservé, 45, 46; vide non remué, 45.
bérexger-féraud, 5, 6, 13, 44, 102.
Berno.m, 7. 40.
Bidault, 174, 187.
BiLLSoN, 95. 177, 210, 264.
Black (G.), 12, 47, 53, 110, 127, 226, 306, 312, 331, 340.
Black (W.), 26, 51. 78, 123, 124, 135, 140, 142.
Bladé, 60.
Boire, au même verre, 117 ; sur une pierre, 118 ; pour fécondité, 10, 15,
16 ; lait, 42 ; guérison, 66, 73, 75, 130 ; amour, 101 ; mort, 169 ; cliance,
299, 300; eau bénite, 144, 327.
BORLASE, 9.
BOTTRELL, 81, 89, 1.50.
Boucher de Perthes, 165.
BOUCHET, 13.
BouET, 36, 173.
Bourbon (Etienne de), 76, 3.38.
Braga, 100, 103, 243.
Braise, lancée, 238.
Branches, protégeant, 205, 220 ; et opérations magiques, 105, 252.
Brand, 29, 31, 37, 3S, 51, 52, 53, 78, 118, 1-39, 159, 162, 165, 229, 2.34, 235, 315.
Briser, rite, 168, 217, 218.
Brume, origine, conjuration, 287, 283.
Bulles, d'eau et présages, 88, 90, 297.
Cadavre, sous fondations, 199 ; cacheté, 177, 178 ; sa toilette, 178, 179, 192.
Cailloux, dans opérations magiques. 73, 303, 315, 316; amoncelés, 6, 185,
231 ; lancés dans feu sacre, 160, 238.
Capture, mariage par, 113.
356 - TABLE ALPHABÉTIQUE
Castelli, 16, 23, 27, 55. 57, 72, 90, 91, 9B, 110, <97, 205, 265.
Cambry,7, 47, 268, 305.
Campbell. 35, 147. 156, 157, 161, 163, 165, 177, 188, 189, 200, 204, 208, 209,
211, 229. 260. 275, 282, 283.
Carleto.n, 164, 182, 2S7.
Caron, similaire, 183, 341.
Cartailhac, 2i, 26, 275. *
Cauchemar, préservatif, 206, 223 (v. Pieri es, Bâton).
Caverne, et rachitiques, 72.
Ceinture, de femme enceinte, 17, 27; de sainte, 18, 25.
Cendres, et empreintes de pieds. 159, 160.
Cercle, magique, 224, 225.
Cercueil, objets qui y sont mis, 45. 180^184 ; heurté à croix ou à l'église,
185, 186; au cimetière, 186, 187; apparition. 319; servant de barque,
341.
Ceresole, 44.
Cerner, le pied de la bête malade, 233.
Chambers, 290, 299.
Cliandelles, et jnorts, 193 ; et maléfice, 154; et présage, 51.
Changeling=, Enfants changés, 19, 37-39, 54-56.
Cliauger de commune, pour guérison, 44.
Chanter, pour le vent, 284.
Chanvre, répandu, 95 ; procédés pour sa réussite, 287, 239.
Chapiseau, 115.
Charbon, et divination, 70 ; éteint avec sang, 16. (v. Tison).
Charrue, et culture, 2.3C, 218; vol puni, 248.
Chat, domestiqué, 230 ; meurtre puni, 171 ; mis à crever, 204, 286; tué,
287 ; jeté à la mer, 285; emploi dans conjuration, 321, 325.
Chatte, sorcière, 23; et enfant, 56.
Chemin, ne pas revenir par celui de l'aller, 138.
Cheminée : § 63 ; et domestication, 230 (v. Foyer).
Chemises, touchées aux statues, 18 ; bénies, 26 ; flottant sur l'eau, 19,
71 ; trempées pour guérir, 07,73; efficaces contre fascination, 20, 58 ;
dans conjuration amoureuse, 106.
Cheval, calmé par magie, 230; à pèlerinage, 233, 234; blessé, 232; gué-
risseur, 75.
Cheveux ; et transmission du mal, 75; dans conjuration, 101, 228, 292;
et maléfices, 152-151, 325; comment allongés, 264, 289.
Chien, dévorant trépassés, 172 ; lancé dans la mer, 305 ; charmé par
magie, 327.
Chou, ordalie, 72 ; conjuration en le plantant, 233.
Christianisation, 2, 7,9, 25, 61.
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 357
CiiRiSTiLLiX, 49. 51, m. 112.
CiBELE.SS.
Cierges, à la naissance, 28, 39 ; à la mort, 1G6, 171, 182 ; présages, 82,
115, 105, 166, 327; et maléfices, 154,328.
Cimetière, où se fait cojisultation, 95, 162, 163; gardé par dernier mort,
187 (v. Enterrement, Terre).
Ciseaux, dans lit d'accouchée, 24, 30 ; berceau, 57.
Cloches, 6. 27, 171, 276, 278 (v. Corde).
Clou, planté, 137, 282. 319; servant à maléfice, 107, 147, 153, 156; ayant
blessé cheval, 232 ; offerts pour guérison, 140.
CoELHO, 34, 45, 46, 112, 135, 202.
Coït, humain. 15, 16; d'animaux, 229.
Communion, § 28 ; d'amoureux. 109.
Compter, ne pas-, les étoiles, 266, 267 ; les clous, 140.
Conception, (v. Fécondité), à distance, 14.
Coniurations, pour maléfices, 106. 148-150; pour préserver, 124, 206
208 ; à astres, 259, 263, 267, 269 ; à météores, 286 et suiv. (v. Adju
ration. Aiguille, sainte Barbe, Belette, Braise, Brume, Caillou
Caverne, Chemise, Chou, Cloche, Corde, Couteau. Cracher, Cré
maillère. Crier, Croix, Cupules, Derrière, Diable. Eau, Epée, Feu.
Fontaine, Fourmis, Imprécation, Incantation, Injure, Lait, Lier
Lit, Loup, Malédiction, Monnaie, Motte. Oiseau, Pierres, Prêtre
Rats, Souliers, Tourbillon).
Conscrits. § 29 ; leurs amulettes, 179.
Consultation : par pierres lancées, 19, 86; les eaux, 19, 70, 71, 87, 88, 91,
94, 95, 96 ; les végétaux, 85; par le trou, 71, 96; le feu, 90, 97 ; les
oiseaux. 85, 86; les astres, 89. 92, 93; la glace. 91); le plomb. 91 ; le
fil, 91 ; le nom, 91 ; le pain, 157, 158. (v. Ordalies).
Coqueluche, § 26.
Corbeaux, et orages, 272; forme d'âme, 33, 341.
Corde, de cloche, 6, 27, 102, 141, 322.
Corde, mesurant le mal. 142: mise derrière cadavre, 179; servant à
tabouer, 224, 225 ; et le vent, 282, 283.
Cordon, ombilical et fil, 24; ne pas le jeter, 30.
Corset : exposé à rosée, 43 ; ses amulettes, 40.
CoRTiLS, 21, 25, 253.
Cou, serré provoque avortement, 21.
Coucou, et présage. .331 : honoré, 339.
Coupe, épreuve par flottement, 164.
Couper, les arbres. 255. 256 ; les météores, 276, 288, 291.
Couteau, fiché en terre. 20; mis sur berceau, 37 ; dans conjuration, 104, 291.
Cracher, pour ]iréserver. 20, 24, 33, 58, 256. 300; dans conjuration, 291,
292; pour chance, 265 ; interdit, 211, 294; pour affirmer, 313.
Crapaud, et mal transmis, 152 ; dans bateau, 216 ; forme d'âme, 197; et
diable, 318.
358 TABLE ALPHABÉTIQUE
Créiiiaillère. passer autour. 44, 52, 70, 230 : et conjuration d'orage, 275,
276; et maléfice, 203; défense delà remuer, 208.
Crêpes, et récolte, 240.
Crier, après le décès, 171, 172, 189; pour le vent, 278, 279.
Crins, brouillés par esprits, 223.
Cristallisation, de l'eau et époux futur, 90.
Croissance, retardée par fascination, 60,61.
Croix, objets en, 23, 153. 210, 289 ; gestes cruciaux. 106. 276. 277, 292. 306.
Croix, sur route d'enterrement, 185 ; tracée sur bateau, 217, 218 ; retour-
née, 214.
Crosse, retournée, 285.
Cruche, enfermant le vent, 284.
Culottes : mises sur berceau, 37.
Culte, Répartition géographique de celui des pierres et des eaux, 335-
336. (v. Adoration, Agenouillement. Danse, Diable, Génies. Gerbes,
Invocation, Lac, Lune, Mer. Montagne, Mouchoir. Nom. Peigner,
Pierres, Prières, Saluer, Serment, Vent).
Cupules, conjurations, 281, 315; leur eau efficace, 234, .308, 310.
Cdsacq. 61.
D
Daleau, 25, 41, 50, 269.
Danse, pour procurer des avantages. 2. 39, 79, 100. 252 ; en l'honneur
d'astres, 293; sur montagnes, 309; pierres, 311; d'astres, 261;
près de feu sacré, 308, 309.
Dardy, 48.
Darzuzv, l&G.
Dexham, 2. 8, 11. 46, 59, 68,90, 93, 94, 96, 232, 264, 289, 291, 319.
Défenses ( v. Argent, Balayer, Compter, Cordon. Cracher, Doigt,
Etoiles, Feu, Filer, Flammes, Interdiction, Marcher, Montrer, Nuit,
Placenta, Tabous, Uriner, Verrues, Vue).
Dents, mises dans cercueil, 180 ; de lait, 64-66.
Dergny. 167, 176, 187.
Dernier, fruit, 255 ; mort gardien du cimetière, 186,
Derrière, heurté, 5; montré, 277, 287.
Desrousseaux, 33.
Deuil, d'animaux, 231 ; de plantes, 250.
Dieu et diable. 208 î"^ et le tonnerre, 270, 337 ; et son arc. 271; nom
donné au soleil, 259.
Diable (v. Dieu. Dualisme), invoqué. 298. 306, 318: offrandes ou actes
pour lui être agréable, 234. 243, 272, 275,277 ; évoqué. lïK) ; guettant,
22. 39, 59. 166, 167, 172. 176; à la maison, 45, 106, 148, 156, 208, 248;
a l'église, 318 ; et météores, 241, 242, 272.
Doigt, mouillé, 110; ne pas montrer avec, 293.
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 359
Domestication, d'animaux, 230.
Double, 163. IGi.
Drap mortuaire, pronieno, 319.
Droite. 124, 126.
Dualisme, 257, 308.
DULAURE, 8, 12.
Eau, § 100-104 ; préservant des maléfices, 206. 300. 30l. 303 ; inlranchis-
sable aux morts, 191. 192; dans la maison mortuaire. 167; et la
fécondité, 2, 16; guérison, 75; non jetée la nuit, 215; emplois magi-
ques, 245. 304, 90, 94 ; circonstances lui donnant vertu particulière,
35, 75, 135 (v. Oupules).
Eau. bénite et conjurations, 245, 321, 324 ; et remèdes, 145 ; de baptême.
50, 51.
Effeuillement. consultations par .'-, 85,
Eglises. § 111-116; 2. 6. 7, 9, 12. 13, 18. 19. 27, 28, 42, 49. 51. 63, 64. 66,
82, 86, 95. 96. 99, 102, 103, 105, 113-117, 139-145, 149-151, 156. 162, 165,
166, 168, 170, 185. 186, 190, 277, 2,sl, 2S5.
El me (feu Saint), 192.
Emmurement, de créature vivante, 200; simulacre, 199, 2l)0.
Emplacement, choix, 198, 199.
Empreintes, et guérison, 62, 69; amour et fécondité, 98. (v. Cupules).
Enceintes, femmes, § 6-8; et cueillettes de fruits, 254.
Enfants. § 13-27. Changés (v. Changelings).
Enjambées, magiques, 60, 237 ; de bâche sur le seuil, 32.
Entendre, ne pas-, 45.
Enterrement. § 54 ; vu à l'avance, 163 ; rencontré. 112.
Enterrer, animaux vivants, 387 (v. Emmurement), objets, 154, 156;
olfrandes, 199, 222.
Envers, choses à 1'. — , 229.
Envoiitement, 152-157.
Epaule, jeter par dessus, 128, 165, 248; regarder par dessus, 161.
Epée, et brume, 2S7, 2'<8 ; et conjuration, 105.
Epingles, offrandes, 42. 81, 101. 129, 133. 296 ; ordalies, 87. 96, 160. 313 :
fichées, 104, 105, 137, 140, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 328.
ESTIESXE, xviii, 9.
Etables. § 70.
Etalon, 229.
Etoiles, §90; marchant. 266; comptées, 91, 92, 266, 287; et maladies,
123 ; FUantes, 123, 268-270.
Evangiles des Quenouilles, xvii, 60, 61, 92, 261, 268.
Excréments, 311.
360 TABLE ALPHABÉTIQUE
Fairies, fées anglaises, mâles et femelles, 19, 29, 36, 37, 38, 55, 56, 58,
207, 229, 23i, 236.
Fascination ; d'enfants, 57, 58. 60, 61 ; à accouchement, 23 ; par procédés
jnagiques, 61 : du loup, 228 ; prévenue, 2i, 33, 36, 48, 58, 114. 116, 205,
229. (v. Aiguillette).
Faucille, et actes magiques, 248, 276.
Fauteuil, et fécondité, 2. 6, 8; et amour, 97.
Fées, 56,^73, 204. 229, 332, 334, 339. (v. Fairies).
Fenêtre, passer par la-, 47 ; ouverte à la inurt. 109. 172 ; à ne pas
fermer brusquement, 196.
Fer; et préservation. 26. 28. 30, 37. 38, .57, 58, 173, 275, 297, 303, (v. Ai-
guille, Couteau, Ciseaux, Epée).
Fer à cheval, talisman, 3, 205; et dentition, 64.
Ferraro, 60, 193, 210, 259, 272, 274, 295, 296.
Feu, § 64-65. — Obtenu par friction, 232; nouveau, 212 ; à ne pas enlever
ou donner. 24, 211 ; éteint dans maison mortuaire, 175; préservant,
38,39,207-210.229,2.32; et guérison. 59.135; passage à travers,
38. 231. 260; envuûtement, 157; offrandes, 65; paroles qui lui sont
adressées, 65, 97, 209, 316; périodiquement allumé, 2-39, 308, 309.
(v. Tison, Saint Jean, Flammes).
Feuilles, faisant concevoir, 12; jetées dans ruisseau. 126; et augures,
85, 89, 93, 1.58 ; envoûtement, 153; opérations magi(jues, 105.
Fiançailles ; § 34. — (v. Serment, Crachat).
Fiancé, actes interdits, 110 ; funeste à bord, 111.
Figurine, brûlée contre ensorcellement, 223; et ordalie de mariage, 90;
dans envoûtement, 155-157.
Fil, tendu et mari futur, 91; servant à tabouer. 221; et guérison. 145 ;
enlevés à la mort, 172; ayant cousu linceul, 179; conduisant ton-
nerre, 274.
Filer, interdit pendant la grosesse, 21.
Fi.NAMORE, 125, 139, 141, 145, 195, 207, 209, 2.53, 282, 270, 271, 273, 276, 277, 321.
Flamme, ne doit pas être coupée, 212; enfant balancé dessus, 38, 52;
passage à travers, 286; forme d'âme, 173, 193.
Fleurs, et maléfices, 148.
Flottement, épreuve, 96; ordalie, 19,87, 160, 297,
Folk-Lore. 2, 10, 11, 20, 27, .33, 34. 47, 58, 59, 74, 77, Si. 95.95, 106. 107, 111,
116. 117. 128, 132, 137, 1.59. 163. 169, 17fs, 180, 181. 183. 184. 185. 188,
193. 195. 199, 206, 207, 209. 219, 220, 223, 231, 236, 2.56, 266, 2i4, 286,
296, 299, 301, 302, 308, 3)4, 316.
Folk-Lore gallego, 203.
Folk-Lore Journal. 20. 24. .30. 33, 34, 39, 46. 47, 48. 51, 55. 58, 67, 68, 70, 74.
76, 8". &S. 96, 109, 120, 123. 13D. 131, 13i. 156. 160. 163, 177. 203.204,
206. 207. 209. 214, 215, 219, 223, 236, 251, 256, 264, 205, 'iS2, 286. 297.
310. 314, 315, 316, 318.
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 361
Folli-Lore Record, fô, 141, 209, 331.
Fontaines, résidences de génies, 128, 295, 334 ; influence sur la fécondité,
3. 10-i2: la grossesse. 1": le lait, 42; la chance. S3, St ; la gnerison,
66, 80. 128-182; la niurt, 169; les inalétices. 147.273; supplicatii.nset
iiffraïuies ([ui leur sont adressées, 11, 41, 42. 68, 87 ; ordalies, 18, 19.
70.71.87.88.
Forniulettes. 3. 31. 31. 39. 60. 61. 75. 78. HS. 89, 91. 92. 97, 102, 105. 106,
107. 109, 122. 123. 125. 126, 128. 136. 137. 138, 139. 1«. 149. 153, 204,
209, 214, 215. 22 ». 225. 230, 237, 2.38, 239, 240. 245, 216, 2,50. 251, 2.53, 2.59,
262. 265, 267. 269,270. 274. 275,276. 279, 2S0. 2s3, 286, 287, 289, 290, 292,
293, 291, 29>s, 3u3, 304. 312. 318.
Foudroyé, objet. 84; endroit. 271 ; homme, 272.
Fouetter, pour avoir du vtnt, 278, 285.
Fourche, et magie, 267, 321 ; à charrue, 223, 218. 253.
Fourmis, et guérison, 136; conjurées, 208.
Foyer, § 61 ; et morts, 193, 195.
Frapper, acte magique, 43. 281, pour la chance, 115; les arbres, 253 ; et
rite do construction. 199, 201.
Fraysse, 14, 21. 26,28, 30, 111, 112, 113. 211.
Frazer. 30, 124, 175, 200, 201, 220, 237, 239, 2M), 242, 214, 245, 247, 253, 254.
Fricti in. destinée à procurer des avantages, 4, 5. 7, 8, 40, 62. 79. 99,
133, 13S, 282.
Fromage, protecteur, 47, 52.
Fruits, cueillette. §86; comment procurés, 252, 253 ; dans opérations
magiques, 105, 151, 153, 154.
Fumée, chassant lutin, 221 ; ordalie, 189.
Fusiller, les nuages, 276 ; pour eifayer les esprits, 292.
Gaidoz, 52. 76. 77. 79, 226, 229, 233, 320.
Gargantua, et la brume. 287.
Gâteaux, talisman, 57 ; phalliforines, 109.
Gauche, rite, 165. 202. 238. 241, .321, 324.
Gazon, découpé, 148 ; c^rné, 233 ; seiué, 63.
Génie, des eaux, 127, 295; des pierres, 314, 332; d-i caverne, 72; de la
terre, 199.
Gerbes, en croix, 242 ; offertes à esprits, 213 ; enterrées pour envoûter,
156.
Gestes, et opérations magiques, 2.37, 238, 267, 28G.
GiGLi, 108, 189.
Giovas.m, 90, 145, 193,205, 326.
Glissade, rite, 5. 16. 99.
LE PAGANISME COXTEMPORAIX 21
362 TABLE ALPHABÉTIQUE
GoMii, 78, 86, 87. 91. 2il. 259, 233, 26i, 273. 274, 276. 278, 2t9.
Graines, ou Grains préservant. 116. 192; à donner au diable, 190.
GrattemenI, de pierres, 104, 139 ; de vitre, 104. (v. Poussière).
Gregor. 16, 28. 25. 33. 3i, 35. 36. 38, 46, 47. 58, 70. 97. 111. 112. 113,
li9, 155. 165. 16S. 169, 172, 173. 174, 175, 177, 189, 199, 201, 218. 221.
230, 235. 236. 242, 243, 266, 293.
Grêle, provoquée jjar magie, 273.
Grimm, 14, 24, 35. 45. 47. 49, 50. 53. ,57, 60, 85, 91, 101. 119, 148, 161. 102,
109, 170, 171, 191, 193, 237. 233, 242. 248. 251, 268, 270. 287. 299, 300.
Grisanti, 56, 168, 228, 234, 207.
Grossesse, § 6, 7, 8.
GuASTELLA. 172. 178. 188.
GuBERNATis (Alessandro), 30. 93, 166, 179, 192.
GuBERNATis (Ange)o), 63. 84. 206, 239.
GuiCHOT, 21. 4i3, 5!), 91. 9t, 104. 107, 110, 119. 203. 211. 267, 269. 321. 322.
GuRDON, 20. 33.49. 78, 163, 232. 26k
GuTCH, 68, 161. 2S5, 279. 201. 3)1, 305.
H
Habasque. 150. 235.
Haches de pierre, 26. 135, 168, 182, 209, 222-221, 250.
Hache à enjamber, 32.
Halliwell. 2^9. 293.
Harou, 22, 167. 191.
Hartland, 68.
Henderson, 31. 32. 34. 46. 49, 64. 72. 75, 87. 90. 93. 106. 111. 112, 118. 119.
127, 155, 177, 184, 201. 211. 223. 250. 260, 266, 289. 299.
Hernie: et arbre fendu. 77 et suiv.
Hor.K. 26. 212,
L'Homme. 63, 04. 65.
Huile, et opération magique. 107. 304.
Hunt. 51. .58, 67. 69. 73, 79. 95, 133, 134, 135, 170, 213. 260. 313. 331.
I
Immersion, de malades. 62, 67, 73, 80 : d'objets, 245-247, 285.
Impair, 6i, 69, 279.
Imprécations, 259. (v. dinjurations).
Incantations, 72, 76. 95, 97. 2j>9, 2;>1 (w Conjurations).
TnL-ision. dans arbre. 133.
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 363
Infidèles, comment ramenés. 259. ;127.
Injures, aux carnassit-rs. 227 ; au vent, 279,
Interdiction, 21, 4i. 110. 111 (v. Défenses).
Invisibilité, comment procurée, 32.5.
Invocations, aux astres, 101. 122. 259; à pierre. 3)2.
Jarretières; et oj)érations magiques. 91, 102, 103.
Jean (Jour saint). 78. 90, 91. 9t. 95. 96. 125, 131. 137, 195, 214, 223, 227.
231, 253,261. 2.;2. 275. 300, .3'»2. 303. 309.311. 312.
Jeûner, rite, 12S. 137. 138. 149,229. 252. 268, 295.
JoxES. 285.
Jouets, mis dans cercueil d'enfant, 181.
Joug, à bœuf, et guérison. 136; et agonisant, 167; de charrue brûlé et
agonij douloureuse, 168.
JCGE, 21.
Jurer; en semant. 238; après arbre, 255 ;par l'arc-en-eiel, 293; le soleil,
256.
Kerardven, 115.
Lac : § 103. 331 ; offrandes, 127-128, 301-302.
LADOUCETrE, 120.
Laisnel, 25. 31. 114. 167. 172. 173. 182. 183.
Lait. § 15; préservant enfant. 55. 59; de vache soutiré, 209, 229; dans
maison mortuaire. 174.
Lampes, et ordalies, 193; d'autel. 151.
Lan;ement. d'objets. 13. 19. 20. 61. SI. 86-88. 96. 100. ICI, 103. 127-129.
149. 151. 153, 160. 165. 22.}. 2;i8, 212,262. 277. 278, 2S1. 296. 297, 300.
303. 30t ; d'eau, 73. 215, 244. 298.
Lancement de navire. 217.
Latham, 46, 49, 52, 78, 93,95, 97, 137, 169,205, 231, 251, 264.
Lavage, premier- d'enfant, 35; de pierres, 282.
Le Braz. 115. 117. 14S, 149. 157. 160. 166. 166. 167. 169. 176. 185. 186. 188.
189. 196.
Lecœur. 114. 117. 174.
Leite. 9, 17. 19. 21. 27. 2S. 34. 35. .36. .37. 38. 40. 41. 42. 53. 60. 66. 7s. 85.
86,90. H,2. 106. m. 119 122. 123. 131. 135. 136. i:W. 174. 175 17s. 179.
183. 189. 2J3, 20s. 210. 211. 215. 219. 225. 228. 230. 211. 210. 251. 25s.
2<>4, 265, 266. 267. 269. 274, 276. 288. «92, 294, 295. 299, 300. 304. 319, 324.
36i TABLE ALPHABÉTIQUE
Le Men, 15, 5i, 2i8.
Le NoBi.ETZ, xis, 265.
Lex, 10.
Libatiun, rita de plantation, 249; de construction, 199, 216, 218 ; à arbre
251; sur le sable, 302; le sol, 24S. (v. Aspersion).
LiÉGARD, 8, 66, 73.
Lier, le mal. 130, 136. 137 ; le loup, 227; les arbres, 250, 252.
Lièvre; et femme grosse<40; forme de revenant. 195.
Ligne, blancbe pour tabouer, 206.
Lin, et culture, 239; semé et enfant en retard, 62.
Linceul, 178, 179.
Lit. amulettes, 3, 2i-26. 28 ; et conjuration, 107 ; préparé pour les morts,
192, 193; d'où l'on enlève l'agonisant, 169; de pierre. 9, 13i.
Lotion; et fécondité, 1. 2, 10; et lait, 42; et maladies, 127, 132, 142.
Loup, conjuré, 226, 227.
Lumière, et accouchement, 29. 31 ; et agonisant, 166, 167; préservant,
39, 45; présages, 51 ; ordalie-, 89.
Lune, §89; faisant concevoir, 14; et grossesse, 49; et amour, 89, 91-93,
95. 101 : opérations magiques, 306 ; personnifiée, 263; invoquée, 93,
101, 124. 125; et maladies, 124, 125.
utins, 29 ; préservatif contre eux, 223.
M
Mac Culloch, 94.
Magie, (v. Adjuration. Agitation. Aiguille. Aspersion, Bague, Belette.
Battre. Braise, Branciic'S, Caillou, Cercle. Cdanter, Chanvre, Chat.
Cheval, Chien, Conception. Corset, Cou, Couper, Crier, Domesti-
cation, Eau. Enjambées, Envoûtement. Fascination, F-Tucille. Fil,
Fouetter, Fourche, Frapper. Fruits, Gazon, Gestes, Grêle, Hernie,
Huile. Immersion, Incantation. Infidèle. Jarretière, Lavage, Lin,
Messes, Meule, Nœud, Noix. Ombre, Passage, Pierre, Poussière, Sac,
Soleil, Souffler, Tempête, Terre, Tête. Tours, Vagues, Vengeance,
Vent).
Mahé, 312.
Mai, et pratiques, 68, 80, 88, 95 ; premier, 68, 94. 100, 211, 261, 331.
Maison, § 50-66.
Maîtrise, en ménage et actes à l'église, 114. 116. 117.
Mal touché, 129, 137. 140, 143 (v. Verrue).
Maladie, §24-27; .39-45; noyée, 139; arrêtée par eau courante, 76, 300.
Malédiction, 107, 15J, 151. 259, 264, 276, 277, 315, 316.
Maléfices, pour priver de sommeil, 106; pour la mort, 147-149; nouer
l'aiguillette. 114, 115. (v. Chandelle, Cheveux, Cierge, Clou, Cré-
maillère. Croissance, Croix, Drap. Epingles, Enjamber, Feu,
Feuilles. Figurines. Fleurs, Fontaines, Gerbes, Liit, Lampes,
Messe, Montagne, CEufs, Pierres branlantes, Rosée, Tempestaires,
Tète, Veuve).
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 365
M.Tiiger. rite de guërismi, 65. 60, 75.
Marcher, pratiques pour faire, 61-63; rite, 10. (v. Reculons, Tour).
Marcher, ne pas, -sur le pas d'un autre, 113; sur une tombe, 20.
Mari; futur coaiinent vu, § 31.
Mariage, § 3i-38.
Maumier, 191.
Marraine, 65.
Mégalithes, 2. 4, 5. 7. S, 0. 10. 41. 51, 62, 68, 69, 84, 86, 97-99, 100, 109,
110, 118, 132-135, 309. 313, 315.
Mélusine. 13, 37. 41. 46, 47,53, 60, 75, 79, 82, 110. 142. 109, 219. 220, 279,
291, 292. 2i>3. 304.
Menaces, à saints. l')3. 246, 285, 292 ; à arbres, 253; à météores, 276.279,
286, 288, 291. 292.
Mendier, rite, 65, 324.
Mensignac. 21, 25, 32, 33, 50, 108, 174, 175, 176. 177, 181, 184.
Mer, § 104 ; et guérisou, 127 ; souterraine. ISl, 341.
Mère, (v. Naissance. Accouchement), revenant voir son enfant, 181 ;
du Vent, 287, 288; de la Pluie. 2s8.
Messes, de maléfices. 150, 151 : superstitieuses. 323, 324 ; opérations
faites quand on la dit, 153, 161. 321.
Mesurer, le mal, 142.
MÉTIVIER, 170.
Meule de foin, et opération magique, 96.
Metrac, 25, 45, 117, 153, 169, 173. 174.
Miller, 162, 191. 279. 284, 305.
Minuit. 39. 69. 78, 83. 93, 95. 100. 105. 123, 127, 141, 142, 151, 153, 161, 162,
163. 207, 267, 300. 306, 312, 315, 318, 319, 331.
Miroir, et la mort, 175.
Mnémotechnie, en relation, avec la mort, 179.
MoisET, 10, 91, 173, 182.
Moisson, 241-243.
Monnaie, dans rite d'adjuration, 145-150; merveilleuse, 318 (v. Argent),
offerte, 312.
Monseur, 23, 35, 49, 61, 174, 175, 203.
Montagnes. § 106 ; et feux allumé?, 239 r prières sur les sommets. 247,
visités à la Saint-Jean, 201 ; et faltrication de la grêle, 272, 273.
Montrer; ne pas —,263. 267, 293 (v. Doigt).
MooxEV. 74, 75, 121, 123, 129, 132, 135, 136, 149, 215, 305.
Mordre, arbre, 137, 138 ; pomme, 109.
Mort ; personnifiée, 163, 202.
Mort. § 46-59.
Mort, (Le), vu àl'avance, 162, 163, 321 ; appelé par son nom, 178; traité
366 TABLE ALPHABÉTIQUE
coinme monture, 185; sa destinée connue. 189, 190 ; périerination'!.
§ 124.
Molher's Bunch Closet, XIX, 9-2, 105.
Motte, etguéiison, 233 ; préservant des sorciers, 307 (v. Gazon).
Mouche, forme d'ànie, 177.
Mouchoir, et lune, 90 ; posé sur l'eau, 96.
Moudre, la coqueluche. 9.5.
Mur, objets fichés, 140, 232 : gratté, 139.
N
Naissance : § 9-19.
Neige, § 98.
Neuf. 10. 18, 27, 28. 59. 73. 7i, 75. 76. 77, 78. 83, 92. 94, 95, 131, 132, 133,
165, 166, 26(, 268. 303, 325.
Nœud, magique, 226, 283, 325; mnémotechnie, 179.
Noël, 161,162, 327, 331.
NoGUÈs, 32, 37, 38, 49, lU, 116, 175, 181, 182.
NiNo, 73. 124, 143. 145. 267. 293.
Noix, et magie, 154: et ordalie. 97.
Noms, provisoires. 47; de mari su, 91.; de divinités, 337; dans acte
magique, 43, 7S.
NoRE. 34, 48. 103. 114. 167, 168, 187.
Nourrice, (v. Allaitement).
Nourriture, au mort, 188, lîr9. 194, 1-95 ; interdite, 340.
Noyade, préservatif contre la-. 48, 300 ; de l'àme, 174.
Nuages, chevauchés par tempestaires, 273, 277, 278; fusillés, ou me-
nacés, 276.
Nudité, condition de pratiques, 4, 7, 8, 39, 67, 78, 80. 98, 99. 123, 125.
Nuit, dangers. 19, 22, 39, 56. 166, 223, 248, 295: interdictions, 214. 215;
et ordalies. 90.91, 95, 102, 163; et les esprits, 162, 187, 188. 193- 195,
318, 319, 321.
Objets : mis au mort, 187; pointus, 39, 57, 287, 288 (v. Aiguille, Ciseaux,
Couteaux, Clous).
Œufs. 44, 152, 182, 224, 300.
Offrandes, aux eaux. 127. 123, 285, 296. 2.)7, 300.305: aux pierres, 69, 83,
132. 311. 312: au feu. 64: aux arbres. 130, 1:18 : au vent, 2s7 ; aux
carnassiers. 225 226 : à génies. 243. 2',)5 (v. Arbre, Chat. Enterrer,
Epingles, Feu, Fontaine, Gerbe, Lac, Libation, Monnaie. Paille,
Pain. Présents, Sac. Vêtements).
Oiseaux, conjurés, 225, 226, 240, 241 ; consultés, 84; respectés, 340.
Olavarria, 21. 30, 63. 64. 144, 2J2, 269.
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 367
Ombre, et construction, 106; et m.-iléflce, £06; et présages, 161.
Onction, de pierre, 312.
Ordalies et Consultations, v. Absent, Bouillonnement. Bulles. Cliou,
Consultation, Coucou, Couj), Doigt, Effeuillenient, Emplacement,
Epingles, Figurine, l'ontaines. Fumée, Glace, Lampe, Lumière,
Mari, Moucboir, Noix,; Nuit. Pain, Pierres. Plomb, Sillon, Sorcier,
Souille.
Oreiller, talismans, 3, 27, 57, 58, 93, 94; et mort, 168, 169.
Ossement, talisman, 83.
Ossuaire, 162.
Paganisme, sa persistance, XVII et suiv., XXI et suiv., § 117-125.
Pain, offert, 2, 44, 68, 128 ; efficace contre esprits. 36, 47. 48, 58, 171 ;
procurant avantages,65, 74, 203,218,236; agent de consultation, 157.
297, 298; béni, 218.
Papillon et âme, 177, 196, 342.
Parler, retard à — , 65, 66 : ne pas — (v. Silence'.
Paroles entendues et augure, 110, 161.
Parrain, au baptême, 48. 49.
Passage, guérissant ou magique à travers un objet percé, 51, 52, 76-79,
133, 131, 226; cercle, 123, 221.
Péchés, bus, 173 ; laissés, dans le bénitier, .327.
Pedroso, 11. 21. 27, 211, 30, 3(, 38, 39, 44, 46, 47. 49, .57, 58; 60. 61. 63. 65,
72. 106. 111. 123. 142. 147, 152. 169, 173, 178, 180, 183. 185, 187, 195, 2i)4,
205. 206, 207. 215. 25i, 267, 269. 319, 326, 341.
Peigner, (se) au clair de la lune. 102.
Pénitences, posthumes, 196, 197 ; de statues, 247.
Perraudière, 117,
Perron. 119.
Personnitication. § 118 ; d'astres, 257, 262; de météores, 272, 278. 287,
2S9, 291 ; de rivières, 299; de maladies, 66.
Phallisme. 3, 4, 5, 7, 8. 9, 12, 40. 98, 99, 109, 311.
Pieds, et pratiques en relation avec les eaux, 2,3.101,126; les em-
preintes, 9: la mort, 169, 179.
Pierres. § 109 ; passag.j à travers. 10, 51, (;S, 109. 110. 312, 314: friction.
97, 99, 133: tour, 3il ; station, 98. 118; consultées, 314; et serments.
312. 313; retournées, 243, 244 ; amoncelées, 6, 291 ; lancées, 61, 103,
238.247, 303; dans ordalie, 97. conjurations, 291, 316 ; posées sur
arbre, 252; percées, 38, 40, 206, 219, 223.
Pierre, première, 200, 201.
Pierres branlantes, 69, 311, 313, 315.
Pierres à tonnerre, talisman. 83, 84. 274, 275, 325 (v. Haches).
PlKEAU, 167.
368
TABLE ALPHABETIQUE
Pitre, 18. 24, 25, 26, 36, 46, 59, 77. 91, 101, 113, 115, 117, 125, 131. 134,
137, 141, 142, 144. 145, 153, 166, 168, 171, 178, 179, 182, 188. 190, 197, 210.
224, 227, 238, 239. 240. 243. 246. 247.253. 25S. 264. 265. 267,269, 270, 274.
276, 284, 287. 2s9, 291. 295. 303. 321, 324, 325. 327, 341.
Placenta, 16, 30.
Plantation, rites, 249, 250.
Plomb fondu, 60, 90.
Pluie, personnifiée, 288 ; conjurée, 289 ; excitée, §81; 261.
Plumes, retardant mort, 168, 169.
Pont, et enterrement, 184, 185 ; des morts, 183.
Porche, et visions, 162, 319 (v. Mort).
Porte, entrer par une et sortir par l'autre, 51, 65, 113. 135. 141. 321 ;
ouverte et sortie de l'àme, 169 ; morts auprès, 194; talismans protec-
teurs. 56, 205-207, 223.;;
Poules, 29, 153, 230, 268.
Poussière, et le vent excité, 284, 285 (v. Balayer), dans sachet, 16, 143 ;
avalée, 5, 10, 70, 79.
Premier, levé ou sorti à mariage, 116, 117; àentrer au cimetière, 187;
souhait, 263 ; fruit, 254.
Première, visite, 321; nuit, 119.
Présages (v. Cendre, Chandelle, Chemise, Cierge Cimetière, Enterre-
ment, Lumière, Mort, Ombre, Rencontre, Songes, Trébucher).
Prêtres, XXI, 50, 114, 166, 190, 245, 273, 277, 278, 325, 326, 338.
Prières à étoile, 123 ; au soleil, 261 ; au vent, 279.
Processions, pour la pluie. 244, 245, 261.
Purification de l'âme. 173, 174,
Rachitisme, 66-70
Rage, guérison, 141.
Rats, et dents, 65; conjurés, 207. 208.
Rebours, du soleil, 69,80,123,170,203,260,261, 306;prières à rebours, 149,
227.
Reculons, marcher à-, 187, 203, 229. 313.
REGIS, 46, 49, 114, 152, 212.
RelevaiJles, § 12.
Remuer un objet, 13, 264.
Rencontres, 48, 112.
Reptiles, guérisseurs, 136; contenant âmes. 197; respectés, 340 ; peau
et vent, 286.
Revenants, 179, 188, 189, 191, 195, 207; non vus, 51.
Retourner, ne pas se, 6, 48, 73, 130.
Bévue Celtique, 100, 102, 174, 195, 214, 243, 265, 310, 323.
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 369
Revista lusilina, LU, 12(j, 114, 171, 189, 217.
Revtie des Traditions populaires. 3, 5,7, 8, 12. 18. 22, 23, 24, 26. 2'.). :50, :?!•
32. 42, 43,4.'), 48. 49,05, 51.57. «0, til.G2, GG. 82, 83, 91, 109, 113, 114, UG-
117. 119, 124, loi), 1G7. 170, 171. 172, 175, 176, 17«, 179, 180,181. 182,
183, ISG, 187, 199, 201. 208, 216, 217, 218, 323, 324, 325.
Rhys, 54, 96, 129, 130, 157, 159, 164, 169. 214. 2.36. 298, 299, 301.
RiccARDi. 21. 22, 29. 45. 90. 137, 152, 158. l.')9. 161, 167. 195, 241, 251. î52.
2.53, 267, 271.
Richard, 24, 25, 114, 160, 166, 173. 174, 179, 182, 248.
Rites rAlbution, Angélus. Angles. Arbres. Ascension, Astres, Aufei.
Bague. Hain. Balayer, Bateau, Blé, Boire, Bouteille,' Briser, Brûler.
Cercueil, Cerner, "Chemins, Cierges, Clou, Corde, Cracher, Cré-
maillère. Crier, Danse. Eau, Entendre, Enterrenient. Envers.
Epaule, Fauteuil, Fenêtre, Feu, Flamme. Fouetter, Frapper, Fric-
tion, Gaucho. Glissade, Hache, Impair, Incision, Jefiner, Jouer,
Lancement, Lavage, Lever, Libation. Lier, Manger, Marcher. Men-
dier, Mesurer. Mordre. Moudre, Muer, Neuf, Nudité, Ombre,
Passage, Pierres. Porte. Prêtre, Rebours. Reculons, Retourner,
Rivière, Sauter, Secret, Sel, Sept. Serment, Seuil, Sexe, Siffler,
Silence, Sorcier. Soleil. Tablier, Terre, Tison, Tour, Trois, Uriner,
Vêtement, Vente, Voler.
Rivière.
Rivière, § 102 ; aetes accomplis près d'elle, 83, 95, 125, 126, 156, 184, 185,
245, 246 ; personnifiée, 125. 299.
Rolland, 153, 216.
RosAPELLY. 39, 79.
Rosée, guérissante, 68, 125; et maléfice, 152.
Rouler (se), rite 143.
S
Sac, et semeur, 237; de farine offert au vent, 287.
Sachets, 15, 17, 25, 147, 229.
Sacrifices (v. Chat, Chien, Emmurement, Enterrer, Feu, Sang. Vivant).
Sang, arrosant, 199,202,208, 2i2.
Saints, des vents, 280-282, 284, 285 (v. Statues et divinités païennes, 337).
Saluer, astres, 258, 261, 268.
Sauter, rite. 44, 98, 135, 239, 261, 296.
Sauvé, 25, 29, 40, 46, 53, 160, S38.
Savoye, 178.
Sawyer, 263.
SCHULH, 211.
SÉBILLOT, 3, 5, 6, 7, 8, 9. 10, 12. 14, 15, 16. 17. 19. 20, 22, 26, 27, 28. 30. 32,
40. 41, 42. 43. 44, 48. 50, 52. 53. 55,56. 59, 61, 63. 65. 66, G7. 68, 69. 70.
71, 72. 76.77. 79. SO. 83, 84. 85, 86. 87, 88. 89, 92. 93. 95. 9G, 98. 99, 100,
101, lOrJ, 103, 104, 105, 109, 110, 112, 113, 115, 116, 118, 122, 1"23. 124,
21.
370 TABLE ALPHABÉTIQUE
125. 12fi, 127. 128, 129, 130, 131, 133. 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140,
141, 142, 143, 144, 147, 148. 149, 151, 152, 1.54, 158. 160, 161, 162. 163,
164, 168, 169. 170, 172, 176, 177, 178, 180, 182, 186, 190, 191, 192, 193,
196. 197. 199, 200, 201, 202, 205, 206, 208, 209, 215, 217, 218, 219; 220,
222. 223, 224, 225, 226, 227, 228. 229, -.30, 231, 232, 233, 234, 237, 238,
239. 240, 241, 242, 243, 244, 245. 246, 247, 250, 251, 252, 253, 254, 255,
250, 258, 259, 261, 262. 263, 264, 26'î, 267. 2>)8, 269. 270, 271, 272, 273,
274. 275, 276. 277, 278, 279, 280, 281, 282. 283, 284. 285, 286, 287, 288,
289, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 296. 297. 298, 299. 300, 301, 302, 303,
305. 3m6. 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 318. 322, 323, 325, 326,
327, 328, 331, 332, 333. 339, 340, 341, 343.
Seconde vue, 165.
Secret, obligatoire. 76,91, 98, 123, 136, 1.37, 147, 224.
Seins, lotionnés, 42 ; ob'ets ayant cette forme, 41.
Sel, protecteur, 29, 33, .38, 39, 45, 47. 106, 116. 167, 176, 177, 203, 209, 300;
à baptême, 49; ordalie, 57, 157.
Semeur, gestes, 237, 238.
Sept, 65,105, 127, 144.
Serment?. 109, 110, 214, 256, 259, 308. 312, 313.
Serrure, ouverte, 28, 170; ses talismans, 206.
Seuil, 202, 222.
Sevrage, 44, 45.
Sexe, interversion dans rite, 69, 74, 133, 144, 254, 327; et premier vête-
ment, 33.
Siège de pierre, 8, 97, 134.
Siffler, pour exciter le vent, .279, 2S0.
Silence, à observer, 73, 80, 88, 93, 95, 100, 129, 130, 138, 160, 318.
Sillon, et ordalie, 161; premier, 236.
Soleil, § 88; invoqué. 258, 259: guérisseur, 121-123; actes faits en suivant
son cours, 132. 184. 186. 236. 260;à rebours, 204, 260. 261; à son lever,
94, 123 ; avant, 125, 126, 127, 131. 300; après coucher, 214.
Son, et présage, 161, 189.
Songes, et mari futur, 92, 94.
Sorcières, 56. 57, 148, 167. 210, 223, 301. § 122.
Sorciers, 273. 276, 305, 306, 307, 315, 338.
Souche. 83, 9i, 112,119, 124, 212.
Souffle, ordalie, 85; pour avoir du vent, 280; pour guérir, 127.
Souhaits, 263, 270 (v. Vœu).
Souliers, trempés, 3; et rêves, 94 ; lancés à nues, 277, 278.
Statue, habillée, 73; menacée, 103. 285; tournée, 285; châtiée, 104, 285 :
arrosée, 244, 245; bombardée, 13; touchée, 8, 42, 72.
Stérilité, §, 3 ; volontaire punie, 14.
Stewart. 19, 36, .37, 56, 57. 213. 307.
swainson, 85.
DES AUTEURS ET DES MATIÈRES 371
Tabou (%'. Défenses) 340; procédés par tabouer, 206.
Talismans, 200, 205, 206, 223 (v. Amulettes, Ciseaux, Conscrits, Corset,
Culotte, Fer. Fourcbe. Gâteau, Hactie, Œuf, Lit. Loup, Oreiller,
Ossements, Pierre à tonnerre. Sel).
Tenipestaires, 272, 277.
Tempête, apaisée par magie, 305.
Terre, dans amulettes. 40; trou dedans, 232, 233; guérissante, 72, 124;
de cimetière, 147 ; entre deux terres, 307.
Tête, non serrée, 2i'; mise en bas, 36; mise dans trou, 71, 96, 314;
serrée et ensemencement, 237, 238; lancer par dessus, 2!1'J.
Thiers, xviii, 62, 115, 170, 173. î2!), 319.
Thorpe. 20, 34. .33. 39, 46, 61. 66, 85. 126, 169, 181, 203, 206. 231, 239, 254,
256, 289, 296, 299, 303, 318, 319.
Ti^on, promené, 31; mis en croix, 58; et guérison, 213; et épreuve, 213,
et foudre, 275.
Toilette, de nouveau-né, 34-3»>.
Toit, amulett-s posées dessus, 195, 205 ; jeter par dessus, 236.
Tombeau, 20, 61, 72, 82, 134.
Tonnerre, § 92.
Totémisme, 3.39, 342.
Tourbillon, conjuré, 241, 242.
Tours. 31, 42, 61. 69, 231, 234; numériques, 2. 8. 28, 42, 43, 52. 61, 62,
67.74, 100. 140, 141, 142. 160. 170, 185, 186, 187, 190, 234, 236. 260,
296, 311, 318.
Transmission, du mal, 74. 75, 129, 131. 136-139, 142. 144. 1.52, 232, 233; de
fécondité, § 4.
Trébucher, 114.
Trèfle à quatre feuilles, 324.
Tradiçao, 299.
Trépied, 230, 275.
Trois. 2. 5. 8, 20. 27. 52, 58, 62, 70. 73, 76. 95, 96, 122, 123, 129, 135, 140-
142. 160, 170, 174, 185, 186, 187. 190. 21.3. 230, 234, 236. 260, 267, 273'
276, 277, 295, 296, 299, 303, 304, 306, 311, 312, 318, 323, 324, 327.
Trombatore, 203, 247, 267, 274.
Trou (V.Pierre), de pierre, 71, 314; dans terre, 165,233; laissé dans
mur. 204.
Tuile, retournée, 28, 170 ; mise sur tête, 32 ; et âmes du purgatoire, 195-
Tylor, 32, 122, 139, 174, 176, 183, 193, 261, 262, 325, 332, 342.
372 TABLE ALPHABÉTIQUE
u
Uriner, interdit ou dangereux. 14, 211, 212, 263, 266, 392 ; pour guéri
son, 62, 143.
Vagues, calmées par magie, 304, 305.
Vaschalde, 61.
V'engeance, et opérations magiques, 298, 299, 302, 316.
Vente, fictive, 139; de vents, 282-284.
Vent?. § 94-95 ; invoqués pour les agonisants, 171 (v. Tempêtes, Tour-
billon).
Verrues, venant par punition. 267 ; guéries, 124, 129, 130, 132, 135, 137,
139, 141, 144.
Vêtements, retournés, 23; et sexe, 33; olïerts,67,S0,£97 ; et amoureux, 95.
Veuve, funeste à accouchement, 23 ; faisant pèlerinage, 318.
Victime, annuelle à rivière. 299,
Vivant, animal, enterré ou enfermé, 200, 202, 234 ; briiié, 213.
Vive, poisson, conjuré, 136.
Vol, portant malheur au volé, £20, 254.
Volé, objet conférant privilège, 58, 217, 286.
Voleur, comment découvert, 213. 297, 298.
Vue interdite. 101, 224 (v. Secret).
W
^VaUonia, 212, £31, 276. 326.
Wilde, 20, 28, 29, 38, 1£9, 132, 165, 167, 171. 172, 185, 186, 188, 191, 195,
203, 207, 211, 212, 215,230, 2>;6, 298. 302, 315.
Y
Yeux, fermés, 161.
Yves (saint), adjuré, 149-150.
Z
Zanetti, 14, 15, 16, 18, 40, 57, 63.
TABLE SYSTÉMATIQUE DES MATIERES
Introduction xv
PREMIÈRE PARTIE
LA VIE HUMAINE
CHAPITRE PREMIER
La fécondité.
1. Pratiques avant la consommation du mariage (p. li. — 2. Pen-
dant la période qui la suit (p. 4). — 3. En cas de stérilité
manifeste (p. 6). —4. La transmission de la fécondité (p. 13).
— î). La stérilité volontaire (p. 14). — 6. Les femmes grosses
et leur protection (p. 16). — 7. Pèlerinages et consultalions
(p. 18). — 8. Tabous de la grossesse (p. 21).
CHAPITRE II
La naissance.
9. Précautions avant et pendant l'accouchement (p.22). — 10. Actes
qui le suivent (p. 29). — 11. Le placenta et le cordon ombi-
lical (p. 30). — 12. Avant et après les relevailles (p. 31). —
13. Actes favorables au nouveau-né : le premier bain (p. 33).
— 14. Pratiques protectrices (p. 36). — lo. L'allaitement et
l'abondance du lait (p. 39). — 16. Le berceau (p. 45). —
17. L'enfant non baptisé (p. 47). — 18. Le baptême (p. 48). —
19. Le retour à la maison (p. 51).
374 TABLE SYSTÉMATIQUE DES MATIÈRES
CHAPITRE III
L'enfance.
20. Les ennemis des enfanls (p. 34). — 21. Préservation lors des
premières sorties (p. 58). — 22. L'évolution : la croissance
favorisée ou retardée (p. 39). — 23. La marche, les dents et
la parole (p. 61). — 24. Le rachitisme guéri par les~eaux ou
les pierres (p. 66). — 23. Les maladies de l'enfance et les pro-
cédés magiques (p. 70). — 26. La coqueluche et les animaux
guérisseurs, le passage à travers l'arbre et les mégalithes
(p. 72). — 27. Les fontaines (p. 80).
CHAPITRE IV
La jeunesse et les amours.
28. La première communion (p. 82). — 29. Le tirage au sort (p. 82).
— 30. Conjurations et pratiques pour savoir si on se mariera
(p. 84). — 31. Pour connaître son futur époux (p. 90). —
32. Procèdes pour se faire aimer (p. 97). — 33. Envoûtements
des insensibles ou des infidèles (p. 103).
CHAPITRE V
Le mariage.
34. Les fiançailles et les procédés d'engagement (p. 108). —35. Les
augures de bonheur (p. 110). —36. Le jour du mariage : actes
de la maison à l'église (p. 111). — 37. Actes pendant et après
la cérémonie(p. 113).- 38. Usages et actes traditionnels(p.il7).
CHAPITRE VI
Les maladies.
39. La guérison par les astres ou les météores (p. 121). — 40. Par
les eaux (p. 123). — 41. Par les pierres (p. 133); — 42. Par le
feu (p. 133). — 43. Par les animaux (p. 133). — 44. La trans-
mission du mal aux arbres (p. 136). — 43. Pratiques en rela-
tion avec les églises (p. 139).
TABLE SYSTÉMATIQUE DES MATIÈRES 375
CHAPITRE VII
La mort.
46. Opérations magiques destinées à faire mourir (p. 140). —
47. Conjurations synallagmatiques (p. 148). — 48. Messes
magiques et envoûtements (p. ioO). — 49. Consultations pour
savoir qui doit mourir (p. lo7). — 50. Si un malade guérira
ou succombera (p. 104). —51. L'agonie (p. 100). — 52. Actes
qui suivent le décès (p. 171). — o3. La veillée et l'ensevelis-
sement (p. 176). — 54. L'enterrement (p. 184). — 53. Précau-
tions pour empêcher le mort de rentrer dans la maison (p. 188i.
50. Consultation pour connaître son sort (p. 189i. — 57. Le
voyage des morts (p. 190). — 38. Visites périodiques des tré-
passés (p. 192). — 39. Les Pénitences des morts (p. 196).
DEUXIEME PARTIE
LES CONSTRUCTIONS ET LES TRAVAUX
CHAPITRE PREMIER
La maison.
60. Le clioix de l'emplacement (p. 198). — 61. Rites de la cons-
truction (p. 190). — 62. Dangers de la maison neuve ip. 201i.
— 63. La cbeminée (p. 208). — 64. Le foyer et le feu (p. 209).
— 63. Vestiges du culte du feu (p. 212). — 66. Actes interdits
à la maison (p. 214).
CHAPITRE II
Les bateaux.
07. La construction et le lancement (p. 216). — 68. Le lest et les
amulettes (p.218|. — 69. Procédés de désensorcellement (p. 220).
376 , TABLE SYSTÉMATIQUE DES MATIÈRES
CHAPITRE III
L'étable et la basse-cour.
70. La protectiOQ de l'étable et du poulailler (p. 222). - 71. Pro-
cèdes pour tabouer les abords de la ferme (p. 224). — 72. Con-
juration des oiseaux de proie et des carnassiers (p. 223). —
7.3. La fécondité et la domestication (p. 228). — 74. Prophy-
laxie des maladies (p. 231). — 75. Procédés magiques pour
la guérison des bêtes (p. 232).
CHAPITRE IV
La culture.
76. les espaces non cultivés (p. 235). — 77. Le labour et l'ense-
mencement (p. 236). — 78. Procédés pour obtenir une bonne
récolte ou pour la pioléger (p. 239). — 79. La préservation
des tourbillons (p. 241). — 80. Les offrandes de gerbes (p. 243).
— 81. Moyens magiques d'exciter la pluie (p. 243). — 82. Par-
ticularités des instruments agricoles (p. 247).
CHAPITRE V
Les arbres.
83. Rites de la plantation (p. 249). - 84. Prévenances à l'égard
des arbres (p. 250). — 85. Moyens de les faire fructifier (p. 251).
- 86. Les premiers fruits (p. 253). - 87. Le respect des
arbres (p. 255).
TABLE SYSTÉMATIQUE DES MATIÈRES 377
TROISIÈME PARTIE
LES FORCES DE LA NATURE
CHAPITRE PRExMIER
Les astres.
88. Le soleil : observances et vestiges de culte (p. 257). — 89. La
lune : puissance et invocations (p. 262), — 90. Les étoiles :
respect qu'on leur porte, oraisons (p. 266). — 91. Les étoiles
filantes (p. 268).
CHAPITRE II
Les météores.
92. L'orage et ses causes (p. 271). — 93. Procédés pour s'en garan
lir (p. 273i. — 94. Les vents personnifiés : procédés magiques
pour lesexciter(p.278). — 95. Procédés pour les calmer (p. 286).
— 96. La brume (p. 287). - 97. La pluie (p. 2S8). - 98. La
neige (p. 289). — 99. L'arc-en-ciel ^p. 291).
CHAPITRE m
Les eaux.
100. Le respect de l'eau (p. 294). - 101. Les fontaines (p. 29S). —
102. Les rivières (p. 299). — 103. Les lacs (p. 301) - 104. La
mer (p. 302).
378 TABLE SYSTÉMATIQUE DES MATIÈRES
CHAPITRE IV
La terre et les pierres.
lO.j. La terre (o. 307i. — lOS. Les montagnes {9. 308). — 107. Les
pierres (p. 309). — 108. Actes rappelant d'anciens cultes (p. 310j.
— 109. Consultations et opérations magiques (p. 313). —
110. Les pierres de malédiction (p. 31o).
APPENDICE
LE PAGANISME DANS LES ÉGLISES
111. Pratiques en relation avec leur extérieur (p. 317). — 112. Pra-
tiques magiques dans les temples (p. 320i. — 113. Les messes
singulières (p. 352). — 114. Vertus de l'autel (p. 324). — 115. Le
bénitier (p. 326). — 116. Les cierges et les envoûtements
(p. 327).
NOTES ADDITIONNELLES
117 Causes qui motivent les actes de paganisme (p. 329;. — 118.
Animisme des forces de la nature et génies qui y président
(p. 331). — 119. Répartition géographique du culte des pierres
et de celui des eaux (p. 3.35). — 120. Génies de la terre (p.
3^6). — 121. Vestiges des anciennes divinités (p. 336). — 122.
Survivances probables de sacerdoces (p. 347). — 123. Toté-
mismes et tabous (p. 3.39). — 124. Les pérégrinations des
morts (p. 340) — 123. Vitalité du paganisme (p. 341).
Lndex bibliographique 343
Table alphabétique des auteurs et des matières . 3.33
Table systé.matique des matières 373
Paris-Lille, A. Taffin-Lefort. — 07.77.
%
OCTAVE DOIX, ÉDITEUR, 8, PLACE DE l'oDÉOX, PARIS
ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
Publiée sous la direction du D' TOULOUSE
Nous avons entrepris la publication, sous la direction
générale de son fondateur, le D"" Toulouse, Directeur à
l'Ecole des Hautes-Etudes, d'une Encyclopédie scientifique
de langue française dont on mesurera l'importance à ce fait
qu'elle est divisée en 40 sections ou Bibliothèques et qu'elle
comprendra environ 1000 volumes. Elle se propose de riva-
liser avec les plus grandes encyclopédies étrangères et
même de les dépasser, tout à la fois par le caractère nette-
ment scientifique et la clarté de ses exposés, par l'ordre
logique de ses divisions et par son unité, enfin par ses
vastes dimensions et sa forme pratique.
PLAN GÉNÉRAL DE L'ENCYCLOPÉDIE
Mode de publication. — L'Encyclopédie se composera de mono-
giapliics scieiitiliqiies, classées métliodiqiiemcnt et l'ormant dans
leur enchaînement un expose de toute la science. Organisée sur
un plan systématique, cette Encyclopédie, tout en évitant les
inconvénients des Traités, — massifs, d'un prix global élevé, dif-
ficiles à consulter^ — et les inconvénients des Dictionnaires, —
où les articles scindés irrationnellement, simples chapitres alpha-
bétiques, sont toujours nécessairement incomplets, — réunira les
avantages des uns et des autres.
Du Traité, V Encyclopédii gardera la supériorité que possède
Il ENCYCLOPÉDIE SCIENTIFIQUE
un ensemble complet, bien divisé et fournissant sur chaque science
tous les enseignements et tous les renseignements qu'on en réclame.
Du Dictionnaire, l'Encyclopédie gardera les facilités de recherches
par le moyen d'une table générale, VIndex de l'Encyclopédie qui
paraîtra dès la publication d'un certain nombre de volumes et sera
réimprimé périodiquement. V Index renverra le lecteur aux différents
volumes et aux pages où se trouvent traités les divers points d'une
question.
Les éditions successives de chaque volume permettront de
suivre toujours de près les progrès de la science. Et c'est par là
que s'affirme la supériorité de ce mode de publication sur tout
autre. Alors que, sous sa masse compacte, un traité, un diction-
naire ne peut être réédité et renouvelé que dans sa totalité et
qu'à, d'assez longs intervalles, inconvénients graves qu'atténuent
mal des suppléments et des appendices, l'Encyclopédie scienti-
fique, au contraire, pourra toujours rajeunir les parties qui ne
seraient plus au courant des derniers travaux importants. Il est
évident, par exemple, que si des livres d'algèbre ou d'acoustique
physique peuvent garder leur valeur pendant de nombreuses
années, les ouvrages exposant les sciences en formation, comme
la chimie physique, la psychologie ou les technologies indus-
trielles, doivent nécessairement être remaniés à des intervalles
plus courts.
Le lecteur appréciera la souplesse de publication de cette Ency-
clopédie, toujours vivante, qui s'élargira au fur et à mesure des
besoins dans le largo cadre tracé dès le début, mais qui constituera
toujours, dans son ensemble, un traité complet de la Science, dans
chacune de ses sections un traité complet d'une science, et dans
chacun de ses livres une monographie complète. Il pourra ainsi
n'acheter que telle ou telle section de VEncyclopédie, sûr de n'avoir
pas des parties dépareillées d'un tout.
L'Encyclopédie demandera plusieurs années pour être achevée ;
car pour avoir des expositions bien faites, elle a pris ses colla-
borateurs plutôt parmi les savants que parmi les professionnels
de la rédaction scientifique que l'on retrouve généralement dans
les œuvres similaires. Or les savants écrivent peu et lentement;
et il est préférable de laisser temporairement sans attribution
certains ouvrages plutôt que de les confier à des auteurs insuffi-
sants. Mais cette lenteur et ces vides ne présenteront pas d'in-
ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE III
convcnients, puisque chaque livre est une œuvre indépendante
et que tous les volumes publics sont à tout moment réunis par
Y Index de l'Encyclopédie. On peut donc encore considérer ri-",ncy-
clopédic comme une librairie, où les livres soigneusement choisis,
au lieu de représenter le hasard dune production individuelle,
obéiraient à un plan arrêté d'avance, de manière qu'il n'y ait ni
lacune dans les i)arties ingrates, ni double emploi dans les parties
très cultivées.
Caractère scientifique des ouvrages. — Actuellement, les livres de
science se divisent en <leux classes bien distinctes : les livres
destinés aux savants spécialisés, le plus souvent incompréhensibles
pour tous les autres, l'aute de rappeler au début des chapitres
les connaissances nécessaires, et surtout faute de définir les
nombreux termes techniques incessamment forgés, ces derniers
rendant un mémoire d'une science particulière inintelligible à un
savant qui en a abandonné l'étude durant quelques années ; et
ensuite les livres écrits pour le grand public, qui sont sans profit
pour des savants et même pour des personnes d'une certaine culture
intellectuelle.
L'Encyclopédie scientifique a l'ambition de s'adresser au public
le plus large. Le savant spécialisé est assuré de rencontrer dans
les volumes de sa partie une mise au point très exacte de l'état
actuel des questions ; car chaque Bibliothèque, par ses techniques
et ses monographies, est d'abord faite avec le plus grand soin
pour servir d'instrument d'études et de recherches à ceux qui
cultivent la science particulière qu'elle représente, et sa devise
pourrait être : Par les savaitls, pour les savants. Quelques-uns
de CCS livres seront même, par leur caractère didactique, desti-
nés à devenir des ouvrages classiques et à servir aux études de
l'enseignement secondaire ou supérieur. Mais, d'autre part, le
lecteur non spécialisé est certain de trouver, toutes les fois que
cela sera nécessaire, au seuil de la section. — dans un ou plu-
sieurs volumes de généralités, — et au seuil du volume, — dans
un chapitre particulier, — des données qui formeront une véri-
table introduction le mettant à même de poursuivre avec profit sa
lecture. Un vocabulaire technique, placé, quand il y aura lieu, à
la fin du volume, lui permettra de connaître toujours le sens des
mots spéciaux.
IV
ENCVCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
II
ORGANISATION SCIENTIFIQUE
Par son organisation scientifique, ï Encyclopédie paraît devoir
oflrir aux lecteurs les meilleures garanties de compétence. Elle
est divisée en sections ou Bibliothèques, à la tête desquelles sont
placés des savants professionnels spécialisés dans chaque ordre
de sciences et en pleine force de production, qui, d'accord avec
le Directeur général, établissent les divisions des matières, choi-
sissent les collaborateurs et acceptent les manuscrits. Le même
esprit se manifestera partout : éclectisme et respect de toutes les
opinions logiques, subordination des théories aux données de l'expé-
rience, soumission à une discipline rationnelle stricte ainsi qu'aux
règles d'une exposition méthodique et claire. De la sorte, le lecteur,
qui aura été intéressé par les ouvrages d'une section donfil sera
l'abonné régulier, sera amené à consulter avec confiance les livres
des autres sections dont il aura besoin, puisqu'il sera assuré de
trouver partout la même pensée et les mômes garanties. Actuelle-
ment, en efi'et, il est, hors de sa spécialité, sans moyen pratique de
juger de la compétence réelle des auteurs.
Pour mieux apprécier les tendances variées du travail scienti-
fique adapté à des fins spéciales, V Encyclopédie a sollicité, pour
la direction de chaque Bibliotlièque, le concours d'un savant placé
dans le centre même des études du ressort. Elle a pu ainsi i-éunir
des représentants des principaux corps savants, Établissements
d'enseignement et de recherches de langue française :
Institut.
Académie de Médecine.
Collège de France.
Muséum d'Histoire naturelle.
École des Hautes-Études.
Sorbonne et École normale.
Facultés des Sciences.
Facultés des Lettres.
Facultés de Médecine.
Instituts Pasteur.
École des Ponts et Chaussées.
École des Mines.
École Polytechnique.
Conservatoire des Arts et Mé-
tiers.
École d'Anthropologie.
Institut National agronomique.
École vétérinaire d'.Alfort.
École supérieure d'Électricité.
École de Chimie industrielle de
Lyon.
École des Beaux- A rts.
École des Sciences politiques.
Observatoire de Paris.
Hôpitaux de Paris.
ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE V
III
BUT DE L'ENCYCLOPÉDIE
Au XVIII8 siècle, « rEncyclopédie » a marqué un magnifique mou-
vement de la pensée vers la criii(iuo rationnelle. A cette époque,
une telle manifestation devait avoir un caractère pliilosophiquc.
Aujourd'hui, l'heure est venue de renouveler ce grand effort de
critique, mais dans une direction strictement scientifique; c'est là le
but de la nouvelle Encyclopédie.
Ainsi la science pourra lutter avec la littérature pour la direc-
tion diss esprits cultivés, qui, au sortir des écoles, ne demandent
guère de conseils qu'aux œuvres d'imagination et à des encyclo-
pédies où la science a une place restreinte, tout à l'ait hors de
proportion avec son importance. Le moment est favorable à cette
tentative ; car les nouvelles générations sont plus instruites dans
l'ordre scientifique que les précédentes. D'autre part la science
est devenue, par sa complexité et par les corrélations de ses
parties, une matière qu'il n'est plus possible d'exposer sans la
collaboration de tous les spécialistes, unis là comme le sont les
producteurs dans tous les départements de l'activité économique
contemporaine.
A un autre point de vue, V Encyclopédie, embrassant toutes
les manifestations scientifiques, servira comme tout inventaire
à mettre au jour les lacunes, les champs encore en friche ou
abandonnés, — ce qui exphquera la lenteur avec laquelle cer-
taines sections se développeront, — et suscitera peut-être les
travaux nécessaires. Si ce résultat est atteint, elle sera fière d'y
avoir contribué.
Elle apporte en outre une classification des sciences et, par ses
divisions, une tentative de mesure, une limitation de chaque domaine.
Dans son ensemble, elle cherchera à refléter exactement le prodi-
gieux effort scientifique du commencement de ce siècle et un moment
de sa pensée, en sorte que dans l'avenir elle reste le document
principal où l'on puisse retrouver et consulter le témoignage de cette
époque intellectuelle.
On peut voir aisément que l'Encyclopédie ainsi conçue, ainsi
réalisée, aura sa place dans toutes les bibliothèques publiques,
universitaires et scolaires, dans les laboratoires, entre les mains
VI ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
des savants, des industriels et de tous les hommes instruits qui
veulent se tenir au courant des progrès, dans la partie qu'ils cul-
tivent eux-mêmes ou dans tout le domaine scientifique. Elle fera
jurisprudence, ce qui lui dicte le devoir d'impartialité qu'elle aura
à remplir.
Il n'est plus possible de vivre dans la société moderne en ignorant
les diverses formes de cette activité intellectuelle qui révolutionne
les conditions delà vie; et l'interdépendance de la science ne permet
plus aux savants de rester cantonnés, spécialisés dans un étroit
domaine. Il leur faut, — et cela leur est souvent difficile, — se
mettre au courant des recherches voisines. A tous ï Encyclopédie
offre un instrument unique dont la portée scientifique et soci'ale ne
peut échapper à personne.
IV
CLASSIFICATION DES MATIÈRES SCIENTIFIQUES
La division de V Encyclopédie en Bibliothèques a rendu néces-
saire l'adoption d'une classification des sciences, où se manifeste
nécessairement un certain arbitraire, étant donné que les sciences
se distinguent beaucoup moins par les diiïérenres de leurs objets
que par les divergences des aperçus et des habitudes de notre
esprit. Il se produit en pratique des interpénétrations réciproques
entre leurs domaines, en sorte que, si l'on donnait à chacun
l'étendue à laquelle il peut se croire en droit de prétendre, il
envahirait tous les territoires voisins ; une limitation assez stricte
est nécessitée par le fait même de la juxtaposition de plusieurs
sciences.
Le plan choisi, sans viser à constituer une synthèse philosophique
des sciences, qui ne pourrait être que subjective, a tendu pourtant à
échapper dans la mesure du possible aux habitudes traditionnelles
d'esprit, particulièrement à la routine didactique, et à s'inspirer de
principes rationnels.
11 y a deux grandes divisions dans le plan général de V Ency-
clopédie : d'un côté les sciences pures, et, de l'autre, toutes les
technologies qui correspondent à ces sciences dans la sphère des
applications. A part et au début, une Bibliothèque d'introdnc-
ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE Vil
tioii générale est consacrée à la piiilosophie des sciences (liistoirc
des idées directrices, logique et métliodologie).
Les sciences pures et appliquées présentent en outre une divi-
sion générale en sciences du monde inorganique et en sciences
biologiques Dans ces deux grandes catégories, Tordre est celui
de particularité croissante, qui marche parallèlement à une rigueur
décroissante. Dans les sciences biologiques pures enfin, un groupe
de sciences s'est trouvé mis à part, en tant qu'elles s'occupent
moins de dégager des lois générales et abstraites que de l'ournir
des monographies d'êtres concrets, de])uis la paléontologie jusqu'à
ranthropologie et rethnogra])liie.
Étant donnés les principes rationnels qui ont dii'igé cette classi-
fication, il n'j- a pas lieu de s'étonner do voir apparaître des
groupements relativement nouveaux, une biologie générale, —
une physiologie et une pathologie végétales, distinctes aussi
bien de la botanique que de l'agriculture, — une chimie phy-
sique, etc.
En revanche, des groupements liétérogcnes se disloquent pour
que leurs parties puissent prendre place dans les disciplines
auxquelles elles doivent revenir. La géographie, par exemple,
retourne à la géologie, et il y a des géographics botanique,
zoologique, anthropologique, économique, qui sont étudiées dans
la botanique, la zoologie, l'anthropologie, les sciences écono-
miques.
Los sciences médicales, immense juxtaposition de tendances
très diverses, unies par une tradition utilitaire, se désagrègent
en des sciences ou des techniques précises ; la pathologie,
science de lois, se distingue de la thérapeutique" ou de l'hygiène,
qui ne sont que les applications des données générales fournies
par les sciences pui'es, et à ce titre mises à leur place ration-
nelle.
Enfin, il a paru bon de renoncer à l'anthropocentrisme qui
exigeait une physiologie humaine, une anatomie humaine, une
embryologie humaine, une psychologie humaine. L'homme est
intégré dans la série animale dont il est un aboutissant. Et ainsi,
son organisation, ses fonctions, son développement s'éclairent de
toute l'évolution antéiieure et préparent l'étude des formes plus
complexes des groupements organiques qui sont ofl'erts par l'étude
des sociétés.
22
VIII ENCYCLOPEDIE SCIENTIFIQUE
On peut voir que, malgré la prédominance de la préoccupation
pratique dans ce classement des Bibliothèques de VEncgclopédie
scientifique, le souci de situer rationnellement les sciences dans
leurs rapports réciproques n'a pas été négligé, Enfin il est à
peine besoin d'ajouter que cet ordre n'implique nullement une
hiérarchie, ni dans l'importance ni dans les difficultés des diverses
sciences. Certaines, qui sont placées dans la technologie, sont
d'une complexité extrême, et leurs recherches peuvent figurer
parmi les plus ardues.
Prix de la publication. — Les volumes, illustrés pour la plupart,
seront publiés dans le format in-18 Jésus et cartonnés. De dimen-
sions commodes, ils auront 400 pages environ, ce qui représente
une matière suffisante pour une monographie ajant un objet défini
et important, établie du reste selon l'économie du projet qui saura
éviter l'cmiettement des sujets d'exposition. Le prix étant fixé
uniformément à 5 francs, c'est un réel progrès dans les conditions
de publication des ouvrages scientifiques, qui, dans certaines spécia-
lités, coûtent encore si cher.
TABLE DES BIBLIOTHEQUES
Directeur : D'' Toulouse, Directeur de Laboratoire à l'tcolo des Hautes-Études.
Secrétaire géséral : H. Piéron, agrégé de l'Université.
Directeurs des Bibliotbèques :
1. Philosophie des Sciences. P. Paiklevé, de l'Institut, professeur à la
Sorbonue.
I. Sciences pures
A. Sciences matliématiques :
2. ilathématiques, . . . .J. Drach, professeur àla Faculté des Sciences
de l'Université de Poitiers.
Z. Mécanique J. Drach, professeur àla Faculté des Sciences
de l'Université de Poitiers.
B. Sciences inorganiques :
4. Physique A. Leduc, professeur adjoint de physique à
la Sorbonne.
5. Chimie physique . . . J. Perrix, chargé de cours à la Sorbonne.
G. Chimie . . ... A. Pk.tet, professeur à la Faculté des Sciences
de l'Université de Genève.
7. Asironomie et Physique J. Mascart, astronome adjoint à l'Observa-
célesle toire de Paris.
8. Météorologie . . . . B. Brushes , professeur à la Faculté des
Sciences, directeur de l'Observatoire de
Clerinont-Ferrand.
9. Minéralogie et Pélro- A. Lacroix, de l'Institut, professeur au Mu-
graphie séuni d'Histoire naturelle.
10. Géologie M, Boule, professeur au Muséum d'Histoire
naturelle.
11. Océanographie physique . J. Richard, directeur du Musée Océanogra-
phique de Monaco.
X TABLE DES BIBLIOTHÈQUES
C. Sciences biologiques normatives :
/' A. Biologie M. Caullery, jjrofesseur adjoint à la Sor-
l générale . bonne.
12. Biologie < g, Océano- J. Richard, directeur du Musée Océanogra-
/ graphie phique de Monaco.
biologique
13. Physique biologique. . A. Imbert, professeur à la Faculté de Méde-
cine de l'Université de Montpellier.
14. Chimie biologique . . G. Bertrand, chargé de cours à la Sorbonne.
iô. Physiologie et Pulholo- L. Mangin, professeur au Muséum d'Histoire
gie végétales. . . . naturelle.
16. Physiologie J.-P. Langlois. professeur agrégé à la Fa-
culté de Médecine de Paris.
i". Psychologie E. Toulouse, direi-teur de Laboratoire à
l'Ecole des Hautes-Études, médecin en chef
de l'asile de Villejuif.
18. Sociologie G. Richard, professeur ;i la Faculté des
Lettres de l'Université de Bordaaux.
19. .Microbiologie et Parasi- A. Calmette, professeur à la Faculté de Mé-
tologie decine de l'Université, directeurde l'Insti-
tut Pasteur de Lille.
iA. Pathologie M. Klippel, médecin des Hôpitaux de Paris.
médicale .
B. Neurologie. E. Toulouse, directeur de Laboratoire à
loijie. \ ' '^^ole des Hautes-Etudes, médecin en chef
I de l'asile de Villejuif.
'.C.Path. chi- L. PicquÉ, chirurgien des Hôpitaux de Paris.
^ rurgicale .
D. Sciences biologiques descriptives :
21. Paléontologie .... M. Boule, professeur au Muséum d'Histoire
naturelle.
/A. Généralités H. Lecomte, professeur au Muséum d'His-
i et phar, ' ' ' • ■•
22. Bol a- } rogames
et phané- toire naturelle.
rogames .
nique. \
/B. Cryptoga- L. Masgin, professeur au Muséum d'Histoire
' mes. . . naturelle.
23. Zoologie G. Loisel, directeur de Laboratoire à l'École
des Hautes-Études.
TABLE DES lillîMOTHKQUES XI
2i. Anatomic et Embryolo- G. LoisEL.iliivcleiu- de Laboratoire à l'Ecole
gie des Hautes-Etudes.
25. Anthropologie et Ethno- G. Papillaulï, directeur-adjoint du Labo-
gmphie ratoire d'Anthropologie de l'Ecole des
Hautes-Études, iirofesseur à l'Ecole d'An-
thropologie.
26. Économie politique . . D. Bellet, professeur à l'Ecole des Sciences
|)olitiiiues.
II. Sciences appliquées
A. Sciences mathématiques :
27. yiathématiques appli- M. d'Ocagxe, professeur à l'Ecole des Ponts
quées et Chaussées, répétiteur à l'Ecole poly-
technique.
2S. Mécanique appliquée et M. d'Ocagne, professeur à l'Ecole des Ponts
génie et Chaussées, répétiteur à l'Ecole poly-
technique.
B. Sciences inorganiques :
29. Industries physiques. . H. Chaumaj, sous-directeur de l'Ecole supé-
rieure d'Electricité de Paris.
30. Pliotoaraphie .... A. Seyewetz, sous-directeur de l'Ecole de
Chimie industrielle de Lyon.
31. Industries chimiques . J. Derôme, professeur agrégé de physique
au collège Chaptal, inspecteur des Etablis-
sements classés.
32. Géologie et minéralogie L. Cayeux, professeur à l'Institut national
appliquées .... agronomique, professeur de géologie à
l'Ecole des Mines.
31. Construclion . . . . J. Pillet, professeur au Conservatoire des
Arts et Métiers et à l'École des Beaux-Arts.
C. Sciences biologiques :
31. Industries biologiques . G. Bektraxd. chargé de cours à la Sorbonne.
35. Botanique appliquée et H. Lecomte, professeur au Muséum d'ilis-
agriculture .... toire naturelle.
liQ. Zoolojie appliquée . . R. Barox. professeur à l'Ecole vétérinaire
d'Alfort.
XII
TABLE DES BIBLIOTHEQUES
3". Thcrapeulique générale G. Pouchet, membre de l'Académie de- lue-
el pharmacologie . . decine, professeur à la Faculté de Médecine
de l'Université de Pkris,
38. Hygiène et médecine A. Calmette, professeur à la Faculté de Mé-
publiqucs. . . .
39. Psychologie appliquée
40. Sociologie appliquée .
decine de l'Université, directeur de l'Insti-
tut Pasteur de Lille.
E. ToDi-ousE, directeur de Laboratoire à
l'École des Hautes-Etudes, médecin en chef
de l'asile de Villejuif.
Th. Ruyssex, professeur à la Faculté des
Lettres de l'Université de Dijon.
t
M. Albert Maire. Iiibliothécaire à la Sorbonne, est chargé de VIndex
de l'Encyclopédie scientifique.
1
I
University of Toronto
Library
DO NOT
REMOVE
THE
CARD
FROM
THIS
POCKET
Acme Library Gard Pocket
LOWE-MARTIN CO. UMITKD